Malgré l'éclat de la lune, il lui était difficile de se repérer tant le bois était dense. L'oreille aux aguets, il prêta attention au moindre bruit qui venait troubler la quiétude sylvestre qui animait cette forêt. Il perçut de temps à autre le hululement d'une chouette, le bruissement de feuilles provoqué par un animal qui détalait à son approche... mais ce qui retint le plus son attention était le vacarme soudain engendré par une grande bête qui semblait courir dans sa direction.
Illustration forestière de Cathrine Langwagen.
Sur le qui-vive, Carl se maudit intérieurement de ne pas avoir eu la présence d'esprit d'emporter avec lui ne fut-ce qu'un bout de chandelle. Fébrilement, il tâta ses poches à la recherche d'un objet utile... sans succès.
Galvanisé par la peur (et le bruit qui ne cessait de se rapprocher), l'homme se lança dans une course effrénée dans la direction opposée d'où provenait le bruit.
Parvenu dans une clairière baignée par l'astre argenté, il se posa un instant sur une souche pour reprendre des forces et guetta l'arrivée de la créature qui semblait suivre ses pas.
Alors que le bruit se rapprochait, il fouille l'herbe à la recherche d'un quelconque moyen de se défendre, un sourire nerveux éclaira son visage lorsque ses mains se refermèrent sur une branche de bonne taille et dont le bois n'avait pas encore eu le temps de pourrir.
Prêt à défendre sa vie, les mains serrées autour de son arme de fortune, Carl scruta les ombres à la recherche de son insaisissable adversaire. Son attente ne fut pas longue car enfin une forme sombre quitta les ombres de la forêt pour entrer dans le cercle de lumière lunaire et révéla son aspect plus qu'étrange.
Carl s'attendait à affronter un loup, ou pire ! un ours, mais ce qui se dressait devant lui était au-delà des mots !
Une création de Kate Redesiuk.
Une énorme créature écailleuse - fort semblable à un serpent - se tenait face à lui. De couleur grise, elle arborait une crête dorée et ses dents, pareilles à des crochets, laissaient suinter un liquide qui créait des fumerolles en touchant le sol. Plus étrange que tout, la créature semblait se mouvoir sur une paire de courtes pattes garnies de griffes acérées et ses grands yeux reptiliens brillaient d'un sinistre éclat, presque hypnotique.
Face à cette créature tout droit sortie des légendes de son enfance, Carl pensa un instant à courir le plus loin possible de cette fantasmagorie ambulante, mais, acculé comme il l'était, il savait que la créature n'aurait aucun mal à le rattraper.
Voyant que l'être serpentiforme commençait à ouvrir la gueule, il s'arma de courage et de son bâton frappa la bête avant qu'elle ne lui bondisse dessus. Courroucé, l' "animal" se dressa pour fouetter l'air de ses griffes et agita sa queue pour montrer son mécontentement. Profitant de ce court répit, l'homme leva à nouveau sa matraque sylvestre et fit pleuvoir les coups sur le corps de son adversaire. Surpris par la ténacité de cette proie qui semblait être - au premier abord - un repas facile, le serpent griffu recula en sifflant et retourna se cacher parmi les ombres dans un vacarme de branches écrasées.
Tremblant de tous ses membres, Carl profita de cette aubaine pour prendre ses jambes à son cou et il ne s'arrêta qu'à l'approche des lumières familières, et rassurantes, de son village. Parvenu à la taverne du coin, il entra avec fracas, commanda un aquavit, puis une autre... et c'est à la cinquième chope qu'il se décida enfin à raconter son histoire à l'assemblée, qui passa de l'hilarité à la surprise pour ne laisser qu'une crainte respectueuse lorsque le récit se termina enfin...
Création de Daniel Lieske.
À notre époque où le Dragon est servi à toutes les sauces - pas toujours fraîches -, beaucoup d'amateurs de littérature, de rôlistes et d'habitués de monde vidéo-ludique s'imaginent que ces augustes créatures doivent être obligatoirement pourvues de quatre pattes et d'une paire d'ailes...
Les créatures que je vais vous présenter seront justement là pour casser ce stéréotype persistant (et agaçant) qui veut cantonner le Dragon à un aspect bien précis, opposé à sa nature chaotique même.
Nous analyserons donc des représentants méconnus (mais forts répandus) de la gent draconique, à travers les contes populaires, les légendes, les épopées épiques et la littérature fantastique. Nous participerons même à la dernière "chasse au Dragon" connue à ce jour.
Bref, il est plus que temps de nous plonger dans l'univers aussi toxique que fascinant des Lindorms. Prenez votre tenue de laine la plus épaisse, le venin risque de pleuvoir dans cet article...
Informations complémentaires :
- L'aquavit est une eau de vie nordique à base de pommes de terre ou de céréales.
Description générale des Lindorms :
Pour bien démarrer, voici un (très) court texte qui détaille ce que sont les Lindorms :
"Munis de deux pattes, les Lindorms, ou Lindworms, sont des créatures intermédiaires entre les Dragons et les serpents. On les trouve essentiellement dans les montagnes d'Europe centrale et en Suède. Leurs lieux de prédilection sont les cimetières, où ils se nourrissent de cadavres humains, ainsi que les églises."
- Édouard Brasey, L'Encyclopédie du Merveilleux – Du Bestiaire Fantastique.
Que pouvons-nous apprendre sur ces
créatures en nous basant sur ce court extrait ?
Que les Lindorms sont des êtres
à mi-chemin entre les Dragons et les ophidiens (en bref ce
sont des membres de la famille des semi-Dragons),
qu'ils vivent principalement dans les régions montagneuses, les
cimetières et les églises de l'Europe centrale et de la
Suède, et enfin qu'ils ont un goût prononcé pour la chair
humaine qui a dépassé depuis des lustres la date de péremption...
Aspect le plus "connu" du
Lindorm (illustration de Dave Allsop).
Ces informations sont-elles
véridiques ? Est-ce qu'il existe d'autres versions de cette créature
? Certaines données ont-elles été déformées ou simplifiées ? Je
vous propose de vérifier tout cela à travers un long pèlerinage au
royaume des contes et légendes puis dans celui des mythes et épopées
de jadis.
Commençons sans plus tarder avec une première légende qui s'intitule...
Le Lindorm et le vitrier :
Il y a de cela fort longtemps, la ville
d'Aarhus fut plongée dans l'horreur : les cadavres qui
reposaient dans la cathédrale de la cité semblaient avoir été
déplacés à plusieurs reprises sans que personne n'ait pu trouver
une explication tangible.
Certains habitants, bien décidés à
découvrir la cause de ce sacrilège, se postèrent dans le bâtiment
ecclésiastique afin d'en avoir le cœur net.
La réponse ne se fit pas attendre : un
Lindorm, dont le nid se trouvait juste sous la cathédrale,
avait pris pour habitude d'aller fureter dans la bâtisse pour
compléter son ordinaire avec de la chair - d'une fraîcheur
discutable.
Avoir un nécrophage draconique dans
les pattes était déjà un problème en soi, mais non-content de
boulotter les dépouilles, le Dragon se chargeait également
de saper peu à peu les fondations de la cathédrale, qui à force,
risquait bien de s'effondrer, au grand dam des habitants.
Désespérée, la populace chercha de
l'aide, en vain. Mais un beau jour, un vitrier ambulant vint
commercer à Aarhus et lorsqu'il entendit parler de la
cathédrale et de la bête logée dans ses tréfonds, il promit de
faire son possible pour aider les villageois.
Il se mit aussitôt à l'ouvrage et
fabriqua un étrange coffre recouvert d'un miroir et doté d'une
seule ouverture - assez grande pour lui permettre d'y glisser la lame
de sa rapière.
Le coffre terminé, il fut emporté par
les locaux et placé de jour, dans la nef de la cathédrale.
Quand minuit sonna, le vitrier - qui
était resté à l'intérieur de l'église - alluma des chandelles
qu'il déposa soigneusement aux quatre coins du coffre. Puis, une
fois ses préparatifs terminés, il s'allongea dans son cercueil
improvisé.
L'aspect sinistre de ce Lindorm
laisse sous-entendre qu'il est probablement allé faire son marché
au cimetière du coin (illustration de JB Reynaud).
Peu de temps après, un crissement sur
les dalles de la cathédrale signala l'arrivée rampante du
Lindorm. Ce dernier ne manqua pas de remarquer le coffre où
se reflétait son propre reflet. La créature - croyant voir sa
femelle ou un membre de son espèce - resta passivement face à
l'ouvrage de verre et le vitrier profita de l'aubaine pour
transpercer le Dragon de sa lame aiguisée. Traversé de part
en part par l'acier froid, le Lindorm expira en un battement
de cils.
Le vitrier n'eut pas vraiment le temps
de savourer sa victoire : de la plaie du Dragon s'échappa un
flot de sang et de poison qui suinta le long de la lame et tua bien
vite le pauvre artisan du verre - faisant de son coffre un cercueil
au sens littéral du terme...
J'ai déniché cette légende
originaire du Danemark dans l'ouvrage de Dominique Besançon
et de Sylvie Ferdinand intitulé : "Dragons, Licornes
et autres chimères". Je précise - pour les chanceux qui
possèdent ce livre - que le texte que vous venez de lire a été
entièrement remanié par mes bons soins. J'ai - comme toujours -
gardé intacts les éléments importants de la légende, mais tout le
reste a été remanié à ma sauce pour lui donner sa petite touche
personnelle.
La légende que vous venez de lire est
probablement à l'origine de la croyance selon laquelle les Lindorms
sont nécrophages et qu'ils ont pour habitude de rôder dans les
églises et les cimetières. Si l'on a pu découvrir un exemplaire de
Lindorm doté d'un "palais délicat" et amateur de
cantiques, cela ne veut pas dire pour autant que ces pratiques
douteuses soient monnaie courante chez ces créatures. Je n'ai
d'ailleurs pas pu trouver d'autres contes ou légendes qui dépeignent
des Lindworms en train de se repaître de cadavres ou de
squatter les bâtiments ecclésiastiques.
Illustration de Tapia
provenant du jeu de rôles : "Drakar och Demoner"
("Dragons et Démons" en suédois).
Puisque j'évoque assez "vaguement"
la légende de saint-Georges dans les informations
complémentaires (ci-dessous), je vous propose dans le
prochain de découvrir une légende allemande assez inédite qui
semble liée (d'une manière ou d'une autre) au sauroctone
(littéralement : "tueur de lézards") bien connu de tous.
Informations complémentaires :
- Aarhus est
une cité portuaire située au Danemark (elle
est également la seconde ville la plus populeuse du pays).
- La cathédrale d'Aarhus (construite au début du XIIIème siècle) est un bâtiment d'une hauteur vertigineuse (96 mètres de haut) dont l'architecture est de style gothique (roman à l'origine).
Il est possible d'admirer des fresques dans l'église (notamment une peinture représentant saint-Georges en train de trucider le Dragon).
- Pour rappel, saint-Georges de Lydda est le patron de la chevalerie qui s'est rendu tristement célèbre pour avoir exterminé un Dragon (exploit qu'il n'a accompli qu'avec la garantie que toute la ville de Silène se convertirait à la foi chrétienne)...
- Silcha ou Silène est une ville antique citée Jacques de Voragine dans "La Légende Dorée" ("Legenda Aurea" en latin) lorsqu'il conte les "exploits" de saint-Georges.
- "La Légende Dorée" est un ouvrage rédigé en latin au XIIIème siècle par Jacques de Voragine (l'archevêque de Gênes, en Italie).
Le livre raconte principalement la vie de 150 "saints" et "martyrs" chrétiens - l'église n'ayant jamais vraiment pu faire disparaître les religions et traditions concurrentes (le peuple honorait toujours à sa manière les dieux du "passé"), les hommes d'église n'ont rien trouvé de mieux à faire que d'adapter les déités et héros des autres traditions pour en faire des défenseurs de la foi chrétienne... c'est plus ou moins ce que fait aujourd'hui une entreprise pour ruiner sa concurrente : voler ses idées, se les approprier en remodelant un peu l'emballage et vendre le produit pour faire du profit sur le dos de l'adversaire. Pas très reluisant en somme... mais je m'égare.
- La rapière est un type d'épée
longue et fine (sa lame est bien moins large et plus acérée que
celle des épées "standard") qui était couramment
employée entre le XV et XVIIème siècle. La garde de
l'arme était souvent ornée d'une sorte de "panier" qui
permettait de protéger la main de celui qui maniait la lame.
- "Drakar och
Demoner" est un jeu de rôle suédois sorti en 1982
et qui a été renommé plus tard "Target Games".
La légende du Lindorm de
Mecklembourg :
À proximité de la route principale -
entre Neubrandenburg et Stavenhagen -, adjacente au
domaine appartenant aux Gevezin et Blankenhof, se
trouvent trois collines : Blosksberg, Jasberg et
Lindberg.
Il y a fort longtemps de cela, ces
monts servaient de refuge à des Lindorms. Lorsqu'ils étaient
allongés - pour chauffer leurs écailles au soleil -, ils
ressemblaient à s'y méprendre à des troncs d'arbres abattus et la
population locale avait appris à craindre ces végétaux factices.
Un Lindorm albinos en train
de paresser au soleil (création de Mauricio Herrera).
Un jour, une charrette passa sur la
route et - non loin du moulin à eau - il eût le malheur de croiser
un jeune Lindorm. Ce dernier, couché en travers du chemin -
pour profiter de la chaleur solaire -, ne prêta gère d'attention au
conducteur et à sa carriole. Le fiacre, quant à lui, crut qu'il
s'agissait d'un tronc d'arbre mort et décida tout simplement de
passer avec son chariot sur la pauvre créature. À l'instant où
le jeune Dragon se fit écraser, il poussa un cri rauque qui
surprit le conducteur. Se rendant compte de sa bévue, il se hâta de
fouetter ses montures afin s'enfuir au loin.
Le cri du jeune Lindorm était
loin d'être passé inaperçu. En entendant l'appel de détresse de
son cadet, un ancien Lindworm se dirigea aussitôt en
direction pour finir par découvrir sa progéniture morte. Fou de
rage, il rugit et se rua vers Neubrandenburg pour s'attaquer à
ce qu'il croyait être le responsable de la mort de son petit. Le
sort tomba sur le conducteur d'un chariot bourré de paille, qui
voyant la créature rugissante charger dans sa direction, fit
aussitôt accélérer ses chevaux. Heureusement pour lui, à
l'approche de l'enceinte de Neuendorf, il perdit la goupille
de jonction de son véhicule, laissant derrière lui la partie
arrière de son chargement bourré de paille ce qui lui permit
de gagner plus aisément du terrain.
Arrivé près de chargement de foin, le
Lindorm passa sa colère quelques instants sur le chargement,
mais ne trouvant pas âme qui vive dans les restes du chariot, il
recommença à poursuivre le conducteur.
Afin d'accroître sa vitesse, le Dragon
mordit dans sa queue et roula en direction de sa proie - à la
manière d'une sorte de roue draconique.
Le conducteur arriva in extremis à
passer les portes de Brandenburg qui se fermèrent aussitôt
derrière lui, laissant le Lindorm rugir de frustration au
pied de la cité.
Pas pressé pour un écu de venger la
mort de son rejeton, le Dragon s'allongea juste devant les
portes et les habitants terrorisés n'osèrent plus sortir de la
cité.
La situation semblait désespérée
mais un prince étranger - connu sous le nom de Georges
- ordonna qu'on le laissât passer afin qu'il aillât occire le Lindorm.
Après un combat à l'issue incertaine,
le nobliau triompha en sectionnant la queue - qui était la source de
sa puissance de la pauvre créature - et il se hâta bien vite de
l'achever d'un dernier coup de lame.
Gravure (d'origine inconnue)
représentant un chevalier - accompagné de ses chiens de guerre - en
train d'affronter un Lindorm.
En souvenir de cet évènement - au
triomphe discutable -, l'église saint-Georges fut construire. Il serait possible d'y trouver l'histoire que je vous ai contée
gravée sur son autel.
La légende suivante était à
l'origine en anglais. Je vous l'ai traduite aussi fidèlement que
possible, en remaniant certains mots ou expressions qui collent assez
mal avec la langue française (j'ai par-contre conservé la plupart
des noms de lieux germanophones).
Dans cette légende, nous pouvons voir
que les Lindorms semblent adorer vivre dans des paysages
accidentés (les trois collines). Au passage, il est possible que la
colline de Lindberg (ou "Lind-Berg")
porte ce nom en référence aux semi-Dragons qui y résidaient.
En sus de ces données géographiques,
on peut voir que les Lindorms s'occupent de leurs petits
(contrairement aux ophidiens qui n'ont guère le sens de la famille),
ce qui montre clairement que ces créatures - malgré quelques
similitudes physiques - ne sont pas à considérer comme des
serpents.
En parlant de serpents, la manière
qu'à le Lindorm de se mordre la queue pour former une
sorte de roue improvisée ne vous fait-elle pas penser à un certain
symbole antique ?
Effectivement, la posture de cette
créature rappelle l'Ouroboros que l'on retrouve dans de
nombreuses cultures. Si vous souhaitez en savoir plus sur le
sujet, je vous encourage à aller lire l'article sur Iormungand
au chapitre intitulé : "L'Ouroboros nordique".
Autre "détail" amusant : le
Dragon est plus ou moins vaincu lorsque Georges (pour
les intimes) lui tranche la queue, où résidait sa force. On peut
retrouver une caractéristique presque similaire dans la mythologie
japonaise. Après que Susanoo (le Kami des Tempêtes) eut affronté le Dragon Yamata-no-Orochi, il découvrit dans
sa queue une lame magique plus acérée que la sienne - qui deviendra
ensuite l'un des trois trésors du Japon.
Je tiens à préciser que ce
type de légende (Georges affrontant un Lindorm) n'est
pas unique. On peut retrouver d'autres versions en Allemagne
et en Pologne.
Pour vous donner un exemple, un conte
qui se déroule à Mansfeld nous parle d'un chevalier nommé
Georges et d'un Lindorm qui résidait sur la colline
Lindberg. Les habitants de la région devaient chaque jour
offrir une jouvencelle pour apaiser la créature. Bientôt, la
donzelle devint une denrée rare et le Dragon exigea qu'on lui
amène la fille du chevalier. Le lendemain, ledit chevalier se
présenta au "saurien", l'affronta et le tua, libérant du
même coup la ville,qui fut rebaptisée Saint-Georges.
Il est possible de contempler une représentation
- taillée dans le roc - de saint-Georges en train d'affronter
le Lindorm. Si vous souhaitez vérifier mes dires, rendez-vous
à l'église de Mansfeld et jetez un œil au-dessus de la
porte d'entrée, vous pourrez y voir le fameux bas-relief.
Maintenant que nous connaissons
mieux les us et coutumes de la gent draconique bipède et aptère
(sans ailes), je vous propose de lire une autre légende - assez
particulière - qui nous donnera peut-être des précisions sur
l'aspect de ces fascinantes créatures.
Informations complémentaires :
- Sans vouloir vous faire un cours
de géographie trop poussé, le Mecklemburg (Mecklenburg
en allemand) est une région de l'Allemagne septentrionale
(dans le Nord) dont le nom viendrait du château de Mikilenburg
("grand château" en bon français), la demeure
ancestrale de la dynastie des Mecklembourg.
- Neubrandenburg (en français
: Neubrandenbourg) est une ville allemande située au Nord de
Berlin (la capitale).
Détail historique amusant, la cité possède toujours ses fortifications médiévales
(avec ses quatre portes d'accès).
- L'église saint-Georges -
de la légende que vous venez de lire - aurait été édifiée à
l'endroit même où le combat entre saint-Georges et le
Lindorm s'est déroulé. Manque de pot, il existe une infinité
de bâtiments cléricaux construits en l'honneur du patron de la
chevalerie à travers le monde (dont trois en Allemagne)...
Détail assez incroyable, il semble que la France compte un peu plus de 150 églises consacrées à saint-Georges (on ne peut pas dire qu'il soit passé inaperçu)...
- Pour rappel, les Kamis sont
les dieux ou Esprits de la religion shintoïste ("la
voie des dieux").
- En très bref, le shintoïsme
est la religion la plus ancienne du Japon qui mêle des
éléments polythéistes (plusieurs dieux) et animistes
(croyance qui fait que toute chose - hommes, animaux, végétaux,
minéraux,... - est animée par une force vitale).
- Yamata-no-Orochi est un
Dragon octocéphale (à huit têtes) de la mythologie
japonaise. J'évite de trop rentrer dans les détails pour le moment
à son sujet, vous découvrirez tout sur lui dans un texte qui lui
sera intégralement consacré.
- Mansfeld est une ville
allemande située dans le länder (état fédéré de la République
Fédérale d'Allemagne) de la Saxe Anhalt (qui se situe
plus ou moins au centre de l'Allemagne).
Le Lindorm élevé par une femme :
Notre histoire commence avec une bien
étrange jeune femme qui ne voulait point s'établir et bâtir une
demeure tant qu'elle n'aurait pas déniché une île sans âme qui
vive et dénuée de collines.
Finalement, elle trouva son bonheur
dans une région oubliée et elle construisit sa chaumière sur une
petite crête que l'on appelle Kelderbakke.
Un beau jour, elle trouva près de sa
demeure une noisette qui contenait un tout petit serpent. Attendrie
par cette modeste créature, elle plaça le reptile dans une petite
boîte. Avec le temps, le petit serpent - nourri et élevé par la
jeune femme - prit des forces et bientôt, la boîte devint trop
étroite pour servir de demeure à son reptilien compagnon. Elle
décida donc de lui offrir un nouveau logis : un ravissant baril tout
confort.
Bien vite, le petit reptile gagna en
poids et en taille à tel point qu'il finit par occuper tout le
volume disponible du tonneau. Lorsque la jeune femme sortait se
promener, le serpent la suivait à la trace en faisant rouler
bruyamment son baril derrière elle. Fatiguée des attentions
étouffantes de son ami, elle songea bien vite à s'en débarrasser.
Comme vous l'avez sans doute déjà
deviné, les Lindorms n'ont pas toujours une ravissante paire
de gambettes (l'illustration est de Sophi Suppe au passage).
Elle trouva la solution à son
écailleux problème en passant près d'une montagne - près de
Heilskov - criblée de cavités et tunnel. Voyant arriver son
baril de compagnie, elle délogea le serpent - qui se laissa faire -
de son antre improvisé et le fourra dans une profonde crevasse.
Les années passèrent, des colons
s'installèrent sur le site et de nombreuses demeures furent érigées.
La vie près de cette montagne n'était pas de tout repos vu que les
habitants étaient sans cesse harcelés par des vipères
particulièrement agressives.
À
bout de patience, les villageois
demandèrent l'aide d'un spécialiste qui serait capable de les
débarrasser de ces voisins venimeux. L'homme recommanda aux
habitants de construire un énorme bûcher dans la prairie située au
sud du village - ce qu'ils firent. Une fois le futur "feu de
joie" installé, l'homme sortit une flûte et commença à
souffler dedans. Chose étrange : dès la première note, toutes les
vipères qui hantaient la montagne s'étaient extirpées de leur logis pour
se ranger derrière le musicien, comme hypnotisés par celui-ci.
La totalité de la population vipérine
se tenait près du flûtiste mais les habitants lui demandèrent tout
de même de jouer une note de plus afin d'être sûr qu'il ne restait
aucun de ces petits serpents. L'homme - soudain inquiet - refusa de
produire la moindre note tant qu'on ne lui aurait pas assuré qu'il
n'y avait aucun Lindorm qui rôdait dans la région.
- Non, lui assurèrent-ils, il n'y en a
aucun.
Rassuré, il posa les lèvres sur
l'embout de sa flûte, joua une nouvelle note qui déclencha un cri
terrible que seul un Lindorm en colère pouvait produire.
Effrayé, le flûtiste courut se cacher dans un arbre. Le Dragon,
furieux d'avoir été réveillé rampa hors de son antre, s'enroula
autour de l'arbre où il vomit un torrent de flammes qui embrasèrent
l'homme ainsi que sa cachette.
Conseil d'ami : ne dérangez jamais
un Lindorm qui sommeille, vous risquez bien plus qu'une amende
pour tapage nocturne (illustration de Miguel-Ligero)...
Il s'agissait bien évidemment du
Lindorm que la jeune femme avait élevé - puis rejeté.
Cette troisième légende vient -
encore une fois - du livre "Dragons, Licornes et autres
chimères" (elle est d'ailleurs aussi originaire du
Danemark) et comme toujours, je me suis permis de la remanier
dans sa quasi-totalité (en ne conservant que les éléments
principaux).
Cette légende est fort particulière
puisqu'elle ressemble à une adaptation draconique de la légende
germanique intitulée : "Le Joueur de flûte de Hamelin"
(retranscrite par les célèbres frères
Grimm). Elle semble également receler une morale plus que
discutable si on la regarde de plus près...
La demoiselle découvre une noisette
(un fruit, considéré par certains comme un symbole de la
connaissance chez les Celtes) qui contient un serpent. Elle
élève le "reptile", lui permet de croître et l'abandonne
lorsqu'il devient gênant. Ca ne vous rappelle pas une histoire
misogyne au possible où il était question d'une femme qui ayant croqué
dans un fruit défendu - abritant la connaissance du Bien et du Mal - sous
les "bons" conseils d'un serpent (doté de pattes) ?
Bref, si les liens entre la légende et
le "Livre de la Genèse" sont peut-être le fruit
(ah ah...) du hasard, on peut dire que la morale y est plus que
discutable (même si, pour une fois, le Dragon ne finit pas en
trophée mural lorsque tombe la conclusion).
Au passage, vous ne l'avez peut-être
pas remarqué, mais le Lindorm dans cette version semble dénué
de pattes (donc fort semblable à un serpent). Je tiens à rappeler qu'en ancien parler danois (dönsk tunga), le mot
vipère se dit : "nadr". Ce terme est aussi un
synonyme pour désigner les Dragons (qu'on appelle "dreki").
Il y a donc fort à parier que les agaçantes vipères qui vivaient
avec le Lindorm n'étaient rien d'autre que sa prolifique
progéniture.
Avant de vous livrer un conte
suédois sur les Lindorms - probablement le plus populaire -
qui pour une fois se termine bien, je tiens à vous préciser qu'il
est inutile de jouer de la flûte face à un serpent : ils sont
sourds comme des pots mais perçoivent les vibrations au sol. Ils ne
font donc que suivre les mouvements de l'instrument qu'ils
considèrent un peu comme une menace potentielle... ou un rival ;
vous pouvez par contre toujours essayer sur un Dragon (si vous
êtes toujours vivant après votre petite "sérénade",
n'hésitez pas à me conter le résultat de votre concerto draco)...
Informations complémentaires :
- Selon le livre intitulé :
"Dragons, Licornes et autres chimères", le site
appelé : "Heilskov" aurait été rebaptisé
"Lindberg" en l'honneur du Lindorm de la
légende (comparez le nom avec celui d'une des trois collines de
l'histoire précédente, la similitude entre les deux est
troublante).
- "Le Joueur de flûte de
Hamelin" est - au risque de me répéter - une légende
allemande qui fait écho à une tragédie survenue dans la ville de
Hamelin en 1284 (on ne sait d'ailleurs toujours pas de
quel triste évènement il est question).
L'histoire nous montre la cité de
Hamelin - envahie par les rongeurs - qui, au comble du
désespoir, fait appel à un dératiseur.
Le maire de la ville promet une
récompense de mille écus au flûtiste s'il parvient à
débarrasser la ville de ses rats.
Le dératiseur joue une musique qui
attire tous les rats de la cité (qui le suivent en file) et les
précipite dans la Weser (le fleuve local) où ils se
noient.
Le Joueur de flûte de Hamelin
selon Rodrigo Vega.
Ayant débarrassé la ville de ses
rats, le flûtiste vient demander sa récompense mais les habitants
refusent de l'honorer et le chassent à coups de pierres.
Furieux, le musicien quitte la
contrée pour ne revenir que plusieurs semaines plus tard. À
proximité des murs de la ville, il joue une douce mélopée qui hypnotise les cent trente enfants de Hamelin.
Ils suivent le joueur jusqu'à son repaire, une grotte dont l'accès
se referme derrière le dernier enfant.
Des variantes plus cruelles de ce
conte parlent d'un enfant boiteux qui ne parviendra pas à rejoindre
ses camarades à temps (la grotte contient une sorte
de pays idyllique), d'un stage d'alpinisme - sans corde - ou d'une
session d'apnée prolongée. Pour parler moins métaphoriquement : il force les enfants
à se noyer ou à se jeter du haut d'une montagne.
- Jacob et
Wilhelm Grimm sont deux collecteurs de contes
allemands que j'admire particulièrement. Si vous souhaitez en
apprendre un peu plus sur leur compte, je vous conseille d'aller lire
l'article sur la Huldre
(au chapitre intitulé : "Ces illustres conteurs").
L'Épouse du Roi Lindorm (The Bride of the Lindorm King) :
En Suède, il y a des siècles
de cela, la reine du pays couchée dans sa chambre, allait enfin
pouvoir réaliser son rêve : donner la vie, après tant de vides
années où l'espoir d'avoir un héritier semblait vain.
Elle sourit en repensant à la fois où
elle était allée consulter un devin qui lui avait assuré qu'avant
un an il lui serait accordé de donner le jour à deux magnifiques
enfants, à la seule condition qu'elle mange deux oignons frais dès
qu'elle rentrerait au palais.
Ce conseil étrange emplit de joie la
reine qui était si excitée par la chance qui lui était offerte
qu'elle quitta aussitôt le devin, sans entendre ce dernier qui
l'appelait.
De retour au palais, la souveraine
ordonna qu'on lui apporte sans délai deux oignons croquants. La
reine était si obnubilée par cette future naissance qu'elle mangea
le premier oignon sans même prendre la peine d'enlever la peau qui
le recouvrait. Sans surprise, son goût était infect et contenant à
grand-peine son excitation, elle prit la peine de peler soigneusement
le second avant de l'ingurgiter.
Neuf mois passèrent et comme l'avait
prédit le devin, le vœu le plus cher de la souveraine était sur le
point de se réaliser.
À l'extérieur de la chambre royale,
les courtisans du palais faisaient nerveusement les cent pas en
attendant l'annonce officielle de la naissance des nouveaux princes
mais tous se tournèrent vers les quartiers de la reine lorsque
résonna un cri à vous déchirer les tympans. Ce n'était pas les
pleurs d'un bébé nouveau-né ; mais un cri d'horreur qui
s'échappait de la gorge de la sage-femme royale à la vue du premier-né de la reine.
La souveraine venait de donner
naissance à un Lindorm : un "hideux" serpent
semblable à un Dragon. Le petit corps dénué d'ailes
s'échappa des mains de la sage-femme et s'écrasa sur le sol en
marbre. De son corps sinueux émergea soudain une paire de puissantes
pattes griffues et la reine, révulsée par l'aspect de son fils, se
pencha, prit le jeune Lindorm dans ses mains et le lança de
toutes ses forces par la fenêtre pour le voir atterrir dans la dense
forêt qui ceinturait le palais.
Affaiblie par tous ses efforts, la
reine retourna au lit et donna le jour à un autre fils : un
ravissant garçonnet à la chevelure pareille à l'or et aux
brillants yeux bleus.
Les années passèrent et l'enfant
devint bien vite un jeune prince qui se devait de partir en quête
d'une épouse afin d'assurer l'avenir du royaume.
Alors que le prince chevauchait aux
abords de la forêt qui entourait le palais, une énorme tête
jaillit sans crier gare d'un buisson épineux pour faire face au
cavalier sur sa monture. Se cabrant jusqu'à ce que son corps
d'écailles émeraude ressemble à une tour végétale, le Lindorm
toisa avec hauteur son frère et ses yeux ambrés - qui ne cillaient
pas - semblaient à même de percer la moindre de ses pensées.
Le prince face au Lindorm
(illustration d'Andrew Olson).
Contemplant fixement la créature, le
prince hypnotisé entendit la voix glaciale de cette dernière lui
assurer qu'il ne trouverait jamais d'épouse tant que lui, son frère
aîné, n'obtiendrait pas l'amour sincère d'une femme aimante.
Après le retour du monarque en
devenir, le palais bourdonna d'activité durant les mois qui
suivirent. On dépêcha un grand nombre de jeunes filles vierges des
villages alentour et on les offrit au Lindorm avec l'espoir
que ça permettrait au prince de trouver enfin une épouse.
Inutile de préciser qu'aucune des
jeunes demoiselles ne venait de son plein gré, et bien entendu,
aucune ne fut choisie par le Dragon... La situation semblait
sans issue jusqu'au jour où une jeune femme - choisie pour être
l'épouse du Lindorm - eut la chance de croiser le devin que
la reine était allée consulter il y avait tant d'années.
La jeune fille expliqua calmement à
l'oracle le triste sort qui l'attendait. Le devin écouta calmement
puis il murmura quelques mots à l'oreille de la donzelle qui
chassèrent bien vite sa tristesse pour la remplacer par un sourire
radieux.
Lorsque la nuit tomba, la jeune femme
fut présentée au Lindorm qui sans cérémonie lui demanda
d'ôter ses robes - qu'elle semblait porter en très grand nombre.
Elle accepta cette requête cavalière à une condition : que le
Lindorm promette que pour chaque vêtement ôté il consente à
se débarrasser d'une couche de peau. Le Dragon accepta de se
prêter à ce petit jeu et l'effeuillage put commencer.
Le sol se retrouva bien vie jonché
d'étoffes et de peaux. La jeune femme n'avait plus elle qu'une robe
et le Lindorm une fine protection d'écailles.
Malgré les paroles du devin - qui lui
avait promis un grand bonheur et un grand amour -, ce n'est pas sans
une certaine nervosité que la demoiselle laissa choir sa dernière
robe, se tenant nue devant l'énorme Dragon. Le Lindorm
rampa vers elle et la jouvencelle se crispa - craignant et désirant
à la fois ce qui allait arriver. Elle se tint droite et immobile
lorsque la serpentine créature l'enserra, presque tendrement,
l'enveloppant de son corps entre ses écailleux anneaux. Elle fut
agréablement surprise en sentant la peau du Lindorm contre la
sienne, elle s'attendait à quelque chose de froid et glissant, mais
lorsqu'ils s'embrassèrent et s'étreignirent, elle remarqua que le
corps de son amant était plaisamment chaud et doux au toucher.
La jeune femme face au Lindorm
(gravure de Niels Skovgaard).
Malgré la pointe d'inquiétude qui
persistait et lui donnait une irrésistible envie de fuir, elle se
concentra sur les paroles du devin, ferma les yeux et s'apaisa à
nouveau.
Sentant un changement perceptible dans
l'air, elle rouvrit les yeux et remarqua que la dernière peau du
Lindorm - presque translucide - commençait à se détacher,
se chiffonnant comme un bouquet de feuilles fanées. Au même moment,
une étrange brume verdâtre enveloppa son amant dont elle ressentait
toujours l'étreinte reptilienne. Peu à peu, le brouillard se
dissipa et révéla à la jeune femme qu'elle n'était plus prise
entre les anneaux du Lindorm mais entre les bras du plus
splendide représentant masculin qu'elle n'ait jamais vu.
Le devin avait bien entendu dit la
vérité. En suivant les instructions de ce dernier, la demoiselle
avait brisé l'enchantement qui emprisonnait le prince dans le corps
d'un Lindorm, faisant de lui le premier prétendant au trône.
Un joyeux mariage fut préparé sans
délai et après que la vénérable reine eut donné sa bénédiction
aux jeunes mariés - devenus roi et reine - elle sentit qu'on
tapotait légèrement son épaule. C'était le devin qui lui révéla
tout sourire ce qu'elle avait omis d'écouter il y a tant d'années :
"Soyez sûre de peler les deux oignons avant de les manger."
Le conte que vous venez de lire a
été traduit de l'anglais et remanié par mes soins. Avant de vous
en apprendre plus sur son compte, je vous propose d'en lire une autre
version (qui comporte plusieurs variantes) qui s'intitule...
La Fiancée du Lindorm :
Il y a des siècles de cela, au cœur
de la nation suédoise, la reine du pays - qui commençait à se
faire vieille -, vivait dans la crainte de ne pas réussir à donner
naissance à des enfants qui pourraient lui succéder sur le trône.
Afin de remédier à cette délicate
situation, elle alla consulter une prophétesse. Cette dernière lui
répondit qu'elle aurait deux beaux fils moins d'une année plus
tard, à la seule et unique condition qu'elle mangeât deux oignons
frais dès son retour au palais.
La reine trouva cette exigence quelque
peu étrange, mais la perspective d'avoir bientôt des rejetons
l'empli de joie, à tel point qu'elle retourna aussitôt au château,
sans entendre la devineresse l'appeler.
Ayant bien vite regagné ses quartiers,
la souveraine ordonna qu'on lui amenât sans délai deux oignons.
La reine en train de se préparer à
manger les oignons (illustration de Danielle Storey).
Transportée de joie par cette future
double naissance, elle avala le premier bulbe avant même d'avoir
terminé de le peler, avec les peaux qui y restaient encore
accrochées. Elle trouva, bien entendu, que l'oignon avait un goût
abominable et, prenant son mal en patience, prit soin de peler le second avant de l'ingurgiter.
Le temps s'écoula et la prophétie de
la devineresse se réalisa. Neuf mois plus tard, la reine était dans
sa chambre, sur le point de donner le jour à des jumeaux, pendant
que les officiers du palais faisaient les cent pas dans
l'antichambre, attendant avec impatience l'annonce de la naissance
des nouveaux héritiers.
Brusquement, un cri strident résonna
dans les couloirs. Ce n'était pas le vagissement plaintif d'un bébé
- comme tout le monde l'espérait -, mais le cri de terreur de la
sage-femme de la reine, qui venait de voir le premier-né de la
souveraine. C'était un mâle, mais il n'avait rien d'humain.
La reine venait d'enfanter un Lindorm
: un "affreux" Dragon reptilien hérissé
d'écailles, pourvu de deux puissantes pattes garnies de griffes
acérées, qui rampait sur le sol en marbre.
Paniquée à l'idée d'avoir donné le
jour à une telle créature, la reine se baissa, ramassa le petit
être et le lança par la fenêtre, qui donnait sur la forêt
voisine. Épuisée, elle se recoucha bien vite pour offrir la vie à
un second enfant, cette fois "normalement" constitué, aux
cheveux dorés et aux yeux bleus.
Le temps passa. Le second fils de la
souveraine, devenu le prince héritier du royaume, partit un jour en
quête d'une épouse. Il chevauchait à la lisière de la vaste forêt
qui ceinturait le palais royal quand, soudainement, la tête énorme
d'un Lindorm s'extirpa des broussailles.
Se dressant jusqu'à ce que son énorme
corps écailleux ressemble à un arbre géant, la créature fixa le
jeune homme de ses yeux dorés qui ne cillaient pas. Le prince perçut
alors la voix glaciale et assurée du Lindorm qui lui expliqua
qu'il lui serait impossible de trouver une épouse tant que lui-même,
son frère aîné, ne serait pas aimé sincèrement par une femme qui
serait prête à l'épouser sans contrainte.
Comme l'avait prédit le Dragon,
le prince ne trouva aucune compagne. Pour briser cette malédiction,
on fit venir des villages voisins une pléthore de jeunes filles que
l'on souhaitait marier au Lindorm. Malheureusement, aucune des demoiselles
n'était emballée à l'idée de se marier avec un tel être, ce fut
donc sans surprise qu'elles furent toutes refusées par la créature.
La situation semblait sans issue, mais le Destin en décida
autrement. Une des dernières jouvencelles, qui devait être
présentée au Dragon, croisa la route de l'oracle que la
souveraine avait consulté il y a si longtemps.
Rongée de chagrin, la jeune femme
apprit à la prophétesse qu'elle était promise au Lindorm.
Après l'avoir écoutée patiemment, la devineresse lui chuchota
quelques mots à l'oreille ; aussitôt, la tristesse qui marquait les
traits de la demoiselle se dissipa pour faire place à une joie
rayonnante.
Le soir même, la jouvencelle fut
présentée au Dragon. Il lui ordonna
d'un ton sans réplique de retirer ses vêtements - qu'elle semblait
porter en nombre conséquent. Elle accepta de se soumettre à cette
proposition à la seule condition que pour chaque vêtement ôté,
son draconique amant consentît à se défaire d'une de ses peaux. Son
énorme tête acquiesça et tous deux se dépouillèrent tour à
tour, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une fine chemise pour la
demoiselle et une mince couche de peau pour le Lindorm.
Malgré ce que l'oracle lui avait dit
un peu plus tôt, la jeune femme ne put réprimer un frisson de peur
lorsque tomba la dernière pièce d'étoffe. L'être serpentiforme
s'approcha et elle se raidit dans l'expectative de ce qui allait
arriver car la prophétesse lui avait promis un grand bonheur et
beaucoup d'amour. Se tenant nue face au Dragon, elle le laissa
l'envelopper - presque tendrement - entre ses anneaux. Elle
s'attendait à un contact froid et visqueux, mais elle le trouva au
contraire chaud et très agréable.
Superbe gravure - tirée d'un
recueil de contes qui m'est inconnu - montrant la jeune femme et le
Lindorm en train de se dévêtir.
Elle remarqua que la dernière peau du
Lindorm commençait à se détacher de son corps, puis, au
même moment, une étrange et épaisse brume verte se répandit
autour de la créature, et elle ne perçut bientôt plus rien d'autre
que les caresses de son reptilien amant.
Lorsqu'enfin la brume se dissipa, elle
se retrouva non pas entre les anneaux d'un énorme Dragon,
mais bien entre les bras du plus ravissant jeune homme qui lui avait
jamais été donné de contempler.
Grâce au consentement de la jeune
femme et aux conseils de l'oracle, la malédiction qui affectait
jusqu'alors le premier-né de la reine venait d'être brisée.
Peu après cette soirée des plus
étranges, des fiançailles fastueuses furent organisées pour
célébrer le mariage du nouvel héritier du royaume. Alors que les
festivités touchaient à leur fin et que la vieille reine allait
céder le trône aux jeunes époux, elle sentit qu'on lui tirait
doucement la manche.
Derrière elle se tenait la prophétesse
qui était venue spécialement pour lui dire ce qu'elle n'avait pas
pu lui préciser il y a tant d'années :
"N'oubliez surtout pas de peler
soigneusement vos oignons avant de les manger."
Par son empressement et son désir de
voir son souhait réalisé, la reine avait failli provoquer une
situation inextricable pour le royaume et ses descendants...
Ce conte (toujours de Suède)
provient de l'ouvrage intitulé : "Dragons - Histoire, Mythes
Et Représentations"(de Karl Shuker). Comme toujours,
je me suis amusé à remanier le texte d'origine. Je tiens à
préciser également que ce conte était disponible sur l'ancienne
version de cet article. Je l'ai donc remis à neuf pour vous
permettre de le comparer avec une variante de ce dernier.
Comme vous pouvez le voir, les deux
contes sont globalement les mêmes, bien que de légères variantes
changent un peu la trame du récit. On peut donc noter que le devin
devient une oracle, dans le second texte, le Lindorm (qui
d'une certaine manière est mi-homme mi-Dragon) jette une
malédiction sur son frère (dans le premier, il annonce juste
qu'il lui sera impossible de se marier tant que lui-même n'aura pas
trouvé l'amour sincère) et la fille de berger se change en
villageoise dans le deuxième récit.
Il existe bien entendu d'autres
versions de ce conte ("Le Prince Lindworm", "Le
Roi Lindworm",...) qui changent légèrement la formule que
je vous ai servie. Le Lindworm dévore ou avale les
demoiselles qui ne lui plaisent pas, le devin ou la devineresse peut
être parfois une vieille femme ou Sorcière (peut-être une
Hag) et certaines versions omettent de parler du second jumeau
(qui n'avait de toute façon pas vraiment une place très importante
dans le récit).
Ce conte que j'apprécie beaucoup et
qui me fait toujours un peu penser à "La Belle et la Bête"
(vu qu'il en existe une pléthore de versions, je ne vous citerai pas
un auteur bien précis) a été publié pour la première fois en
1855 dans le livre de folklore intitulé : "Gamle
danske Minder i Folkemunde" (de Svend Grundtvig).
Je précise au passage qu'il existe un
conte roumain intitulé : "Petite Rose Sauvage"
("Little Wildrose") qui possède un grand
nombre de similitudes avec celui du Prince Lindorm (il vous
suffira - comme toujours - d'aller consulter les "Informations
complémentaires" de ce chapitre pour en savoir plus sur le
sujet).
Illustration du conte du Roi
Lindorm par Jørgen Bech Pedersen.
La série de contes et légendes va
se terminer. Je vous en propose toutefois un dernier, assez ancien
mais si connu en Autriche, qu'il est encore aujourd'hui
possible d'en admirer la fontaine dans la cité où se sont déroulés
les évènements.
Je vous offre en sus une dernière
illustration (trop petite pour être affichée) qui illustre - encore
une fois - l'effeuillage
draconique (donc n'hésitez pas à faire un petit tour
sur le lien qui s'affiche).
Informations complémentaires :
- Karl Shuker est un
zoologiste, cryptozoologiste et auteur anglais
qui est considéré par certains comme étant le digne héritier de
Bernard Heuvelmans.
Connu principalement pour ses
travaux en cryptozoologie, il est l'un des premiers de sa
profession à tenter d'attirer l'attention du grand public sur un
nombre assez conséquent de cryptides rares.
En 2012, il lancera le
"Journal of Cryptozoology" (le "Journal de
la Cryptozoologie") dont il en sera l'éditeur en chef.
- Pour rappel, la cryptozoologie
est l'étude des "animaux" dont l'existence ne peut pas
être prouvée avec certitude. On appelle communément ces créatures
des cryptides.
Souvent critiquée par la communauté
scientifique, cette discipline tente principalement d'étudier des
espèces inconnues à partir de contes, légendes et récits de la
tradition populaire, de témoignages visuels et auditifs,
d'empreintes et de morceaux (poils, écailles,...) de la créature,...
La recherche dans ce domaine ne
s'applique pas qu'aux créatures les plus massives et connues, toute
créature encore inconnue à ce jour (et supérieure à la taille
d'une grenouille) est considérée comme un sujet d'étude pour tout
cryptozoologiste qui se respecte.
- Bernard Heuvelmans (1916 - 2001) était un zoologiste belge qui a fondé la cryptozoologie.
Détail amusant : il était ami avec le dessinateur Hergé (George Rémi de son vrai nom) et l'a aidé pour compléter certains de ses albums ("L'Étoile mystérieuse", "Le Temple du Soleil" et "On a marché sur la Lune").
- La Hag (qu'on traduit
souvent par : "Sorcière", bien que le terme soit
inexact) est un type d'Élémentaire féminin très ancien qui
peuple le folklore et les contes. Ces créatures apparaissent souvent
sous la forme de vieilles femmes tordues mais parfois, cet aspect est
illusoire et sert à mettre à l'épreuve un damoiseau en mal
d'amourettes.
