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vendredi 21 décembre 2018

Les sept nuits de Samhain - première année

Pour fêter dignement Samhain (fête celtique marquant le début de la Période Sombre et où les Celtes honoraient les défunts par des banquets rituels en leur mémoire), je vous propose une série de contes, légendes et anecdotes (provenant de multiples cultures).

Étant donné que Samhain est une période où les frontières entre notre monde et l'Autre Monde sont minces, il n'est pas rare de croiser des Revenants, des Élémentaires ou même des divinités des temps passés.

Vous comprendrez donc que la thématique de ces textes tournera autour : de la mort, des Fantômes, des Spectres, des Élémentaires - de sinistre réputation de préférence - et autres créatures peuplant les cimetières vétustes, les ruines, les marais et autres lieux considérés comme néfastes.

La fête se déroulant pendant sept jours (trois jours avant la pleine lune d'octobre, durant la pleine lune et trois jours après), vous aurez donc sept récits à lire.

Je vous encourage à les partager sans retenue pour en faire profiter votre entourage ou votre famille. Vous raviverez ainsi un peu l'antique tradition où les familles et le voisinage se rassemblaient bien au chaud près du feu, pour écouter les récits terrifiants de l'aïeul ou du conteur local.

Bonne lecture et joyeuse Samhain à toutes et tous !

Première nuit :

Joyeuse Samhain à toutes et à tous !

Pour fêter le premier jour de la fête dédiée au début de la saison sombre, je vous offre l'extrait d'un texte parlant d'une créature que beaucoup connaissent : le Loup-Garou (personne capable ou obligée de se métamorphoser en loup - de manière partielle ou complète). L'extrait montre la cruauté des jugements concernant les personnes ayant été accusées d'être des Loups-Garous. Évitez de manger en lisant :

The Wolf Eschenbach
Gravure épinglée datée de 1685 et représentant le Loup d'Eschenbach (Allemagne), piégé dans un puits.

"Les techniques d'exécutions présentent des constantes, le bûcher, parfois après étranglement, le bannissement, mais aussi des particularismes. En Moyenne Allemagne, une certaine Veronika est passée par l'épée puis incinérée, et en 1650 un homme subit le même sort. À Paderborn {ville d'Allemagne Centrale}, en 1598, un Loup-Garou reçoit un horrible traitement : on lui arrache le cœur et on le lui place dans la bouche, puis on coupe le corps en quatre et on brûle les morceaux sauf la tête qui est passée par le feu et roussie et, enfin, plantée sur un pieu de fer fixé sur une roue avec un loup en bois au-dessus."
- Extrait du livre : "Elle courait le Garou - Lycanthropes, hommes-ours, hommes-tigres Une anthologie" de Claude Lecouteux.
Il n'était pas conseillé à l'époque d'être réputé velu...

Deuxième nuit :

Pour le deuxième jour de Samhain, voici un conte japonais (condensé par mes soins) datant probablement de l'Ère Edo (1600 - 1868) :

Un marchand d'étoffes s'en vint à Edo {ancien nom de Tokyo} pour vendre ses marchandises. Malheureusement, les affaires furent mauvaises et il décida de regagner sa province au plus vite.

Pour épargner un peu sa bourse et échapper à l'orage, il gagna une maison abandonnée et s'y abrita. Dans une pièce délabrée aux cloisons de papier déchirées, il posa son paquetage et s'étendit sur une vieille natte, se servant de son manteau comme d'une couverture.

Réveillé par les grondements du ciel, il eut la désagréable sensation d'être observé. Scrutant la pièce à chaque nouvel éclair, il crut voir briller quelque chose entre les croisillons de papier déchiqueté. À première vue, ça ressemblait à des pierres rondes cerclées de blanc, mais en s'approchant, il eut un mouvement de recul en constatant qu'il s'agissait d'yeux qui le fixaient.

Mokumokuren
Illustration d'auteur inconnu représentant Mokumokuren en train de se déchaîner.

