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vendredi 1 mars 2019

Les sept nuits de Samhain - deuxième année

Bonjour à toutes et à tous !

Vu que Samhain approche (fête celte marquant le passage de la saison lumineuse à la saison sombre), je vous propose - comme l'année passée - de fêter l'évènement comme il se doit.

Je publierai donc pendant sept jours (trois jours avant la pleine lune de novembre, durant la pleine lune et trois jours après) des textes issus de mes bibliothèques. Vous y trouverez : des histoires de Fantômes ou Non-Morts, des textes sur l'Autre-Monde et ses habitants, voire des traditions liées aux différentes fêtes des morts.

Samain
Une création assez particulière de Zach Bellisssimo.

En espérant que vous serez nombreux pour ce petit évènement. Je vous souhaite - avec un peu d'avance - une joyeuse Samhain !

Première nuit :

Pour commencer en douceur, je vous propose un conte nordique lié au Bon-Peuple (les Elfes). Bonne lecture !

"Juché sur son cheval, Olaf se hâte sur les routes, pressé de convier ses amis à sa noce.

En chemin, il tombe sur les Elfes qui dansent sur la lande. Apercevant Olaf, la fille du Roi des Elfes vient à sa rencontre et l'invite à danser avec elle.

Pressé, Olaf décline poliment l'invitation, prétextant qu'il doit célébrer son mariage le lendemain.

L'Elfe, désireuse de danser avec le jeune homme, répète son invitation et lui propose une paire de bottes en peau de bouc flambant neuves en guise de récompense.

Obstiné, Olaf refuse à nouveau.

La dame des landes l'invite à danser pour la troisième fois avec une promesse d'or à la clé.

Olaf - borné mais intéressé - accepte l'or de l'Elfe mais refuse toujours de danser avec elle...

Vexée par tant d'impudence, la dame lui annonce que la peste et la maladie le suivront et termine sa menace en le frappant de la main.

An Elf with a bow (Legolas)
Illustration - créée par Julia Alekseeva - représentant Legolas (personnage clé du "Seigneur des Anneaux" de Tolkien).

Percuté par un coup terrible, Olaf vacille sur sa selle.

Le fixant droit dans les yeux, l'Elfe lui intime l'ordre de partir pour aller rejoindre sa fiancée.

Sans demander son reste, Olaf part au galop et, arrivé chez lui, sa mère l'accueille non sans lui faire remarquer la pâleur maladive de son teint.

Reprenant ses esprits, le fils conte son aventure à sa génitrice en lui recommandant de ne souffler mot de cette histoire à sa fiancée.

Le lendemain, la promise arrive de bon matin avec les invités.

Le vin et la bière coulent à flots mais aucune trace d'Olaf. La fiancée s'inquiète et demande des nouvelles de son promis. La mère lui apprend que ce dernier est allé flâner à cheval dans la lande et que la fatigue du voyage l'a obligé à s'aliter. Souhaitant tout de même saluer son amant, elle entre dans sa chambre, soulève sa couverture et découvre Olaf... mort !

Le jour suivant, ce n'est pas un cercueil qui sortit de la maison mais trois... Celui d'Olaf, celui de sa mère et celui de sa fiancée, toutes deux mortes de chagrin."
- Texte réécrit par mes soins et tiré du magazine français intitulé : "Le Magasin du Pittoresque". Il s'agit là d'une adaptation d'une ballade populaire intitulée : "Elwerskud" ("Le Trait de l'Elfe").

L'Elfshot est une affliction censée être provoquée par les Elfes. Lorsqu'une personne déplaisait au Bon-Peuple, ils décochaient une flèche - invisible - à tête de silex sur leur victime - ou sur leur bétail. Le trait ne laissait aucune marque visible mais il pouvait entraîner la mort de l'impudent (ou de ses bêtes).

Deuxième nuit :

Deuxième jour de Samhain (avec un brin de retard). Pour cette fois je vous offre un classique venant du Pays du Soleil Levant (le Japon) : une histoire de Yurei (Fantôme japonais) !

"Un homme abandonna un jour sa loyale épouse sans raison particulière. Peut-être parce qu'il s'était tout simplement lassé d'elle. Dans tous les cas, il quitta sa demeure pour partir à l'aventure, laissant la pauvre femme dépérir et mourir dans sa vieille maison.

Dans la mort, cependant, la femme bornée refusa de partir. Ses os restèrent soudés ensemble et ses longs cheveux noirs continuèrent à pousser. La nuit, d'étranges bruits et lumières venaient de la maison, obligeant les voisins à faire appel à un Maître de la Divination pour les aider. Le maître expliqua aux villageois que la morte attendait le retour de son époux.