Pour en savoir un peu plus sur ces
créatures, je vous conseille d'aller lire l'article sur Jenny
Greenteeth (qui est une Hag
aquatique du folklore britannique).
- "La Belle et la Bête"
est un conte-type (qui possède une structure de base stable,
identifiable dans le monde entier malgré quelques variantes) qui
serait basé sur les "Métamorphoses" d'Apulée.
"La Belle et la Bête"
selon Zirofax.
Dans le récit - qui change un brin
selon les versions -, le père de Belle (un
marchand), est capturé par la "Bête"
(un homme maudit pour n'avoir pas pu aller au-delà des apparences) -
changé en hybride ou en représentant de la gent porcine, il ne
pourra reprendre son aspect normal que par l'amour d'une femme (vous
voyez le lien avec le conte suédois du Lindorm
?) - pour avoir cueilli l'une des roses de son jardin. Belle
(fille du commerçant), décide de prendre la place de son paternel
au château de la Bête afin de le tirer de ce
guêpier.
La fin, vous la connaissez tous plus ou moins : Belle découvre que la Bête - malgré son aspect rebutant - n'est pas un mauvais bougre, elle finit par l'apprécier, l'aimer ; sortilège rompu, mariage en grande pompe et c'est plié.
Je précise que dans la plupart des récits, le marchand possède trois fils et trois filles (Belle, qui est ravissante, intelligente,... et les deux autres qui sont plus ou moins son antithèse).
- Les "Métamorphoses" (ou "L'Âne d'or") sont un roman écrit par Apulée au IIème siècle.
Le récit nous conte les mésaventures d'un aristocrate (Lucius) qui se voit accidentellement changé en âne par sa maîtresse, Photis.
Pour redevenir humain il devra manger des roses mais il lui arrivera une foultitude de mésaventures avant qu'il ne parvienne enfin à boulotter le fameux végétal - ce qui ne l'empêchera pas d'apprendre et de conter d'autres histoires, comme par exemple le mythe de Psyché et Cupidon (dieu de l'amour romain dont Éros est l'équivalent en Grèce).
- Apulée était un écrivain
et philosophe platonicien (le platonisme est une
doctrine philosophique conçue par Platon, le philosophe grec)
du IIème siècle, originaire d'Algérie.
On le connaît principalement pour
son chef-d'œuvre de la littérature : les "Métamorphoses".
- Svend Grundtvig était un
ethnographe et un historien littéraire danois qui a vécu durant le
XIXème siècle.
Passionné par la musique
traditionnelle et le folklore local, il passera la majeure partie de
sa vie à collecter les ballades anciennes et les contes populaires
afin de les coucher par écrit pour leur éviter l'oubli.
- Little Wildrose
est un conte roumain qui a été collecté par Andrew Lang
et publié dans son livre intitulé : "Crimson
Fairy Book" ("Le Livre Pourpre des
Fées") . En voici le résumé (traduit par mes
soins) :
Dans une modeste masure, un vieillard se désespérait que sa vieille épouse ne lui ait pas encore donné d'enfant. Plongé dans une profonde tristesse, il se résolut à quitter sa demeure pour partir en quête d'un fils ou d'une fille.
Dans une sombre forêt, il rencontra
un mystérieux ermite, qui après avoir écouté ses malheurs, lui
confia une pomme en lui recommandant d'en manger la moitié et de
confier l'autre à son épouse s'il désirait voir son souhait
comblé.
Sur le chemin du retour, le
vieillard commença à avoir soif et comble de malheur, il n'avait
plus la moindre goutte d'eau. Il se rappela alors la pomme que
l'ermite lui avait confiée et dévora le fruit sans en laisser un
pépin. À son réveil, qu'elle ne fut pas sa surprise de découvrir
dans un parterre de roses sauvages un bébé - âgé de deux ans et
de sexe féminin - dont la peau était aussi blanche que les fleurs
qui lui servaient de berceau.
Au summum de la joie, l'homme prit
l'enfant dans ses bras et rentra au galop chez lui. Au pied de sa
demeure, il déposa le bébé dans un seau, entra chez lui et appela
sa femme pour qu'elle vienne voir le trésor que le Destin leur avait
offert. De retour sur le perron, la joie céda la place à l'effroi :
le seau qui contenait le bébé était vide...
Se trouvant seul dans un endroit
qu'il ne connaissait pas, l'enfant commença à pleurer et les cris
du nourrisson attirèrent un aigle qui trouva là de quoi nourrir ses
aiglons. Après avoir déposé Petite Rose Sauvage (c'était le nom
que le vieil homme lui avait donné) dans son nid, l'aigle déploya
ses ailes et s'envola au loin. Surpris par cet étrange animal blanc,
les petits s'approchèrent, mais plutôt que de dévorer la petite, ils se
blottirent contre elle, la couvrant de leurs ailes pour la protéger
des rayons du soleil.
Au plus profond de la forêt, là où l'aigle avait bâti son nid, coulaient les eaux d'un ruisseau dont les eaux étaient empoisonnées. Sur les rives de ce cours d'eau toxique vivait un Lindorm doté de sept têtes qui, voyant l'aigle partir, profita de l'aubaine pour aller dévorer le contenu du nid.
Alors que le Dragon allait
dévorer l'enfant et les aiglons, une chose heurta dans le dos le
Lindorm qui siffla de douleur et se retourna pour défier son
opposant. Après un moment, le bruit de la bataille entre le Dragon
et son adversaire s'éloigna et les occupants du nid furent tirés
d'affaire.
Au matin, le père aigle rentra au
nid et voyant les dégâts autour de son antre, se hâta de
retrouver ses petits. Il demanda à ses aiglons qui avait pu chasser
le Lindorm mais en voyant la chevelure de Petite Rose
Sauvage baignée de soleil, il pensa aussitôt que c'était elle
qui avait amené la chance dans le nid et il décida de l'élever
comme sa propre fille.
Les années passèrent et un beau jour, le fils d'un empereur - qui passait dans le coin - vit la blanche demoiselle dans son perchoir et il en tomba instantanément amoureux. Il tenta de la rejoindre plusieurs fois mais malgré son cœur vaillant il ne put la trouver dans ce dédale forestier et il dut se résoudre à rentrer chez lui.
Voyant que son fils n'était pas
dans son assiette, l'empereur le questionna sur ce qui le
tourmentait. Le fils parla de la femme perchée dans son arbre et il
demanda à son père l'autorisation de l'épouser. Le monarque -
voyant que son fils ne changerait pas d'avis - accepta. Il envoya des
hérauts afin qu'ils aillent demander des informations sur l'endroit
où résidait la mystérieuse demoiselle.
La quête des messagers se révéla
vaine, personne ne semblait avoir d'informations sur la femme perchée
dans son nid et c'est au moment où ils allaient renoncer qu'ils
tombèrent sur une vieille femme qui leur assura qu'elle saurait leur
montrer où vivait la vierge au sommet de l'arbre.
L'ancêtre décrépie fut d'abord noyée sous les quolibets mais le plus âgé des hérauts ordonna aux autres d'amener la femme à l'empereur.
Face au monarque, elle lui assura
qu'elle serait capable de lui ramener la jeune femme mais elle
demanda quelque accessoire pour réussir son entreprise - une
bouilloire et un trépied.
Armée de son attirail, elle escorta
les chasseurs impériaux et le prince jusqu'au moment où ils
tombèrent sur la sombre forêt. Là, elle recommanda à la troupe de
rester en arrière, pénétra seule dans le bois obscur et ne
s'arrêta que face à l'arbre qui abritait la jeune fille. Elle
chercha aux alentours du bois sec qu'elle collecta afin d'allumer un
feu. Une fois celui-ci allumé, elle posa le trépied au-dessus des
flammes et ajouta la bouilloire, mais étrangement, la vieille femme
semblait avoir fait exprès de faire son feu à un endroit
inapproprié où la bouilloire risquait à tout instant de basculer...
Un feu de camp selon Temarinde.
Petite Rose Sauvage, qui
épiait le manège de la vieille depuis le début, commença à
perdre patience et au bout d'un moment, excédée par le vacarme, hurla à la bonne femme que son trépied ne tiendrait jamais sur
une colline et qu'il fallait qu'elle change d'endroit. Jouant
l'ignorante, l'ancêtre demanda à la demoiselle comment elle
pourrait procéder et si elle ne voulait pas venir lui montrer
elle-même. À bout de patience, Petite Rose Sauvage descendit
de son perchoir afin de l'aider, mais à peine avait-elle rejoint le
plancher des vaches que la vieille l'agrippa par les épaules de ses mains crochues, la fourra sous son robuste bras et cavala pour
ramener la donzelle au monarque en devenir.
Voyant l'ancêtre revenir avec la
ravissante dame, le prince se jeta sur la demoiselle et la
couvrit de baisers. Peu de temps après, un mariage fut célébré en
grande pompe et tous ceux qui avaient vu la mariée déclarèrent - à
qui voulait l'entendre - que quiconque souhaitait la femme parfaite
devrait aller la chercher au sommet d'un arbre.
- Andrew Lang, Little
Wildrose.
- Au sujet du Dragon de
l'histoire, l'auteur emploie le mot "Lindworm" pour
nommer la créature. Les Lindorms résident effectivement près
des cours d'eau (chutes d'eau surtout) mais le nombre de têtes
semble erroné. Il s'agit soit d'une erreur de traduction de la part
de l'auteur, soit d'une "retouche" de la part de ce dernier
pour étoffer le récit.
Je précise toutefois que dans les
contes d'Europe de l'Est, les Dragons sont souvent
dotés d'un corps humanoïde et d'un grand nombre de têtes. Les
Tsiganes qui résident dans les Balkans appelleraient
ces créatures des Drakes (nous reparlerons de ces êtres
d'ici quelques chapitres).
- Les Tsiganes (appelés
également : Rroms, Gitans, Bohémiens,...)
forment un peuple nomade que l'on peut trouver principalement entre
l'Inde et l'Atlantique.
Leurs racines communes semblent
venir de la nation indienne et depuis 1971 ils possèdent leur
hymne et leur drapeau (une bande bleue et une bande verte avec une
roue rouge à seize rayons).
- Andrew Lang était un
poète, romancier et anthropologue écossais des XVIII-XIXème
siècles qui est surtout connu pour avoir collecté une
impressionnante panoplie de contes et légendes (il a publié douze
recueils emplis de ces derniers).
Le Dragon de Klagenfurt :
Au XIIIème siècle, près de la
cité de Klagenfurt (en Autriche), vivait un Lindorm
qui avait pour mauvaise habitude de faire déborder le fleuve local,
provoquant ainsi des inondations capables de noyer les voyageurs
inconscients qui passaient à proximité.
Lassé par les méfaits du Lindorm,
le duc de la ville offrit une forte récompense en monnaie sonnante
et trébuchante à quiconque pourrait capturer le Dragon.
Un jeune homme, attiré par la
promesse d'argent "facile", conçut un plan ingénieux pour
duper la bête. Il attacha un taureau à une solide chaîne aux
maillons d'acier et amena le solide bovidé près du repaire du
Lindorm.
Illustration d'Hugo Solis.
Attiré par l'odeur du ruminant, le
Dragon s'extirpa de son antre, se jeta sur la pauvre bête,
l'avala... et se retrouva pris au piège comme une vulgaire carpe au
bout d'une canne à pêche. Ainsi hameçonné, le Lindorm fut
ramené à la cité (et probablement exécuté)...
Cette légende (du XIIIème
siècle) aurait pour origines les inondations qui menaçaient la
cité de Klagenfurt au XIème siècle et l'on
représenta cette menace sous la forme du Lindorm.
Le Dragon de ce texte représente
donc ici l'élément de l'eau qui se déchaîne sur les
hommes. Son rôle fait donc de lui (comme beaucoup de Dragons)
un Genius Loci (l' "Esprit du Lieu") : il
personnifie donc le lieu où il réside et incarne également la
Nature sous sa forme sauvage et indomptable.
Avant de vous dévoiler des éléments
supplémentaires sur ce Lindorm, je vous propose une variante
(plus longue et étoffée) de la légende du Lindworm de
Klagenfurt. Vous pourrez voir que le premier et le second récit
n'ont presque aucun élément en commun (hormis la manière dont
le Dragon est pris).
Informations complémentaires :
- Klagenfurt am Wörthersee
est la capitale du Land (État fédéré) le plus au sud de
l'Autriche, la Carinthie.
- Une légende suisse semble fort
similaire à celle que je viens de vous conter (si vous souhaitez en
savoir plus sur le sujet, consultez le chapitre intitulé : "Les
Cousins du Lindorm" à la section "Ouïvra").
La légende du Lindworm :
Lorsque le Duc Karast régnait
encore sur les terres environnant le château de Karnburg, le
domaine qui s'étendait du lac Wörthersee jusqu'à la rivière
Drau était une terre inculte, couverte d'arbres, de buissons
épineux et de mousse. Plus loin se trouvaient les montagnes où le
gibier abondait mais peu de gens osaient s'y rendre, car il fallait
traverser la zone sauvage, sombre et angoissante pour y parvenir. Les
rares qui ont tenté l'aventure n'ont d'ailleurs jamais été revus.
Aux alentours de cette zone inconnue,
il arrivait que du bétail disparaisse sans laisser la moindre
trace, au grand désespoir des fermiers locaux. Personne n'avait
jamais pu voir le sinistre écorcheur qui enlevait hommes et bêtes,
car un brouillard épais recouvrait souvent de ses volutes le
domaine. Parfois, au cœur de la brume, s'élevaient de lourds
grondements ou de terribles hurlements qu'on pouvait entendre au
loin.
Agacé par cette situation
préoccupante, le Duc ordonna à ses soldats les plus braves
de trouver où ce monstre résidait et de le tuer, mais en vain ! La
peur avait conquis les cœurs, même ceux des plus audacieux des
hommes. Cette créature qui se cachait dans la brume ne pourrait être
tirée de son antre et vaincue que par la ruse.
Une robuste tour fut bientôt érigée
aux abords du marais. Les ouvertures renforcées permettaient de voir venir de loin un éventuel ennemi en
approche, et ce en toute sécurité. À l'annonce d'une forte récompense, un courageux groupe
d'ouvriers accepta de se rendre à la tour pour traquer la bête.
En effet, le Duc avait promis
que le premier homme qui oserait capturer la créature par la force
ou par la ruse, recevrait en récompense la tour et le domaine qui
était sous la domination du monstre (le vainqueur gagnerait
également sa liberté s'il était un esclave).
Pour vaincre la bête, les ouvriers
eurent l'idée d'amener un taureau bien gras et de l'attacher à une
longue chaîne d'acier terminée par un barbillon acéré. Une fois la
victime sur place, cette dernière commença à pousser des
beuglements apeurés et il ne fallut pas longtemps avant que le
marais ne se mette à bouillonner, projetant de la boue un peu
partout.
Un jeune Wyrm qui s'extirpe
des marais (illustration de Sandara).
Soudain, un affreux Wyrm ailé à
la peau caparaçonnée jaillit comme l'éclair du liquide. Ses
griffes agrippèrent l'animal et sa gueule garnie de crochets
s'ouvrit pour dévorer le bovin affolé. Lorsque l'acier barbelé
entra en contact avec le doux palais du Dragon, ce dernier
fouetta rageusement l'air de sa queue et déchiqueta l'estima du
taureau avec ses serres acérées. Au même moment, les travailleurs, armés de matraques cloutées, surgirent de leur cachette pour
tuer la créature. Passé un très bref et sanglant combat inégal,
le cadavre du serpent se tordit encore une fois avant d'expirer,
libérant ainsi le pays de la menace que faisait peser le Lindworm.
Peu après, sur le lieu même où
s'était déroulé le combat du Lindworm contre les ouvriers,
un paisible village fut construit. Le Duc fit également
ériger un château là où se trouvait la fameuse tour
d'observation. Au cours des siècles, le petit village se transforma
en cité, qui devint la capitale de la région, l'attrayante et
plaisante ville de Klagenfurt.
Si le souvenir du Dragon de
Klagenfurt est encore vif dans les mémoires, c'est surtout grâce
à quelques "babioles" qui ont pu traverser sereinement les
siècles. Je vous laisse donc découvrir...
Informations complémentaires :
- Le lac Wörthersee est un
point d'eau situé en Autriche, dans la province de Carinthie.
Au début du XIXème siècle,
les rives marécageuses du lac ne sont habitées que par des paysans
peu fortunés mais quelques décennies plus tard, il est aménagé
pour les besoins de la noblesse viennoise.
- La Drave (ou la Drau en allemand) est une rivière d'Europe Centrale.
- Pour savoir ce qu'est un Wyrm, il vous faudra vous rendre plus loin dans l'article et consulter le chapitre qui lui est consacré (et qui porte son nom).
Le crâne et la fontaine :
Les amateurs de Dragons en
visite à Klagenfurt constateront bien vite que le Lindworm
a toujours une influence considérable sur la populace locale.
Outre le fait que le blason de
Klagenfurt est toujours orné de cette créature (le Lindworm
prend la forme d'un semi-Dragon ailé vert en train de voler
près de la tour de la légende, le tout rehaussé d'un fond rouge),
il existe deux curiosités assez anciennes qui valent le coup d'œil.
La première vient d'un passé très
lointain. En 1335, le crâne d'un rhinocéros laineux fut
découvert par des villageois dans une grotte (ou une carrière) à
proximité de Klagenfurt, on pensa qu'il s'agissait des restes
du fameux Dragon. Ce "crâne de Wyrm" était
autrefois exposé à l'Hôtel de Ville mais il est aujourd'hui gardé
au Musée municipal.
La seconde curiosité se trouve au
centre de la place de Neuer Platz (toujours à Klagenfurt),
il s'agit d'une fontaine de schiste noir qui représente le Lindworm
ailé face à Hercule
(oui, oui, nous parlons bien du demi-dieu qui a trucidé l'Hydre
de Lerne).
La fontaine - baptisée : "Lindwurm
brunnen" (fontaine du Lindworm) - aurait
(peut-être) été sculptée par Ulrich Vogelsang qui termina
le monument en 1593. Au siècle suivant, on trouva grandiose
d'ajouter un Hercule armé d'une massue afin de simuler une
sorte de duel entre le Dragon et le demi-dieu (une idée que
je trouve personnellement saugrenue)...
Gravure sur bois de la fontaine de
Klagenfurt (réalisée en 1880).
Au sujet de la fontaine et du crâne,
le botaniste et paléontologiste Franz Ungar (né en 1800
et décédé en 1870) et Othenio Abel (paléontologiste
autrichien de son état) émirent la théorie selon laquelle le
sculpteur de la fontaine se serait inspiré du fossile de rhinocéros
laineux pour créer la tête de son Wyrm.
Vers 1840, Ungar examina
en détail le fossile. Voyant que la forme et les dimensions
semblaient correspondre à celles de la fontaine, il supposa que le
créateur de la sculpture avait pris le crâne pour modèle. La
paléontologue pensait également que les restes du rhinocéros avaient
été conservés à Klagenfurt depuis près de trois siècles
et demi.
Cette théorie fut contredite par Roman
Puschnig qui précisait que le fossile n'avait pas été exposé
à l'Hôtel de Ville avant le XVIIIème siècle. Étant donné
que la plus ancienne représentation du Lindworm - qui figure
sur un sceau municipal - date de 1287, il faut supposer que
les similitudes entre le crâne et la fontaine ne sont que le fruit
du hasard.
Maintenant que nous avons fait le
tour des contes et légendes "lindormesques" et que vous
voyez plus précisément à quoi ressemblent ces semi-Dragons,
je vous propose d'analyser en détail cette créature afin de mieux
cerner ce que sont vraiment les Lindorms.
Informations complémentaires :
- Franz Ungar est
principalement connu pour sa théorie selon laquelle tous les Dragons
qui peuplent les mythes, contes et légendes seraient en fait
inspirés des fossiles de dinosaures et mammifères préhistoriques
qui auraient été extraits à travers les siècles (je rappelle que
ce n'est qu'au XIXème siècle - grâce à Richard Owen
- qu'on a commencé à parler de dinosaures).
Si cette théorie simpliste semble séduisante au premier abord, il faut savoir qu'il existe très peu de cas où les dinosaures ont été pris pour des Dragons, hormis peut-être la poudre de Dragon (des os de dinosaures réduits en poudre) utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise.
- Sir Richard Owen était un
biologiste et paléontologue britannique du XIXème siècle. Il
est le premier à avoir publié un épais compte-rendu sur de
reptiles terrestres disparus qu'il baptisera "dinosaures".
Il reconnaîtra également un groupe de créatures "primitives"
liées aux mammifères et aux amphibiens qu'il baptisera Anomodontia
(il s'agit de reptiles mammaliens herbivores).
- Les reptiles mammaliens (appelés aujourd'hui thérapsides) sont les ancêtres des mammifères actuels. Ils sont apparus au Permien (qui s'étend plus ou moins entre - 300 et - 250 millions d'années) mais ils furent vite supplantés par les dinosaures. La fin de cette période fut marquée par une extinction massive, la plus grande de toutes puisque 95% de la vie marine et 70% de la faune et flore terrestres sont éradiquées.
Après la disparition des géants
"reptiliens" (un dinosaure n'est pas un reptile), les
derniers représentants de cette famille évolueront et se
diversifieront pour que commence le règne des mammifères.
- Othenio Abel (1875 - 1946) était un professeur à l'Université de Vienne (Autriche) qui fonda avec un collègue la paléobiologie.
- Si la paléontologie s'intéresse
aux fossiles, la paléobiologie, quant à elle, tente de
reconstituer l'histoire de ces êtres et leur évolution dans le
temps.
Les Lindorms à la loupe :
Si la description générale des
Lindorms les place dans la famille des semi-Dragons
(toutes les caractéristiques d'un Dragon classique hormis
l'absence de membres antérieurs) sous l'aspect d'un être au corps
serpentin, aptère et doté de deux solides pattes griffues,
vous aurez je suppose compris - après la lecture des différents
contes et légendes - que l'aspect du Lindworm est changeant
suivant les versions ou les pays...
Un étrange Lindorm illustré
par Norman Hundert.
Il peut donc apparaître sous la forme
d'un Dragon-serpent
(corps serpentiforme, pas de membres et souvent aquatique), d'un
semi-Dragon aptère ou d'un semi-Dragon pourvu d'ailes.
Certains mentionnent que le Lindorm
peut prendre la forme d'un Dragon sans ailes et doté de
quatre pattes, mais je pense qu'il s'agit plus du Drake (pensez à consulter le chapitre qui porte le nom de cette créature pour en savoir plus sur le sujet).
On peut trouver des traces de Lindorms
dans de nombreuses nations de l'Europe Centrale (Allemagne,
Autriche, Suisse) et du Nord (Suède,
Norvège, Danemark). Ils résident la plupart du temps
dans les marais (un lieu intermédiaire entre l'élément de la terre
et de l'eau), les montagnes (liées à la terre) ou
près des cours d'eau (liés à l'eau).
Dans sa chronique (qui date de 1548),
le pasteur suisse Johannes Stumpf nous offre quelques
précisions sur le Lindwurm, voyez plutôt :
"En quelques sauvages ravins
boisés (töbel) des montagnes helvètes ensoleillées ont aussi vécu
d'horribles Dragons (lintwürm)
dont certains se sont encore trouvés, il y a une trentaine d'années,
en des endroits qui sont aujourd'hui de bons domaines. La population
des pays alpins a depuis lors considérablement augmenté, de telle
sorte que les terres de montagne ont été défrichées et
exploitées, si bien qu'aujourd'hui l'on ne voit plus autant cette
vermine qu'autrefois."
- Johannes Stumpf, Gemeiner
löblicher Eydgnoschafft, Stetten, Landen und Völckeren Chronik
wirdiger thaaten beschreybung (extrait tiré de l' "Histoire
naturelle des Dragons" de Michel Meurger).
Johannes Stumpf explique dans
son ouvrage qu'il existe deux espèces de Dragons principales
qui résident dans la Suisse alpine : le Lindorm et le
Track. Si le Lindorm affectionne les ravins cachés,
agrémentés d'un torrent bouillonnant. Les Tracks eux
semblent préférer construire leur antre dans des cavernes à flanc
de montagne. L'illustrateur de Johannes soulignera ce dualisme
en représentant le Lindorm sous la forme d'un Dragon
quadrupède (sans ailes) et le Track sous les traits d'un être
draconique aux ailes membraneuses.
Représentation d'un des Dragons
de l' "Itinera per Helvetiae Alpinas Regiones" de
Johann Jakob Scheuchzer.
Souvent dotés de crochets à venin
suintants de toxines, les Lindorms seraient également
capables de répandre des maladies mortelles comme le montre
l'extrait suivant :
"...gorges de rochers, où
bouillonne l'Inn, au sortir du lac de
Saint-Moritz ; selon la légende, en un endroit horrible
du défilé, vivrait un Dragon ou Lindwurm.
Un homme crédible, mort depuis peu, Johann Mallet,
aurait vu ce monstre, et en serait tombé mortellement malade."
- Ulrich Campell, Zweï
Bücher Rätischer Geschichte.
En sus de tout cet attirail toxique,
ces semi-Dragons peuvent parfois recourir au classique souffle
de feu si caractéristique des Dragons classiques, ils
seraient même capables - selon Michel Meurger - de "commander
aux intempéries".
Suivant probablement l'exemple de
Gunnar Olof Hyltén-Cavallius, la cryptozoologie tente
aujourd'hui de prouver l'existence de ces derniers en les comparants
avec des créatures qui existent - ou ont existé (on en revient à
la théorie classique du : "survivant préhistorique").
Note : voici quelques exemples de
créatures "apparentées" aux Lindorms : le bipes
biporus - un reptile fouisseur au long corps serpentiforme
(pouvant atteindre plus de vingy centimètres) doté de pattes avant
atrophiées mais dénué de pattes arrières -, l' Eupodophis
descouensi - un serpent éteint du Crétacé dont le
fossile montre clairement qu'il était doté de pattes vestigiales -,
ou encore la famille des Nothosauridés - des reptiles marins
ayant vécu au Trias, dans les eaux peu profondes, souvent le
long des côtes.
Informations complémentaires :
- Johannes Stumpf (né en
1500, décédé en 1578) était un historien,
théologien et topographe suisse.
Passionné par l'Histoire, il
voyagera dans toute la Suisse pour collecter diverses
histoires et constituera une chronique de 934 pages -
agrémentée de cartes et de près de 4000 gravures sur bois -
qui servira jusqu'au XVIIIème siècle de référence pour
tout ce qui concerne la Confédération helvétique.
- Michel Meurger est un
essayiste français qui traite assez souvent de sujets particuliers
(les Dragons suisses, Gilles de Rais,...).
- Si vous souhaitez en savoir plus
sur le sinistre Gilles de Rais, consultez
l'article sur Pégase
dans les Annexes des Jeux-vidéo.
Vous trouverez quelques informations à son sujet dans la partie
consacrée au jeu "Castlevania 64" (appelé aussi
"Castlevania : Legacy of Darkness").
- Pour en savoir plus sur le Track, rendez-vous au sous-chapitre (portant le même nom) se trouvant plus bas dans cet article.
- L' "Itinera per Helvetiae Alpinas Regiones" est un ouvrage qui a été rédigé par
Johann Jakob Scheuchzer durant ses voyages dans la Suisse. On peut trouver dans l'ouvrage des comptes-rendus sur les glaciers du pays, des merveilles à voir au musée de Lucerne (ville suisse) et des témoignages de "personnes de bonne foi" qui ont croisé la route des Dragons (il doutait de leur existence mais s'est empressé de noter leur description et de les illustrer).
Autre illustration provenant de l'
"Itinera per Helvetiae Alpinas Regiones".
- Johann Jakob Scheuchzer (1672
- 1733) était un médecin naturaliste suisse né à Zurich
(en Suisse). Il est principalement connu pour sa théorie
selon laquelle les fossiles découverts étaient les restes d'animaux
disparus lors du Déluge...
- Le Déluge est basiquement
un genre de fin du monde provoquée par des pluies torrentielles qui
créent des inondations. À mesure que l'eau monte les animaux et les
hommes sont exterminés, ne reste qu'un couple de chaque espèce pour
repeupler la Terre.
Pour ceux qui s'imaginent encore que
ce mythe est d'origine biblique, détrompez-vous ! La plus ancienne
version (l' "Épopée de Gilgamesh") est d'origine sumérienne (Sumer, qui est aujourd'hui
l'Irak, était une région de Mésopotamie) et date de
- 1700...
- Le Lac de Saint-Moritz est
un lac suisse dont le nom provient de la localité installée sur ses
rivages (Saint-Moritz).
- Je n'ai que fort peu
d'informations sur Ulrich Campell (1510 - 1582),
mais ce qui est sûr c'est qu'il était un prêtre réformateur
suisse qui a officié l'église Saint Régula.
La Chronique dont vous avez eu un
extrait plus haut aurait été achevée en 1851.
- Si vous souhaitez en apprendre
plus sur Gunnar Olof Hyltén-Cavallius, je vous conseille
d'aller directement au chapitre intitulé : "La dernière
chasse aux Dragons" où vous aurez moult détails sur son
étrange quête.
- Le Trias (qui s'est déroulé
plus ou moins entre - 252 et -201 millions d'années)
est la période qui a vu apparaître les dinosaures et le Crétacé
(de - 145 à - 66 millions d'années) est celle
dont la fin marque leur extinction.
Étymologie :
Vu que j'ai employé un certain nombre
de synonymes - qui vous sont probablement inconnus - pour
désigner les Lindorms, je vais tenter de vous expliquer leur
origine et leur signification avec le plus de clarté possible (c'est
simple et complexe à la fois donc accrochez-vous à vos chausses).
Un Lindorm doté de trois
yeux - en référence à la Vouivre je suppose - illustré par
Preston Stone.
Durant l'ère Viking (de 793
à 1066), le Lindorm était souvent appelé "ormr"
(serpent) ou "Dreki" (Dragon).
Le terme Lindorm et ses autres
variantes linguistiques doivent venir du mot en vieux norrois
: "linnormr", qui signifie : "serpent
constrictor". Pour complexifier encore un peu la donne, il
faut savoir que de nos jours, chez les Norvégiens, le mot
"Linnorm" signifie "Dragon".
La Suède appelle ce
semi-Dragon : "Lindorm", la Norvège :
"Linnorm", le Danemark : "Serpent
Lindorm", l'Allemagne (ainsi que l'Autriche)
: "Lindworm" ou "Lindwurm" et la
Suisse : "Lintwürm".
Le mot Lindworm est un ancien
terme germanique que l'on pourrait traduire grossièrement par :
"serpent piégeur" ou "serpent entrelacé".
Détail "amusant", le mot
"Lintwormen" (pluriel de Lintworm)
employé en néerlandais moderne désigne certains invertébrés
marins, mais également des parasites intestinaux (dont le ténia...
plus connu sous le nom de "ver solitaire")...
Si le mot "Lindorm"
fait référence aux serpents "monstrueux" ou au
semi-Dragon bien connu, l'héraldique de Norvège (et
peut-être du Danemark) l'emploie pour désigner le Serpent
de Mer (sjøorm) - qui est également un Dragon.
Un Serpent de Mer selon JP
Targete.
Pour encore en rajouter une couche, il
faut savoir que le terme "Lindorm" est lié
au mot latin : "draco, onis, m", qui lui désigne n'importe
quelle créature draconique - et tous les représentants de la gent
ophidienne également...
Vous aurez compris que le
sens du mot Lindorm varie selon les périodes, les régions et
les situations. S'il sert beaucoup de nos jours à nommer le
semi-Dragon que nous sommes en train de décortiquer, il est
également employé pour les Dragons (nordiques surtout) de
manière générale et les serpents de bonne taille.
Pour pousser encore plus loin
l'analyse de notre charmant et écailleux ami, je vous propose de
décortiquer le Lindorm pour en apprendre plus sur ses
symboliques et son rôle dans l'héraldique.
Informations complémentaires :
- Le vieux norrois (appelé aussi "vieil islandais")
serait la première langue scandinave médiévale dont on a pu retrouver
des traces écrites. Elle aurait été principalement employée du VIIème au XVème siècle.
Symboliques du Lindorm :
En héraldique, les Lindorms sont associés à la persévérance et à la vengeance. On peut retrouver ces Dragons sur le blason de Klagenfurt (reportez-vous au chapitre intitulé : "Le Dragon de Klagenfurt" pour en savoir plus sur le sujet) et sur celui de la ville norvégienne de Seljord : il s'agit en fait d'un Serpent de Mer mais vu qu'en héraldique ces créatures sont considérées comme des Lindorms, la créature est identifiée comme telle.
Dans l'héraldique anglaise, le terme Lindorm est employé pour désigner un Dragon bipède, aptère (sans ailes), souvent pourvu d'une morsure venimeuse (à ne pas confondre avec la Wyvern) et l'héraldique allemande dresse souvent un portrait similaire.
Niveau symbolique, les Lindorms incarnent en général la puissance destructrice de l'océan (probablement lorsqu'ils sont associés au Serpent de Mer) et les inondations (on peut le voir dans certaines légendes, notamment leur lien fort avec l'élément de l'eau).
Avant l'expansion du christianisme dans les pays nordiques, les Suédois et Danois sculptaient des têtes de Dragons (appelées en vieux norrois : "dreki") dans du bois de tilleul (dans ces langues, le mot "lind" de Lindorm signifie tilleul). Une fois l'ouvrage achevé, ces sculptures draconiques ornaient la proue des navires et servaient à effrayer les ennemis ainsi que les mauvais Esprits (ils devaient d'ailleurs les décrocher une fois rentrés chez eux, pour éviter de faire fuir - ou de se mettre à dos - les Élémentaires locaux).
En sus de leurs atouts dans les batailles, les Lindorms étaient également chargés de protéger les forges (probablement leur pouvoir de cracher les flammes ou le lien avec la terre qui fait d'eux les gardiens des métaux souterrains). Une croyance antique (qui a persisté jusqu'au Moyen Âge), veut que tout possesseur de la peau d'un Lindorm était capable d'acquérir de grandes connaissances sur la nature et en médecine - une tradition probablement liée aux serpents et à Asclépios (consultez les "Informations complémentaires" de ce chapitre pour en savoir plus à ce sujet).
Au Moyen Âge, les Lindorms seront - sans surprise - diabolisés par les chrétiens qui verront en eux l'incarnation de la guerre ou de la peste (un peu comme les Wyvernes... c'est dire si leur imagination était fertile).
Puisque nous avons plus ou moins étudié les Lindorms sous toutes les coutures possibles et imaginables, il est temps de parler de quelques autres synonymes et créatures draconiques qui sont associés - de près ou de loin - à ces fascinantes créatures...
Informations complémentaires :
- Le blason de la ville de Seljord (Norvège) a été créé en l'honneur du Serpent de Mer qui vit dans le Lac Seljord et qui a affectueusement été appelé Selma. La créature est connue (via le témoignage de témoins oculaires) depuis le XVIIIème siècle et le cryptozoologiste suédois Jan Ove Sundberg a maintes fois tenté de la capturer... en vain.
Pour en revenir au blason (qui représente le Serpent de Mer en doré sur fond rouge), ce dernier a été créé en 1989 par l'artiste local Halvor Holtskog.
- Contrairement à l'idée reçue, le navire typique des peuples nordiques n'a jamais été appelé "drakkar"...
Ce terme est apparu pour la première fois en 1840 dans l'ouvrage intitulé "Archéologie navale" (d'Augustin Jal) et a été inventé par son auteur. En suédois moderne, "drakar" (avec un seul "k") est le pluriel du mot "drake" (Dragon). Ces mots sont bien entendu l'évolution de l'ancien terme "dreki" qui servait à désigner ces créatures. Il faut donc en conclure que le mot "drakkar" peut faire référence à la proue du navire (mais pas au reste).
Avouez qu'il est difficile de naviguer et d'inspirer la terreur avec un morceau de navire en forme de Dragon...
- Asclépios (ou Esculape chez les Romains) était le fils d'Apollon (dieu solaire).
Il aurait été foudroyé par Zeus (dieu du tonnerre) pour avoir tenté de ressusciter les morts à l'aide du sang de Gorgone - le sang prélevé du côté gauche est un poison foudroyant mais celui du côté droit est un remède merveilleux - que lui a confié Athéna (déesse de la Guerre et de la Connaissance).
Asclépios est souvent représenté avec son bâton (un bâton autour duquel s'enroule une couleuvre d'Esculape) qui symbolise la médecine.
On a longtemps pensé que les mues de serpents étaient un symbole de renaissance et de régénération (ce qui a fait des ophidiens - et par extension certains Dragons comme le Lindorm - de parfaits candidats pour symboliser la médecine).
Les Cousins du Lindorm :
Si pour vous les termes Drake, Wyrm, Track et autres joyeusetés du genre vous sont étrangers, je me ferai une joie d'éclairer votre lanterne dans ce chapitre.
Tout comme les Élémentaires, les Dragons sont des créatures complexes, changeantes et associées aux forces de la Nature. Cette nature élémentaire rend ces créatures difficiles à cerner avec précision et c'est ce qui fait leur charme.
Les termes et créatures que nous allons voir sont associés (d'une manière ou d'une autre) aux Lindorms que nous connaissons désormais bien mieux. Certaines de ces créatures vous paraîtront étranges, voire totalement abracadabrantes (le Tatzelworm en est un bon exemple) mais n'oubliez pas une chose : les Dragons, de par leur nature, personnifient le changement.
Dragon de la Forêt de Saint-Léonard :
Certains auteurs pensent que le Dragon de la Forêt de Saint-Léonard était un Lindorm. Pour ma part, je le vois comme un proche parent de la Wyvern ou un représentant de son espèce.
Dans le Sussex (Angleterre), près d'Horsham, se trouve ce qu'il reste de l'ancienne Forêt de Saint-Léonard. Ce bois vénérable a été nommé ainsi à cause de la légende que je vais vous résumer :
Au XIème siècle, un ermite franc aurait affronté le dernier Dragon d'Angleterre dans la forêt qui lui servait d'antre. Après un combat aussi long qu'incertain, Léonard sortit vainqueur de l'affrontement mais pas indemne. La bête avait réussi à blesser l'ermite et le sang répandu au sol donna naissance à des muguets.
En 1614, le Dragon de la forêt de Saint-Léonard refera parler de lui et une poignée de témoins décriront la créature avec précision... mais ça c'est une autre histoire.
Je vous offre tout de même une illustration (de Bitter Almonds) approximative du Dragon de 1614. La créature devait plus ou moins ressembler à ça (hormis les ailes qui devaient être vestigiales).
Je précise que je n'ai ajouté cette créature que pour une raison : le fait que l'auteur de comics Mike Mignola a créé une intéressante modernisation de cette légende anglaise (un affrontement dantesque entre Hellboy et le Dragon) où le fameux Dragon apparaît comme une sorte de Lindorm (aspect sinueux et serpentiforme et doté de deux membres uniquement).
J'ai donc été assez bref au sujet de cette créature (que je pense détailler avec force détails dans un article futur et plus adapté). Si vous souhaitez en apprendre plus sur l'histoire du Dragon de Mignola, consultez les Annexes en fin d'article.
Informations complémentaires :
- La Forêt de Saint-Léonard se trouve dans le Sussex de l'Ouest et fait 31 kilomètres carrés. Elle servait par le passé pour la chasse mais devint au XVIème siècle le centre de l'industrie anglaise du fer.
Pour les curieux, il est possible d'admirer une statue de bronze du Dragon de la Forêt de Saint-Léonard (fabriquée en 2000 par Hannah Holmes) au centre du labyrinthe situé dans le parc d'Horsham.
- Le Sussex est un comté (grosso modo une région) anglais situé au Sud de Londres et au bord de la Manche (mer qui relie l'Angleterre au reste de l'Europe).
- Horsham est une ville du Sud de l'Angleterre dont la première évocation vient d'une charte de 947. Son viendrait du fait que la ville était réputée pour la vente de chevaux - le mot Horsham dériverait de "Horse Ham", un établissement où l'on vendait les équidés -, ou que le nom est une contraction de Ham Horsa, le guerrier anglo-saxon qui a donné ce nom à la région.
- Hengist et Horsa sont deux frères ayant vécu au Vème siècle et originaires du Jutland (appelé aujourd'hui Danemark). Ils sont connus pour avoir entamé l'invasion de la Grande-Bretagne et fondé le premier royaume anglo-saxon.
- Les Francs étaient un peuple germanique constitué d'une sorte de confédération de tribus qui se sédentariseront en Gaule et donneront leur nom à la France (et aux Français).
Drake :
Si vous avez déjà ouvert un livre de jeux de rôles ou joué à des jeux de type action-RPG, alors vous avez probablement dû croiser un ou plusieurs Drakes.
Souvent décrits comme des cousins éloignés des Dragons, voire pire, comme des versions faiblardes de la gent draconique, les Drakes sont pourtant des représentants à part entière de cette grande famille.
Pour savoir d'où vient le mot "drake", il suffit de remonter sa piste à travers les âges et cultures.
Le terme "drake" vient de l'anglais moyen (Middle English) et peut se traduire "Dragon". Ce mot est une évolution du terme en vieil anglais (Old English) "draca" (qui signifie : "Dragon", "monstre marin" ou "serpent géant"), lui-même est issu du proto-germanique "drakô" (Dragon), terme qui est basé sur le mot latin "draco" (vous devinerez sans mon aide sa traduction), qui est l'équivalent de "drákon" ("Dragon" ou "serpent") chez les Indo-Européens, sans oublier les termes grecs : "drakein" ou "derkomai" ("voir clairement", du point de vue physiologique et symbolique - bien que le sens originel du mot aurait été "brillant").
Superbe illustration de Relotixke.
Il semble que la croyance selon laquelle les Drakes sont plus faibles que les Dragons vienne du XIIIème siècle. En effet, c'est plus ou moins à cette période que le terme anglais "drake" a été employé pour désigner un canard mâle ("a drake")... Choisir un tel synonyme n'était peut-être pas la chose la plus judicieuse à faire (vous ne verrez plus jamais la Danse des Canards du même œil désormais).
En sus d'être un synonyme du mot "Dragon", le Drake est également une créature présente dans les contes et légendes sous plusieurs formes bien distinctes.
Dans les Balkans, les Gitans représentent le Drake sous la forme d'un Dragon humanoïde et sans ailes qui chevauche un Dragon d'aspect plus "classique".
Les contes populaires russes collectés par Afanassiev décrivent des créatures draconiques fort similaires. Dotées d'un corps humanoïde, elles possèdent un nombre symbolique de têtes (trois, six, neuf, douze,...), sont douées de la parole et se déplacent souvent à cheval, accompagnées d'un corbeau (parfois d'un oiseau de proie) et d'un chien.
Histoire d'illustrer mes propos, je vous offre le nonantième conte, collecté par Afanasiev, qui s'intitule...
Ivan-Cendron :
"Il était une fois un vieux et une vieille qui avaient trois fils. Les deux premiers étaient censés, le troisième simple d'esprit. On l'appelait Ivan-Cendron. Pendant douze ans, il vécut couché dans la cendre. Lorsqu'il se leva et se secoua, cent livres (cinquante kilos) de cendres se détachèrent de lui. Dans le royaume où vivait Ivan, il n'y avait pas de jour, mais seulement la nuit ; ceci était l'œuvre du Dragon. Or, voici qu'Ivan se proposa pour tuer le Dragon. Il dit à son père :
"Père, fabrique-moi un gourdin de cinquante livres !"
Il prit le gourdin, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air et rentra à la maison. Le lendemain, il revint à l'endroit où il l'avait lancé et avança le front. En retombant dessus, le gourdin se cassa en deux.
De retour à la maison, Ivan dit à son père :
"Père, fais-moi un autre gourdin, de cent livres, cette fois !"
Il prit le gourdin, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air ; le gourdin vola trois jours et trois nuits. le quatrième jour, Ivan revint et avança le genou : en retombant dessus, le gourdin éclata en trois morceaux.
Cendron, de retour au logis, demanda à son père de lui faire un nouveau gourdin, de cent cinquante livres, celui-là. Il le prit, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air. Le gourdin vola six jours. Le septième, Ivan revint, avança le front : lorsque le gourdin retomba dessus, son front ploya légèrement. Ivan dit :
"Avec un tel gourdin, je peux combattre le Dragon !"
Alors Ivan s'équipa et partit avec ses frères combattre le Dragon. Ils allèrent, allèrent, tout à coup aperçurent une chaumine montée sur pattes de poule : c'était la demeure du Dragon. On fit halte. Ivan suspendit ses moufles et dit à ses frères : "Si le sang vient à couler de mes moufles, venez à mon secours !" Sur ces mots, il gagna la chaumine, se cacha dans le sous-sol. Soudain, voilà qu'à cheval s'avance le Dragon à trois têtes. Tout à coup, son cheval trébuche, son chien hurle, son faucon gémit. Le Dragon demande :
"Pourquoi trébuches-tu, cheval ? Et pourquoi le chien hurle-t-il et le faucon gémit ? - Et peut-on ne pas trébucher , répond le cheval, quand dans le sous-sol est caché Ivan-Cendron ?"
Alors, le Dragon appela : "Montre-toi un peu, Ivanouchka, et mesurons nos forces !" Ivan sortit et le combat s'engagea. Ivan tua le Dragon et retourna à sa cachette.
Création de Darren Calvert.
Voilà qu'à cheval s'avance un deuxième Dragon, à six têtes, celui-là. Il le tua aussi. Puis survint un troisième Dragon qui, lui, en avait douze. Ils luttèrent et Ivan lui trancha neuf têtes. Le Dragon perdait ses forces. Tout à coup, ils aperçurent un corbeau qui volait au-dessus d'eux en criant : "Croa, croa !"
Le Dragon héla le corbeau : "Va chercher ma femme, qu'elle dévore Ivan-Cendron !" Ivan-Cendron le héla à son tour : "Va chercher mes frères ! Quand ils seront là, nous tuerons le Dragon et te laisserons la charogne !"
C'est Ivan que le corbeau écouta, il vola jusqu'aux frères et se mit à tourner au-dessus de leurs têtes. Aux croassements du corbeau, les frères s'éveillèrent et coururent aider leur benjamin. Ensemble, ils tuèrent le Dragon, prirent sa tête et la cassèrent en atteignant la chaumine. Aussitôt, la lumière du jour se répandit à nouveau par tout le royaume.
Après avoir tué le Dragon, Ivan-Cendron prit avec ses frères le chemin du retour, mais il oublia ses moufles. Au bout d'un moment, il dit à ses frères de l'attendre, car il retournait les chercher. Il s'approcha de la chaumine et, à l'intérieur, aperçut la Dragonne et ses filles en train de tenir conseil. Il se transforma en chat et se mit à miauler et à gratter à la porte. Elles le firent entrer et il écouta tout ce qu'elles disaient. Puis il s'en fut, prit ses moufles et rejoignit ses frères.
