Dans l'Inde des premiers jours, une entité s'extirpe du
néant, gagnant un statut divin et s'unifiant avec les déités
primordiales. Au coeur des royaumes de la Grèce antique,
les collines résonnent au doux son d'une flûte aux accents étranges
qui bercent bergers et troupeaux. Dans les tréfonds de la Gaule
encore vierge de toute occupation romaine, les prêtres semblent
rendre gloire à un puissant Élémentaire qui arbore
triomphalement sa ramure de cervidé, sous le regard bienveillant des
druides. Au sein de la verte Irlande, le peuple-cerf
dirigé par le vaillant Nemed se prépare à faire face aux
légions de Fomoires pour la sauvegarde de leurs terres. Dans
les parties encore vierges de la Hongrie profonde, deux frères
n'ont de cesse de traquer leur proie : un cerf à la toison immaculée
qui semble se jouer de leurs efforts pour les pousser toujours plus
avant vers leur glorieux destin. Aux frontières les plus sombres
d'une bibliothèque oubliée, nichée aux abords du Pays de
Galles, une entité psychopompe s'est glissée entre les
pages d'augustes volumes, survivant malgré tous les efforts du
clergé pour l'éradiquer. Dans les plus profond bois de la Belgique,
saint Hubert ploie le genoux devant un cerf dont le chef
s'orne d'une croix auréolée d'un halo lumineux... Chacun de ces
évènements est lié, chaque fil que le destin agite se regroupe,
pour former une monumentale tapisserie épaissie par les siècles...
à la gloire d'une auguste entité, devenue l'origine de bien des
mythes, certes rares, mais encore bien présents de par le monde.
Il existe bien des
Élémentaires, certains sont charmants,
d'autres horribles, d'autres encore "amusants" (s'il vous
prend l'envie de rire un peu trop ouvertement, ce sera peut-être le
dernier son qui s'échappera de vos lèvres glacées... hormis
peut-être un râle d'agonie). Il n'est pas rare également qu'ils
possèdent plusieurs noms voire plusieurs formes... Mais bien peu
d'entités peuvent se vanter d'avoir revêtu autant de formes, pris
autant de noms que l'
Élémentaire noble (supérieurs dans
leur caste, ces puissantes incarnations de la nature, de par leur
haut rang,
deviennent parfois des
divinités) qui sera détaillé avec
soin entre ces lignes. Je parle bien entendu de
Cernunnos.
Cernunnos, seigneur sylvestre :
"
Le vieux dieu dort dans les sous-bois
Obscurs, humides, odorants,
Attendant que nous y enfoncions nos racines."
-
Hue Walker.
Maître incontesté de la forêt (bien plus qu'un simple gardien),
dont la traduction du nom pourrait signifier "
dieu cornu"
ou "
qui porte des cornes" (cette donnée n'est
pas certaine, donc ne prenez pas cette information pour argent
comptant). Doté d'un nombre incroyable de titres
(Carnunnos,
Cernénos,
Cernunnus pour ne citer que ceux-là), il
était considéré comme le
dieu-père souverain en
Gaule.
Son apparence la plus connue (attestée dans divers documents) est
celle d'un homme dont le front est orné de magnifiques bois de cerf
(plus rarement des cornes de bélier) et portant un
torque -
le torque est un bijou celtique formé de plusieurs brins de métal
entrelacés (de l'or ou du bronze même si la plupart étaient en
argent) qui se terminent souvent par une boule à chaque extrémité
(les plus travaillés peuvent présenter des têtes d'animaux ou plus
rarement des têtes humaines) qui se mettait autour du cou. Souvent
porté par les personnes ayant un haut-rang social ou les guerriers,
le torque est reconnu comme symbole de sagesse
et de maîtrise du commandement. Souvent
accompagné par un cerf ainsi qu'un
serpent à tête de bélier.
Superbe représentation de Cernunnos par John Howe
(on peut y voir sa version du serpent-bélier).
Les visages multiples :
Il est parfois dépeint sous les traits d'un
jeune-homme
imberbe ou ceux d'un
vieillard chenu à la barbe fournie (dans
des versions plus rares, ses jambes sont remplacées par des
serpents). Par extension, il est facile d'imaginer qu'il s'agit d'une
trinité de la masculinité (
jeune-homme,
adulte,
vieillard) qui représente chaque aspect de l'existence de
l'homme. Il existe d'ailleurs des représentations d'un
Cernunnos
à
trois visages (la plus connue ayant été découverte à la
Côte-d'Or en
France), à la semblance des trois
aspects de la
Déesse-Mère, son épouse (
la jeune-fille,
la mère et
la vieille femme). Ces trinités semblent
symboliser bien des choses.
Les phases principales de la vie
humaine (
naissance,
reproduction,
déclin),
le temps (
passé,
présent et
futur) ne
sont que des exemples parmi tant d'autres. Ce fameux concept triple
populaire depuis l'
Inde, a été d'ailleurs honteusement
dérobé par le catholicisme pour créer une trinité
fondamentalement
patriarcale (organisation sociale,
juridique fondée et dirigée par les hommes)... Mais je m'égare sur
des routes peu sûres, il est plus que temps de nous replonger dans
la fraicheur revigorante des bois et forêts.
Le dualisme incarné :
Bien que doté d'un statut divin non-négligeable,
Cernunnos
reste cependant un
Élémentaire en bonne et due forme.
Étroitement lié à la nature il est imprévisible, indomptable et
il jouit de tout ce que l'existence peut lui apporter (en bien comme
en mal). Sa nature "
chaotique" exceptée (propre à
tout
Élémentaire qui se respecte), cette entité sylvestre
semble s'être spécialisée dans la dualité. En effet, s'il est le
protecteur de toutes les créatures de la forêt et le seigneur des
animaux, il est également celui des chasseurs (ces derniers
d'ailleurs, devaient très certainement l'invoquer durant la traque
du gibier, afin de s'identifier à leur proie, pour en quelque sorte
l'honorer).
Ses autres attributions ciblent la virilité, l'abondance des
ressources en milieu forestier (fertilité), l'harmonie entre tous
les êtres mais il veille avant tout sur la régénération de la
vie, tout en étant le gardien des portes de l'
Autre-Monde
(
Annwn). Cette dualité peut sembler étrange et pourtant,
elle forme un cycle parfait entre la vie et la mort qui se succèdent
l'un à l'autre dans un ballet cadencé et ordonné par le temps
lui-même.
Herne le Chasseur, une autre incarnation de
Cernunnos, était d'ailleurs celui qui menait la fameuse
Chasse Sauvage (en résumé, une horde de
cavaliers Fantômes ou de
chiens affamés, suivant les versions, qui
ont souvent été vus à certaines périodes, pour des raisons
précises, et qui offrent une funeste fin pour l'imprudent qui aurait
le malheur de s'approcher de trop près. Mais tout cela fera l'objet
d'un article futur), nous aurons d'ailleurs l'occasion de reparler de
lui très bientôt.
Une rare représentation de Cernunnos avec des cornes de
bouc par Christopher Reach.
En tant que divinité (ou
Élémentaire) de la nature,
Cernunnos voit son existence se dérouler de façon cyclique :
il apparaît au
Soltice d'hiver (où se déroule la fête
d'
Alban Arthan, qui marque le triomphe de la lumière sur les
ténèbres et incarne le renaissance de la vie sur la mort), se marie
à
Beltaine (appelée aussi
Beltan, cette fête qui
débute le premier mai représente la fertilité, le feu, qui y joue un
rôle symbolique et le début de la période lumineuse qui durera
jusqu'à
Samhain) avec la
Déesse-Mère et meurt au
solstice d'été (
Alban Hefin, moment où la lumière solaire
est à son paroxysme). Ce sera au début de
Samhain (se
déroulant au premier novembre, cette fête
celte marque le
début de la période obscure.
Nouvel-an celtique où le
Bon-Peuple de
Faerie, sans oublier les esprits des
disparus, se mêlent aux vivants), qu'il sortira de l'
Autre-Monde
pour se lancer dans sa
Chasse Sauvage.
En vertu de son statut important dans la hiérarchie divine, on ne
peut qu'affirmer qu'il était fort populaire parmi le peuple
celte.
Certains iront même jusqu'à dire que les
druides avaient
largement encouragé l'adoration de
Cernunnos, qui serait
devenu un obstacle sérieux à la diffusion du christianisme (ce qui
n'est pas pour me déplaire, même si je pense que cette "
guerre
de dogmes" s'est déroulée en
Albion et non dans la
vieille
Europe). Mais pourquoi alors peu de gens se
souviennent encore vraiment de qui est
Cernunnos ? A t-il
disparu sans rien laisser derrière-lui ? Et bien pas tout à fait...
L'archéologie au service du mythe :
Cernunnos est une entité dont on ne trouve presque aucune
trace dans nos contrées (il ne semble pas exister d'écrits à son
sujet hormis quelques textes romains qui attestent de son
existence)... et pourtant, en grattant la surface, il est possible de
dénicher ici ou là des vestiges archéologiques qui prouvent son
existence. En
Haute-Loire (
France) par exemple, une
sculpture antique a été découverte dans une paroi. Elle semble
représenter un être humanoïde assis tenant une corbeille de fruits
(probablement une équivalence de la
corne d'abondance appelée
aussi "
cornucopia"), accompagné d'un cerf, d'un
taureau, sans oublier un
serpent à tête de bélier, enroulé
autour de la taille du personnage central. La présence des trois
animaux (dont le
serpent bélier ou serpent
criocéphale
qui accompagne souvent
Cernunnos) qui forment une triade ne
font que renforcer la théorie selon laquelle la statue n'est autre
qu'une représentation du seigneur sylvestre.
Splendide illustration de Michal Ivan.
Autre vestige archéologique : le "
pilier des Nautes".
Découvert sous le coeur de la cathédrale
Notre-Dame de Paris.
Ce pilier est orné de bas-reliefs sur ses quatre faces et l'on peut
y voir notamment le
dieu cornu aux côtés d'autres dieux
celtes (vous pouvez d'ailleurs admirer cette pièce au
Musée
National du Moyen-âge à
Cluny).
L'
Italie semble également abriter des trésors
archéologiques. Au coeur de la région de
Lombardie, dans le
parc national de la Naquane,
Cernunnos
serait représenté sur certaines parois de roche, sous la forme de
peintures rupestres.
Mais le plus célèbre témoignage du passé à la gloire du dieu
cornu reste le splendide
Chaudron de Gundestrup. Chaudron
celtique extirpé des tourbières du
Jutland (péninsule du
Danemark). Constitué d'un assemblage de treize plaques
d'argent (dont douze sont décorées avec force détails), ce bijou
de l'orfèvrerie dépeint une foule de dieux de la mythologie
celte
dont
Cernunnos. Sur la première plaque, nous pouvons
d'ailleurs le voir assis en tailleur (posture caractéristique des
dieux et héros celtiques) et arborant sa traditionnelle ramure de
cerf, il tient dans la main droite le
torque et dans la gauche
le
serpent à tête de bélier. On peut également voir (sur
l'illustration ci-dessous) qu'il est accompagné de plusieurs animaux
emblématiques dont le
cerf et les
chiens.
Première plaque de l'illustre Chaudron de Gundestrup
(exposé au Musée du Danemark).
Sur la deuxième plaque présente dans les images (
voir
ci-dessous), on peut y voir
quatre cavaliers dont le chef
de chacun est orné d'un symbole (de gauche à droite :
l'arc-en-ciel,
les ramures du cerf,
le
sanglier et
le corbeau). Si certains dieux sont
reconnaissables du premier coup-d'oeil, d'autres sont cependant
beaucoup moins évidents à identifier... Le premier pourrait
désigner le dieu
Lucetios (dont la traduction du nom signifie
probablement "
le brillant" ou "
l'éblouissant"),
dieu de la lumière, le second
Cernunnos (ce n'était pas trop
difficile à deviner), le troisième
Teutatès (le "
père
de la nation"), dieu protecteur et guérisseur (il s'agit
selon certains auteurs d'un autre nom pour désigner
Cernunnos)
et enfin le quatrième,
Bélénos, dieu lumineux (encore un),
de la guérison et de l'harmonie. Une théorie assez maladroite
à mon goût (elle ne semble pas tenir la route au vu des attributs
des différentes divinités), les quatre cavaliers symbolisent soit
les quatre éléments (
eau,
feu,
terre,
air) soit
les quatre saisons (
printemps,
été,
automne,
hiver).
Un autre élément intéressant sur cette plaque se trouve dans la
partie de gauche. Un personnage géant semble plonger l'autre dans un
récipient (un chaudron). Il est fort possible qu'il s'agisse d'une
représentation du mythique
Chaudron de Dagda (dieu irlandais
associé à
Ogmios en
Gaule). Ce fabuleux récipient
avait la capacité, selon les dires, d'apporter une quantité infinie
de nourriture à son détenteur et surtout de ramener un guerrier
d'entre les morts, si ce dernier était plongé dans le chaudron. Si
cet artefact ne vous dit pas grand-chose, il y a fort à parier
par-contre que le "
Saint-Graal" ne vous soit pas
inconnu. En effet, le catholicisme s'est approprié ce fabuleux objet
(en l'altérant un petit coup) pour faire rêver les masses avec la
fameuse quête du
Roi Arthur (écrits également remaniés
mais ça c'est une autre histoire).
Seconde plaque du chaudron.
Les symboliques entrelacées :
Sur les divers vestiges celtiques découverts, certains éléments
reviennent assez souvent. Les cerfs et les serpents
criocéphales
font partie de ceux-là. Outre le fait que ces deux créatures
représentent la virilité, ces deux créatures sont toutes deux
liées au cycle des saisons. En effet, la perte des bois du cervidé
ou la mue du serpent ne forment qu'une symbolique incarnant la
régénération dans ce qu'elle a de plus naturel.
Puissant
Élémentaire, dieu bienveillant, père
nourricier,
Cernunnos est une entité
Zoomorphe (
qui
a la forme d'un animal). A mi-chemin entre l'homme et la bête,
il relie les deux en nous offrant un moyen de communier avec la
nature sauvage. Cependant, le dieu cornu ne peut pas demeurer
lumineux sans avoir une part d'ombre en lui... C'est sur cette
dernière que nous allons nous pencher. En nous aventurant dans les
parties les plus sauvages et hostiles de la forêt profonde...
Herne le Chasseur dans toute sa splendeur (illustration
de Hrvoje Bešlić).
