S'il y a bien une chose que vous
apprendront les vieilles histoires de marins, racontées les soirs de
tempête dans tout port digne de ce nom (autour d'une bonne lampée
de rhum, détail indispensable), c'est que les océans sont emplis de
merveilles mais aussi de dangers. Il en existe un d'ailleurs qui,
bien qu'assez caoutchouteux sur les bords, a hanté les cauchemars de
nombreux équipages, au point de terroriser les courageux marins
lorsqu'ils venaient trop à s'approcher de l'élément liquide (je ne
dis pas non-plus qu'ils ne poussaient pas des cris de mouette
hystérique lorsque, de retour sur la terre ferme, ils se devaient de
prendre un bain pour enlever le fumet délicat qui les enveloppait
comme un "fog" de poche...). Je parle bien entendu du
Kraken. Je vais comme d'habitude décortiquer avec vous divers
textes provenant de plusieurs sources, histoire d'éclairer votre
lanterne. Le temps d'enfiler mon tricorne et nous pourrons partir
voguer vers de nouveaux récits (par-contre, ne comptez pas sur moi
pour vous chanter des chansons de marins)...
Hormis ceux dont la culture de la mer
s'arrête au sushi, que savez-vous des Krakens ? Et bien vu les
dernières productions cinématographiques (parfois douteuses) en
vogue, comme "Pirate des caraïbes II" ou le remake
de : "Le choc des titans" (l'original est un classique
et son remake une... bon pour ne pas dire des mots inconvenants et
rester dans le thème, je trouverais juste le qualificatif de :
"panier de morues pas fraiches"). Je pourrais dire que vous
imaginez une grosse pieuvre aux hormones ou un gros monstre à la
Godzilla, qui pour une fois n'a pas choisi le Japon comme
terrain de jeu.
Kraken du film "Le
choc des titans".
Etant donné que le Kraken
prend son origine dans les pays nordiques, il aurait été bon
d'avoir sous la main quelques vieilles légendes du cru.
Malheureusement pour vous (et pour moi) il semble qu'il n'y ait pas
grande trace de ces légendes avant la fin du XVème siècle.
Olaüs Magnus (haut membre du clergé qui passa la fin de sa
vie à écrire le fameux "Historia de gentibus
septentrionalibus", censé décrire les régions
du nord et comportant des gravures sur bois uniques, encore connues à
ce jour) semble être l'un des premier à confirmer l'existence du
Kraken dans ses écrits (je reste persuadé qu'il existe des
versions antérieures à cette période, principalement durant l'âge
d'or du paganisme nordique).
Suivant les auteurs, le Kraken
semble changer de forme tout en conservant pourtant sa taille immense
et son amour pour l'habitat liquide. Il existe plus ou moins 3
variantes de la même créature.
Gravure tirée du "Historia
de gentibus septentrionalibus" montrant un serpent
marin géant dévorant un matelot.
Le Kraken-île :
Selon Collin de Plancy (célèbre
occultiste Français de la fin du XVIIIème siècle), il est
dit que l'on peux apercevoir assez souvent dans les mers du Nord,
des îles flottantes qui surgissent au sein des vagues avec une
végétation abondante déjà formée (des arbres dotés de
coquillages à la place des feuilles par exemple). Ces îles
fantasmagoriques semblent disparaître au bout de quelques heures
afin de regagner les abîmes.
Dans divers récits, les marins
semblent habitués à côtoyer cette créature de légende au point
d'en avoir tiré un certain parti. Au plus fort des jours de grande
chaleur, il n'était pas rare que la mer semble moins profonde que
d'habitude. Il s'agissait d'un Kraken en train de remonter
vers la surface (donc en été les mers du Nord sont encombrées de
céphalopodes mythiques au point d'avoir pied, retenez ça).