Ils chevauchent. Devant eux, apparaît une verte prairie et dans cette prairie, surgissent des coussins de soie. Les frères disent : "Voilà de quoi faire paître nos chevaux et nous reposer !" Ivan réplique : "Attendez, mes frères !', et, saisissant son gourdin, il fend et il pourfend les coussins qui l'éclaboussent de sang.
Ils poursuivent leur route. Ils chevauchent, chevauchent, aperçoivent un pommier aux pommes d'or et d'argent. Les frères disent : "Et si l'on mangeait une pomme ?" Ivan réplique : "Un moment mes frères, que je goûte d'abord !", et, saisissant son gourdin, il fend et pourfend le pommier qui l'éclabousse de sang.
Ils chevauchent toujours. Devant eux surgit une source. Les frères disent : "Voilà de quoi nous désaltérer !" Ivan-Cendron réplique : "Sûrement pas, mes frères !", et, saisissant son gourdin, il fend et pourfend la source qui l'éclabousse de sang.
La prairie, les coussins de soie, le pommier et la source, tout cela, c'étaient les filles Dragonnes.
Après avoir tué les filles Dragonnes, Ivan-Cendron reprit la route avec ses frères. Soudain, au-dessus d'eux plane la Dragonne elle-même. Elle ouvre une gueule grande depuis le ciel jusqu'à la terre, et veut avaler Ivan. Ivan et ses frères lui jettent dans la gueule cent livres de sel. Elle avale le sel, croyant que c'était Ivan-Cendron. Puis, comprenant son erreur, elle le harcèle à nouveau.
Il voit que le danger est grand, lance son cheval au triple galop et court à la forge de Cosme et Damien se cacher derrière les douze portes. La Dragonne survole la forge et dit à Cosme et Damien : "Livrez-moi Ivan-Cendron !" Ils répondent : "Lèche d'abord les douze portes avec ta langue !"
La Dragonne se mit à lécher les portes. Pendant ce temps, ils chauffaient à blanc des tenailles de fer. Dès qu'elle passa la langue à l'intérieur de la forge, ils s'en saisirent et se mirent à la battre avec des marteaux jusqu'à ce qu'elle crevât. Puis, ils brûlèrent la Dragonne et dispersèrent ses cendres à tous les vents.
Alors, les trois frères rentrèrent chez eux. Ils se mirent à vivre gaiement, festoyant et bambochant. J'y étais, du miel et de la vodka j'ai voulu goûter, sur ma moustache ils ont coulé, dans ma bouche rien n'est tombé."
- Afanasiev, "Contes populaires russes - tome 1", "Ivan-Cendron".
J'ai laissé la traduction de ce conte ukrainien "intacte", vous avez probablement dû remarquer la différence par rapport à mon style habituel. Étant donné qu'Afanasiev a fait son possible pour retranscrire les contes tels quels, j'ai pensé qu'il serait de bon ton de reproduire fidèlement ce dernier.
Si vous avez trouvé certains éléments du récit étranges (n'oubliez pas cependant qu'il s'agit d'un conte merveilleux, donc ne vous étonnez pas des prouesses réalisées par le héros), n'ayez crainte, ils vous seront expliqués comme toujours dans les "Informations complémentaires" en fin de chapitre.
En sus des deux aspects du Drake cités plus haut, ce dernier apparaîtrait également sous la forme d'un Dragon quadrupède, aptère (sans ailes) et dont les courts membres sont répartis sur les côtés (comme les crocodiles).
Un lancier faisant face à un Drake (aux allures de dragon barbu - sorte de lézard). Illustration d'Angel Miguelez.
Cette description semble étrangement proche de celle d'une illustration du Lindorm (lintwürm) se trouvant dans l'ouvrage de Johannes Stumpf (le "Gemeiner löblicher Eydgnoschafft, Stetten, Landen und Völckeren Chronik wirdiger thaaten beschreybung"). En effet, l'illustrateur a voulu souligner le dualisme entre le Lindworm (un Dragon quadrupède et sans ailes qui par ses courtes pattes semble proche de la terre) et le Track (une créature draconique dotée d'ailes, donc associée à l'air). N'oublions pas également qu'en Suède, le mot "drake" est un synonyme du Lindorm.
En héraldique, le Drake est assez difficile à trouver. Il semble toutefois y avoir une représentation de cette créature. Appelée le "fire-Drake" ("Drake de feu" ou "Drake igné"), elle serait liée au Dragon de Beowulf (sujet qui sera évoqué en détail dans un chapitre postérieur) et prend la forme d'un Dragon quadrupède entouré de flammes.
Avec le temps le Drake est devenu dans la culture populaire une créature à part entière. Les jeux de rôles comme Donjons et Dragons et Magic the Gathering, par exemple, ont fini par en faire une sorte de cousins des Dragons et les jeux-vidéo ont suivi l'exemple (Dark Souls, Dragon's Dogma, ...) sans trop se poser de questions...
Si vous souhaitez en savoir plus sur les Drakes présents dans la culture populaire, je vous invite à consulter les "Annexes" (dans les sections : "Jeux de rôles" et "Jeux-vidéo").
Je précise qu'en version française, les Drakons sont appelés "Draqueterres" dans Donjons et Dragons et "Drakôns" dans Magic the Gathering.
Informations complémentaires :
- La langue anglaise est passée par de nombreuses évolutions à travers les époques.
Sa première-forme connue est le proto-anglais ("Proto-English"), une langue d'origine germanique que parlaient les Angles, les Saxons et les Francs. Ensuite vint le vieil-anglais ("Old English") - le poème anglo-saxon Beowulf a été rédigé dans cette langue -, puis le moyen anglais ("Middle English") - influencé par les langues anglo-normandes et anglo-françaises -, suivi du pré-anglais moderne ("Early Modern English"), pour en arriver enfin à l'anglais moderne ("Modern English"), la langue qui est employée de nos jours par les peuples anglophones.
- Les Angles, un peuple d'origine germanique, se sont installés sur l'Île de Bretagne (l'Angleterre) et ont donné leur nom au peuple anglais et à leur île.
- Une partie des Saxons (encore un peuple d'origine germanique) s'est "amusée" au début du Moyen Âge à aller coloniser la partie sud de l'Île de Bretagne pour se tailler de nouveaux territoires.
- Alexandre Nikolaïevitch Afanasiev était un collecteur de contes populaires russe qui a vécu au XIXème siècle.
Il s'est rendu célèbre notamment pour avoir rassemblé près de 600 contes, collectés à travers toute la Russie (ce qui lui vaut d'être parfois comparé aux frères Grimm - en vous rendant sur le lien suivant, consultez le chapitre intitulé : "Ces Illustres conteurs" pour en apprendre plus à leur sujet).
- Ivan-Cendron (ou Ivachko du Poêle) est un personnage qui semble étroitement lié au poêle (au foyer). On pense d'ailleurs qu'il est une variante de Cendrillon (que ses sœurs appelaient "Cucendron" - selon Charles Perrault - vu qu'on lui accordait de s'asseoir dans les cendres de la cheminée lorsqu'elle avait terminé son ouvrage).
- Cendrillon est le titre d'un conte populaire bien connu de tous (je ne m'amuserai donc pas à vous le résumer) qui existe sous une multitude de formes et versions (les plus connues étant celles de Charles Perrault et des frères Grimm).
La plus ancienne version semble remonter à l'Antiquité et a été retranscrite par Claude Élien (un historien et orateur romain qui a vécu durant le IIème et IIIème siècle).
- La chaumine montée sur pattes de poule est fort souvent (mais pas toujours) la demeure de la Baba-Yaga.
- Fort présente dans les contes russes, la Baba-Yaga est une Hag aux multiples fonctions et symboles. Elle est souvent représentée sous la forme d'une vieille femme aux dents de fer qui se déplace sur un mortier (format king-size).
Je ne m'attarde pas plus dans sa description, un article plus détaille sera plus adapté.
- Le sang qui s'écoule des moufles est probablement une forme de magie sympathique (pour en savoir plus sur le sujet, consultez l'article sur la Mandragoule, en consultant les "Informations complémentaires" du chapitre intitulé : "Variantes et éléments supplémentaires de la légende").
- Cosme et Damien (ou Côme et Damien) sont en Ukraine les patrons des forgerons.
Ailleurs, ils sont surtout reconnus comme étant les patrons des pharmaciens et chirurgiens.
Ils seraient nés en Arabie (vers la fin du IIIème siècle) et auraient pratiqué leurs soins sans demander le moindre sou (ce qui leur à valu le surnom d' "Anargyre" - "sans argent" en grec byzantin).
Ouïvra :
L'Ouïvra est considérée par certains comme un parent du Lindorm. Pour ma part je considère plus cette créature comme une variante (ou une cousine) de la Vouivre (l'Ouïvra est parfois dotée d'une pierre ou d'un diamant posé entre ses yeux) et du Tatzelworm (elle a parfois une tête de chat).
Je cite surtout cette créature pour la légende de Lourtier (Suisse) qui suit :
Il y a fort longtemps de cela, les habitants de Lourtier et de tout le val de Bagnes vivaient dans la crainte. Un Dragon serpentiforme que l'on appelait l'Ouïvra résidait à proximité d'une montagne proche et avait pris la mauvaise habitude de se cacher dans les pâturages pour surprendre les proies qui venaient à passer.
Une possible représentation de la Ouïvra (par Richard Svensson).
Au début, les habitants de la vallée n'osaient pas s'aventurer près de cette prairie mais avec le temps, le bétail ne cessa de se reproduire et s'approprier le territoire de la bête devint une nécessité. Ils se creusèrent les méninges pour trouver un moyen de vaincre la créature et la solution se présenta finalement sous la forme d'un veau fraîchement né à la robe roux sombre.
Choyé et copieusement nourri par la populace, le petit veau grandit et devint bien vite un magnifique taureau. Une fois devenu adulte, les villageois demandèrent au forgeron du coin de construire une barde articulée pour l'animal et ils déposèrent en catimini le bovin en armure près de l'antre de l'Ouïvra.
Le Dragon ayant senti l'odeur d'une proie potentielle déroula ses anneaux et s'enroula aussitôt autour de la pauvre bête. Resserrant son étreinte autour de sa victime, l'Ouïvra tenta d'étouffer le taureau, en vain ! Non seulement l'armure empêchait le bovin de pousser son dernier soupir mais la dureté de cette peau de "métal" le rendait impropre à la consommation... Comble de l'infortune, le placide bovin n'ayant pas l'habitude d'être malmené de la sorte s'emballa et les plaques de l'armure provoquèrent de multiples blessures à l'infortuné Dragon (qui a probablement appris depuis lors à se méfier de la viande en conserve).
Il n'est pas précisé dans l'histoire si l'Ouïvra est parvenue à se dépêtrer du piège... ou si le taureau a rejoint les rangs de la chevalerie.
La lecture de ce texte vous aura peut-être fait penser à légende fort similaire par certains aspects. Si vous ne voyez pas où je veux en venir, pensez au Lindorm de la fontaine de Klagenfurt et à sa légende (ceux qui ont lu ce texte en diagonale, lisez le chapitre intitulé : "Le Dragon de Klagenfurt").
En effet, les deux histoires font intervenir un bovin grassouillet pour appâter la bête insaisissable et les deux ruminants sont également piégés (le premier par une chaîne barbelée, le second par un barde segmentée).
Mais j'oublie la question essentielle : à quoi ressemble la Ouïvra ?
Sans entrer dans les détails (un article sur la Vouivre sera plus adapté pour décrire cette créature), l'Ouïvra est, pour Édith Montelle, une variante suisse de la Vouivre mais, pour ma part, je la vois plus comme une sorte de cousine.
La créature a l'aspect d'un Dragon serpentiforme doté d'ailes (pas toujours). Certaines versions lui ajoutent une tête de chat ou un diamant qui agrémente son front.
Informations complémentaires :
- La Vouivre est un Dragon fort ancien (certains vont jusqu'à dire qu'elle est antérieure aux Celtes) qui apparaît souvent sous la forme d'un serpent ailé dont le front est orné d'une Escarboucle (une pierre précieuse aux multiples vertus).
Cette fascinante créature aux multiples facettes est également capable de prendre l'apparence d'une ravissante femme... mais ça c'est une autre histoire.
- Le Val de Bagnes est une vallée suisse du district d'Entremont (qui se situe dans la partie Sud-Ouest du pays).
- La barde est un ensemble de pièces d'armure qui servent à protéger les chevaux sur le champ de bataille.
On a employé ces armures vers la fin du Moyen-Âge pour préserver des tirs ennemis les montures de la cavalerie lourde (les chevaux non-protégés étant des cibles de choix pour les archers).
- Édith Montelle est une conteuse française et la vice-présidente de la "Société de mythologie française" (à Paris).
Tatzelworm :
Le Tatzelworm (ou Stollenwurm) est un Dragon que l'on pourrait classer dans la famille des Semi-Dragons et Néo-Dragons.
Cette étrange créature, souvent identifiée comme un Lindorm (à cause de sa ressemblance et de sa proximité géographique je suppose), semble hanter les régions montagneuses. Elle aurait été aperçue en Bavière et dans les Alpes suisses et autrichiennes.
Un design assez original du Tatzelworm (créé par Raven S. Fox).
Le Tatzelworm, de taille modeste comparé à certains Dragons gigantesques, est souvent dépeint comme une créature à tête de chat, au corps serpentiforme et doté de deux membres antérieurs griffus.
Comme vous l'aurez sans doute deviné, je vous réserve une description plus complète de cette créature dans un article futur.
Informations complémentaires :
- La Bavière est un état fédéré du Sud de l'Allemagne.
- Les Alpes sont une chaîne de montagnes qui traverse l'Europe et dont le point culminant est le Mont Blanc (4810 mètres de hauteur).
Track :
"Quelques-uns d'entre eux ont pourtant bien vécu en nos pays alpins, comme il est traité ici {...}. Car même si les Alpes sont refroidies par des neiges perpétuelles, en de nombreux endroits exposés au midi, leurs roches et cavernes bénéficient de l'ensoleillement. Là vit le Dragon (Track) le plus souvent dans des cavernes bien exposées à la chaleur du soleil, et il peut ainsi se réchauffer."
- Johannes Stumpf, Gemeiner löblicher Eydgnoschafft, Stetten, Landen und Völckeren Chronik wirdiger thaaten beschreybung (extrait tiré de l' "Histoire naturelle des Dragons" de Michel Meurger).
Si pour vous les termes Drake, Wyrm, Track et autres joyeusetés du genre vous sont étrangers, je me ferai une joie d'éclairer votre lanterne dans ce chapitre.
Tout comme les Élémentaires, les Dragons sont des créatures complexes, changeantes et associées aux forces de la Nature. Cette nature élémentaire rend ces créatures difficiles à cerner avec précision et c'est ce qui fait leur charme.
Les termes et créatures que nous allons voir sont associés (d'une manière ou d'une autre) aux Lindorms que nous connaissons désormais bien mieux. Certaines de ces créatures vous paraîtront étranges, voire totalement abracadabrantes (le Tatzelworm en est un bon exemple) mais n'oubliez pas une chose : les Dragons, de par leur nature, personnifient le changement.
Dragon de la Forêt de Saint-Léonard :
Certains auteurs pensent que le Dragon de la Forêt de Saint-Léonard était un Lindorm. Pour ma part, je le vois comme un proche parent de la Wyvern ou un représentant de son espèce.
Dans le Sussex (Angleterre), près d'Horsham, se trouve ce qu'il reste de l'ancienne Forêt de Saint-Léonard. Ce bois vénérable a été nommé ainsi à cause de la légende que je vais vous résumer :
Au XIème siècle, un ermite franc aurait affronté le dernier Dragon d'Angleterre dans la forêt qui lui servait d'antre. Après un combat aussi long qu'incertain, Léonard sortit vainqueur de l'affrontement mais pas indemne. La bête avait réussi à blesser l'ermite et le sang répandu au sol donna naissance à des muguets.
En 1614, le Dragon de la forêt de Saint-Léonard refera parler de lui et une poignée de témoins décriront la créature avec précision... mais ça c'est une autre histoire.
Je vous offre tout de même une illustration (de Bitter Almonds) approximative du Dragon de 1614. La créature devait plus ou moins ressembler à ça (hormis les ailes qui devaient être vestigiales).
Je précise que je n'ai ajouté cette créature que pour une raison : le fait que l'auteur de comics Mike Mignola a créé une intéressante modernisation de cette légende anglaise (un affrontement dantesque entre Hellboy et le Dragon) où le fameux Dragon apparaît comme une sorte de Lindorm (aspect sinueux et serpentiforme et doté de deux membres uniquement).
J'ai donc été assez bref au sujet de cette créature (que je pense détailler avec force détails dans un article futur et plus adapté). Si vous souhaitez en apprendre plus sur l'histoire du Dragon de Mignola, consultez les Annexes en fin d'article.
Informations complémentaires :
- La Forêt de Saint-Léonard se trouve dans le Sussex de l'Ouest et fait 31 kilomètres carrés. Elle servait par le passé pour la chasse mais devint au XVIème siècle le centre de l'industrie anglaise du fer.
Pour les curieux, il est possible d'admirer une statue de bronze du Dragon de la Forêt de Saint-Léonard (fabriquée en 2000 par Hannah Holmes) au centre du labyrinthe situé dans le parc d'Horsham.
- Le Sussex est un comté (grosso modo une région) anglais situé au Sud de Londres et au bord de la Manche (mer qui relie l'Angleterre au reste de l'Europe).
- Horsham est une ville du Sud de l'Angleterre dont la première évocation vient d'une charte de 947. Son viendrait du fait que la ville était réputée pour la vente de chevaux - le mot Horsham dériverait de "Horse Ham", un établissement où l'on vendait les équidés -, ou que le nom est une contraction de Ham Horsa, le guerrier anglo-saxon qui a donné ce nom à la région.
- Hengist et Horsa sont deux frères ayant vécu au Vème siècle et originaires du Jutland (appelé aujourd'hui Danemark). Ils sont connus pour avoir entamé l'invasion de la Grande-Bretagne et fondé le premier royaume anglo-saxon.
- Les Francs étaient un peuple germanique constitué d'une sorte de confédération de tribus qui se sédentariseront en Gaule et donneront leur nom à la France (et aux Français).
Drake :
Si vous avez déjà ouvert un livre de jeux de rôles ou joué à des jeux de type action-RPG, alors vous avez probablement dû croiser un ou plusieurs Drakes.
Souvent décrits comme des cousins éloignés des Dragons, voire pire, comme des versions faiblardes de la gent draconique, les Drakes sont pourtant des représentants à part entière de cette grande famille.
Pour savoir d'où vient le mot "drake", il suffit de remonter sa piste à travers les âges et cultures.
Le terme "drake" vient de l'anglais moyen (Middle English) et peut se traduire "Dragon". Ce mot est une évolution du terme en vieil anglais (Old English) "draca" (qui signifie : "Dragon", "monstre marin" ou "serpent géant"), lui-même est issu du proto-germanique "drakô" (Dragon), terme qui est basé sur le mot latin "draco" (vous devinerez sans mon aide sa traduction), qui est l'équivalent de "drákon" ("Dragon" ou "serpent") chez les Indo-Européens, sans oublier les termes grecs : "drakein" ou "derkomai" ("voir clairement", du point de vue physiologique et symbolique - bien que le sens originel du mot aurait été "brillant").
Superbe illustration de Relotixke.
Il semble que la croyance selon laquelle les Drakes sont plus faibles que les Dragons vienne du XIIIème siècle. En effet, c'est plus ou moins à cette période que le terme anglais "drake" a été employé pour désigner un canard mâle ("a drake")... Choisir un tel synonyme n'était peut-être pas la chose la plus judicieuse à faire (vous ne verrez plus jamais la Danse des Canards du même œil désormais).
En sus d'être un synonyme du mot "Dragon", le Drake est également une créature présente dans les contes et légendes sous plusieurs formes bien distinctes.
Dans les Balkans, les Gitans représentent le Drake sous la forme d'un Dragon humanoïde et sans ailes qui chevauche un Dragon d'aspect plus "classique".
Les contes populaires russes collectés par Afanassiev décrivent des créatures draconiques fort similaires. Dotées d'un corps humanoïde, elles possèdent un nombre symbolique de têtes (trois, six, neuf, douze,...), sont douées de la parole et se déplacent souvent à cheval, accompagnées d'un corbeau (parfois d'un oiseau de proie) et d'un chien.
Histoire d'illustrer mes propos, je vous offre le nonantième conte, collecté par Afanasiev, qui s'intitule...
Ivan-Cendron :
"Il était une fois un vieux et une vieille qui avaient trois fils. Les deux premiers étaient censés, le troisième simple d'esprit. On l'appelait Ivan-Cendron. Pendant douze ans, il vécut couché dans la cendre. Lorsqu'il se leva et se secoua, cent livres (cinquante kilos) de cendres se détachèrent de lui. Dans le royaume où vivait Ivan, il n'y avait pas de jour, mais seulement la nuit ; ceci était l'œuvre du Dragon. Or, voici qu'Ivan se proposa pour tuer le Dragon. Il dit à son père :
"Père, fabrique-moi un gourdin de cinquante livres !"
Il prit le gourdin, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air et rentra à la maison. Le lendemain, il revint à l'endroit où il l'avait lancé et avança le front. En retombant dessus, le gourdin se cassa en deux.
De retour à la maison, Ivan dit à son père :
"Père, fais-moi un autre gourdin, de cent livres, cette fois !"
Il prit le gourdin, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air ; le gourdin vola trois jours et trois nuits. le quatrième jour, Ivan revint et avança le genou : en retombant dessus, le gourdin éclata en trois morceaux.
Cendron, de retour au logis, demanda à son père de lui faire un nouveau gourdin, de cent cinquante livres, celui-là. Il le prit, s'en fut par la plaine, le jeta en l'air. Le gourdin vola six jours. Le septième, Ivan revint, avança le front : lorsque le gourdin retomba dessus, son front ploya légèrement. Ivan dit :
"Avec un tel gourdin, je peux combattre le Dragon !"
Alors Ivan s'équipa et partit avec ses frères combattre le Dragon. Ils allèrent, allèrent, tout à coup aperçurent une chaumine montée sur pattes de poule : c'était la demeure du Dragon. On fit halte. Ivan suspendit ses moufles et dit à ses frères : "Si le sang vient à couler de mes moufles, venez à mon secours !" Sur ces mots, il gagna la chaumine, se cacha dans le sous-sol. Soudain, voilà qu'à cheval s'avance le Dragon à trois têtes. Tout à coup, son cheval trébuche, son chien hurle, son faucon gémit. Le Dragon demande :
"Pourquoi trébuches-tu, cheval ? Et pourquoi le chien hurle-t-il et le faucon gémit ? - Et peut-on ne pas trébucher , répond le cheval, quand dans le sous-sol est caché Ivan-Cendron ?"
Alors, le Dragon appela : "Montre-toi un peu, Ivanouchka, et mesurons nos forces !" Ivan sortit et le combat s'engagea. Ivan tua le Dragon et retourna à sa cachette.
Création de Darren Calvert.
Voilà qu'à cheval s'avance un deuxième Dragon, à six têtes, celui-là. Il le tua aussi. Puis survint un troisième Dragon qui, lui, en avait douze. Ils luttèrent et Ivan lui trancha neuf têtes. Le Dragon perdait ses forces. Tout à coup, ils aperçurent un corbeau qui volait au-dessus d'eux en criant : "Croa, croa !"
Le Dragon héla le corbeau : "Va chercher ma femme, qu'elle dévore Ivan-Cendron !" Ivan-Cendron le héla à son tour : "Va chercher mes frères ! Quand ils seront là, nous tuerons le Dragon et te laisserons la charogne !"
C'est Ivan que le corbeau écouta, il vola jusqu'aux frères et se mit à tourner au-dessus de leurs têtes. Aux croassements du corbeau, les frères s'éveillèrent et coururent aider leur benjamin. Ensemble, ils tuèrent le Dragon, prirent sa tête et la cassèrent en atteignant la chaumine. Aussitôt, la lumière du jour se répandit à nouveau par tout le royaume.
Après avoir tué le Dragon, Ivan-Cendron prit avec ses frères le chemin du retour, mais il oublia ses moufles. Au bout d'un moment, il dit à ses frères de l'attendre, car il retournait les chercher. Il s'approcha de la chaumine et, à l'intérieur, aperçut la Dragonne et ses filles en train de tenir conseil. Il se transforma en chat et se mit à miauler et à gratter à la porte. Elles le firent entrer et il écouta tout ce qu'elles disaient. Puis il s'en fut, prit ses moufles et rejoignit ses frères.
Ils chevauchent. Devant eux, apparaît une verte prairie et dans cette prairie, surgissent des coussins de soie. Les frères disent : "Voilà de quoi faire paître nos chevaux et nous reposer !" Ivan réplique : "Attendez, mes frères !', et, saisissant son gourdin, il fend et il pourfend les coussins qui l'éclaboussent de sang.
Ils poursuivent leur route. Ils chevauchent, chevauchent, aperçoivent un pommier aux pommes d'or et d'argent. Les frères disent : "Et si l'on mangeait une pomme ?" Ivan réplique : "Un moment mes frères, que je goûte d'abord !", et, saisissant son gourdin, il fend et pourfend le pommier qui l'éclabousse de sang.
Ils chevauchent toujours. Devant eux surgit une source. Les frères disent : "Voilà de quoi nous désaltérer !" Ivan-Cendron réplique : "Sûrement pas, mes frères !", et, saisissant son gourdin, il fend et pourfend la source qui l'éclabousse de sang.
La prairie, les coussins de soie, le pommier et la source, tout cela, c'étaient les filles Dragonnes.
Après avoir tué les filles Dragonnes, Ivan-Cendron reprit la route avec ses frères. Soudain, au-dessus d'eux plane la Dragonne elle-même. Elle ouvre une gueule grande depuis le ciel jusqu'à la terre, et veut avaler Ivan. Ivan et ses frères lui jettent dans la gueule cent livres de sel. Elle avale le sel, croyant que c'était Ivan-Cendron. Puis, comprenant son erreur, elle le harcèle à nouveau.
Il voit que le danger est grand, lance son cheval au triple galop et court à la forge de Cosme et Damien se cacher derrière les douze portes. La Dragonne survole la forge et dit à Cosme et Damien : "Livrez-moi Ivan-Cendron !" Ils répondent : "Lèche d'abord les douze portes avec ta langue !"
La Dragonne se mit à lécher les portes. Pendant ce temps, ils chauffaient à blanc des tenailles de fer. Dès qu'elle passa la langue à l'intérieur de la forge, ils s'en saisirent et se mirent à la battre avec des marteaux jusqu'à ce qu'elle crevât. Puis, ils brûlèrent la Dragonne et dispersèrent ses cendres à tous les vents.
Alors, les trois frères rentrèrent chez eux. Ils se mirent à vivre gaiement, festoyant et bambochant. J'y étais, du miel et de la vodka j'ai voulu goûter, sur ma moustache ils ont coulé, dans ma bouche rien n'est tombé."
- Afanasiev, "Contes populaires russes - tome 1", "Ivan-Cendron".
J'ai laissé la traduction de ce conte ukrainien "intacte", vous avez probablement dû remarquer la différence par rapport à mon style habituel. Étant donné qu'Afanasiev a fait son possible pour retranscrire les contes tels quels, j'ai pensé qu'il serait de bon ton de reproduire fidèlement ce dernier.
Si vous avez trouvé certains éléments du récit étranges (n'oubliez pas cependant qu'il s'agit d'un conte merveilleux, donc ne vous étonnez pas des prouesses réalisées par le héros), n'ayez crainte, ils vous seront expliqués comme toujours dans les "Informations complémentaires" en fin de chapitre.
En sus des deux aspects du Drake cités plus haut, ce dernier apparaîtrait également sous la forme d'un Dragon quadrupède, aptère (sans ailes) et dont les courts membres sont répartis sur les côtés (comme les crocodiles).
Un lancier faisant face à un Drake (aux allures de dragon barbu - sorte de lézard). Illustration d'Angel Miguelez.
Cette description semble étrangement proche de celle d'une illustration du Lindorm (lintwürm) se trouvant dans l'ouvrage de Johannes Stumpf (le "Gemeiner löblicher Eydgnoschafft, Stetten, Landen und Völckeren Chronik wirdiger thaaten beschreybung"). En effet, l'illustrateur a voulu souligner le dualisme entre le Lindworm (un Dragon quadrupède et sans ailes qui par ses courtes pattes semble proche de la terre) et le Track (une créature draconique dotée d'ailes, donc associée à l'air). N'oublions pas également qu'en Suède, le mot "drake" est un synonyme du Lindorm.
En héraldique, le Drake est assez difficile à trouver. Il semble toutefois y avoir une représentation de cette créature. Appelée le "fire-Drake" ("Drake de feu" ou "Drake igné"), elle serait liée au Dragon de Beowulf (sujet qui sera évoqué en détail dans un chapitre postérieur) et prend la forme d'un Dragon quadrupède entouré de flammes.
Avec le temps le Drake est devenu dans la culture populaire une créature à part entière. Les jeux de rôles comme Donjons et Dragons et Magic the Gathering, par exemple, ont fini par en faire une sorte de cousins des Dragons et les jeux-vidéo ont suivi l'exemple (Dark Souls, Dragon's Dogma, ...) sans trop se poser de questions...
Si vous souhaitez en savoir plus sur les Drakes présents dans la culture populaire, je vous invite à consulter les "Annexes" (dans les sections : "Jeux de rôles" et "Jeux-vidéo").
Je précise qu'en version française, les Drakons sont appelés "Draqueterres" dans Donjons et Dragons et "Drakôns" dans Magic the Gathering.
Informations complémentaires :
- La langue anglaise est passée par de nombreuses évolutions à travers les époques.
Sa première-forme connue est le proto-anglais ("Proto-English"), une langue d'origine germanique que parlaient les Angles, les Saxons et les Francs. Ensuite vint le vieil-anglais ("Old English") - le poème anglo-saxon Beowulf a été rédigé dans cette langue -, puis le moyen anglais ("Middle English") - influencé par les langues anglo-normandes et anglo-françaises -, suivi du pré-anglais moderne ("Early Modern English"), pour en arriver enfin à l'anglais moderne ("Modern English"), la langue qui est employée de nos jours par les peuples anglophones.
- Les Angles, un peuple d'origine germanique, se sont installés sur l'Île de Bretagne (l'Angleterre) et ont donné leur nom au peuple anglais et à leur île.
- Une partie des Saxons (encore un peuple d'origine germanique) s'est "amusée" au début du Moyen Âge à aller coloniser la partie sud de l'Île de Bretagne pour se tailler de nouveaux territoires.
- Alexandre Nikolaïevitch Afanasiev était un collecteur de contes populaires russe qui a vécu au XIXème siècle.
Il s'est rendu célèbre notamment pour avoir rassemblé près de 600 contes, collectés à travers toute la Russie (ce qui lui vaut d'être parfois comparé aux frères Grimm - en vous rendant sur le lien suivant, consultez le chapitre intitulé : "Ces Illustres conteurs" pour en apprendre plus à leur sujet).
- Ivan-Cendron (ou Ivachko du Poêle) est un personnage qui semble étroitement lié au poêle (au foyer). On pense d'ailleurs qu'il est une variante de Cendrillon (que ses sœurs appelaient "Cucendron" - selon Charles Perrault - vu qu'on lui accordait de s'asseoir dans les cendres de la cheminée lorsqu'elle avait terminé son ouvrage).
- Cendrillon est le titre d'un conte populaire bien connu de tous (je ne m'amuserai donc pas à vous le résumer) qui existe sous une multitude de formes et versions (les plus connues étant celles de Charles Perrault et des frères Grimm).
La plus ancienne version semble remonter à l'Antiquité et a été retranscrite par Claude Élien (un historien et orateur romain qui a vécu durant le IIème et IIIème siècle).
- La chaumine montée sur pattes de poule est fort souvent (mais pas toujours) la demeure de la Baba-Yaga.
- Fort présente dans les contes russes, la Baba-Yaga est une Hag aux multiples fonctions et symboles. Elle est souvent représentée sous la forme d'une vieille femme aux dents de fer qui se déplace sur un mortier (format king-size).
Je ne m'attarde pas plus dans sa description, un article plus détaille sera plus adapté.
- Le sang qui s'écoule des moufles est probablement une forme de magie sympathique (pour en savoir plus sur le sujet, consultez l'article sur la Mandragoule, en consultant les "Informations complémentaires" du chapitre intitulé : "Variantes et éléments supplémentaires de la légende").
- Cosme et Damien (ou Côme et Damien) sont en Ukraine les patrons des forgerons.
Ailleurs, ils sont surtout reconnus comme étant les patrons des pharmaciens et chirurgiens.
Ils seraient nés en Arabie (vers la fin du IIIème siècle) et auraient pratiqué leurs soins sans demander le moindre sou (ce qui leur à valu le surnom d' "Anargyre" - "sans argent" en grec byzantin).
Ouïvra :
L'Ouïvra est considérée par certains comme un parent du Lindorm. Pour ma part je considère plus cette créature comme une variante (ou une cousine) de la Vouivre (l'Ouïvra est parfois dotée d'une pierre ou d'un diamant posé entre ses yeux) et du Tatzelworm (elle a parfois une tête de chat).
Je cite surtout cette créature pour la légende de Lourtier (Suisse) qui suit :
Il y a fort longtemps de cela, les habitants de Lourtier et de tout le val de Bagnes vivaient dans la crainte. Un Dragon serpentiforme que l'on appelait l'Ouïvra résidait à proximité d'une montagne proche et avait pris la mauvaise habitude de se cacher dans les pâturages pour surprendre les proies qui venaient à passer.
Une possible représentation de la Ouïvra (par Richard Svensson).
Au début, les habitants de la vallée n'osaient pas s'aventurer près de cette prairie mais avec le temps, le bétail ne cessa de se reproduire et s'approprier le territoire de la bête devint une nécessité. Ils se creusèrent les méninges pour trouver un moyen de vaincre la créature et la solution se présenta finalement sous la forme d'un veau fraîchement né à la robe roux sombre.
Choyé et copieusement nourri par la populace, le petit veau grandit et devint bien vite un magnifique taureau. Une fois devenu adulte, les villageois demandèrent au forgeron du coin de construire une barde articulée pour l'animal et ils déposèrent en catimini le bovin en armure près de l'antre de l'Ouïvra.
Le Dragon ayant senti l'odeur d'une proie potentielle déroula ses anneaux et s'enroula aussitôt autour de la pauvre bête. Resserrant son étreinte autour de sa victime, l'Ouïvra tenta d'étouffer le taureau, en vain ! Non seulement l'armure empêchait le bovin de pousser son dernier soupir mais la dureté de cette peau de "métal" le rendait impropre à la consommation... Comble de l'infortune, le placide bovin n'ayant pas l'habitude d'être malmené de la sorte s'emballa et les plaques de l'armure provoquèrent de multiples blessures à l'infortuné Dragon (qui a probablement appris depuis lors à se méfier de la viande en conserve).
Il n'est pas précisé dans l'histoire si l'Ouïvra est parvenue à se dépêtrer du piège... ou si le taureau a rejoint les rangs de la chevalerie.
La lecture de ce texte vous aura peut-être fait penser à légende fort similaire par certains aspects. Si vous ne voyez pas où je veux en venir, pensez au Lindorm de la fontaine de Klagenfurt et à sa légende (ceux qui ont lu ce texte en diagonale, lisez le chapitre intitulé : "Le Dragon de Klagenfurt").
En effet, les deux histoires font intervenir un bovin grassouillet pour appâter la bête insaisissable et les deux ruminants sont également piégés (le premier par une chaîne barbelée, le second par un barde segmentée).
Mais j'oublie la question essentielle : à quoi ressemble la Ouïvra ?
Sans entrer dans les détails (un article sur la Vouivre sera plus adapté pour décrire cette créature), l'Ouïvra est, pour Édith Montelle, une variante suisse de la Vouivre mais, pour ma part, je la vois plus comme une sorte de cousine.
La créature a l'aspect d'un Dragon serpentiforme doté d'ailes (pas toujours). Certaines versions lui ajoutent une tête de chat ou un diamant qui agrémente son front.
Informations complémentaires :
- La Vouivre est un Dragon fort ancien (certains vont jusqu'à dire qu'elle est antérieure aux Celtes) qui apparaît souvent sous la forme d'un serpent ailé dont le front est orné d'une Escarboucle (une pierre précieuse aux multiples vertus).
Cette fascinante créature aux multiples facettes est également capable de prendre l'apparence d'une ravissante femme... mais ça c'est une autre histoire.
- Le Val de Bagnes est une vallée suisse du district d'Entremont (qui se situe dans la partie Sud-Ouest du pays).
- La barde est un ensemble de pièces d'armure qui servent à protéger les chevaux sur le champ de bataille.
On a employé ces armures vers la fin du Moyen-Âge pour préserver des tirs ennemis les montures de la cavalerie lourde (les chevaux non-protégés étant des cibles de choix pour les archers).
- Édith Montelle est une conteuse française et la vice-présidente de la "Société de mythologie française" (à Paris).
Tatzelworm :
Le Tatzelworm (ou Stollenwurm) est un Dragon que l'on pourrait classer dans la famille des Semi-Dragons et Néo-Dragons.
Cette étrange créature, souvent identifiée comme un Lindorm (à cause de sa ressemblance et de sa proximité géographique je suppose), semble hanter les régions montagneuses. Elle aurait été aperçue en Bavière et dans les Alpes suisses et autrichiennes.
Un design assez original du Tatzelworm (créé par Raven S. Fox).
Le Tatzelworm, de taille modeste comparé à certains Dragons gigantesques, est souvent dépeint comme une créature à tête de chat, au corps serpentiforme et doté de deux membres antérieurs griffus.
Comme vous l'aurez sans doute deviné, je vous réserve une description plus complète de cette créature dans un article futur.
Informations complémentaires :
- La Bavière est un état fédéré du Sud de l'Allemagne.
- Les Alpes sont une chaîne de montagnes qui traverse l'Europe et dont le point culminant est le Mont Blanc (4810 mètres de hauteur).
Track :
"Quelques-uns d'entre eux ont pourtant bien vécu en nos pays alpins, comme il est traité ici {...}. Car même si les Alpes sont refroidies par des neiges perpétuelles, en de nombreux endroits exposés au midi, leurs roches et cavernes bénéficient de l'ensoleillement. Là vit le Dragon (Track) le plus souvent dans des cavernes bien exposées à la chaleur du soleil, et il peut ainsi se réchauffer."
- Johannes Stumpf, Gemeiner löblicher Eydgnoschafft, Stetten, Landen und Völckeren Chronik wirdiger thaaten beschreybung (extrait tiré de l' "Histoire naturelle des Dragons" de Michel Meurger).
Comme le présente l'extrait ci-dessus, le Track est une espèce de Dragon qui a pour habitude de s'installer dans des grottes de montagne. Il semble également que cette créature soit poïkilotherme (à sang froid) vu qu'elle est obligée de se chauffer au soleil pour réguler la température de son corps (un animal à sang froid est moins actif lorsque son corps n'est pas à une température "normale").
L'ouvrage de Johannes Stumpf nous dévoile également que le Track était pourvu d'ailes - une vignette nous montre la créature sous la forme d'un Dragon quadrupède doté d'une paire d'ailes membraneuses.
Splendide illustration de Virus-91 qui pourrait aisément donner corps à la description du Track.
En comparant les deux créatures (le Track et le Lintwurm) il est amusant de constater que les deux sont complémentaires. Le Track est un Dragon des airs qui aime la chaleur solaire (le feu) et le Lindorm, de par son aspect, est une créature de la terre qui vit d'un cours d'eau. Les deux Dragons réunis rassemblent donc les quatre éléments (l'eau, la terre, le feu et l'air).
Je précise au passage que selon Michel Meurger, le terme "track" n'est rien de plus qu'un des nombreux synonymes pour désigner les Dragons.
Whiteworm :
Le Whiteworm ou Ver Blanc (le terme "worm" est lié au Wyrm) est tout simplement un Lindorm albinos.
Un ravissant Whiteworm (par Cristina Birtea).
Rencontrer une telle créature est le signe que la chance va frapper à votre porte prochainement (contrairement au Lindorm "classique" qui semble avoir une épouvantable réputation).
Détail amusant pour les amateurs de littérature gothique : l'ouvrage de Bram Stoker "Lair of the White Worm" ("Le Repaire du Ver Blanc") n'est pas basé sur le Whiteworm mais sur la légende du Ver de Lambton : un Dragon serpentiforme qui au début du XVème siècle terrorisait le village anglais de Washington.
Informations complémentaires :
- Pour rappel, Abraham Stoker (ou Bram Stoker si vous préférez) était un écrivain anglais du XIXème siècle qui s'est surtout fait connaître pour son roman : "Dracula".
- "Lair of the White Worm" est une nouvelle de Bram Stoker qui a été publiée en 1911 (plus ou moins un an avant la mort de l'auteur).
L'intrigue vous sera révélée prochainement dans l'article sur le Ver de Lambton mais en attendant il vous faudra - comme toujours - faire preuve de patience.
Wyrm :
Le Wyrm est soit un synonyme qui servait à désigner les Dragons à une époque, soit une variété de Dragons serpent que l'on retrouve presque exclusivement en Angleterre.
Le Wyrm mythique est donc une sorte de Dragon sans ailes et sans pattes. Le Ver de Lambton en est l'exemple le plus connu, mais il existe d'autres créatures de ce genre en Albion : Le Grand Ver du Bois de Shervage ("The Great Worm of Shervage Wood") et le Ver de Linton ("The Linton Worm"), pour ne citer que ces deux-là.
Un Wyrm selon ML-TeaImp.
Vous remarquerez que le mot "wyrm" (issu du vieil-anglais, voire des langues anglo-saxonnes) est fort proche du terme anglais "worm" (qui se traduit "ver" mais qui dans le cas présent fait référence à un ver fouisseur).
Sans trop entrer dans les détails, il faut savoir que les Dragons celtiques et nordiques sont souvent des êtres des profondeurs censés garder les trésors souterrains (donc liés à la terre). Vous comprendrez donc le lien qui unit le Dragon au ver (un lien qui sera transféré plus tard au serpent).
En rôlisme le Wyrm deviendra une sorte d'ancêtre du Dragon (un être draconique massif au corps serpentiforme).
Je ne m'étendrai malheureusement pas sur le sujet, je préfère vous livrer une étude plus approfondie du Wyrm dans un article bien plus adapté que celui-ci, ce qui m'évitera de trop me disperser.
Maintenant que vous avez pu voir de plus près les différentes créatures qui sont liées au Lindorm, je vous propose de plonger dans le passé lointain de cette écailleuse créature et d'analyser d'anciens textes qui fleurent bon l'épopée héroïque.
Informations complémentaires :
- L'Albion est bien entendu l'ancien nom de la Grande-Bretagne.
Le Wyrm est soit un synonyme qui servait à désigner les Dragons à une époque, soit une variété de Dragons serpent que l'on retrouve presque exclusivement en Angleterre.
Le Wyrm mythique est donc une sorte de Dragon sans ailes et sans pattes. Le Ver de Lambton en est l'exemple le plus connu, mais il existe d'autres créatures de ce genre en Albion : Le Grand Ver du Bois de Shervage ("The Great Worm of Shervage Wood") et le Ver de Linton ("The Linton Worm"), pour ne citer que ces deux-là.
Un Wyrm selon ML-TeaImp.
Vous remarquerez que le mot "wyrm" (issu du vieil-anglais, voire des langues anglo-saxonnes) est fort proche du terme anglais "worm" (qui se traduit "ver" mais qui dans le cas présent fait référence à un ver fouisseur).
Sans trop entrer dans les détails, il faut savoir que les Dragons celtiques et nordiques sont souvent des êtres des profondeurs censés garder les trésors souterrains (donc liés à la terre). Vous comprendrez donc le lien qui unit le Dragon au ver (un lien qui sera transféré plus tard au serpent).
En rôlisme le Wyrm deviendra une sorte d'ancêtre du Dragon (un être draconique massif au corps serpentiforme).
Je ne m'étendrai malheureusement pas sur le sujet, je préfère vous livrer une étude plus approfondie du Wyrm dans un article bien plus adapté que celui-ci, ce qui m'évitera de trop me disperser.
Maintenant que vous avez pu voir de plus près les différentes créatures qui sont liées au Lindorm, je vous propose de plonger dans le passé lointain de cette écailleuse créature et d'analyser d'anciens textes qui fleurent bon l'épopée héroïque.
Informations complémentaires :
- L'Albion est bien entendu l'ancien nom de la Grande-Bretagne.
Mythes et Lindorms :
Pour trouver les sources les plus anciennes où sont mentionnés les Lindorms, il faudra nous plonger dans les textes, poèmes et récits mythologiques qu'appréciaient tant les peuples de la Scandia et des autres terres du Nord. Il n'est pas difficile d'y dénicher ici et là des traces de nos écailleux compagnons, parcourez quelques pages de l'Edda et vous risquez bien vite de tomber sur l'un des deux Dragons mythiques, je veux bien entendu parler de Iormungand et Nidhogg.
Pour rappel, Iormungand est l'un des fils "monstrueux" (les goûts et les couleurs) du dieu Loki (dieu du feu malicieux dont le sens de l'humour n'est pas toujours apprécié des autres dieux) et de la Géante Angrboda.
Jeté dans la mer par les dieux qui voyaient d'un très mauvais œil la descendance de Loki, Iormungand devint bien vite un titanesque Dragon serpent dont la taille était telle qu'il finit par entourer les terres de Midgard et mordre sa propre queue (à la manière d'un Ouroboros).
Nidhogg quant à lui était un semi-Dragon qui résidait à Hvergelmir (lieu qui se situe sur le Monde de Niflheim) et rongeait les racines d'Yggdrasil (l'arbre colossal qui soutient les Neuf Mondes de la cosmologie nordique).
Une illustration assez particulière vu qu'elle semble dépeindre à la fois Iormungand (Dragon serpent associé à l'eau) et Nidhogg (qui ronge Yggdrasil).
Si Iormungand est un Serpent de Mer (les Serpents de Mer sont des Dragons je rappelle) qui ne semble pas trop associé aux Lindorms, son lointain "cousin" Nidhogg, semble être un parfait représentant du genre. Il pourrait même être le premier Lindorm qui a peuplé les Mondes de ses écailleux rejetons.
Pour trouver les sources les plus anciennes où sont mentionnés les Lindorms, il faudra nous plonger dans les textes, poèmes et récits mythologiques qu'appréciaient tant les peuples de la Scandia et des autres terres du Nord. Il n'est pas difficile d'y dénicher ici et là des traces de nos écailleux compagnons, parcourez quelques pages de l'Edda et vous risquez bien vite de tomber sur l'un des deux Dragons mythiques, je veux bien entendu parler de Iormungand et Nidhogg.