Herne le Chasseur :
Au coeur de la "
terre des Angles" (l'
Angleterre)
le nom de
Cernunnos n'évoque pas grand-chose. Par-contre,
celui de
Herne le Chasseur en fera trembler plus d'un. Cette
incarnation plus sombre du dieu cornu, souvent assimilée à un
Spectre n'en demeure pas moins un
esprit sylvestre. Il
se manifesterait dans la
forêt de Windsor (gigantesque parc
où la royauté anglaise organise à certaines périodes des chasses)
dans le
Berckshire. Il apparaît au crépuscule (le crépuscule
et l'aube sont des périodes clé pour les
Élémentaires, ces
heures où il ne fait ni jour ni nuit sont des portes ouvertes vers
notre monde), son heure de prédilection pour la chasse.
Certains le dépeignent comme une apparition terrifiante coiffée
d'un casque fait d'un crâne de cerf et décoré de ses andouillers.
Son poignet gauche est ceint d'un bracelet qui irradie d'une étrange
lumière. Une chouette (qui dans certaines versions est dotée de
cornes) vole au-dessus de lui tandis qu'il mène sa meute d'esprits
vampiriques (sans oublier les chiens de l'
Annwn ou les
âmes
qu'il a capturé durant ses voyages) dans les bois. Il s'agit bien
entendu d'une variante de la
Chasse Sauvage (ou
Chasse
Fantastique). Les plus pessimistes estiment qu'entendre la voix
du
Chasseur (qui ressemble fortement au brame du cerf) est un
présage de mort certaine. Il tient donc le rôle du
psychopompe
("
guide des âmes") à la manière de la
Banshee
irlandaise, bien qu'avec peut-être un soupçon de brutalité en
plus...
Herne le Chasseur par l'illustrateur et caricaturiste anglais George
Cruikshank (illustration datant du milieu du XIXème siècle).
Dans des version plus "joyeuses" il reste certes le
maître de l'
Autre Monde, mais, contrairement à la plupart de
ses collègues dépressifs ou austères (
Pluton,
Hel
pour ne citer qu'eux) il garde en lui une grande part joyeuse et
lumineuse qu'on connaît avec Cernunnos, appréciant les plaisirs de
la "vie" (ironie quand tu nous tient) qui s'offrent à lui
en compagnie d'une myriade d'
Élémentaires plus joyeux les uns que
les autres (il demeure tout de même le seigneur de la renaissance et
de la fertilité après tout). Certains disent même qu'il bat la
mesure des danses féériques au son de son flûtiau dont il tire de
splendides mélopées.
Lors de la
Beltane (ou
Cethsamhain) cette fête
celtique déjà évoquée plus haut qui marque le renouveau de la
nature et de la fertilité de la terre,
Herne se marie avec la
déesse
Dana (qui est l'équivalence irlandaise de la
Déesse-Mère) pour que leur étreinte puisse libérer la
terre du joug de l'hiver glacé.
Si
Herne le Chasseur semble à la fois identifié comme un
Élémentaire primordial et un
Spectre, c'est qu'il y a
plus à en dire sur le sujet que son rôle de
psychopompe. Il
existe effectivement un légende plus récente d'
Herne (datant
de la fin du
XIVème siècle) et je soupçonne cette dernière
d'être à l'origine du "nouveau" titre de
Cernunnos.
Le maître de la joute verbale
William Shakespeare à
d'ailleurs évoqué ce personnage de légende dans ses écrits. Chose
qu'il est plus que temps de vérifier...
Herne et Shakespeare :
"
Sometime a keeper here in Windsor Forest,
Doth all the winter-time, at still midnight,
Walk round about on oak, with great ragg'd horns ;
And there he blasts the tree, and take the cattle,
And makes milch-kine vield blood, and shakes a chain
In a most hideous and dreadful manner.
You have heard of such a spirit, and well you know
The superstitious idle-headed eld
Receiv'd, and did deliver to our age,
This tale of Herne the Hunter for a truth."
-
William Shakespeare,
The Merry Wives of Windsor.
Une illustration montrant Herne avec un air plus enjoué
que de coutume (création de Anne Szabla).
Ce "charmant" poème du seigneur des mots (oui bon
j'exagère peut-être un brin dans le registre des titres pompeux je
l'admet), est tiré de la comédie s'intitulant : "
Les
joyeuses Commères de Windsor" (créée vers
1597 bien
que la date ne soit pas exacte selon les dires) qui nous narre, en
vers s'il vous plaît, la description d'un bien sinistre personnage.
Pour les adeptes de
Molière, la traduction approximative de
la prose ci-dessus pourrait donner ceci :
"De temps en temps un gardien apparaît dans la forêt de
Windsor,
Toujours durant l'hiver, lorsque sonne minuit,
Tournant autour d'un chêne, avec ses grands bois (de cerf) ;
Et là il pulvérise l'arbre et s'empare du bétail,
Faisant des laitières (vaches) un produit sanglant et agitant une
chaîne
De la plus atroce et affreuse façon.
Vous avez entendu parler d'un tel esprit, et vous le savez fort
bien
Transmise et livrée à notre ère,
Cette fable de Herne le Chasseur est la vérité vraie."
-
William Shakespeare,
Les joyeuses Commères de
Windsor.
L'histoire en elle-même nous raconte les déboires de
Sir
John Falstaff (cliché du seigneur abruti par l'alcool et criblé
de dettes), un nobliau qui a la mauvaise idée de courtiser deux
damoiselles à la fois (
Dame Page et
Dame Ford) allant
jusqu'à leur envoyer des lettres enflammées (dont il ne changera
que la signature). Les deux donzelles étant amies, elles se rendent
vite compte des intentions du bonimenteur de service et se mettent en
tête de le ridiculiser pour leur plus grand plaisir.
Vers la fin de la pièce (je ne compte pas raconter le tout en
long, en large et en travers, pour lire cette oeuvre plus en détail
il vous faudra délier les cordons de votre bourse),
Dame Page
et
Ford expliquent la situation à leurs maris respectifs et
d'un commun accord ils décident de jouer un dernier tour pendable au
malotru de service (qui en a déjà pris pour son grade au cours du
récit).
Dame Page et
Ford lui donnent rendez-vous le soir
dans la
forêt de Windsor, en lui demandant de se déguiser en
Fantôme (en
Herne pour être précis) pour ne pas se
faire reconnaître. Celui-ci accepte sans trop se poser de
questions... et se rend au lieu-dit avec son bardas encombrant (sans
avoir lu la pièce je pense deviner que le pauvre hère faisait un
piètre
Herne). Entretemps,
Anne Page, la fille de
Dame
Page se fait courtiser par trois prétendants (dont un qui
retient son attention) et tout ce beau monde décide de se retrouver
dans la
forêt de Windsor (ça tourne au
vaudeville).
En guise de conclusion
Anne s'enfuit avec son soupirant
(laissant les deux autres comme deux ronds de flan) pendant que
Falstaff finit ridiculisé par des enfants déguisés en
Fées
et
Lutins...
Une pièce rocambolesque au possible où notre cher trompe-la-mort
aura eu un modeste rôle. En analysant les vers du poème, il est
possible de voir que
Shakespeare s'est surtout basé sur la
version
spectrale de notre sympathique cervidé
zoomorphe
pour le rôle qu'il lui a donné. La légende de
Herne le Chasseur
va d'ailleurs le prouver sans plus tarder (et expliquer également le
rôle du chêne cité dans le poème)...
Un pendu rancunier (première version) :
Le
XIVème
siècle était tout sauf une période de paix. Au sein de
l'
Angleterre sous le règne du roi
Richard II (le
VIIIème souverain de la
Terre des Angles) vivait
Herne,
un garde de la famille royale qui travaillait dur pour son
seigneur... En fait, il abattait tant de travail que ses collègues
commencèrent à le jalouser, au point qu'il ne fallut pas longtemps
pour que ces derniers éprouvent une aversion marquée pour le
pauvre
Herne.
A cette époque, le roi
Richard utilisait souvent la
forêt
de Windsor pour chasser et un jour funeste, alors qu'il était
en pleine traque, il fut catapulté de son cheval par un
cerf
immaculé qui semblait sortir de nul-part. Après avoir fait
choir le monarque, le cerf blanc tenta de percer le flanc du roi à
l'aide de ses ramures mais
Herne bondit à la rescousse de
son seigneur et il tua le cerf en lui perforant la gorge. Une
victoire de courte durée puisque le cerf avait eu le temps de
porter un coup mortel à
Herne avant de succomber. Alors que
le pauvre garde baignait dans son sang dans un état proche du coma,
un étranger tout vêtu de noir appelé
Philip Urswick
apparût et se proposa de soigner
Herne, sa seule condition
était qu'il perde toutes les aptitudes qui faisaient de lui le
meilleur garde du roi...
Le roi accepta cette étrange requête (qui émanait en réalité
des autres gardes dévorés par la jalousie) et
Philip Urswick
arracha les bois du cerf blanc dans le but de les fixer sur la tête
de
Herne (inconscient de ce qui se déroulait sous son nez).
Étrangement, les ramures du défunt cervidé se plantent sur la
tête de l'infortuné garde, comme si elles avaient toujours été
là. Après ces étranges évènements, le roi récompense
grassement
Philip Urswick et
Herne récupère
rapidement de sa blessure, pourtant fatale (les bois par-contre
demeurent attachés à sa personne).
Une version très "humaine" de Cernunnos (par Ion Ander).
Cette histoire aurait pu avoir avoir une fin heureuse,
malheureusement ce ne sera pas le cas. Ayant perdu ses capacités de
garde et vu qu'il est devenu incapable de servir son roi,
Herne
se fait congédier (dans une autre version il est accusé de vol par
ses collègues qui, toujours jaloux de ses prouesses passées,
tiennent à se débarrasser une bonne fois pour toutes de lui). Plus
tard, le même jour, un colporteur blanc comme un linge arrivera en
trombe pour prévenir les gardes d'une macabre découverte : le
corps de
Herne, pendu à la branche d'un chêne dans la
forêt... Enfin calmé de sa frayeur, le modeste serviteur acceptera
de guider les gardes jusqu'au cadavre et arrivés sur place, qu'elle
n'est pas la surprise du pauvre hère de voir que le corps grimaçant
aux ramures de cerf a disparu de son perchoir.
Une fois la nuit venue, une terrible tempête se déchaîne et le
chêne qui avait recueilli un bien curieux fruit plus tôt dans la
journée se retrouve frappé par la foudre. Peu après, les gardes
découvrent que tous ont perdu leurs capacités et leur expérience,
les empêchant désormais de servir correctement le seigneur des
lieux.
Ils consultent alors l'énigmatique
Philip Urswick, pour
savoir comment conjurer le sort et ce dernier leur répond qu'ils
doivent rencontrer
Herne à minuit, là où ce dernier s'est
donné la mort. D'un commun accord les gardes acceptent et lorsque
minuit sonne, ils se rendent ensembles au chêne de
Herne. Le
Fantôme du pauvre garde (toujours garni de ses belles
ramures sur le chef) leur apparaît et leur demande de prendre leurs
chevaux et tout l'équipement nécessaire avec eux pour le suivre à
la chasse.
Le soir suivant, ils reviennent avec le matériel et les chevaux
afin de participer à une "
chasse sauvage" dans le
parc de
Windsor. La recherche d'un éventuel gibier se
poursuivra pendant un long moment, pour être interrompue par
l'arrivée de
Philip Urswick, se tenant bien droit en plein
milieu du chemin. Selon les termes du marché passé entre lui et
les gardes,
Herne devait perdre ses aptitudes afin qu'il
tombe en disgrâce auprès de son souverain et vu que sa mission
était remplie, il désirait maintenant son paiement... Son seul
salaire fut qu'ils se joignent à la
Chasse Sauvage pour
suivre celui qu'ils avaient martyrisé, pour l'éternité.
Une version
assez "martiale" de Herne le Chasseur.
Une piètre fin pour de piètres hommes... Cette version de la
légende nous aura au moins appris l'intérêt que semblait porter
Herne pour ce chêne dans les vers de Shakespeare (et
peut-être aussi qu'il est mauvais pour la santé de souhaiter du
mal à autrui, mais ça c'est en bonus). L'histoire suivante sera
plus courte mais nous montrera que de légers changements peuvent
grandement modifier un mythe (même si la fin demeure tragique).
Un pendu rancunier (seconde version) :
Herne, était un des gardes du roi Richard II. Un jour
que le souverain chassait dans la vaste forêt de Windsor, un
cerf émergea des broussailles pour le charger. Prêt à sacrifier
sa vie pour son roi, Herne s'interposa et reçut une blessure
fatale. Un homme en noir apparut soudain d'on ne sait où et
sans plus de cérémonie, affirma pouvoir sauver la vie de Herne.
Il décapita le cerf, posa la tête de l'infortunée mais ô combien
décédée créature sur le blessé, puis emmena le garde blessé chez lui. Le roi
promit que s'il parvenait à sauver son bienfaiteur, il ferait de
Herne le chef de la garde.
Les soldats du monarque, qui avaient entendu les propos royaux,
n'étaient pas d'accord et le firent sans attendre savoir au roi.
L'homme en noir, qui avait tout entendu, proposa alors une
alternative : il sauverait Herne des griffes de la mort mais
le changerait en créature mi-homme mi-bête. Quand Herne se
réveilla, il comprit très vite le marché dont il avait été
l'enjeu et il préféra se pendre au plus majestueux chêne de la
forêt de Windsor.
Une version assez
originale de Herne le Chasseur réalisée par
Mary Graham.
Après ces
tristes évènements, les gardes du roi furent chassés du château
et ces derniers par on ne sait qu'elle impulsion, se rendirent sur
les lieux où Herne s'était donné la mort. Là et avec
stupeur, ils virent le Fantôme de Herne se dresser
face à eux. Celui-ci leur demanda (leur ordonna) de venir chasser
avec lui. L'homme en noir apparut à son tour et les força à
faire un serment d'allégeance, ils n'eurent d'autre choix que de
suivre Herne pour le restant de leurs jours...
La seconde version banalise le rôle du cerf et entoure le
personnage de Philip Urswick (dont je ne sais
toujours pas de qui il s'agit, je me garderai donc de vous faire
part de mes hypothèses sans aucune certitude) de mystère.
Cependant, le rôle important du "Chêne de Herne"
n'est pas négligeable. Les similitudes entre ce mythe et ceux du
Wotan (Odin)
germanique ne sont pas là pour rien. Il existe d'ailleurs de
nombreuses auberges en Angleterre qui portent
des noms associés à la Chasse sauvage, à
Herne, ou encore à l'Homme
Vert, ils forment d'ailleurs en toute logique, une
seule et même entité selon les versions mais ils sont encore et
toujours les sujets d'autres histoires... Quittons ces dernières
d'ailleurs et revenons à celle qui nous intéresse, pour enfin nous
pencher sur la troisième et dernière version du mythe qui se
déroule peu après le début de la mort de Herne
pour donner une toute autre fin à la légende.