Les loups de mer au fait de ce genre de bizarreries disposent donc
leurs filets afin de pêcher les poissons qui pullulent à proximité
des Krakens (leurs déjections semblent-être un véritable
appât pour poissons) avant de se retirer à bonne distance de la
zone lorsqu'il semble que le Kraken approche de trop près de
la surface (le Kraken laissera émerger ses puissants
tentacules assez fort pour broyer des navires, puis après plusieurs
heures à paresser en surface, il se laissera sombrer dans les
profondeurs en déplaçant un tel volume d'eau qu'il occasionnera de
violents tourbillons).
"Les aventures du Baron de
Münchausen" film délirant de Terry
Gilliam (basé sur la biographie fantasque du même
personnage populaire en Allemagne) montrant un passage où le Baron
et sa clique se font engloutir par un Monstre-île
aux allures de baleine-poisson.
Olaüs Wormius (médecin et
collectionneur danois du XVI - XVIIème au nom inquiétant) décrit le Kraken-île sous le nom de Hafgufe tout en
précisant que personne n'en a jamais trouvé de cadavre pour la
bonne et simple raison qu'il serait impossible à tuer et qu'il doit
vivre aussi longtemps que le monde... Il est à noter qu'en 1680,
un jeune Kraken vint s'égarer dans les eaux qui courent entre
les récifs d'Alstahong pour y périr misérablement. Comme
son corps en putréfaction remplissait tout le chenal, les habitants
commencèrent à penser (et à raison) que s'ils ne trouvaient pas un
moyen de se débarrasser du cadavre titanesque, la peste
allait prochainement ravager la contrée.
L'évêque de Nidros en
voyage de par les mers, trouva un Kraken-île (pensant que
c'était une terre inconnue non répertoriée sur les cartes) et eut
la "merveilleuse" idée de la consacrer aussi sec à dieu.
Il fit transporter son autel sur l'île et y officia une messe, la
créature resta tranquille tout le temps que dura l'office, mais à
peine l'équipage et l'homme d'église rentrés à bord, on vit l'île
sombrer dans les flots sans laisser de traces.
Pour conclure sur la bête-île,
l'auteur Bartholin (bon je vais pas tous les faire, à vous de
chercher un peu...) affirme qu'il n'existe que deux Krakens
nés au commencement du monde et inaptes à la reproduction. De peur
que l'eau, la nourriture et l'espace ne commencent à manquer,
dieu, dans sa prévoyance (mouais ça reste à voir sur le coup),
aurait altéré les mouvements des Krakens afin que ces
derniers ne ressentent la faim qu'une fois par an (mon pire
cauchemar...). La digestion des monstres achevée, ils laissent
échapper un flot d'excréments à l'odeur si suave que tous les
poissons rappliquent pour s'en repaître; "mais lui, ouvrant
une effroyable gueule, semblable à un golfe ou détroit, y aspire
tous les malheureux poissons affriandés et pris au piège."
Kraken serpentiforme :
Sous cette autre version, il semblerait
que le Kraken soit toujours un monstre marin aux proportions
épiques, avec pour différence de s'être changé en un hybride de
serpent et de pieuvre. Il ressemblait donc à un
gigantesque serpent visqueux de deux kilomètres de circonférence,
le dos hérissé par quatre cornes et le corps pourvu d'une multitude
de tentacules pouvant atteindre un kilomètre six de circonférence.
Apparence "possible" du
Kraken-serpentiforme.
Un témoignage du XVIIIème siècle
(du naturaliste et évêque de Bergen Erik Pontoppidan) décrit
le Kraken comme une bête capable de faire chavirer les
navires en les agrippants avec ses tentacules et d'empoisonner l'eau
grâce à l'encre qu'il rejette.