Pour rappel, Iormungand est l'un des fils "monstrueux" (les goûts et les couleurs) du dieu Loki (dieu du feu malicieux dont le sens de l'humour n'est pas toujours apprécié des autres dieux) et de la Géante Angrboda.
Jeté dans la mer par les dieux qui voyaient d'un très mauvais œil la descendance de Loki, Iormungand devint bien vite un titanesque Dragon serpent dont la taille était telle qu'il finit par entourer les terres de Midgard et mordre sa propre queue (à la manière d'un Ouroboros).
Nidhogg quant à lui était un semi-Dragon qui résidait à Hvergelmir (lieu qui se situe sur le Monde de Niflheim) et rongeait les racines d'Yggdrasil (l'arbre colossal qui soutient les Neuf Mondes de la cosmologie nordique).
Une illustration assez particulière vu qu'elle semble dépeindre à la fois Iormungand (Dragon serpent associé à l'eau) et Nidhogg (qui ronge Yggdrasil).
Si Iormungand est un Serpent de Mer (les Serpents de Mer sont des Dragons je rappelle) qui ne semble pas trop associé aux Lindorms, son lointain "cousin" Nidhogg, semble être un parfait représentant du genre. Il pourrait même être le premier Lindorm qui a peuplé les Mondes de ses écailleux rejetons.
Les deux extraits suivants (tirés de "L'Edda" de Snorri Sturluson) vous montreront que Nidhogg n'avait pas chômé niveau descendance :
"Mais dans Hvergelmir, il y a tellement de serpents en compagnie de Nidhogg qu'aucune langue ne peut les compter."
- Snorri Sturluson, "L'Edda".
"Plus de serpents
Se trouvent sous le frêne Yggdrasil
Que ne peut l'imaginer
Un vieil insensé :
Goin et Moin -
Ce sont les fils de Grafvitnir -,
Grabak et Grafvollud,
Ofnir et Svafnir,
Je sais que toujours
De l'arbre ils rongeront les rameaux."
- Snorri Sturluson, "L'Edda".
Vous aurez compris que les "serpents" dont les extraits parlent sont des Dragons ("nadr" signifie, serpent ou vipère mais il s'agit également d'un synonyme pour désigner la gent draconique).
Au passage, selon Régis Boyer, Grafvitnir signifie "Loup Fouisseur", Grabak (ou "Grábakr") "Dos Gris", Gravollud (ou "Grafvölludr") "Qui fouit la plaine" et Svafnir (ou "Sváfnir") "Sommeilleux".
Plus "récent" - façon de parler -, Fafnir (ou Fafner) était le fils de Hreidmar, un magicien - humain ou Dvergr (Nain) - si puissant qu'il était capable de surpasser les de contraindre les dieux.
Pour vous résumer l'histoire, Hreidmar possédait un trésor fabuleux mais ses deux fils : Fafnir et Regin, rongés par la cupidité, assassinèrent leur père et se disputèrent lors du partage. Fafnir finit par prendre le dessus en se coiffant du Heaume d'Effroi ("oegishjálmr") qui le transforma bien vite en un gigantesque semi-Dragon rugissant et crachant le feu. Suite à sa transformation, il deviendra le gardien attitré du trésor et il s'acquittera de sa tâche jusqu'à son affrontement avec le jeune Sigurd (Siegfried).
Fafnir vaincu par Sigurd.
Vous comprendrez aisément que Fafnir est un autre membre de la grande famille des Lindorms. D'ailleurs à ce propos, il est amusant de constater que le Dragon était censé vivre à proximité de la ville de Worms ("worm" en allemand signifie "ver"), un nom qui semble fort proche du vieux terme germanique "lindworm", qui désignait les Dragons en Allemagne et en Autriche.
Je précise que je vous ai évité les variantes et détails de l'histoire. Si vraiment vous souhaitez avoir tous les détails sur le compte de Fafnir, allez consulter l'article en lien, vous trouverez largement de quoi satisfaire votre curiosité.
Outre ces trois parangons draconiques, il existe d'autres Lindorms - bien moins populaires - qui arpentent les mythes. Le chapitre qui va suivre va justement parler de deux de ces créatures et d'un héros danois fort singulier, voyez plutôt...
Informations complémentaires :
- Scandia ou Scandie est le terme qu'employaient les géographes grecs et romains pour désigner plusieurs "îles" du Nord inconnues.
Le mot Scandinavie dérive bien entendu de ce terme.
- Les Eddas sont deux ouvrages du XIIème siècle qui contiennent une quantité non-négligeable de savoirs et de traditions des peuples nordiques.
Le premier : l' "Edda de Snorri", rédigé (ô surprise) par Snorri Sturluson, est un livre de poésie scaldique qui décrit avec force détails la cosmologie nordique.
Le second : le "Cödex Rëgius", est un ouvrage dont l'auteur est inconnu mais qui semble avoir été rédigé vers le XIIIème siècle. L'ouvrage (qui a été découvert au XVIIème siècle) contient une foultitude de poèmes épiques et mythologiques.
Détail amusant, l'un des manuscrits principaux de l' "Edda de Snorri" est appelé "Codex Regius".
- La poésie scaldique est une forme de poésie fort complexe qui était pratiquée par les scaldes (équivalence des bardes pour chez nous) dans les pays nordiques.
- Snorri Sturluson était un homme politique, historien, diplomate et poète islandais des XII et XIIIème siècle.
Il est connu comme étant l'un des principaux écrivains scandinaves du Moyen Âge et l'œuvre qu'il a laissée derrière-lui est une importante source d'informations pour tous ceux qui s'intéressent à la mythologie nordique.
Il sera malheureusement assassiné en 1241 dans un raid mis en place par deux agents du roi Haakon IV (roi de Norvège) qui avaient pour ordre de le capturer ou de le trucider.
- Angrboda ("Celle qui annonce le malheur") est une Géante qui a eu trois enfants "monstrueux" avec le dieu Loki : le loup Fenrir, Hel et le serpent de Midgard Iormungand.
- Régis Boyer (né en 1932 dans la ville française de Reims) est un professeur de langues, littérature et civilisation scandinaves.
On le connaît surtout pour le nombre impressionnant de traductions et d'ouvrages en rapport avec la mythologie nordique.
- Le Dvergr (terme issu du vieux-norrois) ou Nain est un Élémentaire chtonien (lié à la terre) fort connu pour ses talents dans l'art de la forge et de la métallurgie.
- Worms est une ville allemande située au Sud-Ouest du pays.
La Geste des Danois :
Avant de nous lancer dans le vif du sujet, autant répondre à la question que beaucoup d'entre-vous risquent de se poser : qu'est ce que la "Geste des Danois" ?
Appelée aussi "Gesta Danorum" (en latin), la "Geste des Danois" est un ouvrage d'origine danoise qui a été rédigé vers le début du XIIIème siècle par l'auteur Saxo Grammaticus ("Saxon le Grammairien").
Considérée comme l'œuvre littéraire la plus ancienne du peuple Danois, la "Geste des Danois" raconte l'histoire du Danemark et de ses rois, des origines jusqu'à l'époque de Saxo Grammaticus (le XIIIème siècle, donc).
Détail amusant, les têtes couronnées qui parsèment les chapitres de la "Geste des Danois" étaient à l'origine les dieux du panthéon nordique. Cette petite tradition était probablement un moyen pour le peuple danois de montrer qu'il était d'ascendance divine, ce qui faisait de lui le peuple élu des dieux.
Un autre Lindorm bien singulier réalisé par Preston Stone.
En parcourant le neuvième livre de cet ouvrage, un extrait en particulier retiendra l'attention de tout amateur de Dragons, voyez plutôt :
"Pendant ce temps, Herothus, le roi de Suède, que le hasard de la chasse avait conduit en forêt, rapporta à sa fille deux serpents que ses compagnons avaient trouvés et qu'elle devrait nourrir. Se soumettant aussitôt à la demande de son père, celle-ci s'attacha à élever de ses mains de jeune fille la gent vipérine, livrant même chaque jour à son appétit le cadavre d'un bœuf entier, sans se douter que cet élevage privé constituant une menace publique.
Quand, devenus adultes, les deux reptiles brûlèrent les environs de leur souffle épouvantable, le roi se repentit d'avoir été mal inspiré, et déclara que celui qui chasserait cette peste aurait la main de sa fille. Bon nombre de jeunes gens se manifestèrent, aiguillonnés par l'acte de courage autant que par le désir amoureux. Mais, s'ils affrontèrent le danger, ce fut en vain.
Regnerus apprit l'offre et ses conditions par des voyageurs en transit, qui passaient d'un rivage à l'autre. Il réclama à sa nourrice une saie de laine et des jambières complètement couvertes de poils, grâce auxquelles il neutraliserait les morsures des serpents. Cet équipement pileux lui paraissait aussi utile pour se défendre que souple pour agir sans entraves...
Comme il atteignait les côtes suédoises, le fond de l'air devint soudain glacial. Alors il se jeta à l'eau et offrit ses habits à la bise, afin qu'elle les durcît et les rendît encore moins perméables au froid. Ainsi, c'est vêtu de glace qu'il prit congé de ses compagnons. Il leur demanda instamment de rester fidèles à Fridlevus, et s'en alla seul en direction du palais, l'épée au côté, la courroie d'une arme de trait dans la main droite, ayant vite fait de repérer la royale demeure.
Sur son chemin, il rencontra un serpent d'une taille extraordinaire, qui rampait vers lui, puis un second tout aussi grand, qui suivait le premier. Les deux monstres mettaient leur ardeur tantôt à renverser le jeune homme en faisant tournoyer leurs queues, tantôt à le recouvrir des jets redoublés de leurs vomissements venimeux.
Pendant ce temps, des serviteurs du palais, qui occupaient des positions moins risquées, observaient l'épreuve de loin, comme des fillettes apeurées. Le roi lui-même, tout aussi effrayé, s'était réfugié dans un réduit avec quelques suivants.
Mais Regnerus, confiant dans la résistance de ses habits gelés, vérifiait l'efficacité de son sayon comme de ses armes, qui rendaient vains les violents assauts de ses attaquants. Lutteur infatigable, il résista tout seul aux deux gueules qui, en un flot continu, déversaient sur lui leur venin. Son bouclier le préservait des morsures, son vêtement du poison, et c'est finalement d'une main vigoureuse qu'il mit un terme aux charges des deux bêtes en leur lançant sa javeline dans le corps. Il leur déchira ainsi les entrailles et fut l'heureux vainqueur du combat.
Illustration de Gordon Napier.
Regardant de plus près ses vêtements et constatant leur surface piquante et poilue, le roi se moqua de leur aspect, mais tout particulièrement de la partie inférieure, hérissée, de son accoutrement, de ses braies qui n'avaient pas fière allure. Aussi s'amusa-t-il à donner à Regnerus le surnom de "Lothbrog" - ce surnom est celui d'un homme qui porte des braies (brók au singulier) taillées dans une peau de bête à longs poils (lod = velu, poilu). Et pour qu'il se remît de son épreuve, il l'invita à banqueter avec lui et ses amis."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
L'histoire que vous venez de lire débute avec le Jarl du Gotland : Herothus (ou Herraudr), qui découvre deux bébés Lindorms et décide de les offrir à sa fille (qui n'est pas nommée dans le récit mais qui s'appelle Borgarhjortr).
Attendrie par les petits Dragons, la jeune femme décide d'élever les créatures qui - à force de s'empiffrer de viande - grandissent rapidement et deviennent une menace pour le royaume.
Désespéré, le roi demande à la populace de l'aider à se débarrasser des deux encombrantes créatures en échange de la main de sa fille. De nombreux guerriers répondent à l'appel mais aucun n'en sort vivant.
Lorsqu'il apprend la nouvelle, Regnerus (appelé aussi Ragnar, ce personnage est censé être le roi du Danemark de l'époque) demande à sa nourrice de lui confectionner une tenue de laine épaisse afin de le protéger contre les jets de poison que crachent les Dragons.
Arrivé sur place, il rencontre bien vite les deux Lindorms qui tentent de le renverser et de le noyer sous des flots de toxines. Sous les yeux des serviteurs du palais royal, Regnerus résiste aux assauts des Dragons et il transperce les deux bêtes d'un puissant coup de sa javeline.
Le roi - sorti de sa cachette - va à la rencontre de son sauveur mais ne peut s'empêcher de se moquer de son accoutrement pour le moins exotique à tel point qu'il le surnomme "Lothbrog" ("braies velues"), un sobriquet qui deviendra une sorte de titre "honorifique" (on l'appelle la plupart du temps "Regnerus Lothbrog" ou "Ragnar Lodbrok").
Avant de vous dévoiler un autre Lindorm mythique (accompagné de son héros qui l'est tout autant), je vous propose de découvrir des variantes de ce récit et de nous intéresser à l'un des descendants de Ragnar qui semble avoir quelques affinités avec nos écailleuses créatures.
Informations complémentaires :
- Regnerus Lothbrog (ou pour faire plus couleur locale : "Ragnar Lodbrok") était un roi semi-légendaire de la Suède et du Danemark. On ignore la durée exacte de son règne mais cette période se situe entre 750 et 850 (ce qui est une assez large fourchette).
Les quatre épouses de Lodbrok sont : Lagertha (sa première épouse), Thora (qui est probablement la princesse pour qui il a affronté les deux Lindorms), Suanlogha et une dernière dont le nom ne semble pas connu (elle est citée comme étant la fille de Hesbern).
-
Le sayon (appelé aussi "saie") était une sorte de vêtement à mi-chemin
entre le manteau et la tunique qui a été portée par le peuple franc
durant l'Antiquité (pour rappel, les Francs formaient un rassemblement de tribus germaniques qui ont donné leur nom à la France).
Variantes et éléments supplémentaires de la légende :
Il semble exister d'autres versions de la geste de Saxo Grammaticus (les variantes viennent peut-être d'une traduction différente ou d'un remaniement du texte dû aux auteurs qui ont publié cette œuvre) mais nous nous intéresserons surtout et avant tout aux éléments de deux textes (que je vous résumerai) qui montrent l'histoire de Ragnar sous un jour nouveau.
Dans la première version (qui semble germanique), le roi du Götaland (Gotland si vous préférez) découvre un bébé Lindworm et l'offre à sa fille. La bête, à force de bons soins, croît rapidement jusqu'à parvenir à encercler le pavillon de sa mère adoptive (il s'amusera également à avaler sa propre queue).
Variantes et éléments supplémentaires de la légende :
Il semble exister d'autres versions de la geste de Saxo Grammaticus (les variantes viennent peut-être d'une traduction différente ou d'un remaniement du texte dû aux auteurs qui ont publié cette œuvre) mais nous nous intéresserons surtout et avant tout aux éléments de deux textes (que je vous résumerai) qui montrent l'histoire de Ragnar sous un jour nouveau.
Dans la première version (qui semble germanique), le roi du Götaland (Gotland si vous préférez) découvre un bébé Lindworm et l'offre à sa fille. La bête, à force de bons soins, croît rapidement jusqu'à parvenir à encercler le pavillon de sa mère adoptive (il s'amusera également à avaler sa propre queue).
La suite de l'histoire vous la connaissez : Ragnar arrive au château du roi, trucide le Dragon et épouse la royale demoiselle.
La seconde version est fort similaire à la première : le Jarl du Gotland (Herraudr) offre un petit Lindworm à sa fille, la bête finit par grandir et Ragnar vient défier le Dragon...
Le gros changement par rapport aux autres textes est que le Lindworm prend la fille du roi en otage et ordonne qu'on le nourrisse avec un bœuf entier par jour (ce qui sous-entend que le Dragon peut parler et faire preuve de ruse).
Pour ce qui est de la première version, un élément intéressant ressort du texte : le fait que Dragon se morde la queue. Cette envie de se mâchouiller l'appendice caudal est bien entendu un symbole lié à l'Ouroboros. Le Lindworm
devient donc dans ce mythe une incarnation du changement, de la
continuité voire de l'infini (pour en savoir plus sur le sujet,
consultez l'article sur Iormungand en vous rendant au chapitre intitulé : "L'Ouroboros nordique").
Passé l'épisode de la lutte contre les deux Lindorms, Ragnar prendra la place de son père et il aura une descendance nombreuse (grâce à ses quatre épouses) avant de périr lors d'une bataille.
Plus tard, un des fils de Ragnar Lodbrok se verra attribuer d'étranges pouvoirs liés aux Dragons comme le témoigne cet extrait :
"Pendant ce temps, Sywardus était conduit dans une place forte voisine pour y être soigné par des médecins. Constatant l'inefficacité de leurs cataplasmes sur son horrible blessure, ceux-ci avaient quasiment perdu tout espoir quand ils virent un homme de taille surprenante s'approcher du lit du malade et promettre à Sywardus le bonheur d'être aussitôt sauvé s'il lui consacrait les âmes de ceux qu'il vaincrait au combat. Comme on ne savait même pas son nom, ce guérisseur dit s'appeler Rofterus.
Considérant l'incomparable, l'immense bénéfice qui pouvait compenser le sacrifice d'une infime promesse, Sywardus s'empressa d'accéder à la requête de l'inconnu. Alors le vieillard le soumit subitement à l'imposition de ses mains, chassa la sanie de la meurtrissure infectée, et changea sur-le-champ la blessure en cicatrice. Enfin, il recouvrit ses pupilles de poussière et s'en alla. Il s'ensuivit une soudaine éclosion de taches, et c'était - en une ressemblance parfaite - comme si de petits serpents apparaissaient au fond des yeux que la stupeur avait figés. J'ai bien envie de croire que l'auteur de ce prodige a voulu dévoiler la cruauté future du jeune homme par le témoignage singulièrement manifeste de ce regard, pour que la part clairvoyante de son être physique ne manquât pas d'être le présage de sa vie à venir.
Quand la vieille femme qui administrait ses médicaments au malade s'aperçut des marques serpentines de son visage, elle fut saisie d'épouvante devant ce spectacle si abominable ; elle en perdit aussitôt l'équilibre, s'affaissa et s'évanouit. De ce jour, Sywardus fut appelé "Serpents dans l'œil", et ce surnom se répandit fort loin..."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
Sywardus a passé un accord avec un être aux redoutables pouvoirs ! Rofterus est en réalité une divinité déguisée comme le prouve cet extrait tiré de la "Geste des Danois" :
"...Odin se coiffa d'un chapeau qui changeait sa physionomie, de façon qu'on ne le reconnût pas..."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
Cet autre morceau de texte (se trouvant un peu plus loin dans le récit) ne fera que confirmer le fait qu'Odin et Rofterus ne sont qu'une seule et même personne :
"Il ne renonça pas pour autant à son projet, malgré la bassesse de l'affront, malgré la douleur de l'humiliation, et, quand un an eut passé, ne voulant pas abandonner lâchement ce qui avait motivé sa détermination enthousiaste, il s'habilla comme un étranger et repartit voir le roi. Quiconque l'aurait rencontré aurait eu du mal à le reconnaître sous le masque crasseux où disparaissait son vrai visage, à retrouver un tant soit peu de son air ancien sous la boue encore fraîche qui le défigurait.
À son arrivée à la cour, il dit que son nom était Rofterus et qu'il était ferronnier expérimenté."
Passé l'épisode de la lutte contre les deux Lindorms, Ragnar prendra la place de son père et il aura une descendance nombreuse (grâce à ses quatre épouses) avant de périr lors d'une bataille.
Plus tard, un des fils de Ragnar Lodbrok se verra attribuer d'étranges pouvoirs liés aux Dragons comme le témoigne cet extrait :
"Pendant ce temps, Sywardus était conduit dans une place forte voisine pour y être soigné par des médecins. Constatant l'inefficacité de leurs cataplasmes sur son horrible blessure, ceux-ci avaient quasiment perdu tout espoir quand ils virent un homme de taille surprenante s'approcher du lit du malade et promettre à Sywardus le bonheur d'être aussitôt sauvé s'il lui consacrait les âmes de ceux qu'il vaincrait au combat. Comme on ne savait même pas son nom, ce guérisseur dit s'appeler Rofterus.
Considérant l'incomparable, l'immense bénéfice qui pouvait compenser le sacrifice d'une infime promesse, Sywardus s'empressa d'accéder à la requête de l'inconnu. Alors le vieillard le soumit subitement à l'imposition de ses mains, chassa la sanie de la meurtrissure infectée, et changea sur-le-champ la blessure en cicatrice. Enfin, il recouvrit ses pupilles de poussière et s'en alla. Il s'ensuivit une soudaine éclosion de taches, et c'était - en une ressemblance parfaite - comme si de petits serpents apparaissaient au fond des yeux que la stupeur avait figés. J'ai bien envie de croire que l'auteur de ce prodige a voulu dévoiler la cruauté future du jeune homme par le témoignage singulièrement manifeste de ce regard, pour que la part clairvoyante de son être physique ne manquât pas d'être le présage de sa vie à venir.
Quand la vieille femme qui administrait ses médicaments au malade s'aperçut des marques serpentines de son visage, elle fut saisie d'épouvante devant ce spectacle si abominable ; elle en perdit aussitôt l'équilibre, s'affaissa et s'évanouit. De ce jour, Sywardus fut appelé "Serpents dans l'œil", et ce surnom se répandit fort loin..."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
Sywardus a passé un accord avec un être aux redoutables pouvoirs ! Rofterus est en réalité une divinité déguisée comme le prouve cet extrait tiré de la "Geste des Danois" :
"...Odin se coiffa d'un chapeau qui changeait sa physionomie, de façon qu'on ne le reconnût pas..."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
Cet autre morceau de texte (se trouvant un peu plus loin dans le récit) ne fera que confirmer le fait qu'Odin et Rofterus ne sont qu'une seule et même personne :
"Il ne renonça pas pour autant à son projet, malgré la bassesse de l'affront, malgré la douleur de l'humiliation, et, quand un an eut passé, ne voulant pas abandonner lâchement ce qui avait motivé sa détermination enthousiaste, il s'habilla comme un étranger et repartit voir le roi. Quiconque l'aurait rencontré aurait eu du mal à le reconnaître sous le masque crasseux où disparaissait son vrai visage, à retrouver un tant soit peu de son air ancien sous la boue encore fraîche qui le défigurait.
À son arrivée à la cour, il dit que son nom était Rofterus et qu'il était ferronnier expérimenté."
- Saxo Grammaticus, La Geste des Danois.
Pour ceux qui l'ignorent, Odin (ou Wotan en vieux haut-allemand) est le dieu principal du panthéon nordique. Ce seigneur du déguisement et de la guerre est surtout connu pour être une divinité de la victoire et de la connaissance (des runes par exemple).
Odin (illustré par Ty Hobson) accompagné d'Hugin ("pensée") et Munin ("esprit"), ses deux corbeaux chargés de parcourir les Neuf Mondes pour lui rapporter ensuite tout ce qu'ils ont vu et entendu.
Dans ce récit, le don d'Odin semble être pris pour une malédiction (il est possible qu'il s'agisse d'une sorte de diabolisation des cultes "païens" au profit du christianisme vu que les nordiques ont été convertis vers le milieu du Xème siècle), la blessure du jeune seigneur est guérie mais des motifs serpentiformes apparaissent au fond de ses yeux. Je précise que dans une variante de cette scène, seul l'œil gauche de Sywardus change : un motif de serpent se mordant la queue (Ouroboros) apparaît et entoure sa pupille.
Les serpents en questions sont bien entendu des Lindorms et il est probable qu'ils aient un lien avec les deux Dragons qu'a vaincus son paternel Ragnar Lodbrok (ce qui prouve qu'Odin a le sens de l'humour et apprécie l'ironie).
Une autre théorie à ce sujet (soutenue notamment par Jean-Paul Ronecker) nous explique que les héros affrontant le Dragon sont une sorte de symbolique du Bien contre le Mal (les divinités solaires contre le chaos primordial ou le gardien de quelque trésor souterrain). Dans ce type de récits, le héros peut sortir victorieux de l'affrontement (acquérant ainsi le trésor, la reconnaissance, ...) mais le Dragon lui ne meurt jamais vraiment. Sa forme physique est certes détruite, mais ce n'est que pour mieux se régénérer (changer) et revenir dans notre monde.
Les taches qui parsèment les yeux de Sywardus sont donc peut-être le signe que les Dragons occis par Ragnar ont pu trouver un nouveau réceptacle pour s'incarner...
Le Lindorm suivant n'est pas ce qu'il y a de plus connu. Pourtant, il fait partie d'une œuvre majeure et épique qui a grandement inspiré l'un des plus grands auteurs d'héroïc-fantasy de notre époque, je veux bien entendu parler de...
Informations complémentaires :
- Sywardus (ou Sigurd) est l'un des rejetons de Ragnar Lodbrok et de Thora.
- Les Runes servaient d'alphabet (le Futhark) aux peuples nordiques (ainsi qu'à certaines tribus germaniques) et d' "outils" en magicologie (on les employait pour la divination ou pour produire des talismans aux usages divers et variés).
- La divination est (grossièrement) une forme de magie qui permet de lire l'avenir, de voir le passé ou de découvrir ce qui est caché.
En nous basant sur l'origine latine de ce mot : "divinare" ("accomplir des choses divines"), il est facile de deviner que cet art est lié aux dieux (dans certains cas, le pratiquant devient donc une sorte de messager de la parole divine, comme c'était le cas des Augures dans la Rome Antique).
- Jean-Paul Ronecker est un autodidacte français. Passionné par les mythes, traditions et le folklore, il a publié un certain nombre d'ouvrages sur le sujet.
Beowulf :
Avant d'entrer dans le vif du sujet, répondons à une question simple : qu'est-ce que Beowulf ?
Sans trop aller dans le détail, "Beowulf" est à la fois le nom d'un poème anglo-saxon et celui du héros dont parle cette épopée.
Ledit poème aurait été rédigé entre la première moitié du VIIème siècle et la fin du IXème siècle. La provenance exacte du texte reste inconnue. Certains pensent qu'il est issu des traditions orales des cultes germano-scandinaves et qu'il a été couché plus tard par des moines et scribes chrétiens (qui n'ont pas pu s'empêcher - avec leurs grosses mains malhabiles - d'y insérer une pléthore de bondieuseries au pied de biche) ; d'autres pensent qu'il pourrait s'agir d'un seul auteur (chrétien), fortement inspiré par les mythes nordiques.
Le poème, rédigé en vers, est pourvu d'un assez grand nombre de références à la religion chrétienne qui semblent avoir pour unique but de promouvoir la foi chrétienne (ou tenter de démontrer sa supériorité sur les anciennes traditions)... Ces derniers ont d'ailleurs peut-être été greffés postérieurement au texte d'origine vu qu'ils ne semblent pas être à leur place dans cette œuvre anglo-saxonne (en témoigne la fin de "Beowulf" qui semble représenter le regret et la nostalgie de l' "ancien temps" qui ne reviendra jamais).
L'histoire en elle-même débute avec le roi Hrothgar, souverain des Danois, dont les guerriers se font chaque nuit enlever puis dévorer par Grendel, une redoutable créature qui réside avec sa mère dans un lac (ou un étang) fangeux.
La nouvelle de ces massacres répétés arrive aux oreilles de Beowulf - un jeune guerrier du peuple des Geats (une tribu qui résidait au Sud de la Suède) -, qui décide de partir d'aller affronter Grendel pour prouver sa valeur.
Avec la permission du roi, il passe la nuit en compagnie de guerriers du monarque, dans la halle où les enlèvements se sont déroulés. Tard dans la nuit, Grendel s'attaque de nouveau au hommes du roi mais Beowulf, qui faisait semblant de dormir, se jette sur son adversaire et lui arrache le bras. Mortellement blessé, Grendel rompt le combat, retourne dans son antre et expire piteusement.
Beowulf affrontant Grendel (illustration de Fabio Porfidia).
Voyant que Beowulf est sorti victorieux du combat, le roi célèbre le haut fait du héros mais les festivités sont vite gâchées par la mère de Grendel qui pour venger la mort de son fils, trucide l'un des plus loyaux guerriers de Hrothgar.
Pressés de venger la mort du guerrier, le roi et ses hommes - accompagnés de Beowulf - traquent la mère de Grendel jusqu'à son repaire (une étendue d'eau sinistre) et Beowulf décide d'aller affronter le monstre seul. Avant d'aller au combat, Beowulf se voit offrir l'épée Hrunting puis, une fois convenablement préparé, il plonge sous la surface des eaux.
Une fois dans l'élément liquide, Beowulf se fait rapidement attaquer par la créature qui, voyant que ses griffes ne peuvent déchiqueter sa chair protégée par une armure, décide de l'emmener au fond du lac, dans une caverne où gît le corps de Grendel entouré des cadavres de nombreux braves du roi Hrothgar.
Durant l'affrontement, Beowulf se rend compte que l'épée Hrunting est incapable de blesser la créature et il s'en débarrasse pour saisir un glaive antique, forgé par les Géants, qui parvient aisément à mordre la chair de la bête qui s'écroule enfin (le texte précise que les créatures de ce type ne peuvent être blessées que par les armes qu'elles ont forgées).
De retour avec la tête tranchée de Grendel, Beowulf est salué en héros et couvert de présents. Auréolé de gloire, il revient vers son peuple et finit (plus tard) par devenir le roi des Geats.
L'histoire ne s'arrête pas sur cette victoire du héros, il lui faudra bien des années plus tard affronter une dernière épreuve, qui prendra la forme d'un puissant Lindorm.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la lutte entre Beowulf et le couple de créatures (Grendel et sa mère) qui résidaient sous le point d'eau, je vous encourage à aller consulter l'article sur les Trolls (puisque ces créatures sont apparentées à ces Élémentaires redoutables). Vous trouverez le texte complet (tiré du poème "Beowulf") et bien d'autres détails sur le sujet.
La partie qui va suivre vous dévoilera les fragments du poème qui parlent de l'affrontement entre Beowulf et le Dragon (le tout agrémenté de quelques commentaires et notes explicatives). Le texte vous sera livré tel quel hormis quelques coupures afin de supprimer toutes les bondieuseries qui sont déplacées dans un tel récit. Le style vous paraîtra assez déroutant de par sa structure mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un poème (il ne faudra pas vous étonner si les phrases semblent souvent coupées). Il ne faudra pas non plus négliger le fait que la traduction n'arrive pas toujours à rendre toute la saveur de la langue d'origine d'une œuvre. Ce qui peut rendre le produit fini assez indigeste ou complexe à lire.
Je propose donc à celles et ceux que ça dérange de sauter le chapitre qui va suivre pour continuer la lecture au suivant. Vous trouverez là une version remaniée par mes soins du combat qui opposa Beowulf et le Dragon.
Les plus courageux d'entre vous peuvent bien entendu lire les deux chapitres.
Informations complémentaires :
- Fils d'Ecgtheow, Beowulf le héros de légende serait - selon certains auteurs - lié à la divinité anglo-saxonne Beowa ou apparenté à un autre Beowulf, qui lui était le fils de Scyld (de la dynastie des Scyldingiens, qui correspond au peuple Danois).
Selon André Crépin, le nom "Beowulf" ("Beo-Wulf") signifierait : "seigneur des abeilles". Ce terme désigne bien entendu l'ours vu que notre héros se bat comme cette puissante créature (en arrachant le bras de Grendel ou en l'étouffant dans une mortelle étreinte). Ce titre n'est pas non plus sans rappeler les Berserkir (pluriel de Berserk), les "guerriers-fauves" nordiques qui pouvaient entrer dans une rage qui décuplait leurs forces et leur permettait d'accomplir des exploits dignes des dieux (le terme en vieux norrois "berserk" signifie d'ailleurs "chemise d'ours ou "peau d'ours").
- Ecgtheow (on pourrait traduire ce nom par "combattant" - selon André Crépin) est le père de Beowulf et l'époux de la fille unique du roi Gaut Hrethel.
- Beowa (ou Beow) est une divinité anglo-saxonne associée à l'orge et à l'agriculture.
- André Crépin (né 1928, décédé en 2013) était un linguiste français qui enseignait à l'Université Paris-Sorbonne. Ses principaux travaux portaient sur la poésie en vieil-anglais et moyen-anglais (pour en savoir plus sur l'évolution de la langue anglaise, reportez-vous dans cet article aux informations complémentaires du chapitre consacré au Drake).
- Hrunting est le nom de l'épée offerte à Beowulf par Hunferth, un membre de la cour du roi Hrothgar qui ne croyait pas vraiment le héros capable de terrasser Grendel (mais qui lui offre sa lame avant le combat contre la mère de Grendel, pour s'excuser de son comportement).
Toujours selon André Crépin, le nom de la lame pourrait plus ou moins être traduit en "pousser" ou "frapper d'estoc".
- Les Geats (que l'on appelle également Gauts, Wèdres ou Goths) formaient un peuple qui résidait dans le sud de la Suède. Certaines croyances faisaient d'eux le "peuple d'Odin".
L'attaque du Dragon (extraits du poème "Beowulf") :
"Il {1} le gouverna avec succès
cinquante années durant, régnant avec expérience
en vieux gardien de la terre des ancêtres, jusqu'au moment
où dans l'ombre des nuits se déchaîna un Dragon
qui dans les hautes terres veillait sur un trésor,
tertre roide et rocheux ; en bas se trouvait un sentier
que ne frayait aucun humain. C'est pourtant là que pénétra
je ne sais qui : il se faufila et s'approcha
du trésor païen. Sa main saisit un objet
rutilant de joyaux. Le Dragon
alors endormi, fut trompé
par l'habilité du voleur. Les gens du pays,
les habitants de la région firent l'expérience de sa colère."
- Extrait du chapitre 32.
1 : Le "Il" du début de ce texte fait bien entendu référence au royaume que Beowulf gouverne.
"Ce n'est pas de son propre gré que l'homme cambriola le Dragon
ni involontairement qu'il lui causa dommage et douleur,
c'est par nécessité qu'un serviteur de je ne sais quel
fils de guerrier, menacé de coups, prit la fuite
et, cherchant un abri, pénétra à l'intérieur,
conscient de sa faute. Il découvrit alors
que {...} une effroyable terreur.
Pourtant le misérable
en proie à la pire frayeur
il vit une précieuse coupe ; il y en avait beaucoup de semblables
dans cette demeure souterraine, beaucoup d'antiques richesses,
telles qu'aux jours d'autrefois quelque inconnu
les avait déposées, immense héritage d'une noble race ;
après mûre réflexion il avait caché là
ces trésors sans prix. La mort avait emporté les gens de sa race
au cours du temps passé, et lui, seul survivant
parmi les vétérans, dernier à subsister,
veilleur pleurant ses amis, il songea à son âge,
il songea qu'il lui restait peu de temps
à jouir de ces trésors sans âge. Un tertre funéraire tout préparé
existait sur un terrain qui bordait la mer,
récente construction près d'un promontoire, difficile d'accès.
Là, à l'intérieur, il porta une bonne part des richesses des preux,
en vrai pasteur de ces trésors, ce qui méritait d'être déposé
des œuvres en or..."
- Extrait du chapitre 33.
Le voleur surpris par le gardien du trésor. Cette scène modifiée du poème anglo-saxon a été superbement illustrée par James Turner Mohan.
"... L'attirant trésor parut
une proie sans défense pour le vieux fauve crépusculaire
qui tout en flammes hante le tertre des morts.
Le cruel Dragon au cuir chauve vole durant la nuit
entouré de feu. Les habitants du pays
le craignent par-dessus tout. Il recherche
les caches enterrées où, accumulant hivers et expérience,
il veillera sur l'or païen sans en tirer le moindre profit.
Ainsi, pendant trois-cent hivers, l'ennemi des gens
régna, enterré, sur cette chambre au trésor
avec une incroyable efficacité jusqu'à ce qu'un individu
excitât sa fureur en dérobant une coupe ouvragée
pour la porter à son maître. Le trésor se trouva pillé,
la cache aux joyaux violée, le pardon accordé
au misérable, dont le maître contempla
pour la première fois une œuvre d'art antique.
Aussitôt que le serpent s'éveilla, ressurgit son agitation.
Il se glissa le long des pierres et découvrit, la rage au cœur,
les traces de l'ennemi, qui s'était trop avancé
d'un pas furtif près de la tête du Dragon.
Ainsi peut, si la mort n'est pas sur lui, aisément surmonter
exil et malheur..."
- Extrait du chapitre 33.
"Le gardeur de trésors explora
le sol avec soin, voulant retrouver l'homme
qui lui avait, durant son sommeil, causé cruel dommage.
brûlant de rage, il fit maintes fois le tour du tertre
de bout en bout : il n'y avait personne.
en ces lieux désolés. Il aurait pourtant aimé attaquer,
s'activer au combat. Il retourna plusieurs fois dans le tertre
en quête du calice. Il n'y avait pas de doute :
un humain avait touché à l'or,
aux superbes richesses. Le gardeur du trésor attendit
non sans peine que vînt la nuit.
L'occupant du tertre éclatait de fureur,
dans sa haine il décida de venger par le feu
le vol de la coupe précieuse. Puis le jour disparut,
à la satisfaction du serpent. Sans rester plus longtemps
sur la muraille, il partit entouré de flammes,
sur un trajet de feu. Ce fut le début de la terreur
pour les gens du pays comme ce fut la fin
pour leur chef généreux, un douloureux dénouement."
- Extrait du chapitre 33.
"Le Démon se mit donc à cracher le feu,
à brûler les beaux châteaux. La lueur des incendies s'éleva
terrorisant les hommes. Rien de vivant
n'échappa à l'ennemi volant dans les airs.
Les ravages du serpent furent visibles de partout,
partout les attaques du fauve,
à quel point l'adversaire avait frappé le peuple des Gauts
de sa haine humiliante. Il était retourné à sa cache,
à sa grand-salle secrète avant le point du jour.
Il avait plongé les habitants dans un brasier,
dans le feu et les flammes. Il se fiait à la protection de son tertre,
à sa combativité autant qu'à la muraille : il se trompait.
Beowulf sur l'étendue de la dévastation
très vite en vérité : sa propre résidence,
noble construction entre toutes, avait sombré dans les flammes
avec le trône d'où il récompensait les Gauts. Le noble héros
en eut une poignante peine, chagrin très profond."
- Extrait du chapitre 34.
Le Dragon attaque le royaume de Beowulf (illustration de Gonzalo Kenny).
Pour ceux qui l'ignorent, Odin (ou Wotan en vieux haut-allemand) est le dieu principal du panthéon nordique. Ce seigneur du déguisement et de la guerre est surtout connu pour être une divinité de la victoire et de la connaissance (des runes par exemple).
Odin (illustré par Ty Hobson) accompagné d'Hugin ("pensée") et Munin ("esprit"), ses deux corbeaux chargés de parcourir les Neuf Mondes pour lui rapporter ensuite tout ce qu'ils ont vu et entendu.
Dans ce récit, le don d'Odin semble être pris pour une malédiction (il est possible qu'il s'agisse d'une sorte de diabolisation des cultes "païens" au profit du christianisme vu que les nordiques ont été convertis vers le milieu du Xème siècle), la blessure du jeune seigneur est guérie mais des motifs serpentiformes apparaissent au fond de ses yeux. Je précise que dans une variante de cette scène, seul l'œil gauche de Sywardus change : un motif de serpent se mordant la queue (Ouroboros) apparaît et entoure sa pupille.
Les serpents en questions sont bien entendu des Lindorms et il est probable qu'ils aient un lien avec les deux Dragons qu'a vaincus son paternel Ragnar Lodbrok (ce qui prouve qu'Odin a le sens de l'humour et apprécie l'ironie).
Une autre théorie à ce sujet (soutenue notamment par Jean-Paul Ronecker) nous explique que les héros affrontant le Dragon sont une sorte de symbolique du Bien contre le Mal (les divinités solaires contre le chaos primordial ou le gardien de quelque trésor souterrain). Dans ce type de récits, le héros peut sortir victorieux de l'affrontement (acquérant ainsi le trésor, la reconnaissance, ...) mais le Dragon lui ne meurt jamais vraiment. Sa forme physique est certes détruite, mais ce n'est que pour mieux se régénérer (changer) et revenir dans notre monde.
Les taches qui parsèment les yeux de Sywardus sont donc peut-être le signe que les Dragons occis par Ragnar ont pu trouver un nouveau réceptacle pour s'incarner...
Le Lindorm suivant n'est pas ce qu'il y a de plus connu. Pourtant, il fait partie d'une œuvre majeure et épique qui a grandement inspiré l'un des plus grands auteurs d'héroïc-fantasy de notre époque, je veux bien entendu parler de...
Informations complémentaires :
- Sywardus (ou Sigurd) est l'un des rejetons de Ragnar Lodbrok et de Thora.
- Les Runes servaient d'alphabet (le Futhark) aux peuples nordiques (ainsi qu'à certaines tribus germaniques) et d' "outils" en magicologie (on les employait pour la divination ou pour produire des talismans aux usages divers et variés).
- La divination est (grossièrement) une forme de magie qui permet de lire l'avenir, de voir le passé ou de découvrir ce qui est caché.
En nous basant sur l'origine latine de ce mot : "divinare" ("accomplir des choses divines"), il est facile de deviner que cet art est lié aux dieux (dans certains cas, le pratiquant devient donc une sorte de messager de la parole divine, comme c'était le cas des Augures dans la Rome Antique).
- Jean-Paul Ronecker est un autodidacte français. Passionné par les mythes, traditions et le folklore, il a publié un certain nombre d'ouvrages sur le sujet.
Beowulf :
Avant d'entrer dans le vif du sujet, répondons à une question simple : qu'est-ce que Beowulf ?
Sans trop aller dans le détail, "Beowulf" est à la fois le nom d'un poème anglo-saxon et celui du héros dont parle cette épopée.
Ledit poème aurait été rédigé entre la première moitié du VIIème siècle et la fin du IXème siècle. La provenance exacte du texte reste inconnue. Certains pensent qu'il est issu des traditions orales des cultes germano-scandinaves et qu'il a été couché plus tard par des moines et scribes chrétiens (qui n'ont pas pu s'empêcher - avec leurs grosses mains malhabiles - d'y insérer une pléthore de bondieuseries au pied de biche) ; d'autres pensent qu'il pourrait s'agir d'un seul auteur (chrétien), fortement inspiré par les mythes nordiques.
Le poème, rédigé en vers, est pourvu d'un assez grand nombre de références à la religion chrétienne qui semblent avoir pour unique but de promouvoir la foi chrétienne (ou tenter de démontrer sa supériorité sur les anciennes traditions)... Ces derniers ont d'ailleurs peut-être été greffés postérieurement au texte d'origine vu qu'ils ne semblent pas être à leur place dans cette œuvre anglo-saxonne (en témoigne la fin de "Beowulf" qui semble représenter le regret et la nostalgie de l' "ancien temps" qui ne reviendra jamais).
L'histoire en elle-même débute avec le roi Hrothgar, souverain des Danois, dont les guerriers se font chaque nuit enlever puis dévorer par Grendel, une redoutable créature qui réside avec sa mère dans un lac (ou un étang) fangeux.
La nouvelle de ces massacres répétés arrive aux oreilles de Beowulf - un jeune guerrier du peuple des Geats (une tribu qui résidait au Sud de la Suède) -, qui décide de partir d'aller affronter Grendel pour prouver sa valeur.
Avec la permission du roi, il passe la nuit en compagnie de guerriers du monarque, dans la halle où les enlèvements se sont déroulés. Tard dans la nuit, Grendel s'attaque de nouveau au hommes du roi mais Beowulf, qui faisait semblant de dormir, se jette sur son adversaire et lui arrache le bras. Mortellement blessé, Grendel rompt le combat, retourne dans son antre et expire piteusement.
Beowulf affrontant Grendel (illustration de Fabio Porfidia).
Voyant que Beowulf est sorti victorieux du combat, le roi célèbre le haut fait du héros mais les festivités sont vite gâchées par la mère de Grendel qui pour venger la mort de son fils, trucide l'un des plus loyaux guerriers de Hrothgar.
Pressés de venger la mort du guerrier, le roi et ses hommes - accompagnés de Beowulf - traquent la mère de Grendel jusqu'à son repaire (une étendue d'eau sinistre) et Beowulf décide d'aller affronter le monstre seul. Avant d'aller au combat, Beowulf se voit offrir l'épée Hrunting puis, une fois convenablement préparé, il plonge sous la surface des eaux.
Une fois dans l'élément liquide, Beowulf se fait rapidement attaquer par la créature qui, voyant que ses griffes ne peuvent déchiqueter sa chair protégée par une armure, décide de l'emmener au fond du lac, dans une caverne où gît le corps de Grendel entouré des cadavres de nombreux braves du roi Hrothgar.
Durant l'affrontement, Beowulf se rend compte que l'épée Hrunting est incapable de blesser la créature et il s'en débarrasse pour saisir un glaive antique, forgé par les Géants, qui parvient aisément à mordre la chair de la bête qui s'écroule enfin (le texte précise que les créatures de ce type ne peuvent être blessées que par les armes qu'elles ont forgées).
De retour avec la tête tranchée de Grendel, Beowulf est salué en héros et couvert de présents. Auréolé de gloire, il revient vers son peuple et finit (plus tard) par devenir le roi des Geats.
L'histoire ne s'arrête pas sur cette victoire du héros, il lui faudra bien des années plus tard affronter une dernière épreuve, qui prendra la forme d'un puissant Lindorm.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la lutte entre Beowulf et le couple de créatures (Grendel et sa mère) qui résidaient sous le point d'eau, je vous encourage à aller consulter l'article sur les Trolls (puisque ces créatures sont apparentées à ces Élémentaires redoutables). Vous trouverez le texte complet (tiré du poème "Beowulf") et bien d'autres détails sur le sujet.
La partie qui va suivre vous dévoilera les fragments du poème qui parlent de l'affrontement entre Beowulf et le Dragon (le tout agrémenté de quelques commentaires et notes explicatives). Le texte vous sera livré tel quel hormis quelques coupures afin de supprimer toutes les bondieuseries qui sont déplacées dans un tel récit. Le style vous paraîtra assez déroutant de par sa structure mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un poème (il ne faudra pas vous étonner si les phrases semblent souvent coupées). Il ne faudra pas non plus négliger le fait que la traduction n'arrive pas toujours à rendre toute la saveur de la langue d'origine d'une œuvre. Ce qui peut rendre le produit fini assez indigeste ou complexe à lire.
Je propose donc à celles et ceux que ça dérange de sauter le chapitre qui va suivre pour continuer la lecture au suivant. Vous trouverez là une version remaniée par mes soins du combat qui opposa Beowulf et le Dragon.
Les plus courageux d'entre vous peuvent bien entendu lire les deux chapitres.