Un pendu rancunier (suite et fin du récit) :
Suite aux funestes évènements que nous connaissons, le garde déchu
revient sous la forme d'un Spectre, accompagné d'une meute
de chiens hurlants (L'île aux Chiens ou "the Isle of
Dogs", située à l'est de Londres, porterait ce nom
étrange pour la simple et bonne raison que c'est là que Herne
le Chasseur garde ses 50 chiens infernaux) et chaque nuit
ils se mettent à chasser dans le parc, tuant les cerfs du roi et
causant de grands dommages.
Le roi Richard, excédé par les méfaits du trépassé, s'en
va à la rencontre de Herne afin de l'affronter. Ce dernier
déclare au roi qu'il aimerait exercer sa vengeance contre ses
bourreaux et qu'il cessera la Chasse Sauvage le temps du
règne du monarque, si ce dernier lui laisse le droit de pendre les
autres gardes, au même chêne que celui où il avait trouvé la
mort par la faute de leur jalousie et de leurs complots (ô douce
ironie)...
Le souverain s'empresse d'accepter ce marché et le lendemain les
gardes sont pendus sans plus de cérémonie... Le Chasseur et
sa Chasse Sauvage disparurent alors jusqu'à l'abdication du
roi Richard II en 1399. Depuis ce temps, Herne le
Chasseur dirige la Chasse Fantastique à travers la forêt
de Windsor chaque nuit.
Illustration
pour le moins dérangeante de Ray Racanelli.
Bien des gens disent avoir vu cette parade spectrale de chasseurs et
de chiens grondants. Il est dit que le Fantôme du Chasseur
est plus souvent visible à l'approche de graves crises pour la
nation (anglaise), là où se tenait le chêne autrefois. Le
vénérable végétal a tenu bon jusqu'en 1796, année où il
a été accidentellement coupé... Des parties de l'arbre furent
changées en souvenirs (quel goût douteux) et un chêne de
remplacement fut planté dans le siècle qui suivit. On murmure ici
et là que durant les nuits de tempêtes, le chêne originel de Herne
peut être vu en train croître à sa place d'antan.
Si vous pensez que le marché tenu entre le roi et Philip
Urswick ainsi que le renvoi de Herne était cruel, alors
sachez que le roi Richard II n'a pas connu une meilleure fin.
En 1399 il a effectivement abdiqué, mais sous la contrainte
de son cousin Henry de Bolingbroke (Henry IV pour les
intimes), qui le fera enfermer dans ses propres geôles.
"L'infortuné" roi déchu (entre-nous sa politique vers la
fin de sa vie se rapprochait assez fort de la tyrannie pure et
simple) périra l'année suivante, rongé par la faim ou plus
probablement par un poison glissé "aimablement" dans sa
nourriture.
Si la Chasse Sauvage est habituellement
menée par Herne en Angleterre,
un tout autre personnage tient ce rôle au Pays de Galles
(pays rattaché à la Terre des Angles et se
situant à l'ouest de cette dernière), c'est d'ailleurs sur son cas
que nous allons nous penchez sans plus attendre...
Gwynn Ap Nudd :
Plus "connu" sous le nom de Gwynn (mes propos sont
ironiques vu qu'il existe une pléthore de Gwynn dans la
littérature galloise...), son nom complet signifie "Gwynn,
fils de Nudd". Le nom de Nudd n'est
pas à prendre à la légère, vu qu'en changeant quelques lettres,
nous obtenons celui de Nuadha Airgetlàm (ou encore "Lludd
Llaw Ereint", qui se traduisent en : Nuadha à la main
d'argent). Issu de la tradition irlandaise, Nuadha est le
premier souverain des fiers Tuatha Dé Danann ("le
peuple de la déesse Dana", la déité en
question étant bien entendu la Déesse-Mère chez-nous) et
le héros de la "Deuxième bataille de Moytura".
Cependant, restons encore un peu au Pays de Galle avant de
faire un crochet par la verte Irlande.
Illustration
d'Axel Adams.
Si
vous cherchez des informations plus précises sur l'identité de ce
"fils du
dieu-roi"
(un autre des titres honorifiques de Gwynn),
croyez moi vous allez entreprendre une quête sans fin pour
déboucher en finalité sur des miettes de données bien maigres en
comparaison de bien d'autres entités du folklore. Tout ce que l'on
peut dire de lui de manière générale (sans trop rabâcher), est
qu'il mène la Chasse
Sauvage
chez les gallois, qu'il est le protecteur des Élémentaire
et le gardien des Enfers
(je préfère le terme Autre-Monde
entre-nous, ça fait de suite moins cliché médiéval). Il est
également parfois comparé à l'irlandais Finn
mac Cumhail,
un guerrier mercenaire avec quelques affinités pour la magie et le
héros principal du cycle
ossianique
- ledit cycle, est en fait une supercherie orchestrée par James
Macpherson,
qui, en 1761,
a fait croire qu'il venait de découvrir une nouvelle épopée de la
mythologie irlandaise. Il racontait à qui voulait l'entendre qu'il
s'était mis en devoir de la traduire et en décembre, il publia son
travail répartis sur six tomes appelés "Fingal".
Au final l'oeuvre n'était qu'un condensé d'anciens fragments de
poèmes et d'histoires remaniés par l'auteur peu scrupuleux... - il
aura au moins eu le mérite d'être une belle farce.
Il existe pourtant, nous prouvant du même coup que
Cernunnos est bel et
bien présent dans la littérature - la plupart des autres dieux
celtes sont présents dans certains ouvrages et ce de manière
plus ou moins marquée. Mais nulle trace du maître cornu (de
manière flagrante j'entends). En déduire que son rôle aurait été
amoindri, dans le dessein d'affaiblir le culte celtique ne semble
pas si fou lorsque l'on voit cette "disparition" flagrante
- et plus précisément dans "
Les Quatres Branches du
Mabinogi" - célèbre livre gallois dont le nom originel
est "
Pedair Cainc y Mabinogi" ou plus sobrement
"
Mabinogion". Ce recueil composé de quatre parties
principales et écrit en "
moyen-gallois" (langue
parlée du
XII au
XIVème siècle) aurait été rédigé
vers la fin du
XIVème siècle et raconte, à sa manière,
les mythes celtiques de l'Antiquité le tout mélangé avec le
cycle
arthurien. Pour en revenir aux origines possibles du titre du
Mabinogion, certaines théories avancent qu'il serait lié au
nom du dieu
Mabon ("
le fils divin") et par
conséquent le rejeton de
Gwynn ap Nudd (la boucle est
bouclée)... - Ouvrons donc prestement ce livre pour nous plonger
dans le récit de...
Kulhwch et Olwen :
Ce conte, sous ses airs étranges est un véritable
melting-pot de traditions. Il contient des traces de la légende du
roi Arthur mais également des mythes
indo-européens. Le thème principal serait : "La
fille du Géant" ou "Six s'en vont par
le monde", d'autres thèmes sont également présents
comme la marâtre jalouse (qui lance un sort à son beau-fils afin
qu'il se mette en quête de la fille du Géant),
ou encore la quête des animaux les plus anciens du monde (qui
doivent révéler des informations cruciales au héros afin qu'il
mène à bien sa tâche).
Représentation probable de Cernunnos (on y reconnaît
les "cornes" ainsi que la position en tailleur propre aux
héros celtiques) par Ben Wootten pour le jeu de cartes :
"Legend of Norrath" (basé sur Everquest).
Le texte semble s'être créé par la tradition orale (dont les
normes sont aux antipodes des versions manuscrites) ce qui laisse
apparaître assez souvent au cours du récit, de fastidieuses listes
de noms, objets, créatures (la liste des guerriers de la cour du roi
Arthur, qui font le serment d'aider Kulhwch
dans sa quête, la liste des épreuves imposées par le
Géant Yspaddaden,... pour ne citer que
celles-là), donnant là une lecture fastidieuse, même pour les plus
acharnés d'entre-vous. Je me ferai donc un devoir de résumer ledit
récit, histoire de vous épargner une migraine chronique (ou une
crise de narcolepsie aigüe).
L'histoire débute donc sur la naissance et l'enfance de
Kulhwch
(caractéristique des légendes
celtes), puis son arrivée
à la cour du roi
Arthur. S'engage alors un dialogue entre le
héros et le portier de la demeure du monarque (encore un thème
récurent dans les épopées
celtes, ce type de conversation
marque l'irruption du personnage, comme élément perturbateur dans
les habitudes royales et contribue à rehausser le pouvoir du roi
ainsi que la valeur du héros), suivie d'une description de
l'étiquette à la cour ainsi que des coutumes celtiques (
couper
les cheveux d'un parent que l'on reconnait ou encore le cadeau de
vassalité, dont l'acceptation montre que l'on reconnait son
bienfaiteur comme seigneur)
.
Suite à son séjour à la cour,
Kulhwch est pris du désir
d'épouser la fille d'
Yspaddaden (seigneur des
Géants,
qui doit perdre la vie lorsque sa fille se mariera), la ravissante
Olwen (qui se traduit par "
trace blanche"...
et je vous défends de faire des allusions graveleuses à ce sujet).
Pour ce faire, notre héros devra obtenir l'accord de son nouveau
souverain et de ses guerriers. Une fois ce dernier accordé,
Arthur décide d'envoyer des éclaireurs afin de déterminer
où se trouve
Olwen, puis de pratiquer une marche d'approche
jusqu'au fameux
Géant.
La suite du récit prendra des accents
dantesques.
Kulhwch
rencontrera sur le chemin des êtres de plus en plus étranges et
monstrueux avant de tomber sur leur seigneur, le Géant
Yspaddaden.
Sachant qu'il devra périr au moment où sa fille trouvera un
compagnon, le
Géant offre un accueil "écrasant" au
héros en lui lançant des pierres et des lances empoisonnées à
chacune des tentatives de
Kulhwch pour l'approcher.
Faisant fi des attaques meurtrières de son colossal adversaire,
Kulhwch s'empare de plusieurs des lances envoyées par
Yspaddaden afin de les lui renvoyer. La première touchera le
genou du
Géant, la seconde la poitrine et la dernière l'oeil
(pour ressortir par la nuque).
Une version particulière où le dieu cornu possède les traits d'un jouvenceau (illustration de Jenny Palmer).
"Apaisé" par cette démonstration de force,
Yspaddaden
consent enfin à accorder la main de sa fille au héros à la
condition que ce dernier remplisse une série d'épreuves, souvent en
rapport avec le festin de noces (comme ramener certaines graines
utiles pour la fabrication de l'hydromel, trouver des barriques de
grande dimension,...) ou utile à la toilette de
Kulhwch (si
vous avez déjà songé à vous raser avec une défense de
sanglier... faites-moi signe, je tiens absolument à avoir vos
impressions sur cette expérience "unique") pour son
mariage. L'un des éléments les plus important de sa quête, sera de
ramener les ciseaux et le peigne qui se trouvent entre les oreilles
du sanglier
Twrch Trwyth (ne me demandez pas ce qu'il font là
ni comment prononcer son nom, j'en serai bien incapable).
L'étape suivante de cette épopée pour le moins originale, sera
de retrouver la trace du dieu prisonnier :
Mabon, fils de Modron.
- cette entité, connue via des textes antiques et médiévaux.
Équivalence de
Maponos en
Gaule et d'
Oengus en
Irlande, il est, comme cité plus haut, le rejeton de
Gwynn
et de la déesse
Danu (
Dana). Dans ce présent récit,
il semble être vu comme une sorte de demi-dieu bienveillant (il est
présenté comme le plus ancien des hommes) - Une fois celui-ci
découvert,
Kulhwch,
Mabon et une partie des guerriers
d'
Arthur (dont
Gwynn ap Nudd) feront route vers le
repaire du sanglier mythique
Twrch Trwyth. Rendu sur
place, le roi mènera la chasse pendant qu'une partie de ses hommes
seront chargés de ramener les objets qui manquent encore pour assurer la réussite
de la quête de notre vaillant héros.
Après moult péripéties,
Kulhwch triomphe enfin de toutes
les épreuves et revient victorieux chez le
Géant pour lui
présenter tous les objets. Un triomphe qui sera fatal à
Yspaddaden,
puisque peu après
Goreu se fera une joie de le décapiter
pour ficher sa tête au bout d'une pique, pendant que
Kulhwch
savourera tranquillement sa nuit de noces...
Un récit décousu, mais fort riche vous en conviendrez.
Avant de passer à la suite j'ajouterai quelques petits compléments
sur l'histoire qui s'est déroulée sous vos yeux.
Durant la quête, le héros devra réunir pas moins de quarante
objets, animaux ou personnes qui seront tous difficiles à obtenir
(sinon ce ne serait pas drôle). La composition de ce texte reste
assez souple, probablement pour satisfaire l'auditoire en étoffant
ici et là, tandis que la liste des guerriers du roi Arthur
devait servir de répertoire mnémotechnique, afin d'énumérer tous
les personnages de légende que le conteur connaissait (tout en y
ajoutant quelques noms de son cru, histoire de faire le compte).
L'histoire en elle-même, semble fort liée au porc (dans
le sens totémique). Le héros Kulhwch, né dans
une porcherie, porte le nom du porc. Son salut sera gagné par le
sanglier merveilleux Twrch Trwyth, le "Sanglier
Royal" (un ancien roi changé en sanglier pour ses
méfaits, nous dit-on). La chasse sera présentée comme un récit
épique, où les adversaires se témoignent un fort respect mutuel.
Le sanglier sera d'ailleurs finalement épargné, il aura suffi de le
vaincre et de lui enlever les objets merveilleux.
Après l'analyse de ce mythe, vous vous demandez sûrement
l'intérêt de parler de la quête de Kulhwch si
c'est pour juste citer Gwynn de manière
désinvolte. Et bien pour la peine, examinons la place qu'à tenu le
fils de Nudd au cours du récit.
Illustration de Linda Carlson.
Gwythyr fils de Greidawl :
Gwythyr ap Graidawl (Graidawl signifie littéralement :
"
qui soumet les ennemis"), outre sa fonction de
guerrier du roi
Arthur (et de père de la seconde épouse du
monarque), était le rival le plus acharné de
Gwynn ap Nudd.
Il prendra part à la grande quête détaillée plus haut, notamment
pour accompagner le souverain bien connu aux
Enfers afin de
retrouver le sang de la sorcière
Orddu (juste pour votre
culture :
Orddu a été utilisée par
Disney en
1985,
pour le film "
Taram et le Chaudron Magique" où elle
incarne l'une des trois jeteuse de sorts).