Okiku the Yurei (Tsukioka Yoshitoshi)
Estampe de Tsukioka Yoshitoshi et représentant Okiku, l'un des trois Yurei les plus connus. Il existe de nombreuses variantes à cette légende, mais la plus populaire raconte qu'une servante - Okiku - refusant les avances de son maître, fut accusée à tort d'avoir brisé l'une des dix assiettes provenant du trésor de la famille. En punition, elle fut précipitée dans un puits pour y mourir. Depuis, son Fantôme apparaît chaque nuit et compte inlassablement jusqu'à neuf, tourmentée par la perte de la dixième assiette.

Aussi vite que possible, le mari fut ramené au village. {On lui expliqua la situation et le Maître lui donna des consignes à suivre à la lettre, au risque d'y perdre la vie.} Durant la journée, l'homme pénétra dans la demeure, s'assit à califourchon - tel un cavalier - sur le corps de sa femme et saisit ses cheveux en guise de rennes. À la nuit tombée, le cadavre revint à la vie et tenta de renverser l'époux. Il s'accrocha fermement, obligeant la morte à se jeter par la fenêtre. Cette chevauchée furieuse dura toute la nuit. Lorsqu'enfin l'aube arriva, l'époux se cramponnait toujours solidement. L'épouse, vaincue, s'écroula et ses os se désintégrèrent en poussière, laissant le mari sain et sauf.

Paraît-il."

Le texte suivant est une traduction - presque - littérale de la légende japonaise intitulée : "How A Man's Wife Became A Vengeful Spirit And How Her Malignity Was Diverted By A Master Of Divination" (littéralement : "Comment L'Épouse D'un Homme Devint Un Esprit Vengeur Et Comment Sa Malfaisance Fut Détournée Par Un Maître De La Divination"). Je me suis permis de rajouter une phrase entre crochets pour rendre la compréhension du texte plus aisée (il existe d'autres versions plus longues de cette légende où de tels détails sont présents).

Troisième nuit :

Pour la troisième nuit de Samhain, je vous propose de faire un tour en Belgique avec ce conte wallon :

"Par une nuit obscure, un paysan, ayant vidé maintes chopines sur la soirée, rentre en titubant. Ses pas maladroits le mènent à proximité du cimetière local.

Graveyard
Illustration réalisée par Chris Rosewarne.

La démarche mal assurée, il finit par percuter un objet rond qui s'en va rouler à quelques mètres de là. Pestant contre cet obstacle qui a failli le faire basculer cul par-dessus tête, il s'en approche pour l'examiner. Soulevant l'objet, il constate qu'il ne s'agit pas d'une pierre mais d'un crâne humain !

L'esprit noyé par les vapeurs d'alcool, il ne trouve rien de mieux à faire que de s'excuser auprès du crâne et de l'inviter à souper chez lui le lendemain... Qu'elle n'est pas sa surprise d'entendre une voix provenant du réceptacle osseux lui donner son accord.

Le lendemain, peu après le coucher du soleil, des coups résonnent à la porte de la demeure du pochard. En ouvrant, il découvre un squelette qui entre et s'installe sur l'une des chaises de la salle à manger. Essayant d'être un bon hôte, l'amateur de boisson tenta de faire boire et manger le sac d'os à plusieurs reprises, mais, chaque fois, il eut la même réponse : "Merci, dj'a bin fait, d'ja bin fait" (plus ou moins : "J'ai assez bu et mangé")..."

Ce conte a pour titre : "Un Squelette Au Souper" et a été recueilli par Joseph Defrecheux. On retrouve également cette histoire dans d'autres pays. La fin est d'ailleurs souvent accompagnée d'une morale expliquant que les vivants et les morts ne peuvent se fréquenter (ou qu'il est temps de laisser tomber la bouteille et d'aller s'inscrire aux alcooliques anonymes), mais cette version semble préférer de loin le côté "humour noir" de la scène.

Quatrième nuit :

Voici pour le quatrième jour, une histoire venue d'Irlande :

"Un fermier avait trois fils. Courageux, vigoureux, on ne trouvait pas leurs pareils dans toute la contrée. L'aîné était le plus charmant du trio et il faisait battre le cœur de toutes les filles du comté.

Un soir, alors qu'il se promenait en compagnie de deux damoiselles, il croisa le chemin de sa voisine : une charmante jeune femme dont la famille était malheureusement fort démunie. Secrètement amoureuse du damoiseau, elle ne pouvait hélas lui avouer ses sentiments car elle savait pertinemment que le père du jeune homme ne laisserait l'un de ses fils que contre une bourse bien remplie d'écus sonnants.