Informations complémentaires :
- Fils d'Ecgtheow, Beowulf le héros de légende serait - selon certains auteurs - lié à la divinité anglo-saxonne Beowa ou apparenté à un autre Beowulf, qui lui était le fils de Scyld (de la dynastie des Scyldingiens, qui correspond au peuple Danois).
Selon André Crépin, le nom "Beowulf" ("Beo-Wulf") signifierait : "seigneur des abeilles". Ce terme désigne bien entendu l'ours vu que notre héros se bat comme cette puissante créature (en arrachant le bras de Grendel ou en l'étouffant dans une mortelle étreinte). Ce titre n'est pas non plus sans rappeler les Berserkir (pluriel de Berserk), les "guerriers-fauves" nordiques qui pouvaient entrer dans une rage qui décuplait leurs forces et leur permettait d'accomplir des exploits dignes des dieux (le terme en vieux norrois "berserk" signifie d'ailleurs "chemise d'ours ou "peau d'ours").
- Ecgtheow (on pourrait traduire ce nom par "combattant" - selon André Crépin) est le père de Beowulf et l'époux de la fille unique du roi Gaut Hrethel.
- Beowa (ou Beow) est une divinité anglo-saxonne associée à l'orge et à l'agriculture.
- André Crépin (né 1928, décédé en 2013) était un linguiste français qui enseignait à l'Université Paris-Sorbonne. Ses principaux travaux portaient sur la poésie en vieil-anglais et moyen-anglais (pour en savoir plus sur l'évolution de la langue anglaise, reportez-vous dans cet article aux informations complémentaires du chapitre consacré au Drake).
- Hrunting est le nom de l'épée offerte à Beowulf par Hunferth, un membre de la cour du roi Hrothgar qui ne croyait pas vraiment le héros capable de terrasser Grendel (mais qui lui offre sa lame avant le combat contre la mère de Grendel, pour s'excuser de son comportement).
Toujours selon André Crépin, le nom de la lame pourrait plus ou moins être traduit en "pousser" ou "frapper d'estoc".
- Les Geats (que l'on appelle également Gauts, Wèdres ou Goths) formaient un peuple qui résidait dans le sud de la Suède. Certaines croyances faisaient d'eux le "peuple d'Odin".
L'attaque du Dragon (extraits du poème "Beowulf") :
"Il {1} le gouverna avec succès
cinquante années durant, régnant avec expérience
en vieux gardien de la terre des ancêtres, jusqu'au moment
où dans l'ombre des nuits se déchaîna un Dragon
qui dans les hautes terres veillait sur un trésor,
tertre roide et rocheux ; en bas se trouvait un sentier
que ne frayait aucun humain. C'est pourtant là que pénétra
je ne sais qui : il se faufila et s'approcha
du trésor païen. Sa main saisit un objet
rutilant de joyaux. Le Dragon
alors endormi, fut trompé
par l'habilité du voleur. Les gens du pays,
les habitants de la région firent l'expérience de sa colère."
- Extrait du chapitre 32.
1 : Le "Il" du début de ce texte fait bien entendu référence au royaume que Beowulf gouverne.
"Ce n'est pas de son propre gré que l'homme cambriola le Dragon
ni involontairement qu'il lui causa dommage et douleur,
c'est par nécessité qu'un serviteur de je ne sais quel
fils de guerrier, menacé de coups, prit la fuite
et, cherchant un abri, pénétra à l'intérieur,
conscient de sa faute. Il découvrit alors
que {...} une effroyable terreur.
Pourtant le misérable
en proie à la pire frayeur
il vit une précieuse coupe ; il y en avait beaucoup de semblables
dans cette demeure souterraine, beaucoup d'antiques richesses,
telles qu'aux jours d'autrefois quelque inconnu
les avait déposées, immense héritage d'une noble race ;
après mûre réflexion il avait caché là
ces trésors sans prix. La mort avait emporté les gens de sa race
au cours du temps passé, et lui, seul survivant
parmi les vétérans, dernier à subsister,
veilleur pleurant ses amis, il songea à son âge,
il songea qu'il lui restait peu de temps
à jouir de ces trésors sans âge. Un tertre funéraire tout préparé
existait sur un terrain qui bordait la mer,
récente construction près d'un promontoire, difficile d'accès.
Là, à l'intérieur, il porta une bonne part des richesses des preux,
en vrai pasteur de ces trésors, ce qui méritait d'être déposé
des œuvres en or..."
- Extrait du chapitre 33.
Le voleur surpris par le gardien du trésor. Cette scène modifiée du poème anglo-saxon a été superbement illustrée par James Turner Mohan.
"... L'attirant trésor parut
une proie sans défense pour le vieux fauve crépusculaire
qui tout en flammes hante le tertre des morts.
Le cruel Dragon au cuir chauve vole durant la nuit
entouré de feu. Les habitants du pays
le craignent par-dessus tout. Il recherche
les caches enterrées où, accumulant hivers et expérience,
il veillera sur l'or païen sans en tirer le moindre profit.
Ainsi, pendant trois-cent hivers, l'ennemi des gens
régna, enterré, sur cette chambre au trésor
avec une incroyable efficacité jusqu'à ce qu'un individu
excitât sa fureur en dérobant une coupe ouvragée
pour la porter à son maître. Le trésor se trouva pillé,
la cache aux joyaux violée, le pardon accordé
au misérable, dont le maître contempla
pour la première fois une œuvre d'art antique.
Aussitôt que le serpent s'éveilla, ressurgit son agitation.
Il se glissa le long des pierres et découvrit, la rage au cœur,
les traces de l'ennemi, qui s'était trop avancé
d'un pas furtif près de la tête du Dragon.
Ainsi peut, si la mort n'est pas sur lui, aisément surmonter
exil et malheur..."
- Extrait du chapitre 33.
"Le gardeur de trésors explora
le sol avec soin, voulant retrouver l'homme
qui lui avait, durant son sommeil, causé cruel dommage.
brûlant de rage, il fit maintes fois le tour du tertre
de bout en bout : il n'y avait personne.
en ces lieux désolés. Il aurait pourtant aimé attaquer,
s'activer au combat. Il retourna plusieurs fois dans le tertre
en quête du calice. Il n'y avait pas de doute :
un humain avait touché à l'or,
aux superbes richesses. Le gardeur du trésor attendit
non sans peine que vînt la nuit.
L'occupant du tertre éclatait de fureur,
dans sa haine il décida de venger par le feu
le vol de la coupe précieuse. Puis le jour disparut,
à la satisfaction du serpent. Sans rester plus longtemps
sur la muraille, il partit entouré de flammes,
sur un trajet de feu. Ce fut le début de la terreur
pour les gens du pays comme ce fut la fin
pour leur chef généreux, un douloureux dénouement."
- Extrait du chapitre 33.
"Le Démon se mit donc à cracher le feu,
à brûler les beaux châteaux. La lueur des incendies s'éleva
terrorisant les hommes. Rien de vivant
n'échappa à l'ennemi volant dans les airs.
Les ravages du serpent furent visibles de partout,
partout les attaques du fauve,
à quel point l'adversaire avait frappé le peuple des Gauts
de sa haine humiliante. Il était retourné à sa cache,
à sa grand-salle secrète avant le point du jour.
Il avait plongé les habitants dans un brasier,
dans le feu et les flammes. Il se fiait à la protection de son tertre,
à sa combativité autant qu'à la muraille : il se trompait.
Beowulf sur l'étendue de la dévastation
très vite en vérité : sa propre résidence,
noble construction entre toutes, avait sombré dans les flammes
avec le trône d'où il récompensait les Gauts. Le noble héros
en eut une poignante peine, chagrin très profond."
- Extrait du chapitre 34.
Le Dragon attaque le royaume de Beowulf (illustration de Gonzalo Kenny).
"Son cœur roulait de sombres pensées, ce qui n'était pas son habitude.
Le Dragon de feu avait détruit la forteresse du clan,
l'esplanade jusqu'à la mer, le talus défensif,
tout réduit en cendres. Le roi guerrier,
suzerain des Wèdres, prépara sa vengeance.
Le protecteur des combattants, seigneur des preux,
se fit fabriquer tout en fer
un bouclier spécial, sachant fort bien
qu'un bouclier de bois ne lui serait d'aucune aide,
bois de tilleul contre flamme. Mais il était dit que les jours
du très noble prince toucheraient à leur fin,
sa vie à son terme ainsi que ceux du serpent
qui pourtant avait longtemps régné sur le trésor.
Le prince aux riches récompenses dédaigna
pour affronter l'adversaire aérien de prendre une troupe,
une armée nombreuse, la rencontre ne l'effrayait pas,
pas plus que la combativité du serpent ne l'impressionnait,
si audacieuse fût-elle car il avait par le passé,
au cours d'aventures risquées, surmonté maints périls,
gagné maintes batailles après avoir purifié,
par une heureuse victoire, le palais de Hrothgar
et dans un duel à mort écrasé la parentèle de Grendel,
race maudite..."
- Extrait du chapitre 34.
"... Venger la défaite de son clan fut par la suite
sa préoccupation. Il accorda son alliance
à Eadgils qui manquait de tout : il soutint la cause
du fils d'Ohthere au-delà de la vaste mer
en envoyant hommes et armes. Il exerça ensuite sa vengeance
à coups d'expéditions cruelles, au roi il arracha la vie.
Ainsi le fils d'Ecgtheow avait surmonté
tous les obstacles, tous les heurts,
tous les exploits héroïques jusqu'au jour unique entre tous
où il dut se battre avec le Dragon.
Le seigneur des Gauts partit donc plein de courroux,
formant un groupe de douze hommes, découvrir le Dragon.
Il s'était informé sur l'origine des hostilités,
de la guerre contre les hommes. Il avait reçu, posée sur ses genoux,
la fameuse coupe précieuse apportée par son informateur.
Le groupe s'augmenta de ce treizième homme ;
il avait déclenché la bataille ;
triste captif, il se vit contraint
de faire le guide. À contre-cœur il avança
jusqu'à l'endroit où il savait trouver la salle en question,
le tombeau couvert de terre jouxtant la mer tumultueuse,
les vagues déchaînées. L'intérieur regorgeait
d'objets précieux et ouvragés. Un effroyable gardien,
prêt à l'attaque, gardait l'or du trésor,
tapi sous la terre et les ans - ce n'était là
bonne affaire pour personne..."
- Extrait du chapitre 35.
"... Mais à présent c'est le fil de l'épée,
mon bras et son glaive bien trempé que réclame le combat pour le trésor."
Ainsi parlait Beowulf, s'engageant solennellement
pour la dernière fois. - "J'ai souvent exposé ma vie
en combattant dans ma jeunesse, une fois de plus,
devenu un vieil et sage souverain, je veux me battre,
travailler à ma gloire, à condition que je voie le fauve
s'extraire de son repaire souterrain."
Il salua ensuite chacun de ses hommes,
hardis guerriers casqués, ses chers compagnons,
pour une dernière fois. "Je ne porterais pas d'épée,
j'affronterais sans armes le serpent si je savais comment
attaquer autrement la terrible bête,
l'étreindre pour la gloire comme jadis avec Grendel
mais aujourd'hui c'est flamme brûlante qui m'attend,
souffle empoisonné, et je m'abrite
sous bouclier et cotte de mailles. Je ne veux, face au maître du tertre,
reculer l'espace d'un pied. Nous deux trouverons
ici contre sa muraille le sort que nous réserve la Destinée,
la Providence qui gouverne tout homme. Je suis si impatient
que j'omets, face à l'adversaire aérien, les défis d'usage.
Quant à vous, attendez sur le tertre vêtus de vos cottes de mailles,
sans quitter vos armures, pour savoir lequel sera plus apte,
après l'assaut mortel, à survivre à sa blessure,
lequel de nous deux. Ce duel n'est pas votre affaire,
personne, si ce n'est moi seul, ne pourrait
opposer ses forces à celles de la terrifiante bête,
prouver son excellence. Il est dit que par ma prouesse
je conquerrai son or ou que le combat m'emportera,
que la mort hideuse emportera votre souverain."
Beowulf se leva, bouclier à son côté, indomptable,
impavide sous son heaume, il alla, revêtu de sa tunique de combattant
jusqu'au pied de la falaise. Il avait foi en sa force,
en sa force seule - telle n'est pas l'attitude du couard !
Le même qui avait triomphé de maints obstacles
grâce à ses nobles vertus, en maints combats,
maintes mêlées lorsque se heurtent les lignes de fantassins,
aperçut une arche de pierre, un torrent s'en échapper,
jaillissant du tertre. Ses eaux fougueuses
bouillaient hérissées de flammes : il n'aurait pu rester
sans brûlures près de la caverne, même un moment,
ni pénétrer à cause du feu du Dragon.
Alors, plein de courroux, le chef des Gauts-Wèdres
tira de sa poitrine un puissant appel,
furieux il rugit. Son cri pénétra,
clair message de guerre, sous les pierres chenues.
La haine s'éveilla, le maître du caveau reconnut
la voix humaine. Il n'était plus temps
de négocier une paix. Surgit d'abord le souffle
de l'horrible bête d'entre les pierres,
agressive et brûlante sueur. Le sol gronda.
Le seigneur des Gauts arrivé sous le tertre
brandit son bouclier contre le terrible arrivant,
la réaction instinctive de la bête au corps sinueux
fut d'attaquer aussitôt. Le roi guerrier
tira son épée, vénérable héritage,
aux tranchants affilés. Chacun des deux
adversaires implacables à l'effroi répondait par l'effroi.
Le prince sans faiblir se raidit
contre son bouclier dressé, tandis que le serpent se lovait
rapide et compact. Il attendit, sans quitter ses armes.
Toute en feu la bête s'avança en déroulant ses anneaux,
décidée à en finir. Le bouclier protégea
la vie et le corps de l'illustre chef
moins longtemps qu'il ne l'eût souhaité.
Il dut alors, pour la première fois de sa vie,
faire face sans que la Destinée lui ait assigné
la gloire de la victoire. Il fit le moulinet avec son épée,
le seigneur des Gauts frappa la bête aux couleurs terribles
de son arme fameuse mais le tranchant glissa,
l'acier bruni glissa sur l'os, mordant moins fort
qu'il ne fallait pour sauver le puissant roi
du grave danger. Le maître du tertre,
du coup, fut pris de furie,
cracha des flammes de mort qui au loin jaillirent
en éclairs meurtriers. Le généreux protecteur des Gauts
n'aurait pas à se vanter de la victoire. Son épée faillit
au pire moment manquant à son devoir,
arme pourtant d'antique noblesse. Ce ne fut pas plaisante aventure :
l'illustre héros, le fils d'Ecgtheow,
quitterait la plaine de ce monde,
devrait malgré lui prendre demeure
ailleurs - ainsi doit tout homme
quitter cette vie éphémère. En un rien de temps
les deux terribles adversaires s'affrontèrent à nouveau.
Le gardien du trésor reprit courage, il gonfla son poitrail
une nouvelle fois : douloureusement oppressé,
entouré de flammes se retrouva celui qui avait gouverné tout un peuple.
On ne vit point accourir ses proches camarades,
ni les fils de princes l'entourer
vaillamment : ils avaient filé vers un bois
pour y abriter leur vie. Un seul d'entre eux
avait du chagrin. Jamais les liens du sang
ne sauraient mentir chez qui pense noblement."
- Extrait du chapitre 36.
Beowulf face au Dragon (création d'Andreas Mayer).
"Il s'appelait Wiglaf, fils de Wigstan,
guerrier apprécié, chef chez les Scylfiens,
apparenté à Aelfhere. Il voyait son suzerain
étouffer dans la fournaise sous son masque de guerre.
Il se rappela les faveurs qu'il lui avait prodiguées :
le riche domaine des Waegmundiens,
les droits sur les hommes, tels que son père les avait eus.
Il ne put se contenir, il saisit son bouclier
de tilleul ocre, dégaina l'antique épée
qui était en ce monde l'héritage d'Eanmund
fils d'Othere. Il avait trouvé la mort au combat,
exilé sans protecteur, tué par Wigstan
à coups d'épée..."
- Extrait du chapitre 37.
"... C'était la première expédition du jeune guerrier où il devait se lancer
dans la bataille aux côtés de son seigneur.
Le cœur ne lui faillit point, l'épée héritée de son père
ne le trahit pas au combat. Le serpent s'en rendit compte
quand l'un et l'autre s'affrontèrent.
Wiglaf prit la parole, adressant de justes reproches
à ses camarades, exprimant sa douleur :
"Je me souviens du temps où, prenant notre part d'hydromel
nous nous engagions envers notre suzerain
en pleine salle du festin, envers notre bienfaiteur,
à payer de retour les armes qu'il nous donnait,
heaumes, roides épées, s'il lui arrivait
d'avoir besoin de nous. Il nous a choisis de son propre chef
parmi ses guerriers pour cette mission
croyant à notre désir de gloire, et il m'a donné ces trésors
parce qu'il nous estimait de nobles manieurs de lance,
de courageux porteurs de heaume, bien que notre suzerain
fût décidé à réaliser seul
cet exploit héroïque en vrai pasteur de son peuple,
puisqu'il avait accompli plus d'exploits que personne,
déployé plus d'audace. Voici venu le jour
où notre suzerain requiert le renfort
de nobles combattants. Allons au secours
de notre chef pris dans la fournaise,
dans l'effroyable feu..."
- Extrait du chapitre 37.
"... Il ne me paraît pas honorable de porter bouclier
en revenant chez nous si nous n'avons pu
abattre l'ennemi, sauver la vie
du souverain des Wèdres. Je suis convaincu
que sa valeur passée ne signifie pas qu'il doive seul
d'entre les vétérans des Gauts souffrir
et tomber en combattant. Nos armes - le casque et l'épée,
cotte de mailles et corselet - doivent être aussi les siennes."
Il s'enfonça dans la fumée mortelle, casque sur la tête,
secourir son suzerain. Il dit ces quelques mots :
"Vénéré Beowulf, mène tout à bonne fin
comme tu le proclamas jadis au temps de ta jeunesse :
ne jamais laisser tant qu'on est vivant
se perdre sa gloire. Il te faut à présent avec courage,
en prince résolu, de toute ta force
défendre ta vie. Je t'y aiderai."
Sur ce le serpent surgit en fureur,
l'horrible monstre lança un nouvel assaut
dans un tourbillon de flammes pour atteindre ses ennemis,
de ces humains qu'il haïssait. Le feu déferla,
consuma le bouclier jusqu'au centre, et la cotte de mailles
ne fut d'aucune aide au jeune guerrier ;
le jeune homme alla s'abriter sous le bouclier de son aîné
sans perdre courage, le sien étant
par les flammes réduit en cendres. Alors le roi guerrier,
songeant à sa glorieuse carrière, asséna de toute sa force
un coup de son épée, qui se ficha dans le crâne
sous la violence de la frappe. Naegling se brisa net,
l'épée de Beowulf faillit en plein combat,
vieille épée aux reflets gris. Il ne lui était pas donné
de pouvoir compter sur le tranchant des épées
pour l'aider au combat. Son bras avait trop de force,
il imposait à tous les glaives, à ce qu'on m'a dit,
un moulinet trop vif quand il employait dans la bataille
son arme bien trempée. Il n'en tirait guère profit.
Alors le fléau de son peuple, pour la troisième fois,
l'affreux Dragon de feu, songeant à la revanche,
se précipita sur le héros dès qu'il put,
implacable masse de feu, il lui enserra tout le cou
de ses crocs acérés. L'homme fut recouvert de sang,
de son propre sang qui jaillissait en bouillonnant."
- Extrait du chapitre 37.
"Dans le péril extrême du roi, d'après ma version,
le preux à ses côtés fit preuve d'héroïsme,
d'audace et d'intelligence, ses qualités naturelles.
Il ne visa pas la tête du Dragon et, dans sa bravoure, il eut
le bras brûlé, voulant aider son proche parent
en frappant la bête cruelle un peu plus bas {2},
guerrier tout armé, si bien que l'épée s'enfonça,
rouge et or, et que le feu commença
à faiblir. Alors le roi se ressaisit
et recouvra ses sens, il brandit le coutelas
tranchant et acéré qu'il portait à la ceinture,
le casque et panache des Wèdres perça le serpent en son milieu.
L'ennemi s'écroula, tué par l'héroïsme des deux hommes,
à eux deux ils l'avaient réduit à néant,
deux princes unis par le sang. Tel devrait être
le vassal en cas de nécessité. - Ce fut pour son suzerain
la dernière victoire qu'il remporta,
son dernier succès en ce monde. Sa blessure
infligée par le Dragon souterrain
se mit à brûler, se boursoufler. Il comprit aussitôt
qu'un mal mortel bouillonnait dans sa poitrine,
du poison dans ses entrailles. Le prince alla
près de la muraille s'asseoir sur un siège
et méditer. Il contemplait cet ouvrage de Géants,
comment des arcs de pierre, solidement posés sur des piliers,
étaient contenus depuis l'éternité à l'intérieur de la salle souterraine.
Son vassal lava de sa main le sang des blessures,
vassal aux mérites immenses soignant son illustre suzerain ;
il baigna d'eau son bienveillant seigneur
las d'avoir lutté et lui détacha le casque.
Beowulf prit la parole, malgré sa blessure il parla,
malgré sa plaie mortelle. Il avait claire conscience
qu'il avait achevé le cours de sa vie,
la jouissance de cette terre, qu'était tout épuisé
le compte de ses jours, la mort infiniment proche.
"C'est maintenant que j'aurai voulu donner à un fils {3}
mon équipement de guerre si le destin m'avait accordé
d'avoir, pour me succéder, un héritier
né de ma chair. J'ai régné sur mes peuples
cinquante années durant. Il ne s'est trouvé aucun roi important,
aucun de ceux qui trônent alentour,
qui ait osé m'affronter l'épée à la main,
ou par la menace. J'ai, à l'intérieur, paré
aux évènements, géré mon bien avec droiture,
je n'ai pas cherché de vaines querelles, je n'ai guère prêté
de serments trompeurs..."
- Extrait du chapitre 38.
2 : L'auteur précise que dans le texte, le cuir du Dragon est moins épais au niveau du ventre, raison pour laquelle Wiglaf parvient à percer aisément le flanc du Lindorm, contrairement à Beowulf dont la lame ricoche sur sa tête.
3 : Toujours selon l'auteur, mourir sans avoir eu de descendance est l'une des pires choses qui puissent arriver dans une société clanique (fondée sur le clan).
Un groupe de Nordiques victorieux face à un Lindorm (notez le guerrier écrabouillé sous le Dragon). Illustration réalisée par Rhineville.
"À présent va vite
contempler le trésor sous la pierre chenue,
bien-aimé Wiglaf, maintenant que gît le Dragon,
qu'il dort, blessé, du sommeil de la mort, dépouillé de son trésor.
Hâte-toi à présent, que je voie les antiques richesses,
l'or amassé, que j'admire pleinement
les gemmes éblouissantes et leur travail : je pourrai alors plus facilement,
après avoir vu ces précieuses richesses, quitter ce qui fut à moi,
la vie et le pouvoir, dont j'ai longtemps disposé."
- Extrait du chapitre 38.
"Après ce discours le fils de Wigstan, selon ma version,
s'empressa d'obéir à son seigneur blessé,
épuisé par son combat, il alla, vêtu de sa cotte de mailles,
tunique de combat, sous le toit du tertre.
Le jeune vainqueur, le courageux vassal
longea le siège et vit étinceler de brillants objets,
de l'or jonchant le sol,
des merveilles au mur ; il vit le repaire du serpent,
de l'antique bête au vol crépusculaire, des vases debout,
coupes de générations disparues que plus personne ne faisait reluire,
privées de leur beauté. Il y avait là de nombreux casques,
vieux et rouillés, une foule de bracelets
aux torsades ingénieuses. Un trésor, de l'or enterré
peut facilement subjuguer tout être humain,
mais libre à qui veut de le dissimuler.
Il vit encore un étendard tout doré
dominer le trésor, pur chef-d'œuvre,
artistement tressé. L'éclat qui en rayonnait
lui permettait d'examiner le sol,
d'admirer les superbes objets. Il n'y avait du serpent
aucune trace : l'épée l'avait anéanti.
Sous le tertre donc, selon ma version, un homme
pilla le caveau, l'antique ouvrage de Géants,
il emporta les coupes et les plats
qu'il voulut. Il prit aussi l'étendard,
la plus étincelante des enseignes. L'épée
du vieux roi, sa lame de fer avait auparavant mis à mal
celui qui avait pris sous sa garde les objets précieux
pendant longtemps et répandu la terreur par son feu,
en brûlante défense de sa cache, surgissant furieux
au milieu des nuits, jusqu'à ce qu'il mourût, tué.
L'envoyé se hâta de prendre le chemin du retour,
excité par les objets précieux. Une question le torturait :
allait-il, tout exalté qu'il était, retrouver vivant
à l'air libre le suzerain des Wèdres
sans force là où il l'avait laissé ?
Toujours chargé de ses trésors il retrouva l'illustre chef
son seigneur ruisselant de sang,
au terme de sa vie. Il se remit
à l'asperger d'eau jusqu'à ce qu'un début de discours
s'échappât de sa poitrine. Le vieux guerrier
dit avec peine en regardant l'or : {4}"
- Extrait du chapitre 39.
4 : J'ai tronqué l'extrait suivant qui comptait pas moins de 3 hommages au dieu chrétien... J'ai repris le discours de Beowulf au moment le plus propice, par souci de cohérence.
"... "Maintenant que j'ai payé cet amas de trésors
de ma vie qui fut longue, riche d'expérience, c'est à vous
de veiller aux besoins du clan. Je ne saurai demeurer ici.
Dites à l'élite des guerriers de m'édifier un tertre funéraire
dont la flamme succèdera à celle de mon bûcher sur le promontoire.
Il sera un mémorial pour mon clan,
haut dressé sur le Cap-de-la-Baleine,
et les gens de mer lui donneront pour nom
le Tombeau de Beowulf quand venant de loin
ils feront ainsi sortir leurs bateaux de la brume."
Retirant de son cou le torque d'or
l'héroïque suzerain le donna à son vassal,
au jeune manieur-de-lance son casque plaqué d'or,
bracelet et corselet il les donna en pleine propriété.
"Tu es le dernier survivant de notre race
des Waegmundiens. La Destinée a emporté
vers leur sort tous les hommes de mon sang,
preux en pleine vaillance. À leur suite je dois partir."
Tel fut du vieux guerrier le suprême discours
avec ses intimes pensées avant que le bûcher ne l'accueille
et l'attaque des flammes tourbillonnantes. De son cœur partit
son âme rejoindre la gloire des justes."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Voilà que s'achève la lutte épique entre Beowulf et le Dragon.
Comme je l'ai précisé dans le chapitre précédent, la suite vous proposera une version de cet épisode rédigée par mes soins. Le récit restera aussi fidèle que possible au poème (vous n'aurez qu'à comparer les deux) mais je me permettrai quelques libertés pour certains détails du texte.
Avant d'entamer cette nouvelle version, je vous propose les habituelles précisions sur les termes et personnages dans les...
Informations complémentaires :
- Eadgils (ou Adils) était un roi légendaire suédois du VIème siècle.
Dans le récit, il est le frère d'Eanmund. Les deux frères entrent en conflit contre le roi Onela - leur oncle - et ils décident d'aller se réfugier chez le roi Heardred (chez les Gauts). Plus tard, Onela prend les armes contre Heardred et parvient à le vaincre. Beowulf devient alors le chef des Gauts et il prête main-forte à Eadgils dans sa guerre contre son parent. Eadgils finira par trucider Onela, devenant ainsi le nouveau suzerain du peuple suédois.
Selon André Crépin, le nom "Eadgils" est lié aux mots "prospérité" et "otage".
- Wiglaf ("survivant", "vainqueur") est l'un des 12 combattants qui accompagnent Beowulf pour l'aider à venger les ravages provoqués par le Dragon. Il sera également le seul à ne pas fuir face au Lindorm.
- Les Scylfiens sont les membres de la "maison" de Scielf ("sommet"), à savoir les Suédois.
- Aelfhere était le favori du roi Hrothgar. Il sera tué par la mère de Grendel lors de son raid punitif.
- Naegling est l'épée de Beowulf (qui lui fera défaut lors de son affrontement contre le Dragon). André Crépin précise que le mot "naeglian" signifie "clouer".
- Les Waegmundiens - Waeg-mund-ingiens (qu'André Crépin traduit en : "mer-main ou protection", le tout accompagné d'un suffixe d'appartenance) - sont les membres qui constituent l'ethnie dont fait partie Beowulf, Wigstan et son rejeton Wiglaf.
Beowulf face au Dragon (version remaniée par mes soins) :
Cinquante années durant, Beowulf gouverna son royaume avec justesse et droiture. Cependant, cette ère prospère ne pouvait hélas durer éternellement.
Parcourant la lande des hautes terres, une ombre furtive en quête d'un abri, se glissa à l'intérieur d'un tumulus oublié de tous. L'inconnu qui fuyait le châtiment de quelque maître à la poigne trop dure se retrouva bouche bée face au contenu du tombeau : un ensemble rutilant d'or, de joyaux et d'antiques ouvrages, empilés là par le dernier représentant d'une race glorieuse et désormais éteinte.
Tremblant d'excitation, le fuyard s'apprêta à pousser une exclamation de joie mais cette dernière resta au fond de sa gorge, car, en levant les yeux, il comprit qu'il n'était pas seul dans cette tombe. Un gigantesque Dragon aux larges ailes de cuir était étendu de tout son long sur le trésor, assoupi depuis des années sur cette couche improvisée.
Un Lindorm veillant sur son trésor (illustration de Verreauxi Aquilae).
Revenant à la raison, le serviteur fautif approcha la main du premier objet sur la pile - une coupe ouvragée qu'un artisan avait dû fabriquer au sommet de son art - posa doucement la main dessus, le fit glisser lentement vers lui, centimètre par centimètre, le fourra entre les replis de sa tunique, s'extirpa de la demeure du Dragon et une fois loin de l'antre de la bête, se laissa tomber au sol en tremblant de tous ses membres, heureux de ce larcin qui allait lui permettre de regagner les faveurs de son maître.
Cette "heureuse" rapine n'était hélas pas passée inaperçue. Peu après le départ du serviteur, les ronflements du Dragon s'espacèrent de plus en plus et au centre de cette masse d'écailles, un œil à pupille verticale ne tarda pas à éclairer les trésors qu'il protégeait.
Alors que le serviteur regagnait la demeure de son maître pour lui présenter la coupe ouvragée, un terrible rugissement résonna au loin faisant trembler les hommes et les bêtes : le vieux gardien venait de s'éveiller.
Pendant trois-cents hivers, le Lindorm avait veillé jalousement sur ce trésor perdu et voilà qu'un abject voleur venait de lui subtiliser une coupe. Furieux, il huma l'air et inspecta son antre pour découvrir les traces du malandrin qui lui avait dérobé son bien. Il explora plusieurs fois les alentours du tertre et retourna le trésor en quête de sa coupe. Pas de doute, un tire-laine venait de lui subtiliser son bien et il comptait aller le récupérer !
Bouillant de rage au point que des langues de flammes s'échappaient de ses naseaux, le Dragon attendit avec impatience que se couche l'astre solaire. Une fois la nuit venue, il déploya ses larges ailes et prit son envol, bien décidé à s'acharner sur la population locale pour leur faire chèrement payer la profanation de son trésor.
Environné en permanence par les flammes de sa fureur, il ne laissa sur sa route que ruines, cendres, cadavres et désolation.
Les habitants terrorisés se cachaient dans leurs demeures, en priant pour que la mort venue du ciel ne vomisse pas ses flammes fatales sur eux.
Le Dragon, toujours animé par la rage qui couvait en son cœur, brûlait tout ce qui passait à sa portée : de la plus modeste construction au plus somptueux château, rien ne pouvait échapper à son courroux destructeur. Des incendies se propagèrent dans tout le royaume, marquant les hommes et les femmes pour longtemps.
De retour de son expédition punitive, le Lindorm retourna s'installer sur sa couche de pierreries, repu de massacres et sûr que plus jamais un humain n'aurait l'effronterie de venir lui dérober son bien ou le défier... il se trompait lourdement sur ce dernier point.
Splendide représentation d'un Lindorm par Nordiska Väsen.
Devant l'ampleur de la dévastation et l'humiliation que son peuple et lui-même avaient subies, le cœur de Beowulf se serra. Même sa demeure et son trône n'avaient pu échapper aux flammes de la colère aveugle de la bête.
Empli de sombres pensées, le suzerain des Wèdres se prépara pour venger le massacre perpétré contre les siens. Sachant que la créature réduirait en cendres le moindre bouclier de bois, Beowulf se fit forger un lourd bouclier de fer. Méprisant le fait d'amener une armée pour occire la bête qui les avait humiliés, il demanda à douze de ses hommes les plus fidèles de l'accompagner afin de découvrir la cachette du Dragon et l'origine de son courroux.
Peu de temps après, un informateur lui rapporta la fameuse coupe ainsi que l'homme qui avait réveillé par son larcin le Dragon. Beowulf ajouta ce treizième homme au groupe et le força à leur servir d'éclaireur afin de trouver l'antre de la bête.
Contraint et forcé, le serviteur les mena jusqu'à la tombe oubliée : un tertre construit au bord d'une falaise dont les parois étaient lacérées par les vagues furieuses de la mer et dont le sommet a été recouvert au fil des ans par une épaisse couche de terre.
Face à son destin, Beowulf s'adressa une dernière fois à ses hommes, leur expliquant qu'ils devraient l'attendre sur le tertre car il irait seul pour tuer la bête afin de revenir couvert de gloire comme par le passé.
Engoncé dans sa tunique de combat et dressant son bouclier de fer comme pour demander la faveur des dieux, Beowulf salua ses hommes et se dirigea vers la falaise pour lutter contre la mort elle-même.
Le Dragon de feu avait détruit la forteresse du clan,
l'esplanade jusqu'à la mer, le talus défensif,
tout réduit en cendres. Le roi guerrier,
suzerain des Wèdres, prépara sa vengeance.
Le protecteur des combattants, seigneur des preux,
se fit fabriquer tout en fer
un bouclier spécial, sachant fort bien
qu'un bouclier de bois ne lui serait d'aucune aide,
bois de tilleul contre flamme. Mais il était dit que les jours
du très noble prince toucheraient à leur fin,
sa vie à son terme ainsi que ceux du serpent
qui pourtant avait longtemps régné sur le trésor.
Le prince aux riches récompenses dédaigna
pour affronter l'adversaire aérien de prendre une troupe,
une armée nombreuse, la rencontre ne l'effrayait pas,
pas plus que la combativité du serpent ne l'impressionnait,
si audacieuse fût-elle car il avait par le passé,
au cours d'aventures risquées, surmonté maints périls,
gagné maintes batailles après avoir purifié,
par une heureuse victoire, le palais de Hrothgar
et dans un duel à mort écrasé la parentèle de Grendel,
race maudite..."
- Extrait du chapitre 34.
"... Venger la défaite de son clan fut par la suite
sa préoccupation. Il accorda son alliance
à Eadgils qui manquait de tout : il soutint la cause
du fils d'Ohthere au-delà de la vaste mer
en envoyant hommes et armes. Il exerça ensuite sa vengeance
à coups d'expéditions cruelles, au roi il arracha la vie.
Ainsi le fils d'Ecgtheow avait surmonté
tous les obstacles, tous les heurts,
tous les exploits héroïques jusqu'au jour unique entre tous
où il dut se battre avec le Dragon.
Le seigneur des Gauts partit donc plein de courroux,
formant un groupe de douze hommes, découvrir le Dragon.
Il s'était informé sur l'origine des hostilités,
de la guerre contre les hommes. Il avait reçu, posée sur ses genoux,
la fameuse coupe précieuse apportée par son informateur.
Le groupe s'augmenta de ce treizième homme ;
il avait déclenché la bataille ;
triste captif, il se vit contraint
de faire le guide. À contre-cœur il avança
jusqu'à l'endroit où il savait trouver la salle en question,
le tombeau couvert de terre jouxtant la mer tumultueuse,
les vagues déchaînées. L'intérieur regorgeait
d'objets précieux et ouvragés. Un effroyable gardien,
prêt à l'attaque, gardait l'or du trésor,
tapi sous la terre et les ans - ce n'était là
bonne affaire pour personne..."
- Extrait du chapitre 35.
"... Mais à présent c'est le fil de l'épée,
mon bras et son glaive bien trempé que réclame le combat pour le trésor."
Ainsi parlait Beowulf, s'engageant solennellement
pour la dernière fois. - "J'ai souvent exposé ma vie
en combattant dans ma jeunesse, une fois de plus,
devenu un vieil et sage souverain, je veux me battre,
travailler à ma gloire, à condition que je voie le fauve
s'extraire de son repaire souterrain."
Il salua ensuite chacun de ses hommes,
hardis guerriers casqués, ses chers compagnons,
pour une dernière fois. "Je ne porterais pas d'épée,
j'affronterais sans armes le serpent si je savais comment
attaquer autrement la terrible bête,
l'étreindre pour la gloire comme jadis avec Grendel
mais aujourd'hui c'est flamme brûlante qui m'attend,
souffle empoisonné, et je m'abrite
sous bouclier et cotte de mailles. Je ne veux, face au maître du tertre,
reculer l'espace d'un pied. Nous deux trouverons
ici contre sa muraille le sort que nous réserve la Destinée,
la Providence qui gouverne tout homme. Je suis si impatient
que j'omets, face à l'adversaire aérien, les défis d'usage.
Quant à vous, attendez sur le tertre vêtus de vos cottes de mailles,
sans quitter vos armures, pour savoir lequel sera plus apte,
après l'assaut mortel, à survivre à sa blessure,
lequel de nous deux. Ce duel n'est pas votre affaire,
personne, si ce n'est moi seul, ne pourrait
opposer ses forces à celles de la terrifiante bête,
prouver son excellence. Il est dit que par ma prouesse
je conquerrai son or ou que le combat m'emportera,
que la mort hideuse emportera votre souverain."
Beowulf se leva, bouclier à son côté, indomptable,
impavide sous son heaume, il alla, revêtu de sa tunique de combattant
jusqu'au pied de la falaise. Il avait foi en sa force,
en sa force seule - telle n'est pas l'attitude du couard !
Le même qui avait triomphé de maints obstacles
grâce à ses nobles vertus, en maints combats,
maintes mêlées lorsque se heurtent les lignes de fantassins,
aperçut une arche de pierre, un torrent s'en échapper,
jaillissant du tertre. Ses eaux fougueuses
bouillaient hérissées de flammes : il n'aurait pu rester
sans brûlures près de la caverne, même un moment,
ni pénétrer à cause du feu du Dragon.
Alors, plein de courroux, le chef des Gauts-Wèdres
tira de sa poitrine un puissant appel,
furieux il rugit. Son cri pénétra,
clair message de guerre, sous les pierres chenues.
La haine s'éveilla, le maître du caveau reconnut
la voix humaine. Il n'était plus temps
de négocier une paix. Surgit d'abord le souffle
de l'horrible bête d'entre les pierres,
agressive et brûlante sueur. Le sol gronda.
Le seigneur des Gauts arrivé sous le tertre
brandit son bouclier contre le terrible arrivant,
la réaction instinctive de la bête au corps sinueux
fut d'attaquer aussitôt. Le roi guerrier
tira son épée, vénérable héritage,
aux tranchants affilés. Chacun des deux
adversaires implacables à l'effroi répondait par l'effroi.
Le prince sans faiblir se raidit
contre son bouclier dressé, tandis que le serpent se lovait
rapide et compact. Il attendit, sans quitter ses armes.
Toute en feu la bête s'avança en déroulant ses anneaux,
décidée à en finir. Le bouclier protégea
la vie et le corps de l'illustre chef
moins longtemps qu'il ne l'eût souhaité.
Il dut alors, pour la première fois de sa vie,
faire face sans que la Destinée lui ait assigné
la gloire de la victoire. Il fit le moulinet avec son épée,
le seigneur des Gauts frappa la bête aux couleurs terribles
de son arme fameuse mais le tranchant glissa,
l'acier bruni glissa sur l'os, mordant moins fort
qu'il ne fallait pour sauver le puissant roi
du grave danger. Le maître du tertre,
du coup, fut pris de furie,
cracha des flammes de mort qui au loin jaillirent
en éclairs meurtriers. Le généreux protecteur des Gauts
n'aurait pas à se vanter de la victoire. Son épée faillit
au pire moment manquant à son devoir,
arme pourtant d'antique noblesse. Ce ne fut pas plaisante aventure :
l'illustre héros, le fils d'Ecgtheow,
quitterait la plaine de ce monde,
devrait malgré lui prendre demeure
ailleurs - ainsi doit tout homme
quitter cette vie éphémère. En un rien de temps
les deux terribles adversaires s'affrontèrent à nouveau.
Le gardien du trésor reprit courage, il gonfla son poitrail
une nouvelle fois : douloureusement oppressé,
entouré de flammes se retrouva celui qui avait gouverné tout un peuple.
On ne vit point accourir ses proches camarades,
ni les fils de princes l'entourer
vaillamment : ils avaient filé vers un bois
pour y abriter leur vie. Un seul d'entre eux
avait du chagrin. Jamais les liens du sang
ne sauraient mentir chez qui pense noblement."
- Extrait du chapitre 36.
Beowulf face au Dragon (création d'Andreas Mayer).
"Il s'appelait Wiglaf, fils de Wigstan,
guerrier apprécié, chef chez les Scylfiens,
apparenté à Aelfhere. Il voyait son suzerain
étouffer dans la fournaise sous son masque de guerre.
Il se rappela les faveurs qu'il lui avait prodiguées :
le riche domaine des Waegmundiens,
les droits sur les hommes, tels que son père les avait eus.
Il ne put se contenir, il saisit son bouclier
de tilleul ocre, dégaina l'antique épée
qui était en ce monde l'héritage d'Eanmund
fils d'Othere. Il avait trouvé la mort au combat,
exilé sans protecteur, tué par Wigstan
à coups d'épée..."
- Extrait du chapitre 37.
"... C'était la première expédition du jeune guerrier où il devait se lancer
dans la bataille aux côtés de son seigneur.
Le cœur ne lui faillit point, l'épée héritée de son père
ne le trahit pas au combat. Le serpent s'en rendit compte
quand l'un et l'autre s'affrontèrent.
Wiglaf prit la parole, adressant de justes reproches
à ses camarades, exprimant sa douleur :
"Je me souviens du temps où, prenant notre part d'hydromel
nous nous engagions envers notre suzerain
en pleine salle du festin, envers notre bienfaiteur,
à payer de retour les armes qu'il nous donnait,
heaumes, roides épées, s'il lui arrivait
d'avoir besoin de nous. Il nous a choisis de son propre chef
parmi ses guerriers pour cette mission
croyant à notre désir de gloire, et il m'a donné ces trésors
parce qu'il nous estimait de nobles manieurs de lance,
de courageux porteurs de heaume, bien que notre suzerain
fût décidé à réaliser seul
cet exploit héroïque en vrai pasteur de son peuple,
puisqu'il avait accompli plus d'exploits que personne,
déployé plus d'audace. Voici venu le jour
où notre suzerain requiert le renfort
de nobles combattants. Allons au secours
de notre chef pris dans la fournaise,
dans l'effroyable feu..."
- Extrait du chapitre 37.
"... Il ne me paraît pas honorable de porter bouclier
en revenant chez nous si nous n'avons pu
abattre l'ennemi, sauver la vie
du souverain des Wèdres. Je suis convaincu
que sa valeur passée ne signifie pas qu'il doive seul
d'entre les vétérans des Gauts souffrir
et tomber en combattant. Nos armes - le casque et l'épée,
cotte de mailles et corselet - doivent être aussi les siennes."
Il s'enfonça dans la fumée mortelle, casque sur la tête,
secourir son suzerain. Il dit ces quelques mots :
"Vénéré Beowulf, mène tout à bonne fin
comme tu le proclamas jadis au temps de ta jeunesse :
ne jamais laisser tant qu'on est vivant
se perdre sa gloire. Il te faut à présent avec courage,
en prince résolu, de toute ta force
défendre ta vie. Je t'y aiderai."
Sur ce le serpent surgit en fureur,
l'horrible monstre lança un nouvel assaut
dans un tourbillon de flammes pour atteindre ses ennemis,
de ces humains qu'il haïssait. Le feu déferla,
consuma le bouclier jusqu'au centre, et la cotte de mailles
ne fut d'aucune aide au jeune guerrier ;
le jeune homme alla s'abriter sous le bouclier de son aîné
sans perdre courage, le sien étant
par les flammes réduit en cendres. Alors le roi guerrier,
songeant à sa glorieuse carrière, asséna de toute sa force
un coup de son épée, qui se ficha dans le crâne
sous la violence de la frappe. Naegling se brisa net,
l'épée de Beowulf faillit en plein combat,
vieille épée aux reflets gris. Il ne lui était pas donné
de pouvoir compter sur le tranchant des épées
pour l'aider au combat. Son bras avait trop de force,
il imposait à tous les glaives, à ce qu'on m'a dit,
un moulinet trop vif quand il employait dans la bataille
son arme bien trempée. Il n'en tirait guère profit.
Alors le fléau de son peuple, pour la troisième fois,
l'affreux Dragon de feu, songeant à la revanche,
se précipita sur le héros dès qu'il put,
implacable masse de feu, il lui enserra tout le cou
de ses crocs acérés. L'homme fut recouvert de sang,
de son propre sang qui jaillissait en bouillonnant."
- Extrait du chapitre 37.
"Dans le péril extrême du roi, d'après ma version,
le preux à ses côtés fit preuve d'héroïsme,
d'audace et d'intelligence, ses qualités naturelles.
Il ne visa pas la tête du Dragon et, dans sa bravoure, il eut
le bras brûlé, voulant aider son proche parent
en frappant la bête cruelle un peu plus bas {2},
guerrier tout armé, si bien que l'épée s'enfonça,
rouge et or, et que le feu commença
à faiblir. Alors le roi se ressaisit
et recouvra ses sens, il brandit le coutelas
tranchant et acéré qu'il portait à la ceinture,
le casque et panache des Wèdres perça le serpent en son milieu.
L'ennemi s'écroula, tué par l'héroïsme des deux hommes,
à eux deux ils l'avaient réduit à néant,
deux princes unis par le sang. Tel devrait être
le vassal en cas de nécessité. - Ce fut pour son suzerain
la dernière victoire qu'il remporta,
son dernier succès en ce monde. Sa blessure
infligée par le Dragon souterrain
se mit à brûler, se boursoufler. Il comprit aussitôt
qu'un mal mortel bouillonnait dans sa poitrine,
du poison dans ses entrailles. Le prince alla
près de la muraille s'asseoir sur un siège
et méditer. Il contemplait cet ouvrage de Géants,
comment des arcs de pierre, solidement posés sur des piliers,
étaient contenus depuis l'éternité à l'intérieur de la salle souterraine.