Pour en savoir plus sur la rivalité qui anime les deux
protagonistes, il nous faut remonter avant les évènements de
l'épopée de
Kulhwch. A l'époque,
Gwythyr devait
épouser
Creiddylad, fille de
Lludd mais
Gwynn
(le frère de
Creiddylad), en désaccord complet avec cette
idée, avait enlevé la demoiselle. S'ensuivra une violente bataille
où
Gwyn sortira vainqueur, gardera sa soeur auprès de lui et
conservera plusieurs chefs de guerre de
Gwythyr comme
prisonniers de marque. Quand la nouvelle parvient aux oreilles du roi
Arthur, celui-ci force
Gwyn à relâcher les nobles,
puis à faire la paix avec
Gwythyr.
Depuis lors, chaque premier
Calan Mai - premier jour du
mois de mai au
Pays de Galles, il s'y déroule donc une fête
connue sous le nom de "
Calan Mai" (ou
Calan Haf),
qui signifie : "
le premier jour de l'été". Elle
débute peu après les douze coups de midi et consiste principalement
à allumer des flambeaux. Ce jour spécial, comparable à
Beltaine
est le moment où les
Esprits (sans oublier les
Élémentaires)
sont dehors et où la
divination est possible. Fêtée dans le
sud du Pays de Galles jusqu'au milieu du
XIXème siècle,
cette tradition semble être peu à peu tombée dans l'oubli (le
regain actuel pour les fêtes celtiques changera probablement bientôt
la donne) -, les deux s'affronteront pour avoir
Creiddylad, et
ce jusqu'à la fin des temps, où le vainqueur pourra la conserver à
jamais.
Une illustration originale d'une "femme-cerf" par
"Catman" (son véritable nom n'étant pas mentionné,
je me contenterai de son pseudonyme).
Vous voilà enfin renseignés sur le rôle de Gwynn dans
cette histoire. Il est à noter que leur rivalité est un puissant
symbole pour incarner la lutte éternelle entre l'été et l'hiver,
une inspiration probable pour le mythe moderne du "Roi Sacré"
("Holy King" pour son titre originel) tiré du livre
de Robert Graves intitulé : "The White Goddess"
("La Déesse Blanche"). Cet essai publié en 1948
tente d'expliquer la nature de la poésie mythique sous la forme
d'une sorte de récit où s'affrontent le "Roi Chêne"
et le "Roi Sacré", qui incarnent deux aspects
diamétralement opposés (dualisme). Le cours de la bataille évolue
au fil de l'année, rythmé par les saisons qui passent (chacun est
avantagé durant la moitié de l'année qui lui est attribuée).
Notre voyage au doux Pays de Galles touche maintenant à sa fin
et nous continuons notre chemin pour les verdoyants pâturages de la douce Irlande pour aller à la rencontre de...
Nemed :
Pour parler de ce personnage fort protecteur il faut un outil
indispensable : le Lebor Gabála Érenn ! - ce livre, vu comme
l'un des récits les plus importants de l'Irlande, décrit les
invasions successives (au nombre de six) de l'île par des
peuples mythiques (mâtinés d'une bonne dose d'héroïsme). A
l'origine transmis exclusivement de manière orale (et ce jusqu'au
VIIIème siècle), il a été copié et remanié par les
clercs (entendez par là qu'ils ont bazardé les détails qui
dérangeaient pour leur propre bénéfice). La première version
définitive date de la fin du VIIIème siècle ou du début du
IXème. Il existerait cinq versions dudit mythe (rédigés
entre le XII et XVIIIème siècle) répartis sur un
total de dix-huit manuscrits - Comme je me suis déjà chargé
d'expliquer comment ce récit s'est formé, je ne vais pas plus
m'étendre dessus, son contenu par-contre, il me faudra bien le
résumer histoire de faciliter votre compréhension.
Les invasions de l'Irlande :
Le peuple de Cesair :
Les premiers occupants, menés par
Cesair (ou
Cessair,
le nom de cette femme a été christianisé pour être mis en accord
avec le mythe biblique du déluge) ne demeureront pas longtemps en
Irlande. En effet, ils seront balayés cinquante jours après
leur arrivée par un gigantesque déluge, où
Fintan (
Fintan
mac Bóchra, un
druide primordial dont le nom signifierait
: "
blanc-ancien", en référence à ses cheveux
blancs) sera le seul survivant.
Les Fomoires :
Associés aux
Géants (ils sont d'ailleurs surnommés les
"
Géants de la Mer") ces créatures belliqueuses
débarquent en masse peu après le déluge. Ils sont décrits comme
affreux, inhumains et on leur prête des pouvoirs magiques (le plus
connu d'entre-eux étant
Balor à l'Oeil Mauvais). Leur nature
particulière les rattachent au
chaos et au désordre
perpétuel (ils feront d'ailleurs la guerre à la plupart des peuples
d'
Irlande et ce jusqu'à leur défaite).
Les Phartoloniens :
Peuple qui porte le nom de leur chef (
Partholon) et
probablement d'origine grecque ou espagnole, il fera son apparition
le jour de
Beltaine. A l'origine de nombreuses inventions et
concepts (agriculture, élevage, chasse, pêche, brassage de la
bière, exploitation minière, alchimie,...) les
Phartoloniens
seront les précurseurs du
druidisme et du travail du métal,
ils entraineront d'ailleurs les hommes en vue de lutter contre les
belliqueux
Fomoréens. Cette ère durera pendant trois-cent
ans avant que les
Phartoloniens ne soient tous balayés en une
semaine (hormis
Tuan mac Cairill qui devra son salut à sa
capacité de métamorphose animale) par une épidémie virulente...
Représentation possible des Nemediens (illustration de
Biagio d'Alessandro).
Les Nemediens :
Peuple de celui qui nous intéresse. Les
Nemediens
goûteront pendant un temps à la paix, avant de devoir prendre les
armes contre les
Fomoires. Vaincus, les
Nemediens
devront payer un tribut chaque année aux
Géants. En
finalité, ils se révolteront contre l'oppresseur mais défaits une
seconde fois ils fuiront l'
Irlande.
Les Fir Bolg :
Leur nom pourrait signifier "
Hommes-Foudre",
talentueux dans les arts de la guerre et de la forge (ils sont les
premiers à employer des pointes de lances en métal), certaines
sources laissent à penser qu'ils viendraient de la
Belgique.
Ils sont à l'origine de la division de l'
Irlande en cinq
royaumes (
Ulster,
Leinster,
Munster,
Connaught
et
Meath au centre) et de l'instauration de la royauté
(
Éochaid mac Eirc serait le premier souverain de l'
Irlande).
Sous le règne de leur seigneur, le mensonge sera banni de l'île et
la pluie sera chassée de l'île (il ne demeurera plus que la rosée).
Les
Fir Bolg seront confrontés aux nouveaux envahisseurs :
les
Tuatha Dé Dannan ("
le peuple de la déesse Dana"
comme cité précédemment). Une guerre sanglante démarrera entre
les deux peuples et lorsque les
Fir Bolg refuseront une trêve,
les
druides du camp adverse dissimuleront par magie les
sources et rivières du royaume. Le roi
Éochaid perdra la vie
au cours de la "
Bataille de Mag Tuireadh" avec
cent-mille de ses sujets. Les
Fir Bolg défaits fuiront
pendant que les
Tuatha Dé Dannan prendront possession de
l'île.
Les Tuatha Dé Dannan :
Peuple des dieux (ils ont presque tous une équivalence en
Gaule)
venus de quatre îles situées au nord du monde (
Falias,
Gorias,
Findias et
Murias), ils amènent avec
eux cinq artefacts légendaires (
la lance de Lug,
l'épée de Nuadha,
le chaudron et la massue
de Dagda, la
pierre de Fal) et
ils débarquent également le jour de
Beltaine. Les
Tuathas
sont également reconnus comme maîtres des arts et du
druidisme,
talents qu'ils mettront en pratique contre les
Fomoires afin
de remporter une victoire totale sur ces derniers.
Les Milesiens :
Appelés aussi les "
fils de Mile" ("
miles"
est un terme latin qui signifie soldat) et venus d'
Espagne,
ils sont d'origine humaine. Ils débarqueront le jour de
Beltaine
(encore une fois oui) avec la "
file" (un
file
ou
fili est un membre d'élite de la caste des poètes,
l'équivalence de
bardes pour nous en somme)
Amorgen
Glungel. Ils évinceront les
Tuatha Dé Dannan (qui se
réfugieront à l'intérieur du
Sidh qui est l'équivalence
irlandaise de l'
Autre-Monde) et s'établiront dans toute
l'
Irlande (ils sont à ce jour les actuels représentants de
l'île).
Une illustration sublime de Helen Rusovich qui pourrait
représenter Nemed.
Le seigneur sacré :
Maintenant que vous connaissez le contenu et le contenant du
Lebor
Gabála Érenn, il est temps de voir qui était Nemed et
quel était son rôle au sein de sa communauté.
Le quatrième peuple qui s'est établi en
Irlande
était vu comme une tribu mi-homme mi-animale (ils étaient parfois
appelés d'ailleurs "
le peuple-cerf").
Nemed
(dont le nom pourrait signifier "
sanctuaire", "
lieu
consacré" ou encore "
privilège"), fils
d'
Agnoman (qui serait originaire de la
Grèce), les
mena vers une terre paisible (située entre le territoire des
Pharthologiens et celui des
Fir Bolg) où ils vivront
en paix pendant un temps. L'arrivée des
Fomoires changera
bien entendu la donne.
Durant la guerre qui s'ensuivra, les rois
Fomoires Gann
et
Sengann seront vaincus, mais ce sera insuffisant pour
remporter la victoire et les
Nemediens devront alors rendre
les armes. Un tribut annuel leur sera imposé et suite à la révolte
que nous connaissons, ils fuiront dans la province du
Munster.
Nous pouvons donc désormais voir que Nemed était le
seigneur d'un peuple entier dédié au cerf, il ne faut pas beaucoup
d'imagination pour faire le lien entre cette tribu et le dieu
cornu... Le terme Nemed est d'ailleurs à mettre en rapport
avec les Nemetons, eux-mêmes reliés au nom des sanctuaires
celtes où se pratiquaient les rituels dédiés aux dieux.
Cernunnos par Jonathan Vair Duncan.
Notre arrêt dans les plaines d'Irlande touche à sa fin
et il nous faudra revenir sur nos pas pour fouler à nouveau le sol
gallois et ainsi faire face à...
Arawn :
"
Hir yw'r dydd a hir yw'r nos, a hir yw aros Arawn."
Traduction :
"Long est le jour, longue est la nuit et longue est
l'attente d'Arawn" (la mort).
Gwynn
ap Nudd n'a désormais plus (ou presque) de secrets pour
vous, mais qu'en est-il de son auguste ancêtre ? Si le nom d'Arawn
évoque quelque-chose à certains d'entre-vous (via diverses
adaptations de son épopée ou diverses oeuvres qui emploient son
nom), il est fort peu probable que vous ayez eu l'occasion de lire son
récit. Un manquement que je me ferai une joie de réparer de ce
pas...
Seigneur du royaume des morts d'
Annwn (on ne change pas
facilement de boulot dans la lignée il faut croire), il est
principalement présent dans la "
première branche"
(la première partie du
Mabinogi) et est également mentionné
dans la quatrième. Dans la tradition galloise tardive, son rôle de
roi d'
Annwn sera laissé à l'entité
psychopompe :
Gwynn ap Nudd (pas besoin de vous rappeler de qui il s'agit je
suppose). Cependant, le souvenir d'
Arawn dans le folklore (et
même ailleurs) perdurera à travers les âges. Il est d'ailleurs
possible de trouver des traces de lui dans une vieille fable de
Cardigan (ancien royaume gallois qui se nommait autrefois
"
Ceredigion",
Cardigan n'est plus aujourd'hui
qu'une ville parmi les autres dans le
Pays de Galles)... mais
revenons-en au
Mabinogi.
Arawn, le sombre roi d'Annwn.
Pwyll, prince de Dyved :
Cette première (longue) histoire tirée de la première
Branche du Mabinogi, nous conte les aventures de Pwyll,
un jeune seigneur amateur de chasse qui va faire une rencontre des
plus inattendue... mais plutôt que de vous gâcher la surprise, je
préfère directement vous faire entrer dans le récit...
Pwyll (allégorie signifiant : "
Bon-sens",
"
Prévoyance"),
prince de Dyved, régnait sur
les
sept cantrefs (unités territoriales du
Pays de Galles
au
Moyen-âge. Un "
cantref" regroupe
normalement cent "
tref" et un "
tref"
est comparable à une ferme ou un hameau) de
Dyved. Un jour,
comme il séjournait à
Arberth - sa cour principale -, il
lui vint l'idée et l'envie d'aller à la chasse. L'endroit de ses
domaines où il voulait chasser était
Glynn Cuch. Il partit
le soir même d'
Arberth, et alla jusqu'à
Penn Lwyn
Diarwya, où il passa la nuit. Le lendemain, à la jeunesse du
jour, il se leva et se rendit à
Glynn Cuch pour lâcher ses
chiens sous les bois. Et il sonne du cor, donne le signal de
commencer la chasse, part à la suite des chiens et perd ses
compagnons.
Tandis qu'il écoutait les aboiements de sa meute, voici qu'il
entendit les cris d'une autre meute, qui n'aboyait pas de la même
façon, et qui arrivait à la rencontre de ses propres chiens. Il vit
alors dans le bois une clairière, un terrain plat, et lorsque sa
meute atteignit la lisière, il aperçut un cerf fuyant devant
l'autre meute. Vers le milieu de la clairière, la meute qui le
poursuivait le rattrapa et le fit tomber à terre.
Alors il regarda la couleur de ces chiens, sans plus songer à
regarder le cerf. Or, de tous les chiens de chasse qu'il avait pu
connaître, il n'en avait jamais vu de cette couleur. Ils étaient
d'un blanc brillant et lustré, leurs oreilles étaient rouges (signe
qu'ils proviennent de l'
Autre-Monde).
Pwyll, alors
s'approcha des chiens, écarta la meute qui avait tué le cerf, et
distribua le cerf à sa propre meute, à la curée.
Tandis qu'il était occupé à nourrir ses chiens, il vit un
cavalier qui venait chercher l'autre meute ; il montait un grand
cheval gris pommelé, portait un habit de chasse en laine grise, et
avait un cor de chasse pendu autour du cou. Ce cavalier s'avança
vers lui et lui parla ainsi :
"- Seigneur, dit-il, je sais qui tu es, et je ne te souhaite
pas le bonjour.
- Oui, répondit
Pwyll, tu es peut-être d'un rang si élevé
que la chose serait inconvenante.
- Ce n'est pas l'élévation de mon rang qui m'en empêche.
- Seigneur, qu'est-ce donc ?
- Ta mauvaise éducation et ton impolitesse.
- Quelle impolitesse, seigneur, avez-vous à me reprocher ?