Ils se saluèrent l'un l'autre et marchèrent ensemble jusqu'à ce qu'ils passent près d'un grand cimetière.
Pris d'une inspiration soudaine, le jeune homme s'approcha du mur du "champ du repos", prit son bâton sculpté et le lança au milieu des tombes. Sous le regard médusé des trois jeunes filles, il déclara qu'il épouserait celle qui lui rapporterait son bien.

La première refusa tout net, la seconde, en tremblant, donna une réponse similaire mais la troisième, résolue, se dirigea vers les grilles du cimetière. Le rire de ses deux rivales résonnant encore à ses oreilles, elle pénétra dans un véritable labyrinthe de cryptes et de tombes. Il aurait déjà été complexe de retrouver le bâton en plein jour mais dans cette nuit noire, c'était comme de chercher une aiguille dans une botte de foin !

Elle chercha en vain pendant une bonne partie de la nuit et, la mort dans l'âme, elle rebroussa chemin. Alors qu'elle allait atteindre les grilles, elle tomba sur un grand Pûca à l'aspect peu engageant... Apeurée, elle tourna les talons pour tenter de semer l'Esprit follet, mais chaque fois qu'elle pensait l'avoir semé, il se tenait face à elle le sourire aux lèvres.

Phooka
Un Pûca (création de Kaya Oldaker).

Alors qu'elle reprenait son souffle, le Pûca lui conseilla de rester tranquille car il ne comptait pas la laisser partir avant le chant du coq. Il lui demanda ensuite la raison pour laquelle elle était venue dans son antre, et de nuit par-dessus le marché.

Entre deux respirations haletantes, la pauvresse lui raconta son histoire que la créature écouta jusqu'au bout. Sa curiosité satisfaite, il lui apprit que le jeune homme l'avait abandonnée sur place depuis un moment déjà et, n'appréciant pas un tel comportement, il promit qu'il ne le ferait pas deux fois.

Fixant la jeune femme, il lui ordonna de le prendre sur son dos pour l'emmener jusqu'à la demeure du fils de fermier. N'ayant guère le choix, elle emporta l'Esprit avec elle.

Étrangement, le Pûca, malgré son aspect décharné, était lourd, si lourd qu'il arrivait que la pauvresse le laisse tomber... Chaque fois que l'Esprit glissait de son perchoir, il ordonnait avec courroux qu'elle le remonte.

Ce pénible trajet terminé, ils arrivèrent à la demeure du fermier, porte close et lumières éteintes. Le Pûca lui demanda d'ouvrir la porte (qui s'ouvrit d'elle-même) et de l'asseoir près du foyer (qu'elle dût ranimer avec quelques bûches).

Confortablement installé, il lui ordonna ensuite d'aller chercher un pot qu'elle remplirait de farine d'avoine. Sa tâche finie, il lui commanda d'aller le porter près du lit du jeune homme - qui dormait à poings fermés - et de lui donner le pot de farine. Sur place, il extirpa de sa poche un couteau aiguisé, trancha la gorge du jeunot et tint sa tête jusqu'à ce que tout son sang ait été recueilli dans le pot.

Sa sinistre besogne achevée, il demanda à la jeune fille de le ramener - lui et le pot - près du foyer crépitant et de lui amener deux cuillères. Son ustensile en "main", il l'invita à s'asseoir et à partager le potage sanglant. Ne voulant pas goûter un tel brouet, la donzelle ouvrit sa bourse - cachée par son foulard - et versa dedans chaque cuillère. Le Pûca - occupé à manger comme s'il n'avait rien avalé depuis des jours - ne remarqua rien. Il vida le pot et passa même sa langue à l'intérieur en quête de miettes à ramasser.

Repu, la créature confia à la jeune femme que si elle avait refusé de le porter il l'aurait proprement décapitée. Mais, reconnaissant de son obéissance, il lui accorderait la chose de son choix.

Elle demanda aussitôt que le jeune homme soit ramené d'entre les morts. Navré, le Pûca lui apprit qu'une telle chose n'était pas en son pouvoir. Le seul moyen de le guérir aurait été d'appliquer le brouet sur le cou de la victime. En compensation, il lui indiqua l'emplacement d'une pierre en dessous de laquelle était caché une grande quantité d'argent. Ayant payé sa dette, il la salua et disparut.

Le lendemain, la donzelle partit en quête de la pierre et trouva - comme prévu - une véritable fortune. Ensuite, elle se rendit à la demeure du garçon et demanda aux parents en pleurs ce qu'elle gagnerait si elle parvenait à ramener leur aîné du monde des morts. Ils lui promirent tout ce qu'ils avaient sur terre. Satisfaite, elle entra dans la chambre, enduisit de potage la gorge du cadavre, qui très vite ouvrit les yeux pour le plus grand bonheur des parents.