Son vassal lava de sa main le sang des blessures,
vassal aux mérites immenses soignant son illustre suzerain ;
il baigna d'eau son bienveillant seigneur
las d'avoir lutté et lui détacha le casque.
Beowulf prit la parole, malgré sa blessure il parla,
malgré sa plaie mortelle. Il avait claire conscience
qu'il avait achevé le cours de sa vie,
la jouissance de cette terre, qu'était tout épuisé
le compte de ses jours, la mort infiniment proche.
"C'est maintenant que j'aurai voulu donner à un fils {3}
mon équipement de guerre si le destin m'avait accordé
d'avoir, pour me succéder, un héritier
né de ma chair. J'ai régné sur mes peuples
cinquante années durant. Il ne s'est trouvé aucun roi important,
aucun de ceux qui trônent alentour,
qui ait osé m'affronter l'épée à la main,
ou par la menace. J'ai, à l'intérieur, paré
aux évènements, géré mon bien avec droiture,
je n'ai pas cherché de vaines querelles, je n'ai guère prêté
de serments trompeurs..."
- Extrait du chapitre 38.
2 : L'auteur précise que dans le texte, le cuir du Dragon est moins épais au niveau du ventre, raison pour laquelle Wiglaf parvient à percer aisément le flanc du Lindorm, contrairement à Beowulf dont la lame ricoche sur sa tête.
3 : Toujours selon l'auteur, mourir sans avoir eu de descendance est l'une des pires choses qui puissent arriver dans une société clanique (fondée sur le clan).
Un groupe de Nordiques victorieux face à un Lindorm (notez le guerrier écrabouillé sous le Dragon). Illustration réalisée par Rhineville.
"À présent va vite
contempler le trésor sous la pierre chenue,
bien-aimé Wiglaf, maintenant que gît le Dragon,
qu'il dort, blessé, du sommeil de la mort, dépouillé de son trésor.
Hâte-toi à présent, que je voie les antiques richesses,
l'or amassé, que j'admire pleinement
les gemmes éblouissantes et leur travail : je pourrai alors plus facilement,
après avoir vu ces précieuses richesses, quitter ce qui fut à moi,
la vie et le pouvoir, dont j'ai longtemps disposé."
- Extrait du chapitre 38.
"Après ce discours le fils de Wigstan, selon ma version,
s'empressa d'obéir à son seigneur blessé,
épuisé par son combat, il alla, vêtu de sa cotte de mailles,
tunique de combat, sous le toit du tertre.
Le jeune vainqueur, le courageux vassal
longea le siège et vit étinceler de brillants objets,
de l'or jonchant le sol,
des merveilles au mur ; il vit le repaire du serpent,
de l'antique bête au vol crépusculaire, des vases debout,
coupes de générations disparues que plus personne ne faisait reluire,
privées de leur beauté. Il y avait là de nombreux casques,
vieux et rouillés, une foule de bracelets
aux torsades ingénieuses. Un trésor, de l'or enterré
peut facilement subjuguer tout être humain,
mais libre à qui veut de le dissimuler.
Il vit encore un étendard tout doré
dominer le trésor, pur chef-d'œuvre,
artistement tressé. L'éclat qui en rayonnait
lui permettait d'examiner le sol,
d'admirer les superbes objets. Il n'y avait du serpent
aucune trace : l'épée l'avait anéanti.
Sous le tertre donc, selon ma version, un homme
pilla le caveau, l'antique ouvrage de Géants,
il emporta les coupes et les plats
qu'il voulut. Il prit aussi l'étendard,
la plus étincelante des enseignes. L'épée
du vieux roi, sa lame de fer avait auparavant mis à mal
celui qui avait pris sous sa garde les objets précieux
pendant longtemps et répandu la terreur par son feu,
en brûlante défense de sa cache, surgissant furieux
au milieu des nuits, jusqu'à ce qu'il mourût, tué.
L'envoyé se hâta de prendre le chemin du retour,
excité par les objets précieux. Une question le torturait :
allait-il, tout exalté qu'il était, retrouver vivant
à l'air libre le suzerain des Wèdres
sans force là où il l'avait laissé ?
Toujours chargé de ses trésors il retrouva l'illustre chef
son seigneur ruisselant de sang,
au terme de sa vie. Il se remit
à l'asperger d'eau jusqu'à ce qu'un début de discours
s'échappât de sa poitrine. Le vieux guerrier
dit avec peine en regardant l'or : {4}"
- Extrait du chapitre 39.
4 : J'ai tronqué l'extrait suivant qui comptait pas moins de 3 hommages au dieu chrétien... J'ai repris le discours de Beowulf au moment le plus propice, par souci de cohérence.
"... "Maintenant que j'ai payé cet amas de trésors
de ma vie qui fut longue, riche d'expérience, c'est à vous
de veiller aux besoins du clan. Je ne saurai demeurer ici.
Dites à l'élite des guerriers de m'édifier un tertre funéraire
dont la flamme succèdera à celle de mon bûcher sur le promontoire.
Il sera un mémorial pour mon clan,
haut dressé sur le Cap-de-la-Baleine,
et les gens de mer lui donneront pour nom
le Tombeau de Beowulf quand venant de loin
ils feront ainsi sortir leurs bateaux de la brume."
Retirant de son cou le torque d'or
l'héroïque suzerain le donna à son vassal,
au jeune manieur-de-lance son casque plaqué d'or,
bracelet et corselet il les donna en pleine propriété.
"Tu es le dernier survivant de notre race
des Waegmundiens. La Destinée a emporté
vers leur sort tous les hommes de mon sang,
preux en pleine vaillance. À leur suite je dois partir."
Tel fut du vieux guerrier le suprême discours
avec ses intimes pensées avant que le bûcher ne l'accueille
et l'attaque des flammes tourbillonnantes. De son cœur partit
son âme rejoindre la gloire des justes."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Voilà que s'achève la lutte épique entre Beowulf et le Dragon.
Comme je l'ai précisé dans le chapitre précédent, la suite vous proposera une version de cet épisode rédigée par mes soins. Le récit restera aussi fidèle que possible au poème (vous n'aurez qu'à comparer les deux) mais je me permettrai quelques libertés pour certains détails du texte.
Avant d'entamer cette nouvelle version, je vous propose les habituelles précisions sur les termes et personnages dans les...
Informations complémentaires :
- Eadgils (ou Adils) était un roi légendaire suédois du VIème siècle.
Dans le récit, il est le frère d'Eanmund. Les deux frères entrent en conflit contre le roi Onela - leur oncle - et ils décident d'aller se réfugier chez le roi Heardred (chez les Gauts). Plus tard, Onela prend les armes contre Heardred et parvient à le vaincre. Beowulf devient alors le chef des Gauts et il prête main-forte à Eadgils dans sa guerre contre son parent. Eadgils finira par trucider Onela, devenant ainsi le nouveau suzerain du peuple suédois.
Selon André Crépin, le nom "Eadgils" est lié aux mots "prospérité" et "otage".
- Wiglaf ("survivant", "vainqueur") est l'un des 12 combattants qui accompagnent Beowulf pour l'aider à venger les ravages provoqués par le Dragon. Il sera également le seul à ne pas fuir face au Lindorm.
- Les Scylfiens sont les membres de la "maison" de Scielf ("sommet"), à savoir les Suédois.
- Aelfhere était le favori du roi Hrothgar. Il sera tué par la mère de Grendel lors de son raid punitif.
- Naegling est l'épée de Beowulf (qui lui fera défaut lors de son affrontement contre le Dragon). André Crépin précise que le mot "naeglian" signifie "clouer".
- Les Waegmundiens - Waeg-mund-ingiens (qu'André Crépin traduit en : "mer-main ou protection", le tout accompagné d'un suffixe d'appartenance) - sont les membres qui constituent l'ethnie dont fait partie Beowulf, Wigstan et son rejeton Wiglaf.
Beowulf face au Dragon (version remaniée par mes soins) :
Cinquante années durant, Beowulf gouverna son royaume avec justesse et droiture. Cependant, cette ère prospère ne pouvait hélas durer éternellement.
Parcourant la lande des hautes terres, une ombre furtive en quête d'un abri, se glissa à l'intérieur d'un tumulus oublié de tous. L'inconnu qui fuyait le châtiment de quelque maître à la poigne trop dure se retrouva bouche bée face au contenu du tombeau : un ensemble rutilant d'or, de joyaux et d'antiques ouvrages, empilés là par le dernier représentant d'une race glorieuse et désormais éteinte.
Tremblant d'excitation, le fuyard s'apprêta à pousser une exclamation de joie mais cette dernière resta au fond de sa gorge, car, en levant les yeux, il comprit qu'il n'était pas seul dans cette tombe. Un gigantesque Dragon aux larges ailes de cuir était étendu de tout son long sur le trésor, assoupi depuis des années sur cette couche improvisée.
Un Lindorm veillant sur son trésor (illustration de Verreauxi Aquilae).
Revenant à la raison, le serviteur fautif approcha la main du premier objet sur la pile - une coupe ouvragée qu'un artisan avait dû fabriquer au sommet de son art - posa doucement la main dessus, le fit glisser lentement vers lui, centimètre par centimètre, le fourra entre les replis de sa tunique, s'extirpa de la demeure du Dragon et une fois loin de l'antre de la bête, se laissa tomber au sol en tremblant de tous ses membres, heureux de ce larcin qui allait lui permettre de regagner les faveurs de son maître.
Cette "heureuse" rapine n'était hélas pas passée inaperçue. Peu après le départ du serviteur, les ronflements du Dragon s'espacèrent de plus en plus et au centre de cette masse d'écailles, un œil à pupille verticale ne tarda pas à éclairer les trésors qu'il protégeait.
Alors que le serviteur regagnait la demeure de son maître pour lui présenter la coupe ouvragée, un terrible rugissement résonna au loin faisant trembler les hommes et les bêtes : le vieux gardien venait de s'éveiller.
Pendant trois-cents hivers, le Lindorm avait veillé jalousement sur ce trésor perdu et voilà qu'un abject voleur venait de lui subtiliser une coupe. Furieux, il huma l'air et inspecta son antre pour découvrir les traces du malandrin qui lui avait dérobé son bien. Il explora plusieurs fois les alentours du tertre et retourna le trésor en quête de sa coupe. Pas de doute, un tire-laine venait de lui subtiliser son bien et il comptait aller le récupérer !
Bouillant de rage au point que des langues de flammes s'échappaient de ses naseaux, le Dragon attendit avec impatience que se couche l'astre solaire. Une fois la nuit venue, il déploya ses larges ailes et prit son envol, bien décidé à s'acharner sur la population locale pour leur faire chèrement payer la profanation de son trésor.
Environné en permanence par les flammes de sa fureur, il ne laissa sur sa route que ruines, cendres, cadavres et désolation.
Les habitants terrorisés se cachaient dans leurs demeures, en priant pour que la mort venue du ciel ne vomisse pas ses flammes fatales sur eux.
Le Dragon, toujours animé par la rage qui couvait en son cœur, brûlait tout ce qui passait à sa portée : de la plus modeste construction au plus somptueux château, rien ne pouvait échapper à son courroux destructeur. Des incendies se propagèrent dans tout le royaume, marquant les hommes et les femmes pour longtemps.
De retour de son expédition punitive, le Lindorm retourna s'installer sur sa couche de pierreries, repu de massacres et sûr que plus jamais un humain n'aurait l'effronterie de venir lui dérober son bien ou le défier... il se trompait lourdement sur ce dernier point.
Splendide représentation d'un Lindorm par Nordiska Väsen.
Devant l'ampleur de la dévastation et l'humiliation que son peuple et lui-même avaient subies, le cœur de Beowulf se serra. Même sa demeure et son trône n'avaient pu échapper aux flammes de la colère aveugle de la bête.
Empli de sombres pensées, le suzerain des Wèdres se prépara pour venger le massacre perpétré contre les siens. Sachant que la créature réduirait en cendres le moindre bouclier de bois, Beowulf se fit forger un lourd bouclier de fer. Méprisant le fait d'amener une armée pour occire la bête qui les avait humiliés, il demanda à douze de ses hommes les plus fidèles de l'accompagner afin de découvrir la cachette du Dragon et l'origine de son courroux.
Peu de temps après, un informateur lui rapporta la fameuse coupe ainsi que l'homme qui avait réveillé par son larcin le Dragon. Beowulf ajouta ce treizième homme au groupe et le força à leur servir d'éclaireur afin de trouver l'antre de la bête.
Contraint et forcé, le serviteur les mena jusqu'à la tombe oubliée : un tertre construit au bord d'une falaise dont les parois étaient lacérées par les vagues furieuses de la mer et dont le sommet a été recouvert au fil des ans par une épaisse couche de terre.
Face à son destin, Beowulf s'adressa une dernière fois à ses hommes, leur expliquant qu'ils devraient l'attendre sur le tertre car il irait seul pour tuer la bête afin de revenir couvert de gloire comme par le passé.
Engoncé dans sa tunique de combat et dressant son bouclier de fer comme pour demander la faveur des dieux, Beowulf salua ses hommes et se dirigea vers la falaise pour lutter contre la mort elle-même.
À
proximité d'une arche de pierre, il aperçut l'ouverture du tertre d'où
s'échappait une cascade qui déversait ses eaux tumultueuses en
contrebas. Beowulf remarqua que l'élément liquide était parcouru
de langues de flammes qui faisaient littéralement bouillir les flots et
il jura entre ses dents face à ce piège tendu par son adversaire : il
lui serait impossible d'approcher de la caverne sans risquer de
terribles brûlures.
Furieux face à cette nouvelle traîtrise, le chef des Gauts hurla au Dragon un défi puissant et impérieux. Entendant cet appel au combat, le Dragon se rua hors de la caverne non sans oublier de vomir un torrent de flammes.
Stoïque face à son terrible adversaire, Beowulf brandit son bouclier pour contrer la mort brûlante, dégaina sa fière épée Naegling - "vénérable héritage aux tranchants effilés" - et se campa devant le Dragon.
Croquis de Ryan Grant représentant le Dragon de Beowulf.
Les deux combattants jaugèrent leurs forces, chacun cherchant à trouver la faiblesse de l'autre. Beowulf
dressa son bouclier tandis que la bête se lovait sur elle-même pour
préparer une charge implacable qui mettrait rapidement fin au combat.
Tout
à coup, sans crier gare, l'antique créature se détendit comme un
ressort pour percuter le héros qui échappa à coup de cette muraille
d'écailles grâce à son bouclier qui amortit le choc. Passé le premier
choc, Beowulf fit danser son épée et frappa de toutes ses forces sur le crâne de la bête. Par malheur, la lame glissa sur l'os et le Dragon, rendu furieux par cette estafilade, rugit et cracha une puissante salve de flammes qui pouvaient être vues au loin.
Trahi à nouveau par son épée au pire moment, le courage du guerrier vacilla tandis que le gardien du tertre gagnait en confiance. Le Dragon gonfla son poitrail et lança une nouvelle vague de feu qui encercla Beowulf.
Seul face à son inéluctable destin, le suzerain des Gauts semblait en mauvaise posture et aucun de ses preux n'était encore venu lui prêter main-forte. Effrayés par la puissance destructrice du Dragon, ces derniers avaient filé ventre à terre s'abriter dans le bois le plus proche.
Seul l'un d'entre eux avait hésité, inquiet quant au sort de son parent. Il se nommait Wiglaf, fils de Wigstan, guerrier fameux du peuple des Scylfiens.
Voyant
son seigneur suffoquer lentement dans la fournaise, il se rappela tout
les bienfaits que ce chef généreux lui avait conférés. Ne pouvant se
contenir plus longtemps, il empoigna son bouclier de tilleul, dégaina
l'antique épée de son père et se lança au secours de Beowulf.
Pour la première fois aux côtés de son seigneur dans la bataille, Wiglaf tint son épée d'une main assurée et fit face au Dragon
qui, après un court moment d'hésitation, lança un nouvel assaut qui
prit la forme d'un tourbillon ardent. Les flammes dévorèrent en un
instant le bouclier de bois de Wiglaf.
Après s'être assuré que Wiglaf se soit abrité sous son lourd rempart de fer, Beowulf
galvanisé par la fougue du jeune homme reprit courage et asséna de
toutes ses forces un violent coup d'épée en plein sur le crâne de la
bête.
Sous le choc, la fidèle Naegling se brisa net, sa vaillante épée n'avait pu supporter la puissance de son maître et l'avait trahi une nouvelle fois.
Ulcéré par cette nouvelle blessure, le Dragon, de rage, se précipita sur son agresseur et le saisit à la gorge entre ses mâchoires dignes d'un étau tout en lui perforant le cou de ses dents acérées. Avec horreur, Beowulf vit impuissant son sang couler abondamment et inonder sa tunique.
Devant l'urgence de la situation, Wiglaf
s'élança contre la bête et la frappa au ventre. Il récolta une brûlure
au bras mais la lame rougie au feu s'enfonça sans peine dans l'abdomen
de la créature.
Gravement blessé, le Dragon relâcha son étreinte et Beowulf en profita pour brandir le coutelas qu'il portait à la ceinture et acheva la bête en lui perçant la gorge.
Vaincu par les deux guerriers, le Dragon s'écroula, poussa un dernier râle gargouillant et expira dans un dernier jet de flammes.
Victorieux, Beowulf se rendit compte que cette bataille serait pour lui la dernière. La blessure que le Dragon
lui avait infligée le brûlait et sa peau meurtrie commençait à se
boursoufler, signe qu'un abject poison était en train de le ronger de
l'intérieur.
Exténué, le roi des Gauts s'effondra dans un coin contemplant la majestueuse arche de pierre qui menait au tombeau du roi oublié. Pendant ce temps, Wiglaf alla chercher de l'eau pour nettoyer la blessure de son seigneur et s'empressa de lui ôter son lourd casque. Beowulf était affaibli par le poison mais ses pensées restaient claires. Il confia à son parent qu'il était arrivé au bout de la route et qu'il déplorait le fait de n'avoir pu concevoir un fils afin de lui transmettre ses armes et son titre. Dans un effort pour parler, il demanda une dernière requête à Wiglaf : aller quérir les merveilles oubliées qui gisaient dans l'antre du Dragon afin qu'il puisse les contempler avant de rejoindre ses ancêtres.
Exténué, le roi des Gauts s'effondra dans un coin contemplant la majestueuse arche de pierre qui menait au tombeau du roi oublié. Pendant ce temps, Wiglaf alla chercher de l'eau pour nettoyer la blessure de son seigneur et s'empressa de lui ôter son lourd casque. Beowulf était affaibli par le poison mais ses pensées restaient claires. Il confia à son parent qu'il était arrivé au bout de la route et qu'il déplorait le fait de n'avoir pu concevoir un fils afin de lui transmettre ses armes et son titre. Dans un effort pour parler, il demanda une dernière requête à Wiglaf : aller quérir les merveilles oubliées qui gisaient dans l'antre du Dragon afin qu'il puisse les contempler avant de rejoindre ses ancêtres.
Splendide représentation d'un Witheworm (illustration de Paul Bonner pouvant être trouvée dans le premier tome de "L'Univers des Dragons").
Entendant ces paroles, le fils de Wigstan se hâta d'honorer sa promesse. En entrant dans le tertre des Géants,
il tomba rapidement sur des splendeurs qui le laissèrent sans voix : de
l'or jonchait le sol, des vases et coupes aux délicates ciselures mais à
l'éclat terni étaient posées contre les murs, des armes et armures
antiques et rouillées encombraient la salle, ... et bien d'autres
merveilles d'un autre âge.
Ne sachant par où commencer, Wiglaf remarqua en haut de la pile un étendard doré artistement tissé, qui semblait luire d'un éclat capable de repousser les ténèbres dans les recoins de la pièce. Aidé par cette lanterne de gloire, il fouilla le trésor, sélectionna quelques coupes et plats dorés, dénicha la majestueuse épée de fer qui appartenait au roi déchu et prit en partant l'étendard de son royaume aujourd'hui oublié.
Sur le chemin du retour, Wiglaf hâta sa course, de peur que son seigneur ne succombe avant d'avoir pu poser les yeux sur les merveilles qu'il avait extirpées de la terre.
Après avoir déchargé son précieux fardeau, il aspergea à nouveau d'eau son suzerain, nettoya le sang qui maculait sa tenue et lui présenta les trouvailles qu'il venait d'aller quérir.
Longuement, Beowulf contempla le trésor qui avait causé tant de morts. Il soupira et demanda à Wiglaf qu'après son bûcher funéraire, soit construit un tertre, sur le Cap-de-la-baleine, aussi splendide que celui de ce roi désormais oublié et que l'on nommerait le "Tombeau de Beowulf".
Ne sachant par où commencer, Wiglaf remarqua en haut de la pile un étendard doré artistement tissé, qui semblait luire d'un éclat capable de repousser les ténèbres dans les recoins de la pièce. Aidé par cette lanterne de gloire, il fouilla le trésor, sélectionna quelques coupes et plats dorés, dénicha la majestueuse épée de fer qui appartenait au roi déchu et prit en partant l'étendard de son royaume aujourd'hui oublié.
Sur le chemin du retour, Wiglaf hâta sa course, de peur que son seigneur ne succombe avant d'avoir pu poser les yeux sur les merveilles qu'il avait extirpées de la terre.
Après avoir déchargé son précieux fardeau, il aspergea à nouveau d'eau son suzerain, nettoya le sang qui maculait sa tenue et lui présenta les trouvailles qu'il venait d'aller quérir.
Longuement, Beowulf contempla le trésor qui avait causé tant de morts. Il soupira et demanda à Wiglaf qu'après son bûcher funéraire, soit construit un tertre, sur le Cap-de-la-baleine, aussi splendide que celui de ce roi désormais oublié et que l'on nommerait le "Tombeau de Beowulf".
Ôtant le torque d'or qui ornait son cou, le brave Beowulf l'offrit à son vassal, faisant de lui le nouveau seigneur des Gauts, celui qui, désormais, guiderait ce fier peuple de guerriers.
Ayant accompli un dernier exploit, le roi Beowulf
poussa son dernier soupir. Son corps fut bientôt livré aux flammes
purificatrices et son âme alla rejoindre les siens, pour accomplir de
nouveaux exploits.
Un dénouement tragique pour le héros comme pour le Dragon mais cette finalité va également permettre le début d'une nouvelle ère.
Au passage, si vous n'êtes pas familier avec certains des noms des personnages ou certaines données, allez consulter les "Informations complémentaires" du chapitre précédent ou les notes complémentaires que j'ai insérées dans les extraits du poème anglo-saxon.
J'ai également omis de citer dans ma version que Wiglaf retrouve (pendant ou après l'affrontement, ce détail change suivant les auteurs) les hommes qui ont fui et leur reproche durement leur lâcheté et que l'or que gardait le Dragon sera enseveli dans le "Tombeau de Beowulf".
Pour
la suite, je vous propose dans le chapitre qui va suivre, d'analyser,
afin de mieux le comprendre, ce que représente le combat de Beowulf et du Dragon.
Les symboliques de Beowulf :
"La terreur originelle qui hante la poussière, le hideux Worm qui embrase la nuit lorsqu'il prend son vol à la recherche de tumuli funéraires, et qui sème l'épouvante sur son passage, qui découvre les trésors enfouis et qui monte la garde devant l'or païen oublié dans les mémoires des hommes."
- Jean-Paul Ronecker, "Le Dragon".
Selon Jean-Paul Ronecker, le Dragon est un être immortel. Si dans l'on voit cette créature périr dans les mythes et les légendes, c'est pour mieux la voir renaître sous une forme.
Ronecker précise également dans ses écrits que Grendel est, d'une certaine manière, lié au Dragon (je ne suis pas convaincu par ce dernier point mais je vous en laisse seul juge). Vaincu par Beowulf, il reviendra pour réclamer vengeance 50 années plus tard.
Après l'affrontement épique qui a opposé Beowulf et Wiglaf au Lindorm, la bête est terrassée par les deux parents mais Beowulf finit blessé et empoisonné. Le passage suivant vous dépeindra plus concrètement l'émotion qui transparait dans le récit :
"Worm le Sinueux plus jamais ne montera la garde devant les trésors enfouis sous la terre. L'acier froid et tranchant l'a transpercé. Celui-Qui-Vole-Loin est tombé à terre, mortellement blessé, près d'un monceau de richesses. Jamais plus il ne prendra son vol, à l'aube, pour s'emparer de l'or des anciens guerriers ; la main du roi l'a terrassé."
- Jean-Paul Ronecker, "Le Dragon".
Ronecker nous explique que l'auteur du poème ne s'apitoie pas uniquement sur la mort de Beowulf mais également sur celle du Dragon qui symbolise les temps anciens qui ne reviendront pas - certains auteurs vont jusqu'à penser que le Dragon est la réincarnation du roi enterré dans le tertre afin qu'il puisse continuer à veiller sur son trésor.
Autres croquis de Ryan Grant pour le Dragon de Beowulf.
C'est donc avec une certaine tristesse - rehaussée d'une pointe de nostalgie - que l'on voit se conclure le poème Beowulf. Mais n'oublions pas que la fin d'une ère marque également le début d'une nouvelle.
Un philologue et auteur fort réputé, travaillera, toute sa vie durant, sur ce poème afin de le traduire en anglais moderne et il sera tellement inspiré par ce récit qu'il en incorporera des éléments dans ses ouvrages...
Je veux bien-entendu parler de Tolkien et de l'une de ses oeuvres : "Bilbo le Hobbit".
Vous ne l'avez peut-être pas remarqué mais il existe de troublantes similitudes entre le Dragon de Beowulf et une autre créature issue de l'univers de Tolkien.
Histoire de prouver ce que j'avance, je vous propose, dans le chapitre suivant, d'analyser certains extraits de "Bilbo le Hobbit" et du poème "Beowulf" pour vous exposer les similitudes entre les deux œuvres. Vous pouvez également vous forger votre propre opinion sur la question en comparant les extraits bruts que je vous ai fournis dans un chapitre ultérieur avec ceux extraits du premier livre de Tolkien.
Informations complémentaires :
- John Romulad Reuel Tolkien (1892 - 1973) était un poète, philologue, professeur et auteur anglais. Il est principalement connu pour son œuvre majeure : "Le Seigneur des Anneaux" (inspiré des mythes nordiques avec quelques touches de folklore anglais et celtique) et ses travaux sur le poème anglo-saxon "Beowulf".
- Bilbon Sacquet (ou Bilbo Baggins pour son nom d'origine) est le personnage principal du roman de Tolkien : "Bilbo le Hobbit".
Appartenant à la race des Hobbits (plus petits que les Nains et vivant dans des "trous" confortables, ces créatures sont aisément reconnaissables grâce à la fourrure bouclée qui pare leurs pieds), Bilbon sera embarqué, malgré lui, dans une aventure aux côtés de Gandalf le Gris (magicien mystérieux aux pouvoirs étonnants) et d'une bande de Nains menés par Thorin Oakenshield ("Écu-de-Chêne") afin de gagner le Mont Solitaire pour défaire le Dragon Smaug et récupérer l'héritage du Roi Sous la Montagne (un proche parent de Thorin).
Smaug, entre création et inspiration :
Avant de démarrer ce chapitre, je vous propose d'aller lire l'article sur le Dragon Fafnir. Vous trouverez plusieurs parties consacrées aux différents Dragons de l'univers de Tolkien ainsi que des précisions sur les liens qui relient Fafnir et Smaug.
De toutes les créatures qui arpentent la Terre du Milieu, Smaug le Doré est l'une de celle qui m'a le plus fasciné !
Il est donc tout à fait normal que je lui rende hommage en lui consacrant un chapitre.
Je vous propose de parcourir différents extraits de "Bilbo le Hobbit" pour ensuite les comparer avec de parties résumées (ou extraites) du poème anglo-saxon "Beowulf" afin de vous montrer que le chatoyant et terrible Dragon est une sorte de nouvelle incarnation du fléau des Gauts.
Commençons de suite le décorticage :
"Il était étendu là, le grand Dragon rouge doré, profondément endormi ; un bruit monotone venait de ses mâchoires et de ses naseaux, ainsi que des rubans de fumée, mais dans son sommeil ses feux étaient bas. Sous lui, sous tous ses membres et son immense queue et de tous côtés autour de lui, s'étendant partout sur le sol invisible, était entassée une masse de choses précieuses, or travaillé et or brut, pierres et joyaux, et argent, teintés de pourpre dans la lumière rougeoyante."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
"Au-dessus de lui était étendu le Dragon, affreuse menace, même dans son sommeil. Bilbo saisit une coupe à deux anses, aussi lourde qu'il pouvait la porter, et leva un regard craintif. Smaug remua une aile et ouvrit une griffe ; son ronflement changea de ton.
Bilbo s'enfuit. Mais le Dragon ne se réveilla pas."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Smaug le Doré émergeant de sa couche d'or et de joyaux (création de Mikeazevedo).
Les extraits suivants peuvent être mis en lien avec la découverte du tertre où repose le Dragon par le serviteur :
"C'est pourtant là que pénétra
je ne sais qui : il se faufila et s'approcha
du trésor païen. Sa main saisit un objet
rutilant de joyaux. Le Dragon
alors endormi, fut trompé
par l'habilité du voleur."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".je ne sais qui : il se faufila et s'approcha
du trésor païen. Sa main saisit un objet
rutilant de joyaux. Le Dragon
alors endormi, fut trompé
par l'habilité du voleur."
Sans oublier la partie du vol de la coupe :
"... l'ennemi des gens
régna, enterré, sur cette chambre au trésor
avec une incroyable efficacité jusqu'à ce qu'un individu
excitât sa fureur en dérobant une coupe ouvragée
pour la porter à son maître."
régna, enterré, sur cette chambre au trésor
avec une incroyable efficacité jusqu'à ce qu'un individu
excitât sa fureur en dérobant une coupe ouvragée
pour la porter à son maître."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
"Balïn fut transporté de joie de revoir le Hobbit et sa surprise ne le cédait en rien à son ravissement. Il souleva Bilbo et le porta à l'air libre. Il était minuit et les nuages cachaient les étoiles, mais Bilbo resta étendu, les yeux fermés, haletant et prenant plaisir à la sensation retrouvée de l'air frais ; et il remarqua à peine l'excitation des Nains ou la façon dont ils le louaient, lui donnaient des tapes dans le dos et se mettaient eux-mêmes et leur famille à son service pour des générations à venir.
Les Nains se passaient toujours la coupe de main en main, parlant avec joie de la récupération de leur trésor, quand tout à coup un puissant grondement s'éleva de la Montagne comme d'un ancien volcan qui se déciderait à reprendre ses éruptions."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
La partie suivante est probablement inspirée de l'extrait où le serviteur remet la coupe à son maître qui le pardonne pour avoir fui :
"Le trésor se trouva pillé,
la cache aux joyaux violée, le pardon accordé
au misérable, dont le maître contempla
pour la première fois une œuvre d'art antique."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".la cache aux joyaux violée, le pardon accordé
au misérable, dont le maître contempla
pour la première fois une œuvre d'art antique."
Passons maintenant à l'extrait suivant : le réveil du Dragon :
"Il remua et tendit le cou pour renifler. Alors, il vit que la coupe manquait. Au voleur ! Au feu ! Au meurtre ! Pareille chose ne s'était jamais produite depuis sa venue même à la Montagne ! Sa rage passe toute description - c'était le genre de rage des gens riches qui, possédant bien plus que ce dont ils peuvent jouir, perdent soudain ce qu'ils avaient depuis longtemps sans jamais s'en servir ou sans en avoir jamais eu besoin. Il vomit son feu, la salle fuma, il secoua le cœur de la Montagne."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
"Son unique pensée était de parcourir toute la Montagne jusqu'à ce qu'il eût attrapé le voleur pour le déchirer et le piétiner. Il sortit de la Porte, les eaux s'élevèrent en furieuses et sifflantes vapeurs, et il prit son vol, flamboyant, pour se poser sur le sommet de la Montagne dans un jaillissement de flammes vertes et écarlates."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Smaug, rendu furieux par le vol de la coupe (création de Dave Melvin).
En comparant Smaug au Dragon de Beowulf, nous pouvons voir que les deux créatures réagissent de manière fort similaire :
"Aussitôt que le serpent s'éveilla,
ressurgit son agitation.
Il se glissa le long des pierres et découvrit, la rage au cœur,
les traces de l'ennemi, qui s'était trop avancé
d'un pas furtif près de la tête du Dragon."
Il se glissa le long des pierres et découvrit, la rage au cœur,
les traces de l'ennemi, qui s'était trop avancé
d'un pas furtif près de la tête du Dragon."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
"... brûlant de rage, il fit maintes fois
le tour du tertre
de bout en bout : il n'y avait personne.
en ces lieux désolés. Il aurait pourtant aimé attaquer,
s'activer au combat. Il retourna plusieurs fois dans le tertre
en quête du calice. Il n'y avait pas de doute :
un humain avait touché à l'or..."
de bout en bout : il n'y avait personne.
en ces lieux désolés. Il aurait pourtant aimé attaquer,
s'activer au combat. Il retourna plusieurs fois dans le tertre
en quête du calice. Il n'y avait pas de doute :
un humain avait touché à l'or..."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Pour ce qui est du long sommeil de Smaug, voyons ce que notre écailleux ami peut nous raconter sur le sujet :
"C'est
bien ce que je pensais hier soir, se dit-il en souriant. Des gens du
lac, quelque sale plan de ces misérables gens du lac qui font le trafic
des tonneaux, ou je ne suis qu'un lézard. Je ne suis pas descendu de ce
côté depuis des siècles ; mais je ne vais pas tarder à y mettre bon
ordre !"Pour ce qui est du long sommeil de Smaug, voyons ce que notre écailleux ami peut nous raconter sur le sujet :
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Et revenons au poème "Beowulf" :
"Ainsi, pendant trois-cent hivers,
l'ennemi des gens
régna, enterré, sur cette chambre au trésor..."
régna, enterré, sur cette chambre au trésor..."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Les
deux compères semblent également avoir en commun l'hibernation
prolongée avec un tas de richesse en guise de sommier de "fortune"...
Passons maintenant à la seule faiblesse de Smaug :
"- J'ai toujours entendu dire, fit Bilbo sur
un petit ton aigu d'effroi, que les Dragons étaient plus mous par en
dessous, surtout dans la région de... euh, euh... du poitrail ; mais
sans doute quelqu'un d'aussi bien fortifié y a-t-il songé.
"Le Dragon s'arrêta net dans ses vantardises : "Tes renseignements sont périmés, jeta-t-il d'un ton sec. Je suis cuirassé, sur le dessous comme sur le dessus, d'écailles de fer et de gemmes dures. Aucune lame ne peut me percer."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Un point faible qui semble similaire à son lointain cousin :
"Il ne visa pas la tête du Dragon
et, dans sa bravoure, il eut
le bras brûlé, voulant aider son proche parent
en frappant la bête cruelle un peu plus bas,
guerrier tout armé, si bien que l'épée s'enfonça,
rouge et or, et que le feu commença
à faiblir."
le bras brûlé, voulant aider son proche parent
en frappant la bête cruelle un peu plus bas,
guerrier tout armé, si bien que l'épée s'enfonça,
rouge et or, et que le feu commença
à faiblir."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Les passages qui vont suivre semblent également liés au poème anglo-saxon. Voyez plutôt :
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
"Ils vont me voir, et ils se rappelleront quel est le véritable Roi sous la Montagne !"
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Ces deux extraits peuvent être mis en parallèle avec le raid punitif qu'a lancé le Dragon contre les Gauts et la satisfaction de la créature de savoir que personne n'irait lui chercher querelle après son barbecue improvisé.
Plus tard, dans "Bilbo le Hobbit", Smaug ira défier les habitants d'Esgaroth pour qu'ils se souviennent de lui. Cette partie semble également inspirée du passage ou le Dragon de Beowulf sort de sa tanière pour ravager la contrée afin de punir le vol de son bien.
Voici quelques extraits de l'ouvrage de Tolkien :
"Il s'éleva, flamboyant, et partit vers le sud, vers la Rivière Courante."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
"La mâchoire du Dragon lançait des flammes. Il tournoya un moment dans les airs, haut au-dessus d'eux, illuminant tout le lac ; les arbres proches de la rive luisaient comme du cuivre et du sang avec, au pied, des ombres dansantes d'un noir opaque. Puis il fonça droit au travers de la tempête de flèches ; insoucieux dans sa rage et uniquement préoccupé d'incendier leur ville, il ne prenait aucun soin de tourner vers ses ennemis ses côtés écailleux.
Le feu jaillit des toits de chaume et des poutres tandis qu'il dévalait, passait et revenait, bien qu'on eût pris la précaution de tout asperger d'eau avant son arrivée. De nouveau, cent mains jetèrent de l'eau partout où apparaissait une étincelle. Le Dragon repassa en tourbillonnant. Un coup de sa queue défonça et fit écrouler le toit de la Grande-Chambre. Des flammes inextinguibles s'élancèrent dans la nuit."
- J.R.R. Tolkien, "Bilbo le Hobbit".
Et la contrepartie "Beowulfienne" :
"Sans rester plus longtemps
sur la muraille, il partit entouré de flammes,
sur un trajet de feu. Ce fut le début de la terreur
pour les gens du pays comme ce fut la fin
pour leur chef généreux, un douloureux dénouement.
sur la muraille, il partit entouré de flammes,
sur un trajet de feu. Ce fut le début de la terreur
pour les gens du pays comme ce fut la fin
pour leur chef généreux, un douloureux dénouement.
Le Démon se mit donc à cracher
le feu,
à brûler les beaux châteaux. La lueur des incendies s'éleva
terrorisant les hommes. Rien de vivant
n'échappa à l'ennemi volant dans les airs."
à brûler les beaux châteaux. La lueur des incendies s'éleva
terrorisant les hommes. Rien de vivant
n'échappa à l'ennemi volant dans les airs."
- Auteur anonyme (traduction et notes d'André Crépin), "Beowulf".
Ces quelques exemples ne sont bien entendu pas les seuls. Je pourrai également vous parler de Gollum dont l'aspect contrefait et le lien avec l'élément liquide semblent rappeler Grendel ou de trio de Trolls dont le récit semble fort similaire à l'un des contes collectés par les frères Grimm... mais ça, c'est une autre histoire.
Une chose reste certaine : le travail de Tolkien est plusieurs fois digne d'éloges ! Il a non seulement permis de populariser le poème "Beowulf" - durant sa conférence de 1936 intitulée : "Beowulf : the Monsters and the Critics ("Beowulf : les Monstres et les Critiques") où il a pu démontrer que ce poème était l'un des plus riches de la langue anglaise - mais il a également offert au Dragon de "Beowulf" le possibilité de renaître sous les traits de Smaug le Doré.
Un Smaug juvénile qui sourit de toutes ses dents (réalisé par Suiamena).Une chose reste certaine : le travail de Tolkien est plusieurs fois digne d'éloges ! Il a non seulement permis de populariser le poème "Beowulf" - durant sa conférence de 1936 intitulée : "Beowulf : the Monsters and the Critics ("Beowulf : les Monstres et les Critiques") où il a pu démontrer que ce poème était l'un des plus riches de la langue anglaise - mais il a également offert au Dragon de "Beowulf" le possibilité de renaître sous les traits de Smaug le Doré.
Nous avons désormais fait le tour des mythes liés aux Lindorms. Je vous propose, pour la partie suivante, de suivre la singulière quête d'un folkloriste qui a tenté de prouver l'existence d'un type de créatures qui vous est désormais familier. Après les habituelles données explicatives, nous passerons enfin à...
Informations complémentaires :
- La Terre du Milieu ("Middle-Earth" en langue shakespearienne) est le monde où se déroulent les évènements des romans de Tolkien.
Détail amusant, l'auteur précise que ce monde était (de façon fictive) le nôtre il y a près de 6000 ans.
- Balïn est l'un des Nains qui composent le groupe de Thorin Oakenshield (les autres membres se nomment : Dwalïn, Kili, Fili, Dori, Nori, Ori, Oïn, Gloïn, Bifur, Bofur et Bombur).
Bien après la quête de Thorin, il tentera d'aller reconquérir les mines de la Moria (une cité souterraine naine en ruines qui se trouve sous les Monts Brumeux) mais il se fera abattre lui et son groupe par les Orques qui y ont élu domicile.
Par un étrange "hasard", certains des noms de ces Nains ressemblent assez à ceux des rejetons de Nidhogg (Goin, Moin, Ofnir).
- Sans m'étendre sur le sujet, les Orcs ou Orques (à ne pas confondre avec les mammifères marins blancs et noirs) sont des créatures inventées par Tolkien. Ils auraient été créés par le dieu malfaisant Melkor (vous trouverez des informations sur lui dans l'article consacré à Fafnir, il vous suffit de commencer votre lecture par le chapitre intitulé : "Glaurung et Smaug ou l'adaptation de Fafnir) à partir d'Elfes capturés.
Tolkien n'a bien évidemment pas créé les Orcs de toutes pièces. Pour faire bref, il s'est inspiré principalement des Gobelins (dont nous parlerons une autre fois) mythiques et du redoutable dieu romain Orcus (dieu des Enfers censé tourmenter les criminels après leur trépas).
- Esgaroth ou Lacville est une cité humaine construite sur pilotis en plein milieu d'un lac se trouvant au Sud du Mont Solitaire.
- Gollum (anciennement Sméagol) est un Hobbit très ancien qui a été, durant un temps, le porteur de l'Anneau Unique. Sous l'influence de l'anneau, il sera changé peu à peu en une créature difforme aux pieds et mains palmées, aux dents pointues et aux yeux globuleux.
Bilbo le rencontrera pour la première fois dans les entrailles des Monts Brumeux.
- Pour ceux que ça intéresse, le conte des Frères Grimm dont j'ai fait mention dans ce chapitre se nomme : "Le chasseur accompli" ("Der gelernte Jäger").
La Dernière chasse aux Dragons :
Il
ne sera pas question cette fois d'un énième "preux" en armure qui ira
trucider la faune locale pour s'auréoler de gloire mais plus d'une sorte
d'enquête afin de prouver que les Dragons existent.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il serait bon de savoir qui est l'homme à l'origine de cette étrange "chasse au mythe". Je veux bien entendu parler de...
Hyltén-Cavallius et le début de la traque :
Né dans le Värend (situé au sein de la province du Smaland, dans le Sud de la Suède) en 1818 et mort en 1889, Gunnar Olof Hyltén-Cavallius semble avoir eu une vie assez chargée.
Ethnologue, écrivain, bibliothécaire et folkloriste à ses heures, Hyltén-Cavallius dut un jour rédiger - (entre 1863 et 1868) un livre sur sa nation intitulé : "Wärend och wurdarne". Un ouvrage qui deviendra son œuvre maîtresse et sera d'ailleurs fort apprécié dans le domaine de l'ethnologie suédoise.
Durant ses recherches, Cavallius recueillit un nombre conséquent de témoignages à propos d'une créature reptilienne de taille colossale et encore inconnue à ce jour. Les locaux interrogés à ce sujet, ont pu fournir une description complète de leur rencontre avec cet être, qui sera baptisé par la suite Lindorm ou Drake.
Le Lindorm avait été principalement vu dans les forêts humides qui s'étendent tout autour des lacs Helgasjön (situé au Nord) et Asnen (situé au Sud).
Persuadé qu'il avait découvert une créature encore à ce jour inconnue, Hyltén-Cavallius fit placarder dans les villages et hameaux de Varënd une description de la créature accompagnée d'une note qui promettait une forte récompense pour toute personne capable de lui ramener la carcasse d'un Lindorm.
Malgré l'annonce, Cavallius ne trouva jamais de Dragon sur le pas de sa porte... ce qui n'empêcha pas le "chasseur de mythes" en herbe de publier, en 1883, un recueil intitulé : "Om Draken eller lindormen" ("Sur le Dragon également nommé Lindorm") et contenant la plupart des témoignages qu'il avait pu recueillir durant ses recherches. Deux ans plus tard, une édition augmentée verra le jour. Cet ouvrage contenait pas moins de 46 témoignages oculaires, mais seulement 7 d'entre eux étaient récents (la plupart de ces récits s'étant produits près d'un demi-siècle plus tôt). Sur la totalité des témoignages publiés, 13 se situent dans les années 1870, 8 durant les années 1860, 3 vers 1840, 1830 et 1820, et les 4 derniers récits ne peuvent être datés car trop imprécis.
Diverses représentations de Dragons (dont la plupart rappellent le Lindorm et les semi-Dragons) issues de l'ouvrage d'Ulisse Aldrovandi intitulé : "Serpentium et Draconum historiae libri duo".
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il serait bon de savoir qui est l'homme à l'origine de cette étrange "chasse au mythe". Je veux bien entendu parler de...
Hyltén-Cavallius et le début de la traque :
Né dans le Värend (situé au sein de la province du Smaland, dans le Sud de la Suède) en 1818 et mort en 1889, Gunnar Olof Hyltén-Cavallius semble avoir eu une vie assez chargée.
Ethnologue, écrivain, bibliothécaire et folkloriste à ses heures, Hyltén-Cavallius dut un jour rédiger - (entre 1863 et 1868) un livre sur sa nation intitulé : "Wärend och wurdarne". Un ouvrage qui deviendra son œuvre maîtresse et sera d'ailleurs fort apprécié dans le domaine de l'ethnologie suédoise.
Durant ses recherches, Cavallius recueillit un nombre conséquent de témoignages à propos d'une créature reptilienne de taille colossale et encore inconnue à ce jour. Les locaux interrogés à ce sujet, ont pu fournir une description complète de leur rencontre avec cet être, qui sera baptisé par la suite Lindorm ou Drake.
Le Lindorm avait été principalement vu dans les forêts humides qui s'étendent tout autour des lacs Helgasjön (situé au Nord) et Asnen (situé au Sud).
Persuadé qu'il avait découvert une créature encore à ce jour inconnue, Hyltén-Cavallius fit placarder dans les villages et hameaux de Varënd une description de la créature accompagnée d'une note qui promettait une forte récompense pour toute personne capable de lui ramener la carcasse d'un Lindorm.
Malgré l'annonce, Cavallius ne trouva jamais de Dragon sur le pas de sa porte... ce qui n'empêcha pas le "chasseur de mythes" en herbe de publier, en 1883, un recueil intitulé : "Om Draken eller lindormen" ("Sur le Dragon également nommé Lindorm") et contenant la plupart des témoignages qu'il avait pu recueillir durant ses recherches. Deux ans plus tard, une édition augmentée verra le jour. Cet ouvrage contenait pas moins de 46 témoignages oculaires, mais seulement 7 d'entre eux étaient récents (la plupart de ces récits s'étant produits près d'un demi-siècle plus tôt). Sur la totalité des témoignages publiés, 13 se situent dans les années 1870, 8 durant les années 1860, 3 vers 1840, 1830 et 1820, et les 4 derniers récits ne peuvent être datés car trop imprécis.