- Je ne connais pas de plus grave manquement à la courtoisie,
dit-il, que de chasser la meute qui a tué le cerf, pour donner la
curée à sa propre meute. Cela, dit-il, était tout à fait
discourtois. Même si je ne cherche pas à me venger de toi, je te
ferai une mauvaise réputation pour la valeur de cent cerfs.
- Seigneur, dit
Pwyll, si je t'ai fait du tort, je paierai
le prix pour faire la paix avec toi.
- De quelle manière paieras-tu cela ?
- Ce sera selon ta dignité, mais je ne sais pas qui tu es.
- Je suis un roi couronné dans le pays d'où je viens.
- Prince, je te salue, dit
Pwyll ; de quel pays viens-tu ?
- D'
Annwvyn ("
Annwfn", l'
Autre-Monde
ou le "
Monde d'en-bas"), dit-il. Je suis
Arawn
roi d'
Annwvyn.
- Prince, dit
Pwyll, de quelle façon ferai-je la paix avec
toi ?
- Voici comment : il y a quelqu'un dont le royaume est en face du
mien et qui me fait continuellement la guerre. C'est
Havgan
roi d'
Annwvyn. Si tu me protèges de ses attaques – ce que
tu peux faire aisément -, tu obtiendras ma paix et mon alliance.
- Je le ferai volontiers, dit
Pwyll. Explique-moi comment
m'y prendre.
- Et bien voici : nous allons faire tous les deux un pacte
d'alliance ("
Kedymdeithas", "
alliance",
il s'agit d'un traité de paix voire d'un pacte de non-agression)
solide. Moi, je te donnerai ma place dans l'
Annwvyn, je te
laisserai la plus belle femme qu'on ait jamais vue pour dormir avec
toi chaque nuit, et tu auras ma forme et mon apparence, si bien que
pas un seul valet de chambre, ni aucun officier, ni aucun de ceux qui
ont jamais fait partie de ma suite, ne pourra savoir que tu n'es pas
moi. Et cela, dit-il, jusqu'à la fin de l'année, à partir de
demain. Notre prochaine rencontre se tiendra alors ici même.
- Bon, dit
Pwyll. Si je demeure là-bas pendant un an, avec
quelles instructions pourrai-je trouver l'ennemi dont tu as parlé ?
- Dans un an à compter de ce soir, dit-il, nous avons
rendez-vous, lui et moi, sur le gué. Tu y seras à ma place, sous
mon apparence. Tu devras lui donner un seul coup ; il n'y survivra
pas. S'il te demande de donner un autre coup, n'en fais rien, même
s'il te supplie. Moi, malgré tous les coups que je lui donnais en
plus, il revenait le lendemain aussi frais que jamais pour se battre
avec moi.
- Bon, dit
Pwyll, qu'est-ce que je ferai de mon royaume ?
- Je vais faire en sorte, dit
Arawn, que personne, homme ni
femme, dans ton royaume, ne sache que je ne suis toi : c'est moi qui
prendrai ta place.
- Parfait, dit
Pwyll, je vais prendre la route.
- Ton voyage sera sans encombres, et rien ne te fera obstacle
jusqu'à ce que tu arrives dans mon royaume : car c'est moi qui te
servirai de guide."
"Les chiens d'Arawn".
Il le guida jusqu'à ce qu'il pût voir la cour et des maisons.
"- Voici, dit-il, prends possession de la cour et du royaume.
Entre dans la cour, il n'y a là personne qui ne te reconnaisse ; à
la façon dont tu verras se faire le service, tu connaîtras les
usages de la cour."
Pwyll dans l'Autre-Monde :
Pwyll se rendit à la cour. Et dans la cour il vit des
dortoirs et de grandes salles, et des chambres, et la décoration la
plus belle qu'on ait jamais vue sur des constructions. Il gagna la
grande salle pour se déchausser. Il arriva des pages et de jeunes
écuyers pour le déchausser, et chacun d'eux le salue en arrivant.
Deux chevaliers vinrent le débarrasser de son habit de chasse, et
l'habiller d'un vêtement de
paile (Étoffe de soie) d'or.
Puis on prépara la salle (pour le repas). Il vit entrer alors les
familiers de la cour et la foule, la troupe la plus belle et la mieux
équipée qui se fût jamais vue, et parmi eux ; la reine, la plus
belle femme qu'on ait jamais vue, portant un habit de
paile
d'or, lustré. Puis ils allèrent se laver, et gagnèrent les tables.
Voici comment ils s'assirent : il avait à son côté la reine, et de
l'autre le comte (à ce qu'il supposait).
Il se mit à converser avec la reine. Et dans cette conversation,
il s'aperçut que c'était une femme des plus intelligentes, de la
nature et du langage les plus nobles. Ils consommèrent boissons et
nourritures, avec les agréments de la musique et du festin. De
toutes les cours qu'il avait vues sur la terre, c'était la mieux
fournie en boisson et nourriture, en vaisselle d'or et joyaux
princiers. Lorsque arriva l'heure d'aller dormir, la reine et lui
allèrent se coucher. Dès qu'ils furent au lit, il lui tourna le
dos, et garda le visage tourné vers le bord du lit. Il ne lui dit
pas un seul mot jusqu'au lendemain (essayez de faire de même).
Le lendemain, ils eurent entre-eux des paroles tendres et
d'aimables conversations. Mais qu'elle que fût l'amitié entre-eux
pendant la journée, il n'y eut pas une seule nuit pendant toute
l'année qui ne se passât comme la première.
Il passa toute l'année dans les chasses, les concerts, les
banquets, l'amitié et la conversation avec sa compagne, jusqu'au
soir fixé pour la rencontre.
Arawn parcourant l'Annwn
(par Oliver).
La confrontation avec Havgan :
Ce soir-là, même les habitants des contrées les plus reculées
du royaume avaient une pensée pour le duel. Il vint au rendez-vous
accompagné des nobles du royaume. Lorsqu'il arriva au gué, un
chevalier se leva et parla ainsi :
"- Nobles guerriers, dit-il, écoutez bien : cette rencontre
oppose les deux rois, et tout se passera entre leurs deux corps
seulement. Chacun d'entre-eux a une réclamation contre l'autre, pour
des terres et des domaines. Vous pouvez tous rester en sécurité, à
condition de laisser l'affaire se régler entre eux seuls."
Là-dessus, les deux rois s'approchèrent l'un de l'autre au
milieu du gué, et s'empoignèrent. Du premier coup, celui qui
remplaçait
Arawn frappa
Havgan au milieu de l'
umbo
(pointe ou cône métallique se trouvant au centre du bouclier afin
de détourner les coups des adversaires) de son bouclier, si bien
qu'il le fendit en deux, et brisa toutes ses armes ; il jeta
Havgan
par terre derrière la croupe de son cheval, à une distance égale à
la longueur de son bras et de sa lance ; l'autre avait été frappé
d'un coup mortel.
"- Seigneur, dit
Havgan, quelle obligation avais-tu de
me mettre à mort ? Je ne réclamais rien. Je ne sais pas non-plus
quelle raison tu avais de me tuer ; puisque tu as commencé à
m'occire, achève ton oeuvre.
-Seigneur, dit-il, je pourrai bien regretter d'avoir fait ce que
je t'ai fait. Cherche un autre pour t'achever ; moi, je ne le ferai
pas.
- Mes fidèles guerriers, dit
Havgan, emportez-moi d'ici ;
ma dernière heure est arrivée. Je ne suis plus en état de vous
défendre.
- Mes fidèles guerriers, dit celui qui remplaçait
Arawn,
prenez vos informations pour savoir qui peut devenir mon vassal.
- Seigneur, dirent les nobles guerriers, ils le peuvent tous, car
il n'y a plus d'autre roi que toi sur tout l'
Annwvyn.
- Oui, dit-il il est juste d'accepter ceux qui viendront se
soumettre. Ceux qui n'obéiront pas, on les contraindra par la force
de l'épée."
Couverture du premier tome d'Arawn de Ronan Le Breton
(scénario) et Sébastien Grenier (dessin).
Les retrouvailles :
Il reçut aussitôt l'hommage des guerriers et commença à
prendre possession du pays. Vers l'heure de midi, le lendemain, les
deux royaumes étaient en son pouvoir.
Puis il se rendit à l'entrevue, à
Glynn Cuch. Lorsqu'il
arriva, il trouva
Arawn roi d'
Annwvyn qui l'attendait.
Chacun d'eux fut heureux de revoir l'autre.
"- Eh bien, dit
Arawn, j'ai su que tu avais été un
bon allié.
- Oui, dit
Pwyll, lorsque tu retourneras dans ton royaume,
tu verras ce que j'ai fait pour toi.
- Ce que tu as fait pour moi, dit
Arawn, les dieux te le
rendront..."
Puis
Arawn rendit à
Pwyll,
prince de Dyved,
sa forme et son aspect, et il reprit lui-même sa forme et son
aspect.
Puis il marcha vers sa cour en
Annwvyn, et il eut le
plaisir de revoir ses familiers et sa compagnie, car il ne les avait
pas vus depuis un an. Eux, cependant, ne s'étaient pas aperçus de
son absence, et son entrée ne leur parut pas plus extraordinaire que
d'habitude. Il passa cette journée dans la joie et la gaieté,
assis, conversant avec sa femme et ses guerriers.
Lorsqu'il arriva l'heure où l'on préfère dormir plutôt que
boire, ils allèrent se coucher. Le roi se mit au lit, sa femme alla
le rejoindre. Il commença par lui parler, puis se livra avec elle à
des ébats amoureux. Or elle n'y était plus habituée depuis un an,
ce qui la fit réfléchir.
"Pourquoi, se dit-elle, a-t-il conçu ce soir des pensées
différentes de ce qu'il a connu depuis un an ?"
Et elle y pensa longtemps.
Cependant, il se réveilla et lui dit une parole, puis une autre,
et une autre encore ; et il ne pouvait obtenir d'elle aucune réponse.
"- Pour qu'elle raison, dit-il, ne me parles-tu pas ?
- Je vais te le dire : je ne t'ai jamais autant parlé depuis un
an, en un lieu de ce genre.
- Comment ? Dit-il, mais nous avons parlé de bien des choses.
- Honte sur moi, dit-elle, si, de toute cette année jusqu'à hier
soir, quand nous sommes entrés dans les plis de ces draps, nous
avons jamais eu, entre nous, ébats et conversation et si tu as
tourné le visage vers moi une seule fois – sans parler des choses
plus importantes."
Alors il songea : "C'est l'homme le plus solide qui soit dans
son alliance, et le plus fidèle, celui que j'ai trouvé comme un
allié." Il dit alors à sa femme :
"- Princesse, ne me fais aucun reproche. Ce n'est pas moi qui
ai dormi avec toi, qui me suis étendu à ton côté depuis un an
hier soir." Et il lui raconta toute l'histoire.
"- Tu as réussi à tenir solidement ton allié, pour ce qui
est de combattre les tentations de la chair, et de garder sa fidélité
à ton égard.
- Princesse, dit-il, c'est justement ce à quoi je pensais, tandis
que je t'écoutais.
- C'était tout à fait normal", dit-elle.
De son côté,
Pwyll,
prince de Dyved, retourna dans
son domaine et son pays. Il commença par demander aux nobles du
royaume ce qu'ils pensaient de sa façon de commander cette année-là
en comparaison de ce qui s'était passé antérieurement.
"- Seigneur, dirent-ils, ta perspicacité n'a jamais été
aussi bonne ; tu n'as jamais été aussi aimable ; jamais tu n'as
dépensé ton bien avec autant de facilité ; jamais ta façon de
gouverner n'a été aussi bonne que cette année-là.
- Il serait juste d'en rendre grâces à celui qui a été avec
vous, voici toute l'histoire telle qu'elle s'est passée." Et
Pwyll raconta tout.
"- Vraiment, seigneur, dirent-ils, remercions les dieux de
t'avoir fait faire cette alliance ; mais l'administration que nous
avons connue cette année, qui sait, tu ne nous la reprendras pas ?
- Je ne modifierai rien", dit
Pwyll.
Représentation probable de Cernunnos (par Stephanie
Lostomolo).
À partir de ce moment, ils se mirent à renforcer leur alliance,
ils s'envoyèrent l'un à l'autre des chevaux, des lévriers, des
faucons, et toutes sortes d'objets précieux, tels que chacun pensait
pouvoir plaire à l'autre. À cause de son séjour d'un an dans
l'
Annwvyn, et parce qu'il avait gouverné là-bas avec autant
de succès, et qu'il avait réuni les deux royaumes par sa vaillance
et sa valeur guerrière, le titre de "
Prince de Dyved"
tomba en désuétude pour
Pwyll, et il fut dès lors appelé
Pwyll Prince d'Annwvyn.
Une histoire fort intéressante malgré sa longueur (par
respect pour l'oeuvre, je n'ai presque rien changé à cette dernière
comme vous vous en doutez, hormis quelques rajouts pour faciliter la
compréhension et la suppression de quelques lourdeurs dans le
texte). La légende de Pwyll (où ce dernier est le personnage
central) pourrait-être qualifiée de "légende royale". En
effet, son rôle premier est de rappeler au prince, comme à ses
sujets, quels sont les principes de conduite à respecter. Ce mythe
défend avec ferveur la légitimité des descendants de Pwyll
ainsi que les principes de la petite monarchie de Dyved.
L'alliance avec le roi de l'Autre-Monde
marque le début d'une épreuve pour Pwyll. Sa
réussite cependant est profitable aux deux partis (Arawn
devenu monarque de tout l'Annwn et Pwyll
dont son royaume s'est hissé jusqu'à une sorte d'âge d'or) et l'on
ne peut que sourire face à l'épisode ou le "pauvre"
prince se retrouve pendant un an à partager la couche de l'épouse
d'Arawn. Pwyll tirera de
cette aventure un nouveau titre ("Pwyll Prince
d'Annwvyn") qui ne fera que renforcer le côté sacré
de sa fonction royale.
Un dernier ajout s'impose à propos du début de ce texte.
Avant que Pwyll ne tombe sur les chiens d'Arawn, il lui
semble entendre des aboiements hors du commun. Dans le folklore
gallois les "Chiens d'Annwn" auraient pour habitude
de traverser les cieux durant l'automne et l'hiver (sans oublier le
début du printemps pour bien faire). Ces aboiements canins peuvent
être comparés à ceux des oies sauvages lorsque ces dernières
partent en migration. Cependant, Arawn est absent de ces
traditions. Plus tard, le mythe sera christianisé (à mon grand
dam...) pour décrire la "capture des âmes damnées d'Annwn",
et Annwn sera comparé à l'enfer des traditions chrétiennes
(où comment diaboliser la "concurrence" et ce qui n'est
pas à votre goût).
