Chose promise chose due, après une longue période d'attente, je vais vous parler d'un jeu qui me tient à coeur depuis des années et dont la date de sortie de sa suite a ébréché ma patience et m'a fait plus jurer qu'un paysan à la foire agricole. Je parle donc bien sûr : d'American Mac Gee's Alice.
La série de jeux Alice, se base pour ceux qui n'ont point encore compris, sur les écrits de Lewis Caroll : Alice au pays des merveilles et sa suite De l'autre côté du miroir qui racontent, l'épopée d'une fillette de six ans dans le premier volet (et sept dans le second) dans un monde imaginaire peuplé d'êtres aussi fous les uns que les autres.
Le premier livre nous montre Alice dans ce monde de rêves biscornus et sa rencontre avec la Reine de Coeur (incarnation de l'autorité adulte) et le second se déroule comme une partie d'échecs où Alice traverse le plateau en tant que pion blanc pour finir reine (comme le stipule les règles d'échecs). Lewis Caroll avait l'habitude durant ses promenades en barque avec une fillette du nom d'Alice (sans rire...), de raconter de petites épopées de ladite donzelle et, pour en rajouter une légère couche, il faut savoir que le livre est truffé de symboles avec au premier plan et non des moindres, sa grande utilité première.
Illustration de John Tenniel.
En effet, la publication du premier livre (1865) se passe en Angleterre dans une époque Victorienne où l'enfance n'avait pas trop sa place. Les contes et autres rêveries étaient vus comme des absurdités alors qu'au contraire ils étaient (et le sont toujours, n'en déplaise à certains parents) vitaux au bon développement de l'adulte en devenir et, Caroll à pu démontrer à travers ce livre la place de l'enfance, sa prise de responsabilité ainsi que son évolution vers l'âge adulte. Tout comme les frères Grimm, Caroll a tenté de montrer l'importance des contes et légendes dans un monde trop rigide et sérieux qui tend parfois vers l'absurdité totale.
Comme vous avez pu le constater, j'ai lu il y a des années de long en large les deux livres en question et vu plusieurs adaptations cinématographiques sur le sujet (j'ai déjà exposé mon humble avis sur le fait que la version de Burton était un rien faiblarde et mal adaptée mais ledit avis n'engage que ma personne), je puis donc vous confirmer qu'Alice Mc Gee suit assez fidèlement les personnages (dont une grande partie à peine évoqués, c'est dire) tout en leur accordant une dimension si propre à l'univers de son adaptation.
Le Chat du Chester a gagné un sourire inquiétant mais restera de bon conseil.
Car en effet, si vous avez été traumatisés par La version de Disney, celle de Mac Gee sera encore bien pire... Je vais de ce pas d'ailleurs vous parler des deux jeux de façon plus développée sans pour autant vous spoiler trop le second volet (histoire de ne pas finir au bûcher).
Alice American Mac Gee :
Pauvre Alice, elle qui dormait paisiblement au chaud dans ses draps, plongée dans son monde des merveilles prenant le thé avec ses amis, pour se retrouver un instant plus tard dans sa demeure en proie aux flammes, ses parents hurlant pour qu'elle fuie de cet enfer igné, rehaussé de livres en passe de finir en cendres éphémères...
Seule survivante, elle restera dans un coma salutaire durant dix ans avant qu'une infirmière de l'asile ne lui tende un lapin en peluche qui ravivera un peu les souvenirs de son Monde des merveilles pour la plonger au fin-fond de son esprit et lui faire découvrir son univers : torturé, ravagé, perverti, parfait reflet de son esprit détruit.
Wonderland à la loupe :
La carte du monde des merveilles se développera au fil de l'exploration d'Alice, sa première étape sera :
Le village des damnés :
Dans toute aventure il y a un début, et ce village sert un brin de point de non-retour. Autrefois charmant il n'est plus qu'une ruine minière sous la coupe de la Reine de Coeur et de ses cartes, ses villageois réduits en esclavage et envahis par le désespoir.
La forteresse des portes :
Endroit où la folie semble prendre des proportions plus intenses, la forteresse sans queue ni tête est le repère des Banshee (lisez l'article sur le sujet ça fera votre culture). Au sein de la forteresse, se trouve l'Ekol (ce n'est pas une faute) peuplée de livres volants, de fous décérébrés, le tout entassé dans des piles de pesants volumes.
La vallée des larmes :
Réduite à la taille d'une puce Alice traversera des mares de larmes grouillantes de poissons carnivores sur pattes, évitera les épines de roses et les mandibules des fourmis pour tenter de gagner l'antre de la Duchesse (qui se fera une joie de compléter son ordinaire avec un encas en robe bleue).
La Duchesse sous les traits d'une Ogresse et maniant un moulin à poivre, en mémoire au chapitre qui lui est dédié : "Poivre et cochon".
La forêt du pays des merveilles :
Après une longue marche sous forme réduite, vous découvrez enfin le lapin blanc (sous forme très plate) qui vous guide jusqu'au Bombyx (où sur le chemin il vous faudra éviter de vous faire aplatir par une sphère géante, histoire de corser un peu), qui à son tour vous envoie dans la forêt des Fongiféroces (des champis qu'on aimerait pas dans son assiette) où règne le Mille-pattes qui garde le champignon qui rendra une taille convenable à la petite Alice.
Le pays du miroir :
De nouveau grande Alice Se rendra au pays des pâles reflets sur un échiquier géant (même le ciel est une partie d'échecs en soi) pour tenter de sauver la reine blanche des griffes du Roi rouge.
Le Chapelier fou.
De l'autre côté du miroir :
Capturée par le Chapelier fou, notre héroïne devra parcourir un monde de précision insensée où les rouages peuplent les murs, où les horloges résonnent en cadence sous les hurlements des fous et sous les grincements inquiétants des machines immondes conçues par l'amateur de thé local.