Peu de temps après, les jeunes gens se marièrent et ils menèrent une longue vie prospère."

Le texte suivant (remanié par mes soins) est une légende irlandaise intitulée : "Le Lutin des Tombes".

Il existe une variante de ce texte (provenant des Pays de l'Est) où la jeune femme rencontre cette fois un Vampire.

Un Pûca ou Phooka est un Élémentaire d'Irlande capable de changer de forme à volonté. Il peut se métamorphoser en divers animaux (chat, cheval, renard, lapin, ...) ou en humain (souvent avec une partie animale comme des oreilles couvertes de fourrure ou une queue). Il apprécie particulièrement de se changer en un cheval à la robe sombre, doté d'yeux dorés luminescents. L'Esprit est autant un sujet de crainte que d'émerveillement puisqu'il peut aussi bien vous nuire que vous aider...

Cinquième nuit :

Cinquième jour de Samhain avec cette fois une légende chinoise :

"Durant l'Ère Kaiyuan (713-741), un érudit nommé Cui Shang rédigea une dissertation censée prouver la non-existence des Fantômes. Lorsque sa rédaction fut achevée, il rassembla les documents et s'apprêta à aller présenter le tout à la Cour.

Soudain, on toqua à sa porte. Un taoïste se présenta sur le seuil et, voyant son texte fourré sous le bras, lui demanda l'autorisation de le lire.

Lorsqu'il eut achevé sa lecture, il le complimenta pour son style travaillé, mais lui expliqua qu'il désapprouvait ce texte voulant prouver qu'il n'existait aucun Fantôme entre le ciel et la terre.

Intrigué, Cui Shang lui demanda la raison de son mécontentement. Le taoïste lui rétorqua qu'étant lui-même un Fantôme, il n'appréciait d'être considéré comme inexistant. Il lui recommanda d'ailleurs d'aller brûler son texte car, en présentant un tel brûlot à la Cour, il risquait fort de se faire déchiqueter par l'ensemble des Spectres et Esprits !

À l'instant où il eut terminé de prodiguer ses conseils, le taoïste spectral disparu sans laisser de traces, et la dissertation de Cui Shang disparut également peu de temps après..."

Ghosts
Illustration réalisée par Danielle Storey.

Le texte précédent (légèrement remanié par mes soins) provient du "Xuanguailu" (les "Mystérieuses Bizarreries") et s'intitule : "Les Fantômes N'Existent Pas".

Le Taoïsme est un des fondements de la pensée chinoise inspiré des croyances anciennes, textes, évènements historiques, ...

Sixième nuit :

Pour la sixième soirée de Samhain, nous allons revenir un peu aux classiques avec un conte germanique :

"Il était une fois une mère qui avait un enfant âgé de sept ans. Il était si beau et charmant que tous ceux qui croisaient son chemin ne pouvaient s'empêcher de le couvrir de cadeaux, et sa mère l'aimait plus que tout au monde.

Malheureusement, il tomba malade et succomba bientôt. Inconsolable, la mère pleurait, nuit et jour. Peu de temps après avoir été enterré, l'enfant se manifesta chaque nuit aux endroits où il avait l'habitude de s'asseoir et de jouer de son vivant. Lorsque sa génitrice pleurait, il fondait en larmes également.


Au fil des jours, le chagrin maternel ne semblait pas s'estomper. Une nuit, l'enfant revint, vêtu de son linceul et portant sa couronne mortuaire sur la tête. Il pénétra dans la maison, s'assit au pied du lit de sa mère et lui demanda de cesser de pleurer car ses cris l'empêchaient de dormir et les larmes qui inondaient son drap mortuaire l'empêchaient de sécher.

Possessed Doll
Illustration de Lin, Peter.

Entendant cela, la mère prit peur et cessa de pleurer. Le lendemain soir, l'enfant entra de nouveau chez sa génitrice - un cierge à la main - et lui annonça, en souriant, que maintenant que son linceul était presque sec, il pouvait enfin reposer en paix.

La mère endura son chagrin en silence et l'enfant depuis repose dans sa couche de terre."

Ce conte germanique (remanié par mes soins) a été collecté par les frères Grimm et s'intitule : "Le Petit Linceul".

Septème nuit :

Pour le septième et dernier jour de Samhain, je vous propose un conte de Haute-Bretagne :

"Il était une fois un meunier à Kéralio que l'on nommait : "Hyaumit le meunier".