Terrifié, le marchand se cacha sous sa couverture improvisée, recroquevillé, les yeux clos et priant pour que le Yokai le laisse en paix. L'attente, le stress et la fatigue aidant, le pauvre homme finit par s'endormir. Lorsqu'il se réveilla, il faisait toujours nuit mais les yeux avaient disparu. Il eut beau chercher dans les moindres recoins de la masure, les globes oculaires s'étaient bel et bien volatilisés.
- Ce texte est une version modifiée (par mes soins) et tirée du livre intitulé : "Contes d'une Grand-Mère Japonaise" d'Yveline Féray.

Il existe une suite à ce conte que je réserve pour une autre fois. Le Yokai de cette histoire se nomme Mukomokuren ("Nombreux Yeux").

Troisième nuit :

Troisième jour, troisième histoire. Cette fois elle nous vient d'Islande :

"C'est amusant, l'obscurité :
Jadis, et jusqu'à nos jours, on avait coutume en Islande, de veiller les morts et le plus souvent on disposait d'une bougie si la nuit n'était pas tout à fait claire. Un jour, un Sorcier peu ordinaire vint à mourir. Personne n'avait vraiment envie de veiller son corps. Cependant on trouva pour le faire un homme aussi courageux qu'il était fort. Veiller ne lui déplaisait pas. la nuit qui précéda la mise en bière, la bougie s'éteignit peu avant l'aube. Alors le mort se leva et dit "C'est amusant, l'obscurité." Le veilleur répondit : "Tu n'en profiteras guère." Puis il déclama ce poème :

"Le monde s'éclaire à présent,
la nuit a touché à sa fin.
C'était une bougie, mais tu es poussière,
alors tais-toi maintenant !"

The Dance of the Dead -  Adriaen Pietersz van de Venne
Huile sur toile intitulée : "La Danse de la Mort" et réalisée par le peintre hollandais Adriaen Pietersz van de Venne.

Ensuite il se jeta sur le mort et le maîtrisa. Le cadavre ne bougea plus le restant de la nuit."
- Conté par Einar Bjarnason et rapporté par Jon Arnason.

Quatrième et cinquième nuit :

Voici le quatrième extrait (venu du Pays de Galles), consacré cette fois à l'Autre-Monde :

"Le harpeur et les Fées :

Il y avait une fois, dans un endroit très reculé du Denbighshire {dans le Nord du Pays de Galles}, dans la paroisse de Hafod Elwyt, un vieil harpeur {harpiste} nommé Shon Robert, qui était souvent invité à jouer pour les danseurs lors des différentes fêtes, ou à accompagner les chanteurs.

Un soir, il alla à Llechwedd Llyfn, près de Cefn Brith, pour une jolie fête, et la soirée s'acheva bien tard. Enfin le harpeur prit le chemin du retour. Ce chemin passait par la montagne chauve. En passant près d'un lac appelé Llyndau-Ychain, grande fut sa surprise de voir sur les berges un véritable palais brillamment illuminé, là où il n'avait jamais rien vu auparavant. Il continua de marcher et, arrivé à la hauteur de ce merveilleux château, il fut hélé par un serviteur qui l'invita à y entrer. Il accepta de bon gré l'invitation, et fut introduit dans un magnifique salon où se tenait un bal fastueux. Aussitôt, les invités entourèrent le vieux harpeur, se firent très amicaux et, à son grand étonnement, s'adressèrent à lui par son prénom...

Fairy Castle
Ravissante illustration ci-dessous réalisée par Devin Gao.

La salle était incomparablement meublée et décorée de riches tapisseries ; nombre d'objets étaient même en or massif. Un échanson proposa au musicien un gobelet de vin pétillant, que celui-ci sut apprécier. On demanda alors au harpeur de jouer pour l'assemblée, à la plus grande satisfaction des invités. Puis l'un des hôtes prit son chapeau et fit la quête pour le musicien, le ramenant plein de pièces d'or et d'argent. La fête continua avec beaucoup de gaieté et de magnificence jusqu'à l'aube. Mais, au premier chant du coq, les convives disparurent, laissant Shon tout seul.