Peinture de Susan Eleanor Seddon Boulet (une artiste d'origine brésilienne, décédée en 1997).
Pryderi, le digne descendant :
Une entente cordiale entre les deux royaumes
demeurera bien après la mort du brave Pwyll ; dans la
quatrième Branche, Pryderi, le rejeton de Pwyll et de
fait, le nouveau seigneur de Dyved, reçoit en guise de
présent des cochons de l'Autre-Monde de la part d'Arawn.
Ces cochons, probablement dérobés à Venedotion, magicien et
filou (le terme "filou" semble cette fois lié à certaines
créatures mythologiques malicieuses à mi-chemin entre l'homme et
l'animal), qui sera le leader de l'invasion des terres de Pryderi.
Dans la guerre qui s'ensuivra, Gwydion (fils de la déesse
Dôn, équivalence galloise de la Déesse-Mère,
Gwydion est présenté comme un puissant magicien) tuera
Pryderi dans un combat singulier.
Je vous passe le court extrait où Arawn est
évoqué, ce dernier étant "peu" fourni en informations,
hormis peut-être la réponse au fait que le familier de Taram
(Tirelire le porcelet), héros du deuxième tome des
"Chroniques de Prydain" (cycle de fantasy pour la
jeunesse, écrit entre 1964 et 1968 par Lloyd
Alexander) et du long-métrage de Disney de 1985, semble avoir une si grande importance dans le récit.
Le voyage dans la "Terre des Angles"
touche à sa fin, notre prochaine étape (bien plus lointaine) sera
désormais l'Inde, la terre des dieux. Nous y croiserons la
première incarnation attestée de Cernunnos, marchons donc
sans crainte vers...
L'éveil du dieu cornu :
La mythologie indoue regorge de divinités diverses
et variées et, aussi étrange que cela puisse paraître, ils nous en
ont légués une partie il y a de cela plusieurs millénaires ! Les
Proto-Indo-Européens sont l'exemple parfait de ce legs. Cette
dénomination à rallonge est là pour qualifier les peuples en
provenance de l'Inde, qui ont migré progressivement vers
l'Europe... Probablement peu avant les âges du bronze
et du fer (on parle ici de Protohistoire).
Au fil du temps, les Proto-Indo-Européens
se seraient répandus dans toute l'Europe,
donnant naissance à la quasi-totalité des principaux peuples du
continent (baltes, celtes,
germains, grecs, latins,
slaves) et générant ainsi les bases de
nombreuses langues et traditions.
Cette théorie, de plus en plus vue comme un fait
est cependant vivement contestée (pour des raisons idéologiques,
politiques et j'en passe), mais nous n'entrerons pas dans ce débat
culturel houleux... il est d'ailleurs plus que temps d'entamer la
description de celui qui serait (avec ses deux compères) à
l'origine de Cernunnos, a savoir...
Pashupati :
Au sein de Mohenjo-daro ("le Mont des
morts") - situé au Pakistan, ce site archéologique
contient l'une des plus grandes cités de l'âge du bronze
indien. Cette dernière était fort avancée sur divers aspects,
comme celui de la vie quotidienne (les demeures possédaient pour la
plupart de salles de bains, des systèmes de traitement des eaux usées,
des greniers,...) ou encore la culture (ils possédaient un système
d'écriture qui n'a d'ailleurs pas encore été déchiffré) -, une
pièce unique a été extraite des ruines de la cité : le "sceau
de Mohenjo-daro" (voir image ci-dessous).
Voici l'une des rares représentations du dieu
Pashupati.
Sur ledit sceau nous pouvons voir que le personnage
principal de la scène est doté de deux cornes de taille
respectable (détail plus discret, il est également pourvu de trois
visages) et assis en posture de yoga. Nous pouvons
également voir qu'il est entouré d'animaux sauvages (un tigre est
visible sur la gauche)... nul doute qu'il s'agit là d'une
représentation de Pashupati (ou Pâsunâthale) "Maître
des créatures" (ou le "Maître du troupeau"),
un titre qui semble fort approprié.
Cette divinité peut-être trouvée dans le Rig-veda
- collection d'hymnes sacrés de l'Inde antique, composés en
sanskrit védique (langue ancienne de l'Inde, encore
employée par les érudits et pour les textes religieux hindous). Le Rig-veda
fait partie d'un des quatre grands textes canoniques (Srúti)
de l'hindouisme qui sont connus sous le nom de Veda - comme
l'un des épithètes de Rudra (divinité sinistre dont nous
parlerons dans le chapitre suivant).
Le temple Pashupatinah, situé à Katmandou
(au Népal) semble être consacré a Pashupati. Il
apparaît également dans le Mahabharata (littéralement : "la
Grande guerre des Bharata"). Dans ce texte, Pashupati
est incarné sous la forme d'une arme que Arjuna (fils du dieu
Indra et l'un des héros du Mahabharata, son nom
signifie : "le blanc" ou "le pur")
obtient de Shiva (voir plus bas encore une fois) lors de la
préparation de la guerre. Elle est l'arme la plus destructrice et
peut être lancée par l'esprit, la parole ou un arc (la dernière
option semble la plus commode).
Il n'y a pas que dans la littérature que le Maître
des créatures est présent. La très ancienne secte des
Pasupatas (apparue vers le Ier siècle avant J.C.)
semble d'ailleurs le confirmer. Cette dernière met en avant trois
principes simples : la cause (Shiva), l'effet
(de nature matérielle) et la fin de la peine (oui ça semble
assez obscur dit comme ça). Leur doctrine est supposée venir
directement du dieu Shiva incarné dans un maître nommé
Lakulin - appelé aussi Lakulisha, il s'agit d'un
ascète né vers le IIème siècle (les dates ne semblent pas vraiment se superposer) et considéré comme le
dernier des 28 avatars de Shiva. Il est également vu comme le
créateur du yoga (détail amusant, la signification de son
nom est en lien avec son attribut : une massue).
Après avoir lu ces quelques lignes, je pense ne pas
avoir de grands efforts à fournir pour vous convaincre du lien
tangible entre Cernunnos et Pashupati (ses cornes, les
trois visages, la posture, sa souveraineté sur les animaux,...). Il
est temps donc de passer à la divinité suivante, qui est certaines
fois liée à Pashupati et qui d'autres fois ne forme qu'un
être... la mythologie hindoue est complexe je vous l'accorde mais
faisons contre mauvaise fortune bon coeur pour étudier de plus
près...
Une version malsaine et fort détaillée de
l'inquiétant Rudra (par Joseph A. Gay Junior).
Rudra :
Dieu védique de la mort et des orages, à la fois
seigneur bénéfique et maléfique des animaux (une forme de dualisme
donc) et de la nature sauvage (il est parfois associé à l'entité
dépeinte sur le "sceau de Mohenjo-daro"). Rudra
est également le père des dieux de la tempête, désignés sous le
nom de Maruts - les Maruts, appelés aussi Marutagana
sont, comme écrit ci-dessus, des divinités des tempêtes engendrés
par Rudra et Prisni. Leur description semble les
représenter armés d'éclairs, garnis de dents d'acier (avec un
rugissement puissant comme celui du lion). Ils sont extrêmement
violents et agressifs. Leur résidence se trouve dans le nord, où
ils parcourent les cieux sur leurs chars d'or tirés par de puissants
chevaux. Les Maruts sont également comparés aux Marutas
(cités dans les Vedas), mais ceci est encore une autre
histoire -. Il est vu comme le "prototype de Shiva"
(ce dieu possède de nombreuses incarnations qui se réunissent en
une seule entité), formant un groupe de onze Rudra.
Un dieu certes sinistre mais au rôle ô combien
important (pas de vie sans mort, pas de lumière sans ténèbres).
Comme vous l'avez je suppose deviné, la dernière divinité de cette
triade n'est autre que le tout-puissant...
Shiva :
Divinité absolue des sivaïtes (appelés aussi
"saiva pamtha"), vénéré et représenté sous
d'innombrables aspects (Pashupati qui est sa plus ancienne
forme et Rudra son prototype n'en sont que des "exemples"),
on peut souvent le voir figuré avec un oeil frontal, un trident et
un serpent (ses attributs principaux dans l'Inde du Nord) ou
l'antilope et la hache (dans le sud).
Appelé parfois Siva ou çiva, son nom
signifie : "le bon, celui qui porte bonheur". Il est
reconnu comme l'un des membres de la Trimoûrti.
La Trimoûrti est une partie manifestée de la
divinité suprême qui se fait triple pour présider aux différents
états de l'univers. Dans le shivaïsme, les dieux Brahmâ
(créateur de tous les êtres), Vichnou (protecteur
et dieu de la terre) et Shiva (ou Rudra, sa forme
destructrice), symbolisent respectivement : la création, la
préservation et la destruction. Ils sont perçus comme
des émanations de Shiva en tant que divinité suprême
non-manifestée et donc, non-représentable (qui a dit que le
christianisme avait le monopole du "dieu invisible" ?).
Représentation classique de Shiva (photo de
Ram Lucas).
Shiva est un yogi omniscient (il
sait tout ce qui se passe dans le monde) qui incarne un aspect majeur
de l'existence. Doté d'une formidable puissance, il mène une vie de
sage sur le Mont Kailash (chaîne de montagnes de plateau
tibétain). Dans la tradition Shivaïste de l'hindouisme,
Shiva est considéré comme le dieu suprême doté de cinq
fonctions : il est le créateur, le préservateur, le
destructeur, le dissimulateur et le révélateur
(je m'abstiendrai de faire une blague de photographe sur le sujet)
par sa bénédiction.
Il est temps maintenant de quitter l'Inde et
ses dieux pour remonter vers le sud de l'Europe afin de
rencontrer les déités et Élémentaires de la Grèce
et Rome Antique, un voyage qui sera rythmé par un
quatuor cornu bien connu (des amateurs de mythologie grecque).
Les dieux pastoraux :
Bacchus :
Aux satyres buveurs de vin doux, à Bacchus qui
planta la vigne, Héronax, comme prémices de ses jeunes vignes et de
ses trois vignobles, a consacré ces trois jarres remplies du vin de
la première récolte. Dans les libations que nous allons faire
suivant les rites aux satyres ou à Bacchus, buvons plus que les
satyres.
- Léonidas de Tarente.
Divinité romaine de la vigne et du vin (et aussi de la
débauche), il est souvent surnommé le "dieu de la nuit".
S'il n'est pas une divinité mineure, il n'a cependant pas une aussi
grande importance pour les Romains que celle qu'accordent les Grecs à
Dionysos (voir plus bas). Horace (Quintus Horatius
Flaccus de son nom complet, poète romain né en 65 avant
J.C.) cependant, l'invoque avec talent et lyrisme dans ses odes.
Les fêtes de Vinalia (qui ont lieu en avril et en août) lui
sont consacrées.
Dionysos :
Équivalence grecque du dieu de la vigne et du vin
Bacchus, Dionysos est cependant une entité à part
dans la mesure où ses égaux (Poséidon, Athéna,
Artémis,...) sont considérés comme incontournables (dieux
de base du panthéon grec), alors que lui a dû batailler
ferme, multiplier les prodiges pour asseoir son trône et ainsi
imposer sa divinité.
Son culte ne s'est donc pas imposé d'emblée. Chez
Homère par exemple, il est vu comme l'un des douze dieux de
l'Olympe, dont le rôle est d'enseigner l'art de planter la
vigne et de recueillir le vin de la treille (faites un peu
d'oenologie pour savoir de quoi il s'agit). Dieu fort apprécié
du peuple (comme Démeter la déesse de l'agriculture et des
moissons) il est méprisé par les nobles qui ne lui témoignent
qu'un intérêt poli.
Dionysos probablement accompagné par des
Nymphes (par Bruno Wagner).
Plus tard, les divinités populaires connaîtront un regain
d'intensité et
Dionysos, dieu des énergies végétatives,
dieu de la sève, dieu de la vigne et du vin, se verra octroyer une
place de choix dans le panthéon divin.
Des fêtes lui seront d'ailleurs consacrées, les plus fameuses
étant les
grandes Dionysies qui se déroulent à la fin du
mois de mars et qui durent six jours. Des représentations théâtrales
(
dithyrambes) en sont la clé de voûte, sans oublier des
tragédies, drames satyriques et comédies qui forment un large
éventail placé sous la bannière des arts.
Outre ses fonctions dans la
viticulture (qui a trait à la
vigne),
Dionysos symbolise la suprématie de la passion et de
l'enthousiasme sur la raison. Vénérer
Dionysos, c'est
reconnaître la nouveauté, c'est accepter de payer le prix du
changement inévitable (une forme modérée de
chaos).
Pan :
"
Le Crétois Thérimaque a suspendu aux rochers de
l'Arcadie ces javelots de chasse en l'honneur de Pan. Ô toi qui
règnes sur les forêts du Lycée, en retour de cette offrande,
dirige dans les combats la main et les flèches de Thérimaque,
viens-lui en aide dans les vallées avec ton bras puissant, livre-lui
les prémices de la chasse, les prémices aussi des ennemis."
-
Léonidas de Tarente, Epigrammes votives.
Dieu grec doté de pouvoirs de
divination et protecteur des
berger (ainsi que des troupeaux), il semble être l'équivalent
romain du dieu
Faunus (voir chapitre suivant).
Il apparaît sous une forme à mi-chemin entre l'homme et le bouc
: un corps velu, une longue barbe en pointe, des sabots fendus, bref
la panoplie complète d'un digne représentant des
caprins
(famille des chèvres). Il inspire une peur panique aux gens du cru
qui l'aperçoivent au détour d'un chemin, bondissant d'un rocher à
l'autre, ou surgissant d'une des innombrables grottes du
Ménale,
en
Arcadie. Aux environs de midi, dans les collines, mieux
vaut ne pas faire de bruit, car c'est l'heure où ce dernier se
repose (le déranger revient à courir dans la caverne d'un ours avec
un saumon dans la bouche).
Représentation du dieu Pan avec son syrinx.
Pan est également la divinité de la fécondité ainsi que
de la puissance sexuelle (plus tard cette symbolique sera associée
au bouc en général et diabolisée par les catholiques... encore une
fois) et il est le créateur de la flûte à sept tuyaux (appelée
généralement : "
flûte de Pan").
Vénéré principalement en
Arcadie (région du sud de la
Grèce) durant le
IV siècle avant J.C., il est
principalement représenté sous les traits d'un jeune-homme,
symbole de la civilisation (enlevant ainsi la touche sylvestre du
tableau). Ses attributs sont le
syrinx (véritable nom de la
flûte de Pan), le bâton du berger, la couronne et le rameau
de pin.
Faunus :
"
Rapide, Faunus quitte souvent pour le charmant Lucrétile
le Lycée, et il défend mes chèvres contre les feux de l'été et
contre les vents qui amènent la pluie."