Adepte de la bouteille, il passait plus de temps à écumer les bars qu'à collecter le grain à moudre. Et il arrivait souvent que son cheval le ramène au moulin le soir, plein comme une outre, au grand désespoir de sa femme et de sa fille - nommées : Guillemette et Fanchette.

Un jour, Guillemette et Fanchette tombèrent subitement malades et trépassèrent toutes les deux peu après. Rongé par le chagrin, Hyaumit noya bien vite sa peine dans le cidre et le vin. Durant cette période sombre, les ailes du moulin ne tournaient plus guère...

Un soir, il traversa le village plein comme une barrique en chantant à tue-tête. Parvenu dans le vallon de Keralio, il se souvint qu'il lui faudrait traverser le ruisseau en passant sur un étroit pont. Ayant peur de se vautrer dans le cours d'eau, il promit à dieu de ne plus boire une goutte d'alcool s'il le laissait passer sans encombre. Une fois l'obstacle franchit, le meunier, "ivre de joie", entonna une chanson de son cru où il promettait de s'enivrer dès que possible...

Près du Château de Kéralio, quelle ne fût pas sa surprise de tomber sur deux lavandières, toutes vêtues de blanc, en train de nettoyer le linge au clair de lune. Enhardi par la boisson, il apostropha les deux femmes en leur faisant remarquer que ce n'était pas une heure pour travailler. Ses dernières paroles s'éteignirent dans sa gorge à l'instant où les dames tournèrent leur regard dans sa direction. Devant lui se tenaient son épouse et sa fille.

"Les Lavandières de la Nuit"- Yan" D'Argent
Huile sur toile de Yan' Dargent intitulée : "Les Lavandières de la Nuit".

D'un ton lugubre, sa défunte épouse lui demanda s'il ne voulait pas l'aider à tordre le linceul qu'elle tenait et qui devrait servir sous peu. Tremblant de tous ses membres, il tordit le drap de gauche à droite et sa femme le fit de droite à gauche. Furieuse, la lavandière tança son ex époux sur sa manière de s'occuper du linge et disparut d'un seul coup, laissant Hyaumit seul avec son bout de tissu.

À peine remis de sa frayeur, il entendit un bruit de charrette grinçante venant dans sa direction. Il eut juste le temps de se tourner qu'il tomba nez à nez avec un homme de haute taille, tout vêtu de noir, avec un chapeau à larges bords et tenant une faux sur son épaule. Le "faucheur tardif" - qui n'était autre que l'Ankou - demanda au pochard s'il n'avait pas croisé le meunier Hyaumit.

Rongé par la peur, l'infortuné amateur de boisson, s'écroula raide mort, son drap mortuaire entre les mains.

Le lendemain, la chambrière du Château de Kéralio, partie puiser de l'eau, tomba sur la dépouille. Elle courut aussitôt informer le châtelain qu'elle avait trouvé le meunier mort, son linceul dans les mains.

On garda le cadavre au sec dans les cryptes du castel et le lendemain, un attelage de bœufs fut envoyé pour ramener le mort à l'église. Le trajet se fit à une cadence infernale et les porteurs de croix finirent le trajet en soufflant comme des bovidés. La messe ne fut pas meilleure : on utilisa des ornements de dernier choix et le curé expédia la messe en un tournemain. Il faut dire que, de son vivant, Hyaumit avait plus fréquenté les chaises de l'auberge que les bancs de l'église...

Honoré par les vivants "à sa juste valeur", le meunier alla rejoindre sa femme et sa fille au cimetière."

Le conte suivant (fortement remanié par mes soins) a été collecté par Albert Poulain et conté par Claude Lecoz sous le nom de : "Les lavandières de nuit et le Fermier de Keralio".

La Lavandière de Nuit est une Revenante forcée à laver son linge de nuit, pour expier ses péchés ou annoncer le décès futur d'une personne (un Esprit Psychopompe, donc, comme la Banshee irlandaise).

L'Ankou est l'incarnation de La Mort en Bretagne. Il vient chercher l'âme des défunts sur une charrette grinçante et porte un chapeau à larges bords ainsi qu'une faux.

Et voilà que se clôture la dernière histoire pour Samhain. J'espère que vous aurez pris autant de plaisir à lire ces légendes que j'en ait pris pour les rédiger. N'hésitez pas à me dire laquelle vous avez préféré des sept. En attendant, je vous souhaite une dernière fois une joyeuse Samhain et je vous donne rendez-vous l'année prochaine pour une nouvelle série de textes. À la prochaine et "noswaith da" (bonsoir en gallois) !

Idraemir

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