Le pays du feu et du souffre :
Royaume igné et brûlant, les démons et pseudo-Dragons sont légions pour défendre leur seigneur l'illustre Jabberwock (il incarne la culpabilité d'Alice d'avoir laissé ses parents brûler dans l'incendie, il vît d'ailleurs dans une demeure incendiée à la semblance de celle d'Alice).
Le Jabberwock dans toute sa splendeur.
Jabberwocky :
Il était grilheure ; les slictueux toves
Gyraient sur l'alloinde et vriblaient :
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
"Prends garde au Jabberwock, mon fils !
A sa gueule qui mord, à ses griffes qui happent !
Gare l'oiseau jubjube, et laisse
En paix le frumieux Bandersnatch !"
Le jeune homme, ayant pris sa vorpaline épée,
Cherchait longtemps l'ennemi manxiquais...
Puis, arrivé près de l'arbre Tépé,
Pour réfléchir un instant s'arrêtait.
Or, comme il ruminait de suffêches pensées,
Le Jabberwock, l'oeil flamboyant,
Ruginifiant par le bois touffeté,
Arrivait en barigoulant !
Une, deux ! Une, deux ! D'outre en outre,
Le glaive vorpalin virevolte, flac-vlan !
Il terrasse le monstre, et, brandissant sa tête,
Il s'en retourne galomphant.
"Tu as donc tué Jabberwock !
Dans mes bras, mon fils rayonnois !
O jour frabieux ! Callouh ! Callock !"
Le vieux glouffait de joie.
Il était grilheure : les slictueux toves
Gyraient sur l'alloinde et vriblaient :
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
- Poème du Jabberwock et extrait de livre : "De l'autre côté du miroir".
Version de Mc Gee du Jabberwock.
"You smelt the smoke but you woke in Dreamland drinking tea with your friends...
You couldn't be bothered you were always protected and spared... While your family upstairs
roasted in an inferno of incredible Horror..."
(grosso-modo: Tu sentais la fumée mais tu étais au pays des rêves en train de boire le thé avec tes amis... Tu ne pouvais être dérangée car toujours protégée et épargnée... Pendant que ta famille en haut grillait dans un enfer d'indicible horreur...)
- Jabberwock (Mac Gee).
Les terres de la Reine de Coeur :
Long, immense, tortueux, infini,... Voilà bien des termes pour décrire le labyrinthe de la Reine. Qui ne sera fait que de simple buis. Le temps vous paraîtra bien long avant de songer à en voir la sortie et même pour les rares chanceux qui en échappent, une surprise de taille vous fera trembler pour votre épiderme.
Palais de la Reine de Coeur :
Arrivée enfin au coeur de sa folie, dans une palais qui vomit du rouge à vous en écoeurer, Alice affrontera la Reine Rouge pour se sauver elle, d'un coma éternel et son royaume des rêves, d'une destruction certaine. Qui sortira de ce gigantesque combat ? Nul ne pourra le dire...
Gameplay :
Alice Mc Gee est un jeu de plate-formes un peu à la semblance (j'ai dis un peu) de la lignée des Prince of Persia mais, son univers est si riche et si personnel qu'il reste un peu comme un ovni du genre. Sa sauvegarde automatique sera d'un grand secours car le jeu est loin d'être facile et il est fort aisé d'y laisser sa peau une bonne centaine de fois.
Alice, plus sombre et tourmentée que jamais.
Points forts du jeu :
Sa beauté et son originalité sont déjà une force en soi, ensuite les musiques composées par Chris Vrenna sont dérangeantes et malsaines à souhait. Votre panel d'armes est fort original (le classique du couteau de cuisine, le marteau de croquet en forme de tête de dodo, le jeu d'osselets piquants, le jeu de cartes acérées, le sceptre réfrigérant, et j'en passe), tout comme le bestiaire. La durée de vie du jeu est conséquente et même si parfois à force de refaire une partie, le temps vous semblera bien long, son univers prenant vous gardera scotché jusqu'à sa finalité !
Je vous conseille fortement de tester la version anglaise et française pour varier car l'intonation et le style varient fortement au niveau des dialogues (je reste un grand amateur de la voix du Cheshire Cat à l'ironie perçante).
Le bestiaire :
Entre les cartes soldats (trèfle, carreau, pique et coeur) qui tenteront de vous occire, les Banshee hurleurs, les différents pions d'échecs armés jusqu'aux dents, les machines du Chapelier voire encore les fourmis légionnaires, vous n'aurez pas un instant de répit. Les Boss quand à eux, pour la plupart des personnages des écrits de Caroll, ils se feront une joie de vous pilonner le minois de leurs attaques.
Dois-je vraiment préciser de qui il s'agit ?...
En conclusion : Alice American Mac Gee est pour moi un incontournable pour les amateurs des oeuvres de Lewis Caroll (ou de maladie mentale aussi...). Cet univers torturé et malsain est un vrai régal du début à la fin sur bien des points, je ne manquerais pas d'ailleurs de vous donner mes impressions sur le second volet que j'ai pu tester en long en large et en travers pour votre plus grand bonheur (ou malheur selon votre choix). Je vous laisse donc avec mon éternel éventail de questions ainsi qu'un extrait du jeu histoire de briser vos dernières réticences au sujet de ce jeu.
Idraemir
j'ai deja essayée ce jeu, il est très intéressant et terrifiant enfin de mon point de vue ^^ pourtant je l'adore ce jeu ^^
RépondreSupprimerC'est un "savant mélange" entre rêve et cauchemar oui. Pour ma part l'émerveillement l'emporte sur l'effroi.
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