Kraken rôlistique :
Pour de nombreux rôlistes et maîtres de jeu, le Kraken est l'ingrédient indispensable pour conclure une grosse aventure sur la thématique des mers/océans (n'oublions pas les jeux-vidéos comme Fable, Golden-Sun ou encore du côté littéraire, les livres comme : "Le seigneur des anneaux" de Tolkien, "Le réveil du kraken" de John Wyndham, "20 000 lieues sous les mers" de notre ami Jules Verne et le poème de l'auteur britannique Alfred Tennyson). Je vous laisse ci-dessous deux descriptions de Krakens tirées de divers livres de rôle-play, histoire de vous faire une petite idée de son évolution dans le temps.
Pour de nombreux rôlistes et maîtres de jeu, le Kraken est l'ingrédient indispensable pour conclure une grosse aventure sur la thématique des mers/océans (n'oublions pas les jeux-vidéos comme Fable, Golden-Sun ou encore du côté littéraire, les livres comme : "Le seigneur des anneaux" de Tolkien, "Le réveil du kraken" de John Wyndham, "20 000 lieues sous les mers" de notre ami Jules Verne et le poème de l'auteur britannique Alfred Tennyson). Je vous laisse ci-dessous deux descriptions de Krakens tirées de divers livres de rôle-play, histoire de vous faire une petite idée de son évolution dans le temps.
Kraken-rôlistique type.
Description tirée de Donjons et
Dragons :
"Cette créature ressemble à
un immense calmar doté d'un corps effilé, de deux grands yeux et
d'une masse de tentacules. Son corps fait 9 mètres de long environ
et est protégé par d'épaisses couches de muscles.
Agressif, cruel et très
intelligent, le Kraken est le maître incontesté du fond des
océans. Même si on le voit rarement à la surface, certaines
légendes en parlent, lui attribuant la perte de nombreux navires et
les ravages subis par quelques îles où toutes les espèces ont
disparu.
Six de ses huit tentacules sont en
réalité des bras de 9 mètres de long, les deux autres étant deux
fois plus longs et couverts de piquants acérés. Sa gueule en forme
de bec est située à l'endroit où les tentacules rejoignent le
corps."
Kraken "Steampunk".
Description tirée d'Yggdräsil :
"Monstre marin redouté par les
navigateurs, le Kraken a l'allure d'une pieuvre géante.
Certains sont assez imposants pour broyer un navire entier entre
leurs tentacules longs d'une douzaine de mètres. Traquées, ces
créatures se sont retirées peu à peu, loin des zones de navigation
les plus fréquentées. Par contre, elles infestent toujours les
côtes les plus isolées du golfe de Bothnia, du Skattegat
ou les fjords déserts à l'Ouest de la Norvège. Quelques
monstres plus hardis remontent parfois les courants jusqu'au coeur de
la Baltique et se terrent à l'affût d'une proie dans les
archipels et les vallées marines inhabitées."
Illustration montrant le
combat hypothétique du Léviathan contre le Kraken.
Pour la première description, notre
ami au corps mou passe pour un calamar géant doté d'une
grande intelligence et d'une férocité sans égal. La seconde
par-contre nous offre une pieuvre géante en voie de
disparition...
Kraken Vs science :
Il est facile de voir ce qui aurait pu
inspirer le mythe du Kraken dans les quelques légendes qui
content ses sinistres exploits. Si la pieuvre géante du pacifique
était trop petite et pacifique (ah ! ah !) pour inspirer la légende
(elle pouvait faire de 4 à 9 mètres de long grand maximum),
le calmar géant (le plus long) et le calmar
colossal (le plus lourd) eux pouvaient aisément se hisser
jusqu'au titre de monstruosité de l'année.
Le calmar géant vit la
plupart du temps dans les grandes profondeurs (jusqu'à 1000
mètres). Sa taille varie, mais certains restes trouvés dans des
estomacs de cachalots laissent à penser qu'ils pouvaient
atteindre jusqu'à 50 mètres de long ! Un tentacule sectionné a
d'ailleurs été retrouvé sur une plage, pour une taille de 30
mètres de long (rajoutez plus ou moins 1/3 de cette taille
pour faire le format total de la bestiole).