Diverses représentations de Dragons (dont la plupart rappellent le Lindorm et les semi-Dragons) issues de l'ouvrage d'Ulisse Aldrovandi intitulé : "Serpentium et Draconum historiae libri duo".
Vous avez eu sous les yeux un aperçu du travail colossal qu'a abattu Hyltén-Cavallius pour tenter de percer les mystères qui entourent cette insaisissable créature.
La prochaine partie vous dévoilera une description assez détaillée de ce fameux Lindorm. Au premier abord, son aspect vous paraîtra plutôt "banal" mais une analyse plus poussée de la créature vous montrera qu'elle est plus étrange qu'il n'y paraît.
Informations complémentaires :
- Ulisse Aldrovandi (1522 - 1605) était un scientifique renommé d'Italie. Emprisonné et accusé d'hérésie (pour avoir, selon les dires, fréquenté un anabaptiste), il se découvrira durant sa détention une passion pour tout ce qui touche à la zoologie, botanique et géologie.
Après moult recherches et expéditions, il deviendra docteur en médecine et philosophie et commencera à enseigner à l'université de Bologne (ville du Nord-Est de l'Italie actuelle) en 1554.
C'est vers 1570 qu'il commencera à rédiger une multitude d'ouvrages où seront consignées ses découvertes. En sus de l'entomologie (étude des insectes) l'ornithologie (étude des oiseaux) et la botanique, Aldrovandi publiera un ouvrage assez spécial consacré aux lézards, serpents et Dragons appelé : "Serpentium et Draconum historiae libri duo". Ce livre est considéré comme l'un des plus importants dans le domaine de la dracologie (l'étude des Dragons).
- L'anabaptisme est grosso modo un courant chrétien qui prône le baptême volontaire et conscient.
Le Lindorm suédois en détail :
Je tiens avant toute chose à préciser que la quasi-intégralité des données et descriptions de Lindorms faites par Hyltén-Cavallius provient des écrits de Michel Meurger, et plus précisément de son "Histoire naturelle des Dragons".
À quoi peut donc ressembler ce fameux Lindorm ? Un colossal "reptile" cornu aux ailes de chauve-souris qui crache le feu ? Rien de tout cela, j'en ai peur.
Les divers témoignages des habitants de Värend décrivent le Lindorm comme étant une sorte de serpent. La description semble être proche de celle d'un serpent assez commun en Scandinavie : le snok.
Pour ceux qui ne sont pas des amateurs d'herpétologie (étude des serpents), snok est le nom scandinave pour désigner la Natrix natrix... plus communément appelée couleuvre à collier. Ce serpent fort répandu en Europe et en Afrique chasse souvent à proximité des cours d'eau. Il ne représente guère de danger pour l'homme (d'autant que sa morsure n'est pas venimeuse) mais sa taille peut en impressionner plus d'un : il peut atteindre les 2 mètres de long.
Mais, si le Lindorm possède des caractéristiques de la couleuvre à collier, la ressemblance s'arrête là... Les divers témoins parlent de créatures atteignant les 4 mètres de long. Certains vont même jusqu'à décrire des spécimens d'une longueur de 7 ou 8,5 mètres ! Pour ce qui est de la largeur, les personnes interrogées donnent fréquemment un diamètre avoisinant celui d'une "cuisse d'homme". Cette créature est donc bien plus grande qu'un boa constrictor (4,5 mètres de long pour les plus massifs) mais elle peut être égalée - ou supplantée - par les pythons (10 mètres de long pour les colosses du genre). Un petit détail cependant infirme de suite la possibilité qu'une des deux espèces se retrouve en pleine nation suédoise : aucun des animaux de ce type ne vit en Europe et il est fort peu probable qu'ils puissent prospérer sous un climat tempéré.
Représentation partielle d'un Lindorm (par Tobias Wiedemann).
En sus de sa taille considérable, le Lindorm est doté d'une grosse tête de forme aplatie agrémentée d'étranges appendices. Pour être plus précis, la partie antérieure du crâne du Drake se termine par une surface arrondie, qui selon les témoins, évoquait une "gueule de brochet" (garnie de longues dents).
Petite précision supplémentaire : selon Michel Meurger, en 1885, un informateur d'Hyltén-Cavallius aurait observé dans le Gapençais (sorte de cuvette naturelle de France se trouvant à proximité de la ville de Gap, dans les Hautes-Alpes) une couleuvre d'Esculape, qui, selon ses estimations, devait faire dans les 3 mètres, 3,50 mètres de long (ce type de reptile dépasse rarement les 2 mètres de long).
Avant de pousser plus loin notre enquête, je vous propose de parcourir des extraits des divers comptes-rendus collectés par Hyltén-Cavallius. Nous pourrons ainsi voir si la créature se verra ajouter, en cours de route, d'autres particularités anatomiques et nous pourrons également vérifier si les témoignages varient fortement d'une version à l'autre.
Rencontres écailleuses :
Carl Ekelund a fait une curieuse rencontre le jour de la Pentecôte de 1884. Alors qu'il se promenait en forêt, un bruit étrange l'inquiéta. Cela ressemblait vaguement au son qu'aurait pu produire un grand chien en train de courir dans sa direction. Quelle ne fut pas sa surprise de voir débouler un serpent de 3 à 4 mètres de long qui fonçait droit sur lui. Selon ses dires : "Sa tête était grosse comme celle d'un veau, et deux longues dents descendaient jusqu'au bas de sa mâchoire inférieure".
Probablement dérangé par l'intrus qui venait de pénétrer sur ses terres, le Lindorm s'est alors dressé gueule ouverte, pour faire face à son adversaire - cette technique est similaire à celle qu'emploie le cobra royal pour intimider ses ennemis : il se dresse à un tiers de sa longueur totale pour paraître plus gros qu'il n'est en réalité.
Peter Johansson se retrouva face au même cas de figure en août 1862. La créature - qui se baignait en partie dans un étang forestier - se dressa face au Suédois et ce dernier répliqua en tentant de l'assommer à l'aide de son gourdin. Durant l'affrontement, il dut battre en retraite par trois fois pour éviter de se faire mordre. Il a, au passage, décrit sa dentition en ces termes : "Des dents blanches comme de l'ivoire, un peu recourbées et très grandes". Johansson a également fait mention d'un autre détail anatomique intéressant, ses yeux. Selon ses dires, il étaient : "très proéminents, et gros comme des yeux de vache". La plupart des témoins interrogés semblent également insister sur la taille exceptionnelle des globes oculaires de la créature, certains ont même été jusqu'à prétendre que la peur qui les avait saisis provenait de ses terribles yeux (je rappelle que dans certaines légendes ou récits plus modernes, les Dragons sont parfois dotés d'un regard qui captive, terrifie ou soumet leurs proies et adversaires).
En 1856, un autre témoin, Sven Nilsson, a découvert un Lindorm dans une clairière baignée par les rayons de la lune. Le passage suivant vous résumera sa rencontre avec la bête :
"Je l'observai pendant plusieurs minutes, aussi longtemps que je l'osais. Soudain, il me fixa de ses gros yeux si sauvages et si inquiétants que je pris peur."
Cette rencontre avait tellement secoué le pauvre hère, que pendant près d'un an il ne s'est pas passé une nuit sans qu'il ne revoie "cette horrible rencontre".
En sus de ses yeux, et de sa taille, une autre particularité semble revenir assez souvent dans les déclarations des témoins, la présence d'un étrange "ornement" dorsal qui pourrait être une sorte de crinière. Les divers comptes rendus varient au niveau de son aspect. Selon Peter Johansson :
Cette illustration de Hailmust semble assez fidèlement représenter l'aspect que devait avoir le Lindorm d'Hyltén-Cavallius.
"le plus remarquable c'était, à trente centimètres à l'arrière de sa tête, une crinière noire d'un pouce et demi de long {plus ou moins 3,8 cm de long}, qui se divisait en deux parties, comme la crinière d'un cheval..."
Un rapport distinct parle d'une "crinière de crins brillants, comme constituée de soies de porc étincelantes..." mais d'autres témoins ont remarqué sur le dos de la bête un ornement dorsal totalement différent de celui décrit dans les paragraphes précédents.
Celui de Brita Stina Johensdotter nous relate comment elle et sa mère ont découvert - alors qu'elles naviguaient sur le lac Asnen - un étrange objet noir qui recouvrait un îlot rocheux.
Selon ses dires, la chose "s'étendait d'un bord à l'autre de l'île". Intriguées, la mère et la fille débarquèrent pour voir cette curiosité d'un peu plus près. À leur grande stupeur, il s'agissait d'un énorme serpent de couleur noire qui, les voyant approcher, "dressa sur son dos une crête qui ressemblait un peu à celle d'une anguille".
Un témoignage supplémentaire, issu d'un groupe de Suédois, précise que le "serpent" ne possédait pas de crête ou crinière dorsale mais plutôt une sorte de motif d'écailles qui faisait penser à cette particularité anatomique.
Le témoignage de Johan Sedig semble également mentionner la présence d'un motif plutôt qu'une crête. En effet, le Lindorm qu'il avait aperçu au bord du lac Laën en 1864 - un spécimen de 4 mètres de long - avait le dos brun-noir "et sur toute l'étendue de ce dos, courait une bande verte, qui se divisait en bandes plus courtes, rejoignant le ventre".
Les différents Lindorms rencontrés se voient donc affublés de crêtes, de crinières, de motifs colorés... et d'oreilles.
"Je ne vis pas de crinière, mais je suppose qu'il avait de courtes oreilles saillantes."
- Témoignage de Sven Nilsson.
Gravure représentant le Serpent de Mer norvégien.
Revenons sur un détail anatomique vaguement évoqué plus haut : les yeux. Sven Nilsson n'a pas été le seul à avoir senti son courage fondre comme neige au soleil face au regard du "boa suédois" (surnom donné à la créature).
En 1868, la jeune Maria Magnusson (âgée à l'époque de 16 ans) était partie avec son père sur le lac Spell afin d'aller pêcher :
"Comme nous étions là depuis quelque temps, vers onze ou douze heures de la nuit, près de la ferme Torne, l'on aperçut un grand tronc d'arbre. Mon père vira de bord pour l'éviter. J'étais à la poupe, et je prenais les poissons lorsque soudain j'entendis une rumeur dans l'eau et découvris avec terreur un grand serpent à côté du bateau, à une distance de quelques pieds. Je le vis très clairement ; il était gris-noir, avait de grands yeux étincelants et dressait la tête au moins à un pied hors de l'eau. Il semblait qu'il voulait regarder dans le bateau. Je le pris pour un Neck {Esprit des eaux - je suppose qu'il s'agit d'un Élémentaire aquatique similaire au Nekker flamand ou au Nix germanique} et je me jetai vite de l'autre côté de la chaloupe, criant de toutes mes forces, et mon père se mit à ramer vers la maison à toute vitesse. Mon père, qui n'avait vu qu'un petit bout de la queue du serpent m'enjoignit de rester calme, car de nombreux poissons nageaient vers me rivage. Mais je hurlais toujours, et le suppliai de rentrer. Quelques minutes passèrent. Le serpent, sans doute attiré par la lumière de la lampe, revint. Mon père se dressa et lui fonça dessus. Il en fut si près qu'il aurait pu le frapper avec sa gaffe, s'il l'eût osé. Nous vîmes très clairement le serpent, et je puis témoigner qu'il était plus long que le bateau, et avait au moins quinze pieds de long {un peu plus de 4,5 mètres de long}. Sa tête était large comme deux mains serrées l'une contre l'autre."
Comme le précise le récit de Maria, la bête "avait de grands yeux étincelants". Le "monstre marin" ne semble donc pas si éloigné que ça des récits où les Dragons captivent ou effraient leurs victimes par un simple regard. Le texte laisse également émerger un autre élément que l'on retrouve dans certains récits (notamment celui du chapitre "La légende du Lindorm de Mecklembourg" que vous pourrez trouver au début de cet article) : la créature qui se tient immobile et ressemble à un tronc d'arbre (à la manière des crocodiles qui usent de ce stratagème pour approcher et surprendre leurs proies).
Le rapport de Maria n'est évidemment pas le seul dans la liste. Un autre témoin avait déclaré qu'il avait un jour vu un "tronc" flotter sur le lac Yen, puis brusquement se mouvoir en direction de sa barque.
Au lac de Södre, un certain Sven était en train de pêcher. Au cours de sa traque de poissons, il remarqua un objet insolite échoué sur la berge. Selon ses dires, cela ressemblait à une "sorte de long tronc d'arbre" dont une partie était immergée. Croyant qu'il s'agissait d'un végétal mort, le jeune homme enjamba la "chose" pour se rendre compte, un peu tard, que ce n'était nullement du bois mort mais "un serpent géant de l'espèce que, chez nous, on appelle un Drake".
Une créature gigantesque et serpentiforme, au regard hypnotique et dont la tête semble ornée d'une couronne osseuse (à la manière du Basilic). Si le "boa suédois" est loin de transcender les mythes, il parvient tout de même à dresser un portrait approximatif du Lindorm des contes, légendes et mythes nordiques et germaniques.
Après avoir collecté tous ces témoignages, quelles conclusions Hyltén-Cavallius a pu tirer de toutes ces données ? Sa quête a-t-elle été couronnée de succès ? Quelle a été la réaction du monde scientifique de l'époque face a de si singulières recherches ?
Je vous propose de découvrir tout cela dans la partie qui va suivre...
Informations complémentaires :
- Le Nekker est un Élémentaire des flots issu du folklore flamand. La créature semble être liée aux Nixes et à certains êtres mythiques aquatiques aux habitudes douteuses (noyer son prochain est rarement perçu comme une action charitable - selon les dires).
Nous parlerons de ces êtres fascinants en détail une autre fois. Les impatients peuvent cependant consulter l'article décrivant certains membres de la race des Noyeurs.
Traque et désillusion :
Persuadé d'avoir trouvé en cette créature l'incarnation du Lindorm des sagas et mythes de sa nation, Hyltén-Cavallius s'est lancé dans une quête qui avait peu d'espoir de réussite...
Un peu à la manière de certains paléontologues qui voulaient prouver que tous les Dragons n'étaient en fait que des ossements de dinosaures ramenés à la vie et altérés par l'imagination collective, Hyltén-Cavallius a vu en la créature du Värend l'explication de la présence des Lindorms dans les mythes et traditions (la proue du langskip - "bateau de guerre" - ornée d'une tête de Dragon en est l'exemple parfait) des peuples Nordiques au point de vouloir rationaliser l'existence même de ces créatures.
Michel Meurger
précise d'ailleurs à ce sujet que les divers témoignages semblent
parfois trop proches des mythes pour être entièrement authentiques. La
terreur en faisant face au Lindorm a pu leurrer les témoins, qui,
passé le premier choc, ont comblé certaines zones d'ombres de leurs
souvenirs pour y incorporer divers éléments des mythes et légendes. Pour
exemple, certains villageois, après leur rencontre avec la créature,
ont ressenti un besoin impérieux de s'aliter et ce pendant une durée de 3 jours. Le chiffre 3 est bien entendu hautement symbolique dans certaines religions (par exemple, dans la mythologie celtique, la Déesse-Mère
est souvent représentée par les 3 stades de la vie de la femme : la
jeune fille, la femme enceinte et la vieille femme) et bien-entendu dans
les contes (ils ont souvent pour structure le chiffre 3 : amener 3
objets, triompher de trois obstacles, répondre à 3 questions, ...).
Convaincu qu'il était sur la bonne voie, Hyltén-Cavallius a probablement laissé de côté les éléments trop "mythiques" à son goût pour ne garder que les parties qui décrivaient le Lindorm comme une créature "réelle". La description et représentation de la créature apposée sur les affiches qu'il a placardées dans le Värend a probablement aussi un brin influencé les témoignages des diverses personnes qui sont venues lui conter leur rencontre avec le Drake.
Michel Meurger ajoute à ce sujet que l'aspect du Lindorm décrit par Hyltén-Cavallius semble assez différent de celui qu'il cherchait. On peut d'ailleurs trouver une description du Dragon faite par les locaux dans son livre : "Wärend och wurdarne". La bête est vue comme un serpent doté de pattes et dont l'échine est agrémentée d'une crinière. Le texte ajoute que la créature a pour habitude de se cacher dans un puits pour garder son trésor et de s'en extirper une fois la nuit venue, pour aller se dégourdir les ailes. D'autres données de l'ouvrage précisent que le Drake ne peut être vu que par les garçons nés un jeudi ou dimanche (ce qui permet à ces "chanceux" d'avoir une chance de lui voler ses richesses) et que la créature était à l'origine un chercheur de trésor trépassé, changé en gardien chtonien après sa mort.
Une créature draconique dont l'aspect semble fort proche de celui du Lindorm (une superbe création de RJ Palmer).
Il paraît évident que ce protecteur des richesses de la terre est fort similaire aux Lindorms des mythes nordiques (Fafnir ou le Dragon de Beowulf par exemple).
Toujours convaincu par le fait que le Lindorm n'était qu'une créature encore non identifiée, Hyltén-Cavallius s'est empressé de gommer les détails trop "légendaires" de la créature pour en faire un animal "plausible" à présenter au monde scientifique. Il supprimera les pattes de la créature, faisant d'elle un serpent, biffera les liens qu'à le Lindorm avec le monde souterrain et comparera certaines caractéristiques - des créatures citées dans les rapports - avec celles d'espèces faisant partie du règne animal. Par exemple, les "arcades sourcilières proéminentes" de certains Lindorms sont, selon lui, similaires à celles de la couleuvre de Montpellier. Comme autre exemple, le jet de liquide nauséabond que crache le "boa suédois" est un moyen de défense qu'utilise couramment la couleuvre d'Esculape.
L'édification de cette "chimère reptilienne" aurait pu convaincre bien des sceptiques, cependant il manquait encore un élément essentiel pour convaincre la communauté scientifique de l'époque : un spécimen vivant ou en assez bon état pour pouvoir être étudié et autopsié !
Afin d'obtenir la dépouille de cet être mythique, Hyltén-Cavallius placarda dans la région la fameuse annonce qui proclamait une forte récompense (1000 couronnes suédoises pour être précis) pour toute personne susceptible de lui ramener un spécimen vivant... ou mort.
L'attente fut longue mais jamais personne ne se présenta à sa porte avec un Dragon mort juché sur l'épaule (ce qui n'est pas plus mal dans le fond). Selon les dires, la créature une fois morte se décomposait rapidement en dégageant une odeur insoutenable - un paysan a d'ailleurs précisé que les relents de la bête ont empuanti une forêt entière.
Nils Peter Jonsson et son frère ont tenté de retrouver le cadavre du Lindorm qu'ils avaient tué... en vain. Les forêts du Smaland sont, certes, assez humides mais ce n'est pas suffisant pour provoquer une décomposition éclair qui ne laisse aucune trace, pas même une dent ou une vertèbre. Comme le précise Michel Meurger, ce type d'élément est plus proche de la mythologie que de la biologie. Les légendes nordiques mentionnent justement le fait qu'une fois morts, les Serpents de Mer ont une fâcheuse tendance à se décomposer rapidement en dégageant une odeur tellement infecte que "les feuilles tombent des arbres".
En fait de cadavre, Hyltén-Cavallius dut se contenter d'une brassée de témoignages. La quête de l'ethnologue n'était pas motivée uniquement par le besoin d'identifier le Drake, il voulait, grâce à la dépouille du Dragon, prouver l'authenticité des récits et sagas où les fiers guerriers nordiques affrontaient les terribles Lindorms. Ce besoin de faire revivre le passé héroïque évoqué dans les mythes semble finalement porté par une sorte de nostalgie de l' "ancien temps".
Il faut savoir qu'à une certaine époque, la haute société suédoise méprisait sa culture et sa langue d'origine préférant employer la langue de Molière (le français) et les coutumes du "beau monde". Ce mépris des traditions a probablement eu pour conséquence de fragiliser les racines culturelles suédoises et de provoquer un mépris pour tout ce qui touchait au passé du pays. La quête d'Hyltén-Cavallius avait donc pour but secondaire de raviver chez le peuple suédois le respect des traditions mais également de préserver ces dernières de l'oubli.
Certains affirment que la quête d'Hyltén-Cavallius était un échec, que la communauté scientifique s'est ri de ses efforts et qu'il a fini conspué par ses confrères. Mais, s'il a échoué à prouver l'existence du Lindorm, il a pu accomplir pleinement son autre but : préserver le passé suédois et lui rendre ses lettres de noblesse !
Il devint vers 1870 le président de la "Société archéologique suédoise", une institution où il s'est beaucoup investi et il fonda à Växjo (capitale du Smaland) le premier musée provincial du pays. En partie grâce à ses efforts, la Suède avait retrouvé ses racines et compris combien il était important de les préserver et les comprendre.
Un autre Lindorm de Preston Stone.
La quête d'Hyltén-Cavallius semblait - au premier abord - vouloir prouver l'existence des Dragons au monde scientifique. Si la tâche en elle-même était intéressante, la façon de procéder restait - selon moi - plus que discutable. Tenter de découvrir si les Dragons des mythes et légendes sont des êtres de chair et d'os semblait être une bonne idée au départ, mais supprimer tous les éléments trop mythiques pour rendre la créature acceptable au regard de la science est plus que discutable !
L'aventure draconique de l'ethnologue s'est conclue sur une demi-victoire : certes, il n'a pas pu rapporter un spécimen vivant mais en contrepartie il a récolté une brassée de documents sur le sujet et contribué à raviver l'intérêt de la Suède pour les mystères et tradition de la nation.
Informations complémentaires :
- La Déesse-Mère est une déesse majeure dans la mythologie celtique.
Considérée comme une divinité de la fertilité et de la prospérité, elle possède une foultitude de noms, suivant les régions, dont nous parlerons plus en détail dans un article plus adapté.
- Les 1000 couronnes suédoises promises en récompense par Hyltén-Cavallius vaudraient presque 110 euros aujourd'hui. Je précise que cette prime représentait une somme rondelette à l'époque.
- Hyltén-Cavallius a conservé le nom de ceux qui ont prétendu avoir tué un Lindorm. À ce propos, le "Musée du Smaland" conserverait le couteau à manche en bois de bouleau qui a permis à Ingemar d'Arnanäs de pourfendre le Drake qu'il avait affronté dans la forêt de Sannaböke.
- Le Serpent de Mer est un membre aquatique de la famille des Dragons serpents.
Conclusion :
Les Lindorms sont apparus sous bien des formes, ils ont gardé les merveilles chtoniennes, testé le courage et la bravoure des plus valeureux guerriers pour souvent finir vaincus transpercés par une lame de fer.
Mais, lorsque le corps des preux faiblit, s'effondre et finit par rejoindre les profondeurs de la terre nourricière, les Dragons renaissent sous une forme nouvelle, s'extirpent de l'élément brut et sillonnent à nouveau les cieux afin de garder les merveilles de notre monde ou tester les forces d'un héros en devenir.
Les Lindorms ont été chantés par les scaldes, magnifiés par les poésies et gestes nordiques, préservés dans les légendes rurales et réincarnés dans les écrits dépeignant des mondes ou la magie et l'émerveillement font loi.
Ces créatures à la fois terribles et magnifiques ont su traverser les siècles, s'adaptant au gré des périodes pour évoluer petit à petit jusqu'à la forme que nous connaissons aujourd'hui.
Tant qu'un enfant s'émerveillera devant la splendeur de ces créatures, tant que les contes, légendes et mythes à leur sujet circuleront, les Lindorms continueront de renaître pour fendre l'azur de leurs ailes.
Annexes :
Convaincu qu'il était sur la bonne voie, Hyltén-Cavallius a probablement laissé de côté les éléments trop "mythiques" à son goût pour ne garder que les parties qui décrivaient le Lindorm comme une créature "réelle". La description et représentation de la créature apposée sur les affiches qu'il a placardées dans le Värend a probablement aussi un brin influencé les témoignages des diverses personnes qui sont venues lui conter leur rencontre avec le Drake.
Michel Meurger ajoute à ce sujet que l'aspect du Lindorm décrit par Hyltén-Cavallius semble assez différent de celui qu'il cherchait. On peut d'ailleurs trouver une description du Dragon faite par les locaux dans son livre : "Wärend och wurdarne". La bête est vue comme un serpent doté de pattes et dont l'échine est agrémentée d'une crinière. Le texte ajoute que la créature a pour habitude de se cacher dans un puits pour garder son trésor et de s'en extirper une fois la nuit venue, pour aller se dégourdir les ailes. D'autres données de l'ouvrage précisent que le Drake ne peut être vu que par les garçons nés un jeudi ou dimanche (ce qui permet à ces "chanceux" d'avoir une chance de lui voler ses richesses) et que la créature était à l'origine un chercheur de trésor trépassé, changé en gardien chtonien après sa mort.
Une créature draconique dont l'aspect semble fort proche de celui du Lindorm (une superbe création de RJ Palmer).
Il paraît évident que ce protecteur des richesses de la terre est fort similaire aux Lindorms des mythes nordiques (Fafnir ou le Dragon de Beowulf par exemple).
Toujours convaincu par le fait que le Lindorm n'était qu'une créature encore non identifiée, Hyltén-Cavallius s'est empressé de gommer les détails trop "légendaires" de la créature pour en faire un animal "plausible" à présenter au monde scientifique. Il supprimera les pattes de la créature, faisant d'elle un serpent, biffera les liens qu'à le Lindorm avec le monde souterrain et comparera certaines caractéristiques - des créatures citées dans les rapports - avec celles d'espèces faisant partie du règne animal. Par exemple, les "arcades sourcilières proéminentes" de certains Lindorms sont, selon lui, similaires à celles de la couleuvre de Montpellier. Comme autre exemple, le jet de liquide nauséabond que crache le "boa suédois" est un moyen de défense qu'utilise couramment la couleuvre d'Esculape.
L'édification de cette "chimère reptilienne" aurait pu convaincre bien des sceptiques, cependant il manquait encore un élément essentiel pour convaincre la communauté scientifique de l'époque : un spécimen vivant ou en assez bon état pour pouvoir être étudié et autopsié !
Afin d'obtenir la dépouille de cet être mythique, Hyltén-Cavallius placarda dans la région la fameuse annonce qui proclamait une forte récompense (1000 couronnes suédoises pour être précis) pour toute personne susceptible de lui ramener un spécimen vivant... ou mort.
L'attente fut longue mais jamais personne ne se présenta à sa porte avec un Dragon mort juché sur l'épaule (ce qui n'est pas plus mal dans le fond). Selon les dires, la créature une fois morte se décomposait rapidement en dégageant une odeur insoutenable - un paysan a d'ailleurs précisé que les relents de la bête ont empuanti une forêt entière.
Nils Peter Jonsson et son frère ont tenté de retrouver le cadavre du Lindorm qu'ils avaient tué... en vain. Les forêts du Smaland sont, certes, assez humides mais ce n'est pas suffisant pour provoquer une décomposition éclair qui ne laisse aucune trace, pas même une dent ou une vertèbre. Comme le précise Michel Meurger, ce type d'élément est plus proche de la mythologie que de la biologie. Les légendes nordiques mentionnent justement le fait qu'une fois morts, les Serpents de Mer ont une fâcheuse tendance à se décomposer rapidement en dégageant une odeur tellement infecte que "les feuilles tombent des arbres".
En fait de cadavre, Hyltén-Cavallius dut se contenter d'une brassée de témoignages. La quête de l'ethnologue n'était pas motivée uniquement par le besoin d'identifier le Drake, il voulait, grâce à la dépouille du Dragon, prouver l'authenticité des récits et sagas où les fiers guerriers nordiques affrontaient les terribles Lindorms. Ce besoin de faire revivre le passé héroïque évoqué dans les mythes semble finalement porté par une sorte de nostalgie de l' "ancien temps".
Il faut savoir qu'à une certaine époque, la haute société suédoise méprisait sa culture et sa langue d'origine préférant employer la langue de Molière (le français) et les coutumes du "beau monde". Ce mépris des traditions a probablement eu pour conséquence de fragiliser les racines culturelles suédoises et de provoquer un mépris pour tout ce qui touchait au passé du pays. La quête d'Hyltén-Cavallius avait donc pour but secondaire de raviver chez le peuple suédois le respect des traditions mais également de préserver ces dernières de l'oubli.
Certains affirment que la quête d'Hyltén-Cavallius était un échec, que la communauté scientifique s'est ri de ses efforts et qu'il a fini conspué par ses confrères. Mais, s'il a échoué à prouver l'existence du Lindorm, il a pu accomplir pleinement son autre but : préserver le passé suédois et lui rendre ses lettres de noblesse !
Il devint vers 1870 le président de la "Société archéologique suédoise", une institution où il s'est beaucoup investi et il fonda à Växjo (capitale du Smaland) le premier musée provincial du pays. En partie grâce à ses efforts, la Suède avait retrouvé ses racines et compris combien il était important de les préserver et les comprendre.
Un autre Lindorm de Preston Stone.
La quête d'Hyltén-Cavallius semblait - au premier abord - vouloir prouver l'existence des Dragons au monde scientifique. Si la tâche en elle-même était intéressante, la façon de procéder restait - selon moi - plus que discutable. Tenter de découvrir si les Dragons des mythes et légendes sont des êtres de chair et d'os semblait être une bonne idée au départ, mais supprimer tous les éléments trop mythiques pour rendre la créature acceptable au regard de la science est plus que discutable !
L'aventure draconique de l'ethnologue s'est conclue sur une demi-victoire : certes, il n'a pas pu rapporter un spécimen vivant mais en contrepartie il a récolté une brassée de documents sur le sujet et contribué à raviver l'intérêt de la Suède pour les mystères et tradition de la nation.
Informations complémentaires :
- La Déesse-Mère est une déesse majeure dans la mythologie celtique.
Considérée comme une divinité de la fertilité et de la prospérité, elle possède une foultitude de noms, suivant les régions, dont nous parlerons plus en détail dans un article plus adapté.
- Les 1000 couronnes suédoises promises en récompense par Hyltén-Cavallius vaudraient presque 110 euros aujourd'hui. Je précise que cette prime représentait une somme rondelette à l'époque.
- Hyltén-Cavallius a conservé le nom de ceux qui ont prétendu avoir tué un Lindorm. À ce propos, le "Musée du Smaland" conserverait le couteau à manche en bois de bouleau qui a permis à Ingemar d'Arnanäs de pourfendre le Drake qu'il avait affronté dans la forêt de Sannaböke.
- Le Serpent de Mer est un membre aquatique de la famille des Dragons serpents.
Conclusion :
Les Lindorms sont apparus sous bien des formes, ils ont gardé les merveilles chtoniennes, testé le courage et la bravoure des plus valeureux guerriers pour souvent finir vaincus transpercés par une lame de fer.
Mais, lorsque le corps des preux faiblit, s'effondre et finit par rejoindre les profondeurs de la terre nourricière, les Dragons renaissent sous une forme nouvelle, s'extirpent de l'élément brut et sillonnent à nouveau les cieux afin de garder les merveilles de notre monde ou tester les forces d'un héros en devenir.
Les Lindorms ont été chantés par les scaldes, magnifiés par les poésies et gestes nordiques, préservés dans les légendes rurales et réincarnés dans les écrits dépeignant des mondes ou la magie et l'émerveillement font loi.
Ces créatures à la fois terribles et magnifiques ont su traverser les siècles, s'adaptant au gré des périodes pour évoluer petit à petit jusqu'à la forme que nous connaissons aujourd'hui.
Tant qu'un enfant s'émerveillera devant la splendeur de ces créatures, tant que les contes, légendes et mythes à leur sujet circuleront, les Lindorms continueront de renaître pour fendre l'azur de leurs ailes.
Annexes :
Littérature :
- Dans l'univers de Tolkien, les Fire-Drakes ou Urulóki sont des Dragons capables de cracher le feu. Ces créatures ressemblent fortement aux Lindorms (corps serpentiforme, ailes de cuir, ...).
Les Dragons les plus puissants de la Terre du Milieu étaient de la race des Fire-Drakes ("Drakes de Feu"). Glaurung le premier Ver, Ancalagon le plus puissant d'entre tous, qui participa à la bataille contre les Valars et Smaug le Doré, le dernier des grands Drakes de Feu.
Il existe également une espèce de Drake plus "faible" : les Cold-Drakes (les "Drakes du Froid" ou "Drake Glacial").
Illustration de Felicia Cano qui pourrait représenter un Cold-Drake (si l'on oublie l'absence d'ailes).
Pour en savoir plus sur les Dragons qui ont marqué la Terre du Milieu, je vous propose de parcourir l'article consacré à Fafnir en vous rendant directement au chapitre intitulé : " Glaurung et Smaug ou l'adaptation de Fafnir".
- Dans le tome 4 de la série de comics Hellboy (créée par Mike Mignolla), "La main droite de la Mort", Hellboy (le rejeton d'un Démon et d'une humaine), doit affronter le "Serpent de saint-Léonard", revenu hanter le bois après avoir été vaincu il y a des siècles de cela.
Voici au passage la petite histoire composée par Mignolla à ce sujet (assez fidèle à la légende) :
"Il y a quatorze cents ans, il hantait la forêt près d'Horsham, dans le nord du Sussex. Il tuait et mangeait les animaux, les enfants et les rares soldats assez courageux pour aller le combattre.
Finalement, un simple moine prit les armes et alla dans cette forêt où il combattit le Dragon et le renvoya dans les entrailles de la terre. Ce faisant, le moine lui-même fut gravement blessé.
Et à cause de la nature du lieu et de la nature de cet homme, partout où son sang tomba des lys poussèrent."
- Mike Mignolla, "Hellboy, La main droite de la Mort".
Lors de l'affrontement contre le Dragon, Hellboy se retrouve écrasé entre les anneaux de la bête et la statue représentant saint-Léonard en train de brandir une épée. Broyée par la puissance de la créature, la statue cède et la lame de pierre se plante dans la tête du Dragon qui expire, tué par le souvenir d'un héros. Hellboy, blessé mais vivant, quitte les lieux en répandant son sang au sol et chaque goutte laisse éclore un lys.
Il est évident que cette histoire est une sorte de cycle sans fin où le Dragon réapparaîtra chaque fois pour affronter un nouveau héros venu le défier (comme le veut la symbolique du Dragon).
La créature en elle-même ressemble à un Dragon au corps serpentiforme et pourvu de pattes antérieures, bref, un Lindorm (l'image du lien suivant vous prouvera mes dires).
Jeux de rôles :
- Le jeu de rôles "Donjons et Dragons" présente le Lindworm (ou Linnorm en anglais) dans le "Manuel des Monstres II".
Voici la description de la créature ainsi que les sous-espèces :
"Lindworm :
Les Lindworms sont des créatures extrêmement anciennes dont on pense qu'elles forment un rameau de la famille des Dragons. Comme on n'a pas vu de jeunes Lindworms depuis des siècles, il est même possible que l'espèce soit en train de s'éteindre. Dans tous les cas, à l'échelle des Dragons, les plus jeunes Lindworms connus sont des vénérables et les représentants les plus puissants de cette espèce sont encore plus âgés.
Le Lindworm se distingue physiquement de ses cousins draconiques plus nombreux par son absence d'ailes et de pattes arrière. Le Lindworm a un immense corps serpentin et se déplace en rampant comme un serpent tout en s'aidant de ses pattes avant.
Il n'existe pas de Lindworm bon ou loyal : ces créatures sont toujours mues par la haine, le désir de faire le mal et la cruauté. Les représentants des trois sous-espèces décrites ci-dessous sont connus pour ne pas tenir parole et ne pas s'acquitter de leur part dans un marché. À leur décharge, il faut noter que tous les représentants de cette espèce ne sont pas avides.
À gauche, le Lindworm gris, au centre, le Lindworm bicéphale et à droite, le Lindworm nécrophage (illustration tirée du "Manuel des Monstres II").
Lindworm gris :
Les représentants de cette sous-espèce sont les plus petits des Lindworms. Ce sont également les plus agressifs et les plus implacables.
Le corps du Lindworm gris est long, lisse et brillant et très similaire à celui d'un serpent. Il n'utilise jamais ses deux pattes avant pour soutenir son corps ou progresser : il se déplace comme un serpent en maintenant en permanence la partie supérieure de son corps redressée. Ses écailles forment un camaïeu subtil de différentes nuances de gris.
Le Lindworm gris s'approprie tout ce qu'il voit : c'est la raison pour laquelle il s'installe dans les grottes naturelles qui dominent son territoire. Par extension, toute créature y est considérée comme un intrus et traitée comme telle. Dès que le Lindworm gris en repère un, il l'attaque en se servant d'ordinaire de ses pouvoirs magiques de vol ou de vent divin. Le Lindworm gris ne prend jamais le temps de jauger un adversaire ou de lui tendre un piège, préférant se reposer sur sa rapidité, la terreur qu'il inspire et la supériorité de ses modes d'attaque.
Lindworm bicéphale :
Les représentants de cette sous-espèce sont les plus grands de tous les Lindworms. Les Lindworms bicéphales ont un sens agressivement aigu du territoire et défendent leur immense repaire contre toutes les intrusions avec la dernière énergie.
Un Lindworm bicéphale peut atteindre une longueur extraordinaire. Deux têtes draconiques poilues, dressées chacune au bout d'un long cou serpentin, surmontent elles-mêmes un corps gigantesque. Les écailles du Lindworm bicéphale sont, au départ, d'un noir anthracite, mais scintillent et passent du noir au gris comme si une source lumineuse éclairait la créature de l'intérieur.
Le Lindworm bicéphale préfère établir son repaire dans une caverne située dans une région lointaine et déserte. Rares sont les grottes qui, à l'état naturel, sont suffisamment vastes pour abriter un Lindworm bicéphale confortablement : c'est pourquoi la créature dépense d'ordinaire beaucoup d'énergie, et ce pendant plusieurs siècles d'affilée, pour agrandir son repaire. Au bout du compte, son repaire devient un immense labyrinthe constitué de couloirs sinueux, de puits à pic, de lacs, de sources d'eau chaude et de fabuleuses cavernes naturelles et qui peut s'étendre sur des kilomètres sous la surface, à tel point que d'éventuels intrus peuvent l'explorer pendant des semaines sans jamais rencontrer la créature. Le monstre a également pour habitude de truffer son repaire de pièges destinés à capturer, désorienter ou tuer les intrus. Ces artifices sont souvent installés à proximité de périls naturels, tels que des geysers d'eau brûlante, et peuvent parfois déclencher des obstacles, tels que des chutes de pierres qui peuvent fermer à jamais un couloir.
Les Lindworms bicéphales n'attachent pas autant d'importance à leur trésor que les autres Dragons. D'ordinaire, cette créature amasse énormément de richesses au cours de sa longue vie, mais s'en soucie peu. La plus grande partie de ses acquisitions gisent oubliées là ou le Lindworm bicéphale les a laissé tomber après un examen rapide. Étant donné la taille du repaire du monstre et la légèreté avec laquelle il sème ses richesses, il pourrait sembler facile de se glisser dans son repaire, de ramasser quelques sacs pleins d'or et d'argent et d'en ressortir sans se faire remarquer. Un Lindworm bicéphale se soucie peu qu'on lui ait dérobé un sac de pierres précieuses, une très ancienne baguette magique ou un seau de pierres sans valeur : tout ce qu'il voit, c'est qu'on a violé l'entrée de son repaire et qu'on a dérobé ses biens. Quand cela arrive, le Lindworm bicéphale fait tout ce qui est en son pouvoir pour récupérer ses possessions et châtier les voleurs. S'il n'y parvient pas, sa colère s'abat sur la région alentour : il détruit sa végétation, rase les villages, met le feu aux récoltes et dévore le bétail.
Les Lindworms bicéphales sont toujours revêches et peu communicatifs.
Lindworm nécrophage :
Cette créature monstrueuse est généralement considérée comme étant la pire d'une espèce déjà peu fréquentable. Les personnages suffisamment chanceux pour rencontrer un Lindworm nécrophage dans une de ses rares phases d'amabilité vont découvrir qu'elle connaît quantité d'anciens mystères magiques. Mais quelle que soit son humeur initiale, aucune rencontre avec un Lindworm nécrophage ne se finira sans bain de sang, à moins que les intrus rendent un service immense à la bête - et ce n'est même jamais une assurance absolue.
Le corps immense du Lindworm nécrophage est un petit peu plus petit que celui d'un Lindworm bicéphale, mais la créature reste d'ordinaire lovée sur elle-même en une forme ramassée. Ses écailles sont recouvertes d'humeur, de moisissure, de mousse, de lichen et de touffes de soies ramifiées. Quand il reste étendu, immobile, le Lindworm nécrophage ressemble à un immense arbre mort abattu depuis des éons.
Les Lindworms nécrophages s'adaptent très facilement à tous les types de climats et les milieux naturels, mais ils installent toujours leur repaire sous d'anciens cimetières. Leur repaire est d'ordinaire gardé par les morts-vivants qui le servent - ce qui recouvre à peu près toutes les créatures de ce genre, des squelettes aux plus puissants, comme les Vampires et les Banshees. Ces créatures sont souvent d'anciens aventuriers en quête de trésors ou des voyageurs malchanceux qui se sont trop enfoncés sur le territoire du monstre. Quand ils ne sont pas chargés de garder le repaire de leur maître monstrueux, ces morts-vivants creusent le sol et fouillent les tombes situées au-dessus du repaire du Lindworm nécrophage, à la recherche d'or, de pierres précieuses et autres richesses pour augmenter encore le butin de leur maître."
- Donjons et Dragons, "Manuel des Monstres II".
Les Lindworms sont des créatures extrêmement anciennes dont on pense qu'elles forment un rameau de la famille des Dragons. Comme on n'a pas vu de jeunes Lindworms depuis des siècles, il est même possible que l'espèce soit en train de s'éteindre. Dans tous les cas, à l'échelle des Dragons, les plus jeunes Lindworms connus sont des vénérables et les représentants les plus puissants de cette espèce sont encore plus âgés.
Le Lindworm se distingue physiquement de ses cousins draconiques plus nombreux par son absence d'ailes et de pattes arrière. Le Lindworm a un immense corps serpentin et se déplace en rampant comme un serpent tout en s'aidant de ses pattes avant.
Il n'existe pas de Lindworm bon ou loyal : ces créatures sont toujours mues par la haine, le désir de faire le mal et la cruauté. Les représentants des trois sous-espèces décrites ci-dessous sont connus pour ne pas tenir parole et ne pas s'acquitter de leur part dans un marché. À leur décharge, il faut noter que tous les représentants de cette espèce ne sont pas avides.
À gauche, le Lindworm gris, au centre, le Lindworm bicéphale et à droite, le Lindworm nécrophage (illustration tirée du "Manuel des Monstres II").
Lindworm gris :
Les représentants de cette sous-espèce sont les plus petits des Lindworms. Ce sont également les plus agressifs et les plus implacables.
Le corps du Lindworm gris est long, lisse et brillant et très similaire à celui d'un serpent. Il n'utilise jamais ses deux pattes avant pour soutenir son corps ou progresser : il se déplace comme un serpent en maintenant en permanence la partie supérieure de son corps redressée. Ses écailles forment un camaïeu subtil de différentes nuances de gris.
Le Lindworm gris s'approprie tout ce qu'il voit : c'est la raison pour laquelle il s'installe dans les grottes naturelles qui dominent son territoire. Par extension, toute créature y est considérée comme un intrus et traitée comme telle. Dès que le Lindworm gris en repère un, il l'attaque en se servant d'ordinaire de ses pouvoirs magiques de vol ou de vent divin. Le Lindworm gris ne prend jamais le temps de jauger un adversaire ou de lui tendre un piège, préférant se reposer sur sa rapidité, la terreur qu'il inspire et la supériorité de ses modes d'attaque.
Lindworm bicéphale :
Les représentants de cette sous-espèce sont les plus grands de tous les Lindworms. Les Lindworms bicéphales ont un sens agressivement aigu du territoire et défendent leur immense repaire contre toutes les intrusions avec la dernière énergie.
Un Lindworm bicéphale peut atteindre une longueur extraordinaire. Deux têtes draconiques poilues, dressées chacune au bout d'un long cou serpentin, surmontent elles-mêmes un corps gigantesque. Les écailles du Lindworm bicéphale sont, au départ, d'un noir anthracite, mais scintillent et passent du noir au gris comme si une source lumineuse éclairait la créature de l'intérieur.
Le Lindworm bicéphale préfère établir son repaire dans une caverne située dans une région lointaine et déserte. Rares sont les grottes qui, à l'état naturel, sont suffisamment vastes pour abriter un Lindworm bicéphale confortablement : c'est pourquoi la créature dépense d'ordinaire beaucoup d'énergie, et ce pendant plusieurs siècles d'affilée, pour agrandir son repaire. Au bout du compte, son repaire devient un immense labyrinthe constitué de couloirs sinueux, de puits à pic, de lacs, de sources d'eau chaude et de fabuleuses cavernes naturelles et qui peut s'étendre sur des kilomètres sous la surface, à tel point que d'éventuels intrus peuvent l'explorer pendant des semaines sans jamais rencontrer la créature. Le monstre a également pour habitude de truffer son repaire de pièges destinés à capturer, désorienter ou tuer les intrus. Ces artifices sont souvent installés à proximité de périls naturels, tels que des geysers d'eau brûlante, et peuvent parfois déclencher des obstacles, tels que des chutes de pierres qui peuvent fermer à jamais un couloir.
Les Lindworms bicéphales n'attachent pas autant d'importance à leur trésor que les autres Dragons. D'ordinaire, cette créature amasse énormément de richesses au cours de sa longue vie, mais s'en soucie peu. La plus grande partie de ses acquisitions gisent oubliées là ou le Lindworm bicéphale les a laissé tomber après un examen rapide. Étant donné la taille du repaire du monstre et la légèreté avec laquelle il sème ses richesses, il pourrait sembler facile de se glisser dans son repaire, de ramasser quelques sacs pleins d'or et d'argent et d'en ressortir sans se faire remarquer. Un Lindworm bicéphale se soucie peu qu'on lui ait dérobé un sac de pierres précieuses, une très ancienne baguette magique ou un seau de pierres sans valeur : tout ce qu'il voit, c'est qu'on a violé l'entrée de son repaire et qu'on a dérobé ses biens. Quand cela arrive, le Lindworm bicéphale fait tout ce qui est en son pouvoir pour récupérer ses possessions et châtier les voleurs. S'il n'y parvient pas, sa colère s'abat sur la région alentour : il détruit sa végétation, rase les villages, met le feu aux récoltes et dévore le bétail.
Les Lindworms bicéphales sont toujours revêches et peu communicatifs.
Lindworm nécrophage :
Cette créature monstrueuse est généralement considérée comme étant la pire d'une espèce déjà peu fréquentable. Les personnages suffisamment chanceux pour rencontrer un Lindworm nécrophage dans une de ses rares phases d'amabilité vont découvrir qu'elle connaît quantité d'anciens mystères magiques. Mais quelle que soit son humeur initiale, aucune rencontre avec un Lindworm nécrophage ne se finira sans bain de sang, à moins que les intrus rendent un service immense à la bête - et ce n'est même jamais une assurance absolue.