-
Horace, Odes.
Comme ses autres "collègues", il est le dieu protecteur
de l'agriculture et des bergers. Son domaine d'action est donc
fatalement rattaché aux champs, bois, forêts, plaines, rivières,...
il en assure la fertilité et la fécondité.
Les romains tirent son nom de "
favere" ("
être
favorable"). Il est l'une des plus anciennes divinités de
l'
Italie et est surnommé le "
compagnon de Vénus"
parce que les cultes des deux divinités sont souvent associés.
Il ne faut cependant pas oublier qu'à l'origine, il est une
divinité sauvage et farouche dont le pouvoir s'exerce sur les terres
dénuées de toute trace de cultures et civilisation, les champs
cultivés étant le domaine de
Sylvain, dieu auquel il est
parfois comparé.
Lorsque le culte de
Pan est introduit en
Italie,
Faunus est alors identifié au dieu grec dont on lui prête
les aspects : cornes et sabots de bouc. Par la suite apparaît le nom
commun pluriel "
Faunes". Ces demi-divinités (donc
mortelles), sont représentées à l'image du
Faunus, qu'elles
assistent : moitié humaines et moitié chèvres. Créatures
champêtres et sylvestres, les "
Faunes impudiques"
sont bientôt assimilés aux
Satyres de la mythologie grecque.
Après vous avoir présenté sommairement ce charmant quatuor
(je me réserve le droit de vous en dire plus sur les Faunes
et Satyres dans un futur plus ou moins proche), nous pouvons
quitter la chaleur des terres méditerranéennes, pour remonter vers
l'Europe Centrale, dans la vaste Hongrie où nous
attend...
Csodszarvas :
Les mythes des pays de l'est ne sont pas fort populaires dans
nos contrées. Ils sont pourtant uniques et fort riches. L'un d'eux
va retenir notre attention pour cette fois : le mythe des frères
fondateurs. Pour vous résumer cette légende, Hunor et
Magor débusquent un cerf immaculé. Une longue et
épuisante traque débute mais le cerf garde toujours une longueur
d'avance sur eux, les menant toujours plus loin vers l'ouest en
Levedia, où en finalité, ils épousent deux princesses et
fondent les peuples Hun (peuple nomade turc originaire de
l'Asie Centrale) et Magyar (Hongrois).
Une version "celtique" de Csodszarvas
par Sekhmet.
Le cerf Csodszarvas est une figure centrale
dans la mythologie hongroise, son nom pourrait se traduire par "Cerf
Miraculeux". Hormis son rôle de guide, ce charmant
cervidé est, vous vous en doutez, à mettre en parallèle avec le
dieu Cernunnos (des esprits chagrins le lient à
saint Hubert mais vu que ce dernier est lui
aussi une adaptation du dieu cornu par les catholiques, c'est
chou-vert et vert-chou). Mais trêve de parlote, passons directement
à l'analyse des deux versions du mythe du cerf-blanc que j'ai pu
dénicher.
Le
Cerf Miraculeux (première version) :
Un jour,
Ménrót - qui s'appelle également
Nimród. Son nom signifie : "
Celui qui a vaincu le tigre" ou
une variation du verbe "
se rebeller" en arabe. Ce
personnage est lié aux récits bibliques (il serait apparenté à
Noé) et son nom a servi à rebaptiser une ancienne cité
mésopotamienne (la cité de
Kalhu qui porte désormais le nom
de
Nimrud) - l'ancêtre des ancêtres, rencontra une belle
femme appelée
Enéh. Après d'innombrables étreintes, elle
donna le jour à deux fils :
Hunor et
Magor. - En
accord avec les anciennes légendes (et au risque de me répéter),
l'un devint l'ancêtre des
Huns et l'autre, l'ancêtre des
Hongrois, c'est depuis que ces deux peuples sont étroitement
liés l'un à l'autre - Les enfants avec l'âge devinrent de
vigoureux jeune-hommes qui allaient souvent chasser ensembles.
Un beau jour, les frères et leurs suivants tombèrent sur une
région encore inexplorée. Le soleil était déjà bas dans le ciel
et les guerriers songèrent à tourner bride afin de rentrer chez-eux
avant que les ténèbres ne les atteignent.
Tout à coup, ils poussèrent un cri d'émerveillement quand ils
virent une magnifique créature apparaître sous leurs yeux : un cerf
mâle d'une beauté jamais contemplée auparavant ! Il avait une
éblouissante crinière, aussi blanche que la neige qui miroite sous
l'éclat du soleil, ainsi qu'une énorme paire de bois tortueux
au-dessus des yeux qui brillaient, pareils à des diamants de la plus
belle eau. La noble créature ne perdit pas de temps et disparut d'un
bond dans les buissons, ne laissant que le bruit de sa course pour
seul preuve de son existence.
Aucun ordre ne fut nécessaire puisque les cavaliers prirent en
chasse le cerf presque immédiatement. Chacun d'eux ne pensait qu'à
la gloire qu'ils récolteraient en capturant une telle bête.
Hunor
et
Magor (ou
Magyar selon les versions) laissèrent les
hommes charger. Ils traquèrent de concert la splendide créature de
longues heures durant ; chaque fois que les chasseurs pensaient avoir
perdu la trace de l'animal, ce dernier réapparaissait devant eux. A
la fin de la traque, ils se retrouvèrent dans une merveilleuse
contrée inconnue, où les cours d'eau semblaient doux comme le vin
(un détail qui me laisse un brin sceptique).
Gravure sur bois de l'oiseau Turul (nous en reparlerons
une fois prochaine) et de Csodszarvas.
Émerveillés par tant de beauté, les hommes restèrent pour la
seconde fois sans voix à la vue du spectacle qui s'offrait à leurs
yeux. Le
Cerf Miraculeux, après les avoir menés dans cette
terre d'accueil où ils pourraient vivre en toute quiétude, profita
de l'occasion pour disparaître, nul ne l'a revu depuis.
Le Cerf Miraculeux (seconde version) :
Cette deuxième partie nous donne plus de précisions sur la
suite de l'histoire mais aussi quelques détails que l'auteur
précédant a omis de mentionner. En parlant de précisions, pour
ceux et celles que ça intéresse. Le terme "Magyar"
("Magyarok" au pluriel) désignait à l'origine, un
groupe ethnique en provenance de l'Asie Centrale et dont les
migrations successives, d'abord vers l'Oural (immense chaîne
de montagnes se situant dans l'actuelle Russie), puis vers la
Mer Noire (aux abords de l'Ukraine), pour finalement
aboutir à la création du "Pays Magyar"
("Magyarország"), autrement dit : la Hongrie.
De nos jours le qualificatif "Magyar" sert
d'avantage à désigner ce peuple, avant la création de l'état
hongrois. Et donc, après cette "courte" parenthèse,
revenons à l'histoire des frères fondateurs.
Le mythe du cerf blanc est une légende des origines du peuple
hongrois. Il est dit que les deux fils du grand chasseur
Nimród
(
Hunor et
Magor), comme leur père, ne vivaient que
pour traquer le gibier. Un beau jour, ils partirent vers l'ouest pour une
expédition de chasse, chacun accompagné de cinquante hommes en
guise d'escorte.
Par un beau matin, ils virent un splendide cervidé immaculé
comme ils n'en avaient jamais vu auparavant et, immédiatement ils
commencèrent à le traquer. Ils voulaient le prendre vivant afin de
le ramener à leur père. Cependant, le cerf était très rapide et
ce dernier les évita jusqu'au crépuscule.
Une splendide version du Cerf Miraculeux par Jonas
Jödicke.
A leur réveil, le cerf était de nouveau là et ils le suivirent
des jours durant jusqu'à ce qu'un matin, ce dernier disparaisse
brusquement dans une zone marécageuse - parfois définie comme les
marais
Maeotian où la rivière
Don se déverse dans la
mer d'
Azov - où ils ne pourraient pas le suivre. Dépités
par la tournure que prenaient les évènements,
Hunor et
Magor
décidèrent de prendre du repos afin d'avoir les idées plus claires
pour la suite des évènements. Au petit matin, qu'elle ne fut pas
leur surprise de découvrir qu'ils étaient sur une île splendide,
couverte de forêts et emplie de vert pâturages, sans oublier les
rivières débordantes de poissons (ça change du vin).
Les frères décidèrent de demeurer là, si leur père leur
accordait sa bénédiction. Après une voyage de sept jours pour
rejoindre leur géniteur, ils découvrirent ce dernier gisant sur son
lit de mort, à l'agonie. Ils lui parlèrent de leur projet et
demandèrent son accord, le pressant de laisser sa principauté à
son autre fils (qui n'est pas cité ici).
Nimród accepta et
expira dans un dernier souffle.
Après les funérailles,
Hunor et
Magor retournèrent
sur cette île chatoyante où le cerf les avaient guidés. Sur leur
chemin, ils trouvèrent un groupe de ravissantes jeunes femmes en
train de danser, formant un cercle avec deux autres demoiselles au
centre de ce dernier. En un clin-d'oeil,
Hunor et
Magor
galopèrent à bride abattue vers le centre du cercle, balancèrent
les deux jeunes femmes à l'arrière de leurs selles et les cent
hommes qui les accompagnaient toujours, prenant leurs chefs en
exemple, en firent de même avec le reste (excusez le terme peu
glorieux pour la gent féminine) des demoiselles, avant de partir au
triple galop.
Hunor et
Magor venaient en fait de prendre les deux
filles du prince des
Alan,
Dulna. La fratrie,
accompagnée de leurs hommes célébrèrent un mariage de groupe.
Hunor devint le père des
Huns et
Magor le père des
Magyars. Au fil des ans, ils devinrent vite fort nombreux, au
point qu'il fallut plus d'espace pour tous les accueillir. Ils
galopèrent donc vers l'ouest et découvrirent à nouveau une terre
prospère (probablement près du
bassin des Carpates).
Il existe plusieurs variantes de cette légende. Selon
certains, les femmes qu'ils découvrent en revenant de chez leur père
se changent en Fées (en Élémentaires en gros) pour s'envoler si
les hommes ne sont pas assez rapides pour les attraper (cette scène
est d'ailleurs dépeinte sur l'un des vitraux de l'hôtel Gellért à
Budapest). D'autres auteurs se servent de cette partie du mythe pour
donner la raison pour laquelle les femmes hongroises semblent toutes
aussi ravissantes (ce qui passe à mes yeux pour du vilain cirage de
bottes en bonne et due forme, n'en déplaise aux demoiselles
hongroises)...
Après cette longue traque du Cerf Miraculeux, il est
temps d'entamer la dernière partie de notre voyage et de revenir
vers l'Europe Centrale, en Belgique pour faire la
rencontre de...
Saint Hubert :
Ce n'est pas vraiment saint Hubert qui est une
incarnation de Cernunnos mais bien le cerf qu'il a croisé au
cours d'une chasse. Le dieu cornu, avec l'aide "bienveillante"
(et je me surveille cette fois pour ne pas employer un langage plus
"châtié") du catholicisme, s'est vu réduit à l'état de
symbole, pire il est devenu l'évènement clé qui aurait forcé
l'évêque de Liège à se convertir... Cette utilisation
outrancière des dieux de la concurrence était à l'époque chose
courante. Je suppose que pour faciliter la conversion des fidèles
(et pour ne pas que ça hurle trop), il était monnaie-courante de
changer les dieux "païens" en saints "vertueux"
(amusez-vous à faire des recherches sur le dieu Lug, la
déesse Brigantia ou lisez l'article intitulé "Le
Dullahan et Sleepy Hollow" si vous désirez en savoir
plus)... surtout après s'être approprié leurs lieux sacrés (le
Mont saint Michel, le Croagh Patrick, pour ne citer que
ceux-là).
Nous étudierons la légende de saint Hubert de trois
manières. La première sera l'analyse de sa vie en se basant
uniquement sur des faits historiques. La seconde sera l'analyse du
mythe et enfin la dernière, sera la comparaison entre Cernunnos
et le cervidé des Ardennes (avec probablement quelques petits
rajouts, comme d'habitude). La thèse de Daniel Gricourt ,
Dominique Hollard et Bernard Sergent ("Cernunnos,
le dioscure sauvage : Recherches comparatives sur la divinité
dionysiaque des Celtes" ... oui le titre est assez long,
mais pour une fois que je cite une de mes sources... saluez l'effort
que diable !), m'aura été grandement utile pour cette dernière
partie et je tiens donc à leur adresser de chaleureux remerciements
pour leur excellent travail. Plongeons maintenant dans l'histoire...
"La vision de Saint Hubert" (peinture de
Bruegel l'Ancien).
Version historique :
Saint Hubert (
Hubertus en anglais), était un évêque
de
Liège (
Belgique) et le patron des
Ardennes.
Il aurait vécu au
VIIème siècle et serait mort en
727.
Son plus ancien biographe, qui vivait au
VIIIème siècle ou
au
IXème siècle, se borne à raconter qu'il fut le disciple
ainsi que le successeur de l'évêque de
Liège,
saint
Lambert (j'espère que le biographe n'a pas été payé pour son
"excès" de zèle...) vers l'an
708.
A moins de croire aux miracles, il est presque impossible de dire
les évènements qui ont conduit
saint Hubert à se convertir
au christianisme ; mais aussitôt qu'il se rangea sous la bannière
des chrétiens, il se mit sous la conduite de
saint Lambert -
né en
636 à
Maastricht (
Hollande) et mort en
705 à
Liège (
Belgique) -, alors évêque de
Maastricht, qui l'éleva par la suite au sacerdoce et
l'associa au gouvernement de son diocèse (désigne le territoire où
l'évêque y exerce ses fonctions, ce terme latin qui signifie :
"
administration" ou "
gouvernement"
a été employé pour la première fois vers le
IIIème siècle).
Plus tard,
saint Lambert sera massacré (assassiné dans le
village de
Liège, probablement à cause d'une querelle
clanique d'une fratrie rivale) et
Hubert sera désigné pour
lui succéder.
En
720 le corps de
saint Lambert sera transféré de
Maastricht
à
Liège (qui n'était à l'époque qu'un village). La
dépouille de l'ancien évêque sera placée dans une belle église
que
saint Hubert avait fait bâtir à l'endroit même où son
prédécesseur s'était fait martyriser (cette église deviendra plus
tard la
cathédrale de Liège). Depuis lors,
saint Lambert
est vu comme le patron de la ville et
saint Hubert comme son
fondateur.
Selon la tradition,
saint Hubert décéda le
30 mai 727.