Avisant un magnifique canapé, il s'y allongea et s'endormit aussitôt. Lorsqu'il s'éveilla, il était déjà midi et, à son grand désappointement, il se retrouvait sur un tas de bruyère. Le palais magnifique s'était évanoui. Quant à l'argent de la quête, qu'il avait transféré de son chapeau à sa besace, il n'en restait plus qu'un tas de feuilles sèches."
- Conte provenant du livre "Welsh Folklore" ("Folklore gallois"), traduit par Mike James et remanié par Gérard Lomenec'h dans l'ouvrage intitulé : "Contes Populaires des Pays Celtiques". Je l'ai laissé tel quel hormis les annotations afin de faciliter votre compréhension du texte.

Fairies
Illustration un brin romantico-gnangnan réalisée par Richard Doyle en 1870.

Sixième nuit :

Sixième extrait. Cette fois il s'agira d'un Non-Mort fort complexe que je n'ai pas encore eu le temps de voir avec vous. À savoir le Vampire (et le Cauchemar puisque la créature a les caractéristiques de ces deux êtres) :

Vampire or Demon in disguise
Gravure - d'Auteur Inconnu - représentant soit un Vampire ("modernisé") soit un Démon sous forme humaine.

"En 1591, un cordonnier se tranche la gorge dans une célèbre ville silésienne. On ignore la cause du suicide. Sa femme raconte qu'il a succombé à une attaque. Au bout de six semaines, un bruit court dans la ville : un Fantôme ressemblant au cordonnier afflige et écrase les dormeurs. En même temps, une rumeur se répand, disant que le cordonnier s'est suicidé. Les parents du mort s'opposent à l'exhumation du corps, mais le défunt se jette sur le lit des dormeurs, s'agrippe à eux et tente de les étrangler, pèse si fort qu'on voit sur leur corps des marques blêmes le lendemain matin, et même des traces de doigts plusieurs heures après. Finalement, le peuple effrayé fait exhumer le corps qui a reposé en terre du 22 septembre 1591 au 18 avril 1592. On découvre que le cadavre est intact, très gonflé, que la peau des pieds est tombée et qu'une autre a repoussé. Au bout de vingt-quatre heures, on l'ensevelit de nouveau, mais en une place infamante. Pourtant, le mort continue ses méfaits jusqu'à ce qu'on lui tranche la tête, les membres, les mains et les pieds le 7 mai 1592 et qu'on lui ouvre le dos. On trouve son cœur intact, comme celui d'un veau que l'on vient d'abattre. On dresse un bûcher et on incinère le corps. On surveille les cendres durant la nuit afin que les gens ne s'en emparent pas pour agir de façon criminelle ; le lendemain, on les place dans un sac que l'on jette dans la rivière. Désormais, on connut la paix."
- Traduit de l'ouvrage intitulé "Schlesisches historisches Labyrinth" par Claude Lecouteux.

Septième nuit :
Septième extrait tout frais :

À proximité de la Préfecture de Yang-hsin {une préfecture chinoise qui m'est inconnue} se trouvait une auberge tenue par un vieillard et son fils. Un soir, quatre voyageurs fourbus demandèrent à y loger. Malheureusement, toutes les chambres étaient occupées. Devant l'insistance du quatuor, l'aubergiste céda et les envoya dans une chambre où reposait le cadavre de la belle-fille de l'aubergiste (décédée il y a peu).

Fourbus, les voyageurs s'endormirent aussitôt à l'exception d'un seul, mal à l'aise à l'idée de coucher près d'une morte.

Alerté par un craquement, le voyageur écarquilla les yeux de terreur en voyant le cadavre se dresser et se diriger vers les couchettes de ses compères. Voyant que la morte se penchait et soufflait son haleine méphitique au visage des dormeurs, il cacha discrètement sa tête sous les draps, et bloqua sa respiration lorsque le cadavre ambulant s'approcha pour lui souffler au visage.

Passé ce désagréable moment, il souleva un coin de drap et constata que la morte avait regagné sa place. Pressé de quitter cet endroit, il s'habilla à la hâte et courut vers la sortie. Alertée par le bruit, la morte se dressa et se jeta à sa poursuite.

Chinese Ghost
Illustration créée par Clementmeriguet.