Le corps immense du Lindworm nécrophage est un petit peu plus petit que celui d'un Lindworm bicéphale, mais la créature reste d'ordinaire lovée sur elle-même en une forme ramassée. Ses écailles sont recouvertes d'humeur, de moisissure, de mousse, de lichen et de touffes de soies ramifiées. Quand il reste étendu, immobile, le Lindworm nécrophage ressemble à un immense arbre mort abattu depuis des éons.
Les Lindworms nécrophages s'adaptent très facilement à tous les types de climats et les milieux naturels, mais ils installent toujours leur repaire sous d'anciens cimetières. Leur repaire est d'ordinaire gardé par les morts-vivants qui le servent - ce qui recouvre à peu près toutes les créatures de ce genre, des squelettes aux plus puissants, comme les Vampires et les Banshees. Ces créatures sont souvent d'anciens aventuriers en quête de trésors ou des voyageurs malchanceux qui se sont trop enfoncés sur le territoire du monstre. Quand ils ne sont pas chargés de garder le repaire de leur maître monstrueux, ces morts-vivants creusent le sol et fouillent les tombes situées au-dessus du repaire du Lindworm nécrophage, à la recherche d'or, de pierres précieuses et autres richesses pour augmenter encore le butin de leur maître."
- Donjons et Dragons, "Manuel des Monstres II".
Illustration de Mauricio Herrera représentant (probablement) une sorte de Drake ou Lindorm.
Si les jeux de rôles ont eu le mérite de présenter cette créature dans leur bestiaire, il est fort dommage que ce soit sous une forme assez stéréotypée (tous malveillants).
Le côté nécrophage de l'une des espèces présentées est probablement inspiré de la légende : "Le Lindorm et le vitrier" (que vous pouvez lire ou relire au début de cet article).
Dans la version anglaise (originale donc), les Lindworms sont également appelés "Norse Dragons" ("Dragons nordiques"). Un titre qui n'est pas loin de la vérité.
Les créatures sont décrites comme des "cousins primitifs" des Dragons (là on s'éloigne de la "réalité" mythologique) qui sont dénués d'ailes et de membres postérieurs.
En sus des trois espèces présentées, ci-dessus, il existe un florilège de variantes pour cette espèce, en voici la liste complète : le "Corpse Tearer Linnorm" ("Lindworm déchiqueteur de cadavres", censé être le plus puissant représentant des Lindworms, il s'agit peut-être du Lindworm nécrophage), le "Dread Linnorm" ("Lindworm d'effroi", le plus long des Lindworms), le "Flame Linnorm" ("Lindworm de feu"), le "Forest Linnorm" ("Lindworm des forêts"), le "Frost Linnorm" ("Lindworm du froid"), le "Gray Linnorm" ("Lindworm gris", déjà évoqué plus haut), le "Land Linnorm" ("Lindworm de terre" ou "Lindworm terrestre"), le "Midgard Linnorm" ("Lindworm de Midgard"), le "Rain Linnorm" ("Lindworm de pluie"), le "Sea Linnorm" ("Lindworm marin") et enfin le "Swamp Linnorm" ("Lindworm des marais").
- Un autre type de créature issu de "Donjons et Dragons" vous semblera curieusement familier (du moins si vous n'avez pas lu l'article en diagonale) : le Draqueterre (ou "Landwyrm" en anglais).
Voici la description des différentes espèces qui apparaissent dans le "Draconomicon" :
"Draqueterre :
Les Draqueterres sont des Dragons rusés et aptères, redoutables prédateurs qui parcourent leur environnement à la recherche de gibier. Bien que certains clament qu'ils constituent une forme ancestrale et primitive de Dragons véritables, la plupart d'entre eux refusent cette interprétation. Quelle que soit son origine, chaque espèce de Draqueterre se montre remarquablement bien adaptée à son environnement naturel.
Toutes les espèces de Draqueterres sont dépourvues d'ailes, mais leur corps peut s'avérer très varié, allant de sinueux, comme chez les Draqueterre du désert, à ramassé et anguleux, comme c'est le cas du Draqueterre des montagnes. Leurs mâchoires sont aussi imposantes que puissantes, leurs pattes antérieures et postérieures dotées de griffes, et leurs écailles épaisses sont adaptées aux teintes de leur environnement.
Les Draqueterres sont de vrais puits de savoir en ce qui concerne leur milieu naturel et constituent de précieuses sources de sapience quand on sait les approcher dans la paix et le respect.
Ils font aussi d'excellentes montures, même s'ils restent des créatures indépendantes et têtues. Leur cavalier a donc tout intérêt à les traiter avec grand respect, même dans le cas des moins intelligents. S'il ne veut pas qu'ils se retournent contre lui.
Draqueterre des collines :
Les Draqueterres des collines ne sont que des brutes primaires qui prennent l'ascendant sur leurs ennemis en les intimidant et en leur faisant la démonstration de leur puissance physique.
La couleur de cette créature varie avec son environnement. Certains sont d'un gros ardoise, tandis que d'autres présentent des écailles brunes, rouille ou ocre. Leur silhouette est massive et musculeuse et leurs griffes sont tranchantes et effilées comme des poignards.
Malgré leur puissance, les Draqueterres des collines préfèrent ne s'en prendre qu'aux créatures assurément plus faibles qu'eux. Ainsi, alors qu'un Géant des collines esseulé constitue une victime de choix, le Draqueterre préférera se cacher à la vue d'un groupe entier de ces mêmes Géants. Certains Géants capturent d'ailleurs parfois des Draqueterres des collines pour en faire leurs chiens de garde ou leurs montures, mais les Draqueterres sont loin d'apprécier ce statut et font alors tout pour s'échapper.
Un genre de Drake rocheux (illustré par Hugo Solis).
Draqueterre du Désert :
Le cœur du Draqueterre du désert brûle d'une malfaisance contenue, tandis que la créature reste tapie dans l'attente de nouvelles victimes.
Ses écailles d'un brun tendant vers le jaune se fondent parfaitement dans le décor aride qui l'encadre. Son corps sinueux lui prête l'apparence d'un énorme serpent, jusqu'à ce qu'on remarque les puissantes pattes arrière et avant qu'il garde le plus souvent collées le long du corps.
Les Draqueterres du désert s'établissent généralement dans d'anciens tombeaux ou d'autres constructions en ruine, d'où leur surnom de "Dragon des tombes".
Draqueterre des forêts :
Plus noble du genre, le Draqueterre des forêts se considère comme le gardien de son domaine forestier. Il ne prélève que ce dont il a besoin pour survivre et chasse implacablement les prédateurs ennemis.
La peau du Draqueterre des forêts présente un assemblage de taches vertes et marron, auxquelles se mêlent du jaune et du rouge à l'automne. Quand il se sent menacé, ce Draqueterre déploie sa collerette aux écailles en forme de feuilles d'arbre, ce qui le fait paraître encore plus grand qu'il ne l'est en réalité.
Draqueterre de la jungle :
De toutes les espèces de Draqueterres, celle de la jungle est considérée comme la plus foncièrement perverse et maléfique. En effet, ce monstre ne connaît comme émotion que la haine, qu'il éprouve à l'encontre de toutes les créatures vivantes.
Sa peau écailleuse présente une couleur vert sombre avec quelques taches éparses, rouge ou jaune vif, se fondant parfaitement dans le décor tropical de son environnement. Malgré sa taille, le Draqueterre de la jungle se glisse avec grande aisance au milieu des feuillages et des arbres, grâce à sa silhouette souple et agile. Certains individus peu avisés confondent ces Draqueterres avec quelque énorme dinosaure et pensent pouvoir les gérer comme de vulgaires animaux. C'est le genre d'erreur qui ne pardonne pas.
Draqueterre des marais :
Les abjects et sanguinaires Draqueterres des marais se délectent de l'agonie de leurs proies.
La peau tachetée de vert et de brun de ce Draqueterre est constamment recouverte de limon et d'algues. Ses pattes palmées font de lui un grand nageur et ses yeux luisent comme de pâles lanternes jaunâtres dès qu'il entre en colère.
Draqueterre des Montagnes :
le Draqueterre des montagnes passe ses journées à somnoler dans le secret de sa caverne, en plein cœur de quelque pic de haute montagne. Mais une fois éveillé, il se révèle comme l'une des créatures les plus féroces de la planète.
À première vue, le Draqueterre des montagnes ne semble être qu'une grosse masse rocheuse. Malgré sa taille, il est d'ailleurs possible de passer à côté de lui sans même le remarquer. Mais dès qu'il bouge, le sol tremble sous ses pas.
Draqueterre des plaines :
Le Draqueterre des plaines serait une créature bien misérable s'il n'était pas aussi dangereux. Malgré sa couardise, ce charognard peut s'en prendre à des créatures vivantes quand il est affamé ou n'a pas d'autre solution.
La peau de ce Draqueterre est rayée de brun et de vert clair, ce qui lui permet de se fondre dans le décor de son milieu naturel. On le confond parfois avec un vélociraptor car il se tient souvent sur ses pattes arrière.
La plupart des Draqueterres des plaines errent dans leur milieu naturel car ils ne sont pas suffisamment courageux pour mener des guerres territoriales. La créature se montre capable de duperie quand elle est acculée, mais n'a par ailleurs pas toujours la patience de recourir à ce genre de stratagème.
Drake aquatique illustré à nouveau par Hugo Solis.
Draqueterre des profondeurs :
Le Draqueterre des profondeurs, ou Dragon des cavernes, passe sa vie entière dans les ténèbres à fomenter ses plans malfaisants et à répandre la mort.
Sa peau est gris foncé, ce qui lui permet de mieux se fondre dans le décor souterrain. Sa vue et son ouïe sont singulièrement médiocres, mais il compense ce désavantage par d'autres aptitudes sensorielles.
Son antre élaboré est souvent adapté pour tirer avantage de l'environnement naturel (gouffres et lacs par exemple).
Draqueterre de la toundra :
Le Draqueterre de la toundra, redoutable buveur de sang, passe l'essentiel de son existence en semi-hibernation, enfoui sous le sol givré dans l'attente du passage d'une proie.
Ses écailles sont d'une couleur ivoire négligée. Ses griffes potelées lui permettent de creuser efficacement dans la terre glacée et son rugissement rappelle celui d'un lion de mer furieux.
Sa nourriture favorite n'est autre que la viande de mammifère, comme les caribous et les ours polaires."
- Donjons et Dragons, "Draconomicon".
Décrits comme des créatures draconiques dénuées d'ailes et pourvues de 4 solides membres, les Draqueterres sont peut-être inspirés des Drakes (tout au moins pour le nom français). Un détail cependant met en doute cette théorie : étant donné que le nom original (en anglais) de cette espèce est "Landwyrm" (qu'on pourrait traduire en : "Wyrm terrestre"), il est plus que probable que ces "cousins draconiques" soient basés sur les Wyrms.
- Dans le jeu de cartes "Magic the Gathering", il existe un type de créature apparenté aux Dragons : les Drakôns. Appelés en anglais Drakes et apparus pour la première fois en 1994, ces cousins draconiques sont assez similaires aux Semi-Dragons (ailés mais dénués de membres antérieurs) ; ils sont également aisément identifiables grâce à leur silhouette élancée et leur teinte bleutée. Plus petits que les Dragons classiques, les Drakôns sont souvent présents le long des côtes, ce qui dans le jeu, les associe souvent au Mana bleu - dans le jeu, le Mana est l'énergie qui permet de lancer des sorts. Le Mana bleu est basé sur des sorts qui permettent de gêner l'adversaire, de contrôler ses créatures et d'invoquer des jeteurs de sorts et créatures volantes.
Illustration d'Anthony Francisco représentant le "Drakôn des gorges" présent dans l'édition "Magic 2012".
Actuellement, il existe un nombre conséquent de variétés de Drakôns (plus d'une cinquantaine) dans le jeu. Je ne vous citerai donc que les plus marquants. Vous pourrez donc dénichez dans ce jeu de cartes le "Drakôn azur" (premier qui soit apparu), le "Drakôn de Téfeiri" (le familier d'un personnage qui a marqué l'histoire de Magic), le "Drakôn cracheur" (l'un des rares associés au Mana Rouge), etc.
Les Wyvernes sont également présentes dans les anciennes éditions. Ces dernières semblent considérées comme faisant partie de la race des Drakôns.
Le mot "drakôn" est probablement inspiré du terme proto-garmanique "dracô" ("Dragon"), tandis que sa version anglaise ("drake") vient du même mot en anglais moyen (consultez le chapitre sur les Drakes de cet article pour en savoir plus sur le sujet).
Jeux :
- Connu pour son ambiance nordique prononcée, le 5ème épisode de la licence "The Elder Scrolls", Skyrim (sorti en 2011 sur PC, Xbox 360 et PlayStation 3) se déroule en Bordeciel (province du continent de Tamriel) et a pour thème central le retour des Dragons.
Dans ce jeu, les Dragons (appelés Dovah au singulier et Dov au pluriel) sont dotés d'une paire d'ailes mais dénués de membres antérieurs (comme tout Semi-Dragon qui se respecte).
Artwork d'un Dragon de Skyrim - la plupart des visuels de ce jeu ont été réalisés par Adam Adamowicz (décédé en 2012) et Ray Lederer.
Connus comme étant la première race qui a peuplé le monde de Nirn (le monde où se déroule le jeu), les Dragons disparaîtront peu après la grande "guerre draconique" (où les races "inférieures" se sont rebellées du joug de leurs maîtres draconiques). Le retour d'Alduin, le "Dragon Noir" entraînera leur réapparition des siècles plus tard.
Sur Nirn, les Dragons sont des êtres puissants, dotés d'un grand savoir. La langue de ces créatures est chargée d'une grande magie. Chaque mot recèle un pouvoir grandiose qui leur permet de produire des effets magiques variés tel que : souffler le feu, le froid et bien d'autres choses. Lorsque deux Dragons s'affrontent, le combat ressemble à un débat où le plus talentueux des deux l'emporte.
Dans l'histoire, votre personnage est reconnu comment étant "l'Enfant de Dragon" ("Dragon-born"), une sorte d'élu capable d'absorber la puissance et les connaissances d'un Dragon chaque fois qu'il parvient à en tuer un. Durant votre périple, vous devrez tenter de vaincre Alduin afin d'empêcher la destruction totale de Nirn.
Durant votre quête, vous croiserez de nombreuses espèces de Dragons. Vous aurez donc la possibilité de vous faire rôtir (ou geler) la couenne par : les Dragons Bruns (espèce classique), les Dragons de Sang (Dragons de couleur verte et dotés d'une queue plate), les Dragons de Glace (Dragons de couleurs blanche et bleue qui n'attaquent qu'avec des capacités liées au froid), les Dragons Anciens (leurs écailles tirent sur le rouge et l'orange), les Dragons Révérés - ou Dragons Vénérés - (ces créatures n'apparaissent que si le DLC "Dawnguard" est installé), les Dragons millénaires (introduits également dans le DLC "Dawnguard", ils sont censés être les plus puissants représentants de leur race), les Dragons Squelettes (créatures ramenées à la vie par magie) et les Dragons serpentiformes - Dragons noirs et dénués de cornes dont la tête fait penser à un serpent à la mâchoire surdéveloppée. Ces êtres n'apparaissent que si le DLC "Dragonborn" est installé.
En sus de toute cette légion de "compagnons de jeu" écailleux, il existe quelques Dragons uniques dont vous trouverez la description ci-dessous.
Alduin :
Surnommé le "Destructeur de Mondes", Alduin s'est retrouvé - durant la "guerre draconique" - projeté dans le futur (durant l' "Ère Quatrième") grâce à un "Parchemin des Anciens" - appelés également "Elder Scrolls", ces artefacts puissants sont censé décrire tous les évènements du passé, du présent et du futur - dont s'est servi un groupe de héros pour le vaincre.
Alduin dans toute sa splendeur (concept art de Skyrim).
Censé être le premier Dragon créé par Akatosh (dieu draconique qui incarne le temps), ce "Dragon Noir" ne semble animé que par le besoin de détruire.
Durnehviir :
Dragon Mort-vivant dont le nom signifie "la Malédiction qui ne meurt jamais". Aisément reconnaissable grâce aux 4 cornes courbes qui ornent sa tête Durnehviir a pour projet de créer une armée de Non-Morts.
Odhaviing :
Capturé par "l'Enfant de Dragon", Odhaviing le Dragon Millénaire pourra être appelé d'un cri afin de vous prêter main-forte dans vos batailles.
Paarthurnax :
Frère d'Alduin et maître des "Grises-Barbes" - ordre de Nordiques capables d'utiliser le Thu'um (que l'on appelle également le "Cri Draconique"), Alduin est le premier Dragon à avoir enseigné le Thu'um aux humains.
Il existe bien entendu d'autres Dragons uniques mais je vous laisse les découvrir par vous même.
À propos de Dragons, il est amusant de voir que de nombreux joueurs se sont plaints de l'aspect de ces créatures dans le jeu... Pour eux il ne s'agit pas de Dragons car ils n'ont pas 4 membres...
Je suppose que vous savez déjà qu'il existe une infinité de variétés de créatures draconiques et que celle des Dragons Occidentaux (ou Classiques) est assez tardive.
Je précise toutefois que l'aspect des Dragons dans ce jeu a peut-être été défini pour des raisons pratiques : il était plus facile d'animer un Dragon doté de 2 membres que 4.
Artwork probable d'un "Dragon de Glace".
Malgré tout, ces créatures sont bel est bien des Dragons. J'ajouterai que, vu que ces créatures ont les caractéristiques des semi-Dragons et qu'elles se trouvent dans une région fortement inspirée par les mythes nordiques, il y a de fortes chances que ce soient des Lindorms - et non des Wyvernes comme certains l'ont suggéré (puisque cette créature est plus présente dans le folklore anglais).
- Le "faux" Boss final du jeu "Legend Of Grimrock 2" - un genre de Dungeon Crawler sorti en 2014 est un énorme semi-Dragon appelé Lindworm et servant de monture à un Nécromancien (ou magicien) encapuchonné.
Durant le combat, le Nécromant se protègera (lui et sa "monture") derrière un bouclier magique tout en invoquant des hordes de créatures (Non-morts, Hommes-Rats, ...). Une fois la plupart des ennemis vaincus, le bouclier se dissipera et le Dragon se jettera sur vous tous crocs dehors. Il pourra également (en option) vous changer en bloc gelé de son souffle glacé.
Le Dungeon Crawler est un type de jeu assez classique où il s'agit d'explorer donjons labyrinthiques,
trucider des pelletées de monstres afin de dénicher tous les trésors de
la zone... c'est au final fort similaire au type de jeu de rôle papier rudimentaire appelé "porte, monstre, trésor" (le genre de partie où vous ne risquerez guère de fatiguer vos méninges).
J'ajouterais que, mythiquement parlant, la Nécromancie est principalement l'art de communiquer avec les morts.
- Les Dragons semblent avoir déserté Lordran - terre des dieux où se déroulent les évènements de "Dark Souls" - et pourtant, en explorant un peu ce royaume sur le déclin, vous ne tarderez pas à vous retrouvez nez à museau face à l'une de ces créatures.
En tentant de traverser le pont qui mène à la "Paroisse des Mort-vivants", vous serez stoppé dans votre course par l'assaut d'une gigantesque créature draconique aux teintes vermeilles qui déchaînera sur vous un véritable torrent de flammes.
Après son premier jet de feu, le "Dragon Carcasse" se juchera au-dessus de l'ouverture qui permet d'accéder directement à la "Paroisse des Mort-vivants" (ce qui vous obligera à faire un long détour pour l'atteindre) et vous gratifiera d'un "chaleureux accueil" chaque fois que vous pointerez le bout de votre nez.
Vous remarquerez que la queue de la créature dépasse du pont. Si vous prenez un arc et canardez son appendice caudal de flèches. Une trentaine de ces projectiles devrait suffire à trancher la queue, vous obtiendrez ainsi l' "Épée Droite Draconique", une arme puissante pour démarrer le jeu et capable de projeter une vague d'énergie lorsqu'elle est maniée à deux mains.
Pour vaincre le "Dragon Carcasse", rien de bien compliqué : revêtez une tenue qui résiste au feu et qui n'est pas trop lourde (le "Set d'Armure Noire Bordée d'Or" devrait faire l'affaire), montez les marches qui mène au pont, redescendez aussitôt pour éviter le jet de feu craché par le Dragon, remontez et décochez une flèche sur la bête. Le "Dragon Carcasse" excédé bondira sur le pont, ce qui vous donnera l'occasion de le frapper à la tête (ou aux pattes) avec votre arme (chargée à la foudre de préférence). Une fois votre coup porté, battez en retraire et recommencez cette opération jusqu'à la mort du Dragon.
Il existe bien entendu d'autres méthodes pour le vaincre. Vous pouvez employer un "Grand Arc du Tueur de Dragons" pour le transformer en pelote d'épingles ou l'attirer avec une flèche et l'affronter au corps à corps (vous devrez courir vers lui pour être au niveau du parapet près de la herse menant à la paroisse et esquivez ses crocs tout en le forçant à cracher ses flammes pour vous donner l'occasion de le frapper plusieurs fois en toute sécurité).
Ce combat est optionnel et vous ne gagnerez que 10 000 Âmes en trucidant le "Dragon Carcasse"... À vous de voir si le jeu en vaut la chandelle.
Artwork du "Dragon Carcasse" (ou "Red Drake").
Certains se demanderont peut-être pourquoi je parle de cette créature puisqu'elle ne semble avoir aucun rapport avec les Lindorms ou les Drakes.
La description en français de l' "Épée Droite Draconique" vous confortera d'ailleurs dans cette idée :
"Cette épée, une arme draconique rare, provient d'un Dragon transformé en Carcasse et relate le destin funeste de son espèce."
- Description de l' "Épée Droite Draconique".
- Les Dragons semblent avoir déserté Lordran - terre des dieux où se déroulent les évènements de "Dark Souls" - et pourtant, en explorant un peu ce royaume sur le déclin, vous ne tarderez pas à vous retrouvez nez à museau face à l'une de ces créatures.
En tentant de traverser le pont qui mène à la "Paroisse des Mort-vivants", vous serez stoppé dans votre course par l'assaut d'une gigantesque créature draconique aux teintes vermeilles qui déchaînera sur vous un véritable torrent de flammes.
Après son premier jet de feu, le "Dragon Carcasse" se juchera au-dessus de l'ouverture qui permet d'accéder directement à la "Paroisse des Mort-vivants" (ce qui vous obligera à faire un long détour pour l'atteindre) et vous gratifiera d'un "chaleureux accueil" chaque fois que vous pointerez le bout de votre nez.
Vous remarquerez que la queue de la créature dépasse du pont. Si vous prenez un arc et canardez son appendice caudal de flèches. Une trentaine de ces projectiles devrait suffire à trancher la queue, vous obtiendrez ainsi l' "Épée Droite Draconique", une arme puissante pour démarrer le jeu et capable de projeter une vague d'énergie lorsqu'elle est maniée à deux mains.
Pour vaincre le "Dragon Carcasse", rien de bien compliqué : revêtez une tenue qui résiste au feu et qui n'est pas trop lourde (le "Set d'Armure Noire Bordée d'Or" devrait faire l'affaire), montez les marches qui mène au pont, redescendez aussitôt pour éviter le jet de feu craché par le Dragon, remontez et décochez une flèche sur la bête. Le "Dragon Carcasse" excédé bondira sur le pont, ce qui vous donnera l'occasion de le frapper à la tête (ou aux pattes) avec votre arme (chargée à la foudre de préférence). Une fois votre coup porté, battez en retraire et recommencez cette opération jusqu'à la mort du Dragon.
Il existe bien entendu d'autres méthodes pour le vaincre. Vous pouvez employer un "Grand Arc du Tueur de Dragons" pour le transformer en pelote d'épingles ou l'attirer avec une flèche et l'affronter au corps à corps (vous devrez courir vers lui pour être au niveau du parapet près de la herse menant à la paroisse et esquivez ses crocs tout en le forçant à cracher ses flammes pour vous donner l'occasion de le frapper plusieurs fois en toute sécurité).
Ce combat est optionnel et vous ne gagnerez que 10 000 Âmes en trucidant le "Dragon Carcasse"... À vous de voir si le jeu en vaut la chandelle.
Artwork du "Dragon Carcasse" (ou "Red Drake").
Certains se demanderont peut-être pourquoi je parle de cette créature puisqu'elle ne semble avoir aucun rapport avec les Lindorms ou les Drakes.
La description en français de l' "Épée Droite Draconique" vous confortera d'ailleurs dans cette idée :
"Cette épée, une arme draconique rare, provient d'un Dragon transformé en Carcasse et relate le destin funeste de son espèce."
- Description de l' "Épée Droite Draconique".
Pourtant, si vous prenez la peine de lire la version anglaise de cette description, vous aurez une tout autre chanson :
"This sword, one of the rare Dragon weapons, is formed by a Drake's tail. Drakes are seen as undeveloped imitators of the Dragons, but in they are likely their distant kin."
- Description de la "Drake Sword".
Ce qui nous donne en français :
"Cette épée, l'une des rares armes draconiques, est formée par la queue d'un Drake. Les Drakes sont vus comme des imitateurs des Dragons peu développés ; ils sont cependant des parents éloignés."
- Description de la "Drake Sword".
Le "Dragon Carcasse" est appelé en anglais "Hellkite Dragon" - grosso modo "Dragon infernal", le terme anglais "hellkite" ("Escouflenfer") est surtout employé pour décrire certains Dragons du jeu de cartes "Magic the Gathering" -, Red Drake" ("Drake Rouge") et "Bridge Wyvern" ("La Wyverne du Pont").
Vous l'aurez compris, la version française de cette description est presque totalement différente de celle en anglais.
La version anglaise semble plus appropriée étant donné que le "Red Drake" ressemble fortement aux Drakes bleus qui résident dans la "Vallée des Drakes" (pas de membres antérieurs, dos hérissé de pointes, ...). Le "Hellkite Dragon" est probablement un Drake ancien et puissant.
Étrangement, le "Red Drake" est considéré comme un cousin lointain des Dragons et pourtant, ce dernier vous permet d'acquérir une arme draconique si vous parvenez à lui trancher la queue (dans "Dark Souls", toute créature dont le découpage du membre caudal vous permet d'obtenir une arme est liée aux Dragons).
En parlant des Drakes, vous trouverez ces sympathiques créatures dans la fameuse "Vallée des Drakes". Il s'agit d'une zone optionnelle située entre deux falaises où une famille de petits Dragons y a élu domicile (vous trouverez également dans la zone un "Dragon-Zombi" mais ça c'est une autre histoire).
Contrairement au "Red Drake" qui est sensible à la foudre et crache du feu, les 6 Créatures qui résident dans cette zone seront sensibles au feu (et au poison) et vous jetteront des jets d'électricité.
Dotés d'une barre de vie importante, les Drakes seront utiles si vous êtes en quête d'Écailles de Dragon (pour augmenter la puissance de vos armes draconiques ou les offrir en tribut au "Dragon de Pierre" du "Lac Cendré").
Design du "Dragon de Pierre" de "Dark Souls" (notez la différence entre cette créature et le "Red Drake").
Pour ceux qui l'ignorent, l'arme cachée dans la queue des Dragons est une référence au mythe japonais où Susanoo affronte le Dragon octocéphale (à 8 têtes) Yamata no Orochi (je vous raconterai en détail cet épisode dans un article plus adapté).
- Les Red Drakes feront leur grand retour dans "Dark Souls II" (et dans "Dark Souls II Scholar of the First Sin").
Ces créatures reviendront sous la forme des Dragons Gardiens : des semi-Dragons rouges au bec acéré, à l'échine hérissée de pointes et au souffle ardent.
Dans "Dark Souls II", vous trouverez votre premier "Dragon gardien" dans une cage géante se trouvant à la sortie de la "Forteresse d'Aldia". Peu après votre combat contre ce Boss cracheur de feu, vous accéderez à l' "Aire du Dragon", une zone qui grouille littéralement de Dragons Gardiens dont 3 peuvent être affrontés (vous en trouverez des myriades dans les cieux, sans oublier les innombrables œufs bleutés qui jonchent le sol).
Une fois le pont traversé, vous pourrez accéder au "Sanctuaire Draconique" où vous affronterez notamment les "Garde-Drake", des colosses engoncés dans de lourdes armures noires. Peu avant de parvenir au but de votre voyage, vous pourrez admirer les deux statues de Dragons Gardiens qui ornent les marches du dernier escalier du sanctuaire.
Il est également possible de trouver un autre "Dragon Gardien" (plus faible que ses congénères) dans la "Tour des Flammes de Heide" mais seulement dans "Dark Souls II Scholar of the First Sin" (il s'agit d'une version améliorée du jeu de base, donc l'emplacement de certains ennemis, objets et personnages a changé).
En sus de ces charmantes créatures, vous pourrez obtenir l' "Âme de Drake Pâle Ancien" en abattant "Freja, la Protégée du Duc" (une araignée titanesque au corps caparaçonné). L'objet vous permettra de forger l' "Espadon du Clair de Lune" (l'arme emblématique de "From Software") ou de créer la Sorcellerie appelée "Lance d'Âme en Cristal".
Je précise que j'ai abrégé cette annexe pour la bonne et simple raison qu'il me faudra parler en détail de ces créatures dans l'article consacré à "Dark Souls II". Vous trouverez donc plus de détails au sujet de ces charmantes créatures dans un article futur.
- "Demon's Souls", l'ancêtre de "Dark Souls", n'est pas en reste non plus niveau semi-Dragons (des ailes mais pas de membres antérieurs).
C'est dans le "Palais de Boletaria" que vous croiserez un charmant couple écailleux composé d'un "Dragon Rouge" et d'un "Dragon Bleu".
Dans la partie 1.1 de ce niveau, vous verrez les deux Dragons vautrés sur une corniche herbue. Si vous vous approchez de leur domaine, le "Dragon Rouge" crachera en continu des flammes et le "Dragon Bleu" vous balayera d'un coup de queue si vous tentez de vous emparer de ses trésors (le "Bouclier de la Flamme Violette" et l' "Anneau de Grande Force").
Un peu plus loin, vous tomberez sur un pont étroit encombré d'ennemis. Si vous tentez de le traverser les mains dans les poches, vous risquerez de finir calciné par le "Dragon Rouge" (qui se fera un plaisir de voler jusqu'à vous).
Le "Dragon Rouge" ne pourra être tué dans cette partie du niveau. Si vous tentez de le cribler de flèches, il fuira pour panser ses blessures.
Vous retrouverez le "Dragon Rouge" dans la partie 1.2 du niveau. Pour le vaincre, il vous suffira de vous armer d'un arc ou d'une arbalète, d'escalader la tour qui fait face au pont que la créature ne cesse de roussir de ses flammes et de transformer votre vieil ennemi en pelote d'épingles. Votre victoire vous permettra d'obtenir un consommable qui vous rapportera 10 000 Âmes.
Le "Dragon Bleu" pourra être vaincu dans la partie 1.4 du "Palais de Boletaria".
Dans un premier temps, la créature vous attendra au bout d'une étroite passerelle et vous crachera ses flammes en continu. Il sera donc recommandé de l'attaquer avec des flèches ou de faire appel à la magie. Une fois sa vie proche des 50%, le "Dragon Bleu" s'envolera vers un grand escalier bordé de statues, où... oh surprise, il crachera des flammes en continu. Après avoir liquidé tout ce qui gêne votre route (notez au passage le corps de l'infortuné Dragon, percé de flèches et de lames) La suite du combat sera simple : il suffira de courir vous abriter sous l'arche où il est campé (hors de portée de ses flammes) et de continuer à le mitrailler de vos projectiles.
Vous obtiendrez en fin de combat une Âme de Démon qui vous rapportera 30 000 Âmes.
Le "Red Drake" de "Dark Souls" est bien entendu un clin-d'œil en référence au "Dragon Rouge" et au "Dragon Bleu".
Le "Red Drake" semble d'ailleurs plus inspiré du "Dragon Rouge" que de son collègue bleuté (même couleur, même technique d'attaque, même nombre d'âmes donné en récompense).
- "Dragon's Dogma" (jeu sorti en 2012 sur Xbox 360 et PlayStation 3), un jeu de type Action-RPG (jeu d'action avec des caractéristiques du jeu de rôle), vous fera tenir le rôle d'un "Insurgé", un être dont le cœur a été dérobé par un Dragon.
Choisi par le Dragon, l' "Insurgé" deviendra une sorte d'élu, le seul capable de vaincre cette créature. Avec le titre viendront de nouvelles capacités : le pouvoir d'invoquer des Pions (appelés aussi Myrmidons, ces êtres dénués d'émotions vivent dans les tréfonds de la "Crevasse" et ne vivent que pour servir les Insurgés) qui l'assisteront au combat et l'immortalité tant que le Dragon sera en vie (si l' "Insurgé" parvient à récupérer son cœur, les autres Insurgés perdront leurs capacités et se verront rattrapés par le temps).
Artwork de "Dragon's Dogma" représentant le Dragon Grigori.
Vous affronterez dans ce jeu de nombreuses créatures mythologiques : des Chimères, des Hydres, des Harpies, ... mais également des créatures draconiques comme le "Drake".
Ce formidable adversaire se présentera sous la forme d'un petit Dragon rouge ailé, doté d'une grosse tête posée sur un cou plus court que la moyenne et d'un tronc terminé par 4 membres griffus.
Dans ce jeu, le "Drake" est considéré comme l'un des plus faibles de la race des Dragons (il reste cependant un formidable adversaire), il est également le seul Dragon (le jeu ne considère pas l'Hydre comme un membre de la famille des Dragons) à pouvoir être rencontré dans le duché de Gransys (lieu où se déroule la majeure partie de l'aventure).
Étant lié au feu (et donc faible face à la glace), le "Drake" pourra cracher du feu à volonté mais également utiliser toute une batterie d'attaques variées (charger, battre des ailes pour créer un vent violent, donner des coups de queue circulaires ou agripper l'un de vos Pions pour le soumettre à sa volonté et le retourner contre vous, ...).
Le point faible principal du Drake (comme presque tous les Dragons du jeu) est la cicatrice sur la poitrine qui marque l'emplacement de son cœur. Il vous faudra d'ailleurs frapper le palpitant du Drake lorsqu'il est mourant afin de l'achever définitivement.
Le thème de ce jeu (un homme dont le coeur est ravi par un Dragon) me fait grandement penser au film "Cœur de Dragon" ("Dragonheart"). Dans l'histoire, un prince mortellement blessé échange son cœur avec celui d'un Dragon (Draco de son doux nom) pour lui permettre de survivre. Je vous laisse découvrir le reste du film, malgré son grand âge (1996) il vaut toujours la peine d'être vu.
- Sorti en 2013, "Dragon's Dogma : Dark Arisen" est une extension du jeu de base (voir annexe précédente). Cet épisode vous permettra d'explorer le "Récif de l'Amertume", une zone pour les joueurs de haut niveau où vivent des créatures et adversaires plus redoutables que la moyenne.
Sur l'île, vous pourrez rencontrer le "Drake de Feu" (ou "Firedrake"), des Drakes plus résistants, puissants et dangereux que leurs cousins.
- La bien connue licence "Castlevania" vous permettra à plusieurs reprises de manier l'épée de Beowulf "Hrunting".
"This sword, one of the rare Dragon weapons, is formed by a Drake's tail. Drakes are seen as undeveloped imitators of the Dragons, but in they are likely their distant kin."
- Description de la "Drake Sword".
Ce qui nous donne en français :
"Cette épée, l'une des rares armes draconiques, est formée par la queue d'un Drake. Les Drakes sont vus comme des imitateurs des Dragons peu développés ; ils sont cependant des parents éloignés."
- Description de la "Drake Sword".
Le "Dragon Carcasse" est appelé en anglais "Hellkite Dragon" - grosso modo "Dragon infernal", le terme anglais "hellkite" ("Escouflenfer") est surtout employé pour décrire certains Dragons du jeu de cartes "Magic the Gathering" -, Red Drake" ("Drake Rouge") et "Bridge Wyvern" ("La Wyverne du Pont").
Vous l'aurez compris, la version française de cette description est presque totalement différente de celle en anglais.
La version anglaise semble plus appropriée étant donné que le "Red Drake" ressemble fortement aux Drakes bleus qui résident dans la "Vallée des Drakes" (pas de membres antérieurs, dos hérissé de pointes, ...). Le "Hellkite Dragon" est probablement un Drake ancien et puissant.
Étrangement, le "Red Drake" est considéré comme un cousin lointain des Dragons et pourtant, ce dernier vous permet d'acquérir une arme draconique si vous parvenez à lui trancher la queue (dans "Dark Souls", toute créature dont le découpage du membre caudal vous permet d'obtenir une arme est liée aux Dragons).
En parlant des Drakes, vous trouverez ces sympathiques créatures dans la fameuse "Vallée des Drakes". Il s'agit d'une zone optionnelle située entre deux falaises où une famille de petits Dragons y a élu domicile (vous trouverez également dans la zone un "Dragon-Zombi" mais ça c'est une autre histoire).
Contrairement au "Red Drake" qui est sensible à la foudre et crache du feu, les 6 Créatures qui résident dans cette zone seront sensibles au feu (et au poison) et vous jetteront des jets d'électricité.
Dotés d'une barre de vie importante, les Drakes seront utiles si vous êtes en quête d'Écailles de Dragon (pour augmenter la puissance de vos armes draconiques ou les offrir en tribut au "Dragon de Pierre" du "Lac Cendré").
Design du "Dragon de Pierre" de "Dark Souls" (notez la différence entre cette créature et le "Red Drake").
Pour ceux qui l'ignorent, l'arme cachée dans la queue des Dragons est une référence au mythe japonais où Susanoo affronte le Dragon octocéphale (à 8 têtes) Yamata no Orochi (je vous raconterai en détail cet épisode dans un article plus adapté).
- Les Red Drakes feront leur grand retour dans "Dark Souls II" (et dans "Dark Souls II Scholar of the First Sin").
Ces créatures reviendront sous la forme des Dragons Gardiens : des semi-Dragons rouges au bec acéré, à l'échine hérissée de pointes et au souffle ardent.
Dans "Dark Souls II", vous trouverez votre premier "Dragon gardien" dans une cage géante se trouvant à la sortie de la "Forteresse d'Aldia". Peu après votre combat contre ce Boss cracheur de feu, vous accéderez à l' "Aire du Dragon", une zone qui grouille littéralement de Dragons Gardiens dont 3 peuvent être affrontés (vous en trouverez des myriades dans les cieux, sans oublier les innombrables œufs bleutés qui jonchent le sol).
Une fois le pont traversé, vous pourrez accéder au "Sanctuaire Draconique" où vous affronterez notamment les "Garde-Drake", des colosses engoncés dans de lourdes armures noires. Peu avant de parvenir au but de votre voyage, vous pourrez admirer les deux statues de Dragons Gardiens qui ornent les marches du dernier escalier du sanctuaire.
Il est également possible de trouver un autre "Dragon Gardien" (plus faible que ses congénères) dans la "Tour des Flammes de Heide" mais seulement dans "Dark Souls II Scholar of the First Sin" (il s'agit d'une version améliorée du jeu de base, donc l'emplacement de certains ennemis, objets et personnages a changé).
En sus de ces charmantes créatures, vous pourrez obtenir l' "Âme de Drake Pâle Ancien" en abattant "Freja, la Protégée du Duc" (une araignée titanesque au corps caparaçonné). L'objet vous permettra de forger l' "Espadon du Clair de Lune" (l'arme emblématique de "From Software") ou de créer la Sorcellerie appelée "Lance d'Âme en Cristal".
Je précise que j'ai abrégé cette annexe pour la bonne et simple raison qu'il me faudra parler en détail de ces créatures dans l'article consacré à "Dark Souls II". Vous trouverez donc plus de détails au sujet de ces charmantes créatures dans un article futur.
- "Demon's Souls", l'ancêtre de "Dark Souls", n'est pas en reste non plus niveau semi-Dragons (des ailes mais pas de membres antérieurs).
C'est dans le "Palais de Boletaria" que vous croiserez un charmant couple écailleux composé d'un "Dragon Rouge" et d'un "Dragon Bleu".
Dans la partie 1.1 de ce niveau, vous verrez les deux Dragons vautrés sur une corniche herbue. Si vous vous approchez de leur domaine, le "Dragon Rouge" crachera en continu des flammes et le "Dragon Bleu" vous balayera d'un coup de queue si vous tentez de vous emparer de ses trésors (le "Bouclier de la Flamme Violette" et l' "Anneau de Grande Force").
Un peu plus loin, vous tomberez sur un pont étroit encombré d'ennemis. Si vous tentez de le traverser les mains dans les poches, vous risquerez de finir calciné par le "Dragon Rouge" (qui se fera un plaisir de voler jusqu'à vous).
Le "Dragon Rouge" ne pourra être tué dans cette partie du niveau. Si vous tentez de le cribler de flèches, il fuira pour panser ses blessures.
Vous retrouverez le "Dragon Rouge" dans la partie 1.2 du niveau. Pour le vaincre, il vous suffira de vous armer d'un arc ou d'une arbalète, d'escalader la tour qui fait face au pont que la créature ne cesse de roussir de ses flammes et de transformer votre vieil ennemi en pelote d'épingles. Votre victoire vous permettra d'obtenir un consommable qui vous rapportera 10 000 Âmes.
Le "Dragon Bleu" pourra être vaincu dans la partie 1.4 du "Palais de Boletaria".
Dans un premier temps, la créature vous attendra au bout d'une étroite passerelle et vous crachera ses flammes en continu. Il sera donc recommandé de l'attaquer avec des flèches ou de faire appel à la magie. Une fois sa vie proche des 50%, le "Dragon Bleu" s'envolera vers un grand escalier bordé de statues, où... oh surprise, il crachera des flammes en continu. Après avoir liquidé tout ce qui gêne votre route (notez au passage le corps de l'infortuné Dragon, percé de flèches et de lames) La suite du combat sera simple : il suffira de courir vous abriter sous l'arche où il est campé (hors de portée de ses flammes) et de continuer à le mitrailler de vos projectiles.
Vous obtiendrez en fin de combat une Âme de Démon qui vous rapportera 30 000 Âmes.
Le "Red Drake" de "Dark Souls" est bien entendu un clin-d'œil en référence au "Dragon Rouge" et au "Dragon Bleu".
Le "Red Drake" semble d'ailleurs plus inspiré du "Dragon Rouge" que de son collègue bleuté (même couleur, même technique d'attaque, même nombre d'âmes donné en récompense).
- "Dragon's Dogma" (jeu sorti en 2012 sur Xbox 360 et PlayStation 3), un jeu de type Action-RPG (jeu d'action avec des caractéristiques du jeu de rôle), vous fera tenir le rôle d'un "Insurgé", un être dont le cœur a été dérobé par un Dragon.
Choisi par le Dragon, l' "Insurgé" deviendra une sorte d'élu, le seul capable de vaincre cette créature. Avec le titre viendront de nouvelles capacités : le pouvoir d'invoquer des Pions (appelés aussi Myrmidons, ces êtres dénués d'émotions vivent dans les tréfonds de la "Crevasse" et ne vivent que pour servir les Insurgés) qui l'assisteront au combat et l'immortalité tant que le Dragon sera en vie (si l' "Insurgé" parvient à récupérer son cœur, les autres Insurgés perdront leurs capacités et se verront rattrapés par le temps).
Artwork de "Dragon's Dogma" représentant le Dragon Grigori.
Vous affronterez dans ce jeu de nombreuses créatures mythologiques : des Chimères, des Hydres, des Harpies, ... mais également des créatures draconiques comme le "Drake".
Ce formidable adversaire se présentera sous la forme d'un petit Dragon rouge ailé, doté d'une grosse tête posée sur un cou plus court que la moyenne et d'un tronc terminé par 4 membres griffus.
Dans ce jeu, le "Drake" est considéré comme l'un des plus faibles de la race des Dragons (il reste cependant un formidable adversaire), il est également le seul Dragon (le jeu ne considère pas l'Hydre comme un membre de la famille des Dragons) à pouvoir être rencontré dans le duché de Gransys (lieu où se déroule la majeure partie de l'aventure).
Étant lié au feu (et donc faible face à la glace), le "Drake" pourra cracher du feu à volonté mais également utiliser toute une batterie d'attaques variées (charger, battre des ailes pour créer un vent violent, donner des coups de queue circulaires ou agripper l'un de vos Pions pour le soumettre à sa volonté et le retourner contre vous, ...).
Le point faible principal du Drake (comme presque tous les Dragons du jeu) est la cicatrice sur la poitrine qui marque l'emplacement de son cœur. Il vous faudra d'ailleurs frapper le palpitant du Drake lorsqu'il est mourant afin de l'achever définitivement.
Le thème de ce jeu (un homme dont le coeur est ravi par un Dragon) me fait grandement penser au film "Cœur de Dragon" ("Dragonheart"). Dans l'histoire, un prince mortellement blessé échange son cœur avec celui d'un Dragon (Draco de son doux nom) pour lui permettre de survivre. Je vous laisse découvrir le reste du film, malgré son grand âge (1996) il vaut toujours la peine d'être vu.
- Sorti en 2013, "Dragon's Dogma : Dark Arisen" est une extension du jeu de base (voir annexe précédente). Cet épisode vous permettra d'explorer le "Récif de l'Amertume", une zone pour les joueurs de haut niveau où vivent des créatures et adversaires plus redoutables que la moyenne.
Sur l'île, vous pourrez rencontrer le "Drake de Feu" (ou "Firedrake"), des Drakes plus résistants, puissants et dangereux que leurs cousins.
- La bien connue licence "Castlevania" vous permettra à plusieurs reprises de manier l'épée de Beowulf "Hrunting".
"A frightening sword that contains venom in its blade."
- Description de l'épée "Hrunting" de "Castlevania : Harmony of Despair".
Traduction :
"Une effroyable épée qui contient du poison sur sa lame."
- Description de l'épée "Hrunting" de "Castlevania : Harmony of Despair".
Comme
le précise la description ci-dessus, l'arme se présentera sous la forme
d'une épée empoisonnée (dont le liquide néfaste colore la lame de vert
ou de pourpre) et pourra être obtenue dans "Castlevania : Symphony of the Night", Aria of Sorrow, Dawn of Sorrow, Portrait or Ruin et Harmony of Despair.
- Le "Gore Magala" et le "Shagaru Magala" présents dans "Monster Hunter 4" (sorti en 2013) et "Monster Hunter 4 Ultimate" (sorti en 2014 - 2015 pour l'Europe) représentent assez bien le concept de résurrection du Dragon évoqué dans cet