Son corps fut transporté également à
Liège et déposé
dans l'
église collégiale de Saint-Pierre. En
823, il
fut transféré avec la permission de
Louis le Débonnaire
(fils de
Charlemagne et roi d'
Aquitaine jusqu'en
814,
année où il sera sacré empereur d'
Occident), à l'
abbaye
d'Audain (dans les
Ardennes), laquelle porte depuis son
nom.
Version mythique :
Passé le côté purement historique de la vie de saint-Hubert
(qui n'est pas ce qui se fait de plus attrayant sur le marché), nous
pouvons passer à la version plus légendaire du récit et enfin voir
le fameux cerf entrer en scène...
Le fameux vitrail de Turpange (Belgique).
Notre récit commence avec
Hubert, fils de
Bertrand
(le duc d'
Aquitaine de l'époque) qui est envoyé un beau jour
à la cour de
Thierry 1er (
Thierry de Metz). Très
vite, le jeune homme se brouille avec le maire
Ebroin et il
est contraint de se retirer en
Austrasie (royaume
Franc
apparu en
511, à la mort de
Clovis) chez son parent le
duc
Pépin d'Herstal (
Pépin le Gros pour les intimes)
où il y épouse
Floribane, fille du comte de
Louvain.
Les miracles :
Le premier miracle de
saint Hubert est celui qui fut à
l'origine de sa conversion. Un jour de
Noël, le descendant de
Bertrand d'Aquitaine parcourait la lande en quête de gibier
(au lieu de donner le temps "voulu" aux pratiques
religieuses). Il eut à peine le temps de lâcher les chiens qu'un
magnifique cerf se posta en face de lui, chose étrange le cervidé
arborait une croix entre ses ramures. Une voix se fit alors entendre
au même instant, disant :
"- Va trouver
Lambert, évêque de
Maastricht,
cesse d'être incrédule et fais-toi catholique ; fais pénitence de
tes péchés comme il te le conseillera, car par toi l'église sera
exaucée. Si tu ne le fais pas, tu seras damné à ta dernière
heure."
Surpris,
Hubert descendit de son cheval, puis il se mit à
genoux pour adorer le signe de la "rédemption" (mon côté
sarcastique à ce sujet n'est pas injustifié, vous aurez tout le
loisir de le constater dans le prochain chapitre) et pour demander à
dieu pardon de ses péchés. Catéchisé par
saint Lambert
(aux origines moine à
Stavelot ou dans les
Ardennes
selon d'autres sources), il fit ensuite un pèlerinage à
Rome
où il apprit "miraculeusement" la mort de l'évêque
Lambert (je doute que qualifier la mort d'un proche de miracle
soit de bon goût). Contraint de lui succéder, il reçut du ciel une
étoile merveilleuse à laquelle les croyants prêtaient le don de
guérir de la
rage (maladie virale qui touche principalement
les carnivores et s'attaque au système nerveux) lorsqu'on en insère
une parcelle dans une incision pratiquée sur le front de la personne
mordue.
Outre ses talents de guérisseur,
saint Hubert possédait,
selon les dires des talents d'exorciste et de faiseur de pluie... En
effet, alors que ce dernier participait à la procession des
Rogations, une femme "possédée" du démon troubla
la cérémonie. Aussitôt, l'évêque lui imposa le silence et la
délivra de son mal en faisant sur elle le signe de croix (vous savez
déjà tout le crédit que j'accorde à ce genre de pratique, qui a
pour moi autant d'effet que de tenter de vider les océans avec un seau
percé). Une autre fois il sauva également une contrée victime
de la sècheresse par ses prières.
Une charmante scène hivernale où l'ont peut apercevoir, dans
le fond, l'ombre d'un cerf majestueux.
La première chose qui m'a toujours fait grincer des dents dans
ce genre de récit, c'est l'obligation et le manque de libre arbitre.
Le dieu chrétien contrairement à la plupart des entités ou
divinités rangées sous la bannière du "bien", ne laisse
aucun choix au pauvre Hubert, pire il menace de le damner s'il
ne s'exécute pas... Une bien piètre image en finalité.
Mais quittons ce registre qui en fâchera plus d'un et
continuons notre visite en détaillant la comparaison entre le mythe
de saint Hubert et les symboliques de l'entité Cernunnos.
Cernunnos et saint Hubert :
Pour débuter notre analyse, première constatation :
saint
Hubert serait né le premier novembre, date qui correspond au
Nouvel-an celtique (pour rappel, date de l'avènement du règne
de
Cernunnos). Outre la date, le second élément aussi
flagrant qu'un nez en pleine figure est le
cerf : emblème
incontestable du dieu
celte.
La croix qui est plantée entre les ramures du cerf (et qui provoque en moi un grincement de dents compulsif) n'est autre qu'un
détournement de la
roue solaire celte (symbole antérieur au
christianisme, la croix symbolise
le monde manifesté tandis
que la roue nous rappelle que
l'esprit est sous-jacent à toutes
les formes). En effet, la croix lumineuse qui orne le front du
cerf forme un symbole similaire au halo qui apparaît entre les bois
de
Cernunnos (cette représentation a été découverte sur
l'une des faces d'une pièce d'argent bretonne du
Hantshire,
trouvée près de
Petersfield et publiée par
Boon en
1892).
Autre similitude (moins évidente cette fois) : le lien du dieu
cornu avec la
roue cosmique (son rôle sur la croissance et la
décrépitude de tout ce qui vît) et n'oublions pas bien entendu le
contexte sylvestre où se déroule la chasse de
saint Hubert,
détail flagrant qui ramène encore une fois vers
Cernunnos...
Illustration fort particulière d'Andrew Mar.
Si saint Hubert est à mettre en lien avec le seigneur
de l'Annwn, il ne faudrait pas non-plus oublier une autre des
incarnations du dieu cornu. Chose que nous allons développer à
l'instant dans...
Herne et saint Hubert :
En
Angleterre, la légende de
saint Hubert
(
Hubertus) est vue comme une variation de la
Chasse
Sauvage. Il est d'ailleurs "amusant" de constater qu'en
Allemagne et en
Alsace, l'ouverture de la chasse aux
cerfs débute le premier août, jour où est fêté le dieu gaulois
Lugus (
Lug est son équivalent irlandais) vu comme le
frère jumeau et principal rival de
Cernunnos (
dualisme
quand tu nous tiens).
Un autre jour en parallèle avec la
Chasse Fantastique se
situe le 3 novembre. Les chasseurs ardennais doivent en effet déposer
solennellement la dépouille du cerf tué sur le parvis des églises
dédiées au saint des
Ardennes.
Dans le
Haut-Morvan (situé en
Bourgogne), il y
aurait, vers minuit, aux croisements des chemins, un passage
d'
Esprits connu sous le nom de
Chasse de saint Hubert ;
il est accompagné par un vacarme dans l'air et l'on peut voir un
petit chien poussant des cris plaintifs , poursuivi par un molosse de
grande taille. Un soldat qui ne craignait rien, voulu en être témoin
; il se munit d'un
bâton de coudrier (lié à la
radiesthésie, ce bâton est censé découvrir ce qui demeure
caché aux facultés normales) et obtint l'autorisation d'emmener
avec lui un garçonnet. Vers minuit, arrivé au carrefour orné d'une
croix, il traça un cercle à l'aide de son bâton et se plaça en
son centre, bâton dressé pointe en l'air. Peu après il entendit un
grand bruit suivi aussitôt par le petit chien qui vint s'abattre sur
le bâton, provoquant la disparition mystérieuse du soldat et du
garçonnet dans un nuage de fumée. Nul ne les a revus depuis...
Illustration d'Andrew Mar (à nouveau oui).
Un dernier lien entre le saint et l'auguste cervidé divin est à
mentionner : l'aspect
psychopompe de
Cernunnos. Le dieu
celtique a en effet séjourné dès sa naissance dans l'
Autre-Monde,
auprès des forces "sombres et maléfiques" qui l'ont
enlevé durant la
Samhain (le nom des
Fomoires ou
"
Fomoiré" semble rattaché au mot irlandais
"
Fobhar", qui signifie littéralement "
Esprit"
ou "
Spectre"), avant de réapparaître peu après en
pleine santé dans le monde des vivants. Il n'est donc pas très
étonnant de voir que
saint Hubert se retrouve avec la tâche
de "contrôler" à cette même période, l'irruption et le
déferlement sur la terre des entités venues de l'au-delà. Cette
particularité (honteusement dérobée) pourrait expliquer la coutume
liégeoise (qui n'a pas perduré jusqu'à notre époque), attestée à
la fin du
XVème siècle, de tambouriner à l'aide d'un petit
maillet de bois, sur les portes des maisons, la nuit du 3 novembre.
Conclusion :
Cernunnos malgré les épreuves et le lent passage des ans,
demeurera dans le coeur et l'esprit de bien des gens pour encore un
bon moment. Il suffit d'arpenter les bois et forêts, de s'arrêter
pour contempler un court instant la nature en train de changer au
rythme des saisons, de sentir son coeur s'accorder avec celui des
habitants des sylves et vous pourrez ressentir sa présence
bienveillante auprès de vous...
Notre long et tumultueux voyage au royaume du dieu cornu touche
d'ailleurs à sa fin... J'espère que votre cavalcade à travers les
âges vous aura au moins autant plu que j'ai apprécié de faire des
recherches sur le sujet. Je vous laisse cependant un dernier cadeau :
une petite liste de livres, films, jeux et j'en passe qui se sont
inspirés de
Cernunnos et de ses autres incarnations. En
espérant vous revoir au prochain article, je vous tire mon chapeau
et m'envole vers d'autres contrées où le rêve ne se termine
jamais.
Illustration de Sara.
Annexes :
Littérature :
- Dans "
LesChroniques de Prydain" de
Lloyd
Alexander (série de livres de
fantasy qui se basent sur
la littérature galloise),
Arawn est l'un des principaux
ennemis de la série. Autrefois un homme mortel doté de puissants
pouvoirs et marié à
Achren, la reine d'
Annuvin (la
différence grammaticale avec
Annwn est minime). Il décide de
la trahir le jour où elle n'a plus rien à lui apprendre, afin
d'usurper la
couronne de fer d'
Annuvin et le titre de
"
Seigneur de la Mort". Suite à ce forfait, son
désir le plus cher sera évidemment de conquérir tout
Prydain.
- "
L'Hiverrier" (ou "
Wintersmith"
dans son titre original) écrit par
Terry
Pratchett, semble être une adaptation du livre de
Robert
Graves ("
The White Goddess") et montre sous un
ton humoristique, la lutte constante entre le "
bonhomme
hiver" et la "
Dame de l'été".
-
John J. McLaglen, semble avoir écrit une série de
livres avec pour héros :
Herne the Hunter (c'est le nom de
ladite série) qui apparaît sous les traits d'un cow-boy à la sauce
Sergio Leone (les
"
western spaghetti" comme : "
Le Bon, la
Brute et le Truand", "
Il était une fois dans
l'Ouest",...), avec une touche de fantastique pour bien
faire.
-
Mike Mignola (le père du comic américain "
Hellboy"),
dont j'admire énormément le travail (il est rare que les américains
s'intéressent à notre folklore et
Mignola a prouvé plus
d'une fois sa maîtrise du sujet, allant souvent chercher des mythes
obscurs ou des auteurs de
fantasy peu connus, pour créer ses
nouvelles encrées), nous dépeint dans le tome intitulé : "
La
grande battue", une version personnelle de la
Chasse
Sauvage, menée par un représentant symbolique de
Herne
afin de traquer les
Géants qui s'éveillent de leur long
sommeil sur le sol de l'
Angleterre.
- Non content d'avoir sa propre série de livres,
Arawn est
également le personnage principal de la bd du même nom (scénario
de
Ronan Le Breton et dessin de
Sébastien Grenier).
Cernunnos par Ion Ander.
Jeux vidéos :
- Dans "
Fable
II", le premier
boss rencontré, "
Thag
l'Impatient" (chef des bandits du
lac de Bowerstone),
est coiffé d'un crâne de cerf orné de ses ramures... Le
clin-d'oeil à
Herne le Chasseur semble évident.
- Si la monde du sieur
Mc Gee est onirique et dérangeant à
souhait, il ne manque pas non-plus de symboliques variées. Dans
"
Alice
Madness Returns", un petit
DLC (contenu
téléchargeable) est disponible afin de modifier l'apparence des 4
armes d'
Alice. L'une d'elle porte le doux nom de "
Knightmare"
(jeu de mots pour chevalier : "
knight" et cauchemar
: "
nightmare") et se présente sous la forme d'une
massue d'os se terminant par un crâne de
Licorne
orné de ramures de cerf.
- Dans
Bloodforge, le joueur se doit d'incarner
Arawn
(le seigneur d'
Annwn est d'ailleurs aussi dans le jeu en ligne
"
Dark Age of Camelot" où il est le dieu tutélaire
des
Reaver pour les classes d'hérétique et de nécromancien).
- Dans
Pokemon X et
Y (oui vous avez bien lu), dont
le nom dérive de l'
abscisse (
X pour
Xerneas), de l'ordonnée (
Y pour
Yveltal, l'oiseau mythique probablement inspiré du
Turul hongrois) - et n'oublions pas la cote (
Z), incarnée par le
Dragon Zygarde -, le
pokemon légendaire
Xerneas semble basé sur le
Cerf
Miraculeux de la mythologie
Hongroise.
Ces
coordonnées cartésiennes symbolisent je suppose les dimensions ou des états différents (si
Xerneas est vu comme le porteur de vie son axe symbolise cet aspect et
Yveltal son contraire tandis que
Zygarde apporte l'équilibre).
Pour en revenir à
Xerneas, sa capacité principale est d'augmenter la puissance des attaques de type
Fée d'un tiers pour tous les
Pokemons présents sur le terrain.
Un dieu-cerf original.
Films :
- "
Taram et le Chaudron Magique" ("
The
Black Cauldron"), le 32ème long-métrage d'animation des
studios
Disney, sorti en
1985, se base principalement
sur le deuxième tome des "
Chroniques de Prydain" de
Lloyd Chudley Alexander (voir plus haut dans la section
littérature).
- "
The Box of Delights" est une nouvelle de
fantasy pour les enfants. Écrite par
John Masefield en
1935, elle sera adaptée par la
BBC à la radio puis à
la télévision (en
1984).
Herne le Chasseur y fait une
apparition en tant que personnage guide.
- Dans "Princesse Mononoke" (film d'animation
japonais d'Hayao Miyazaki) un dieu-cerf à visage humain
(le "Shishigami") incarne le gardien de la
forêt et de toutes les créatures vivantes. La nuit ce dernier se
transforme en un Géant translucide surnommé le "Faiseur
de Montagnes" (il est censé retirer la vie de tous ceux
qui ont la malchance de le croiser, formant ainsi le dualisme
habituel du dieu Cernunnos).
Idraemir