Outre sa taille, le calmar géant
contrairement aux pieuvres possède une paire de tentacules
plus longs que les autres et surtout hérissés d'une rangée de
crochets (les seiches ont également cette
caractéristique, hormis l'aspect "piquant" de la chose)
servant à maintenir la proie en place. Niveau caractère, le calmar
géant à l'inverse de la pieuvre est agressif et peut
parfois recourir au cannibalisme quand il a un petit creux...
Bref de quoi largement égaler le mythe du terrifiant Kraken.
Idraemir
Pour ma part, je pencherai clairement pour le Calamar géant, dont la silhouette et le comportement sont plus propice à nourrir l'imaginaire humain. Une pieuvre par-ci par là pu alimenter cette croyance encrée, mais c'est surtout le calamar colossale qui a ravivé cette croyance durant les grandes expéditions australes du 15e au 18e siècle. En effet sa situation géographique ne lui permet pas d'être à l'origine du mythe nordique mais sa forte ressemblance avec son homologue boréal, bien que non apparentée, est saisissante. A fortiori pour une époque ou l'étude zoologique marine était limité à la saveur et au meilleur moyen d'attraper les différents bancs de poissons.
RépondreSupprimermais je reste persuadé que les fonds marins nous relèvent encore bien des surprises. c'est dingue de se rendre compte qu'on en sait plus à l'heure actuelle sur notre lune que nos fonds marins!
Très intéressant pour compléter des connaissances, ou les commencer ^^
RépondreSupprimerSuffisant pour ouvrir à des alternatives et diverses interprétation, et très digeste!
Bon boulot!
(Et on en voudrait encore plus =D enfin, dumoins, moi ^^" )
Merci, merci,
SupprimerAu pire il te reste une pile de plus de 30 articles avant celui-là. De quoi largement caler ta boulimie littéraire^^'.
Bon, je n'apprécie pas spécialement les fruits de mer, et pieuvre ou calmar, c'est laid :D
RépondreSupprimerEt comme j'aime pas ça, je préfère encore en "serpentiforme" n'est ce pas :)
Kraken et bah mise à part de nom, aucune recherche a ce sujet pour moi, donc je ne dirais pas découverte, mais presque ^^
Sinon... *jette une pierre*, voilà pour ton édifice.
L'égout et les couleurs comme disait l'autre...
SupprimerJ'ai plus d'affection pour la version reptilienne mais la pieuvre me va aussi.
ces cool tout ca mais il vit ou
RépondreSupprimerHummm... pour te répondre basiquement : dans les régions nordiques (comme précisé dans le texte).
SupprimerIl serait assez difficile de donner la position précise d'une créature qui n'est normalement pas unique et qui vît dans les vastes zones que sont les mers (et probablement les océans).
Tu peux toutefois t'amuser à mettre le mythe du Kraken en parallèle avec les calmars géants (qui hantent les profondeurs) ou encore les pieuvres géantes pour pouvoir déduire le type d'habitat qui conviendrait le mieux à cette créature.
J'adore les krakens! :) Bravo à toi!
RépondreSupprimerMerci, merci, il faudra par-contre sérieusement que j'améliore ce dernier...
SupprimerCa fait un bail que je l'ai écrit et j'ai depuis accumulé quelques données qui pourraient l'améliorer. J'y songe depuis une paye mais je n'ai pas encore trouvé le temps - le courage - de le faire ^^'.
Qui sont les illustrateurs ??
RépondreSupprimerBonne question mais je n'ai actuellement pas la réponse. Ce type d'article date d'une époque ou - malheureusement - je collectais au petit bonheur la chance et où je n'insérais pas le nom de l'auteur.
SupprimerJe rénove ce genre de texte lorsque j'en ai le temps et j'ajoute au fur et à mesure les noms (lorsqu'il est possible de les retrouver).
Un de tes travaux se trouve-t-il dans cette liste d'images ?