Parvenu sur le seuil d'un monastère, le voyageur tambourina à la porte mais le portier, trouvant son histoire trop farfelue, refusa de le laisser entrer...

Acculé et voyant surgir le cadavre ambulant, il n'eut d'autre choix que de s'abriter derrière un arbre et de tourner autour pour éviter les assauts de son adversaire. Agacée par ce manège, la morte bondit griffes en avant, manqua de peu le voyageur et se retrouva les mains encastrées dans le tronc de l'arbre...

Le lendemain, le portier du monastère eut la surprise de trouver le farfelu d'hier évanoui accompagné du corps d'une jeune fille planté dans un arbre...
- Texte de Yuan Mei, tiré du livre : "Ce que Confucius n'a pas dit" et remanié par mes soins.

Et c'était le dernier extrait. J'espère que ce petit extra vous aura plu. N'hésitez pas à me donner votre avis pour voir si vous souhaitez à nouveau que je farfouille une prochaine fois dans mes livres pour commémorer de temps à autre l'une ou l'autre fête.

Remerciements :

Pour la rédaction de ce court article, je remercie :

- Les différents artistes (cités sur chaque illustration) dont les créations ont pu égayer cet article.

- Mel pour son aide dans la correction.

- Idraemir

jeudi 20 décembre 2018

Annonce - nouvelle section et dépoussiérage du site

Ne soyez pas surpris si vous n'avez pas eu de mes nouvelles pendant une longue période, la surcharge de travail et une bonne crise de la page blanche ont un brin freiné mes élans créatifs.

Ce n'est pas pour autant que j'ai abandonné l'idée d'écrire ou de publier mes recherches. J'ai d'ailleurs continué à amasser diverses données sur le folklore ou le monde vidéoludique (en lien avec les créatures "fantastiques").

Je suis en ce moment en train de préparer des sources de base pour un article traitant d'un sujet assez rare et les sources sont malheureusement presque toutes rédigées dans un anglais parfois vieillot avec des expressions pas toujours aisées à traduire. Vous imaginez donc que ça prend beaucoup de temps et d'énergie, le tout à une allure d'escargot. Mais il faudra bien un jour que j'en voie le bout et que vous tombiez dessus.

En attendant, et vu le succès de mes histoires de Samhain (sept récits liés aux Spectres, Fantômes et autres créatures de la nuit), j'ai ouvert une nouvelle section dans la Table des Matières du site, à savoir : les "Contes et légendes de Samhain et Beltaine".

J'ai publié pendant trois années consécutives cette série de récits et je vous propose une nouveauté à ce sujet. Puisque je fête avec vous le début de la Saison Sombre Celte, pourquoi ne pas équilibrer en fêtant également le début de la Saison Lumineuse ?

Vous devriez donc trouver - vers le trente avril ou le premier mai - des courts récits liés au folklore et dont la thématique tournera autour de quelque chose de plus joyeux et estival (je me creuserai le cabochon à ce sujet en temps voulu).

Vous pourrez donc lire très bientôt, dans la nouvelle section, la première série de textes de Samhain (publiée il y a trois ans) et vous aurez également droit aux deux autres pour le mois de janvier et celui de février. De quoi vous faire patienter en attendant qu'un article plus solide ne fasse son apparition.

Whitby's Hand of Glory
La Main de Gloire de Whitby exposée au Whitby Museum.

Je vous offre également - au passage - un petit échantillon folklorique de mon dernier voyage dans le Nord de l'Angleterre et de l'Écosse avec cette Main de Gloire (vous trouverez des informations à son sujet en allant consulter le chapitre portant son nom dans l'article consacré à la Mandragore).

Je traiterai d'autres photos du même genre dans les prochains mois, donc, n'oubliez pas de faire un tour sur ma page de travaux visuels de temps à autre.

Conclusion :

Une note courte après une longue absence pourra en chagriner certains mais consolez-vous puisque je ne viens pas les mains vides. Ce sera pour moi ma façon de fêter Yule (l'ancêtre de Noël chez les Germains) avec vous et de vous faire un petit présent de fin d'année.

Sur ce, portez-vous bien et joyeuses fêtes de fin d'année !

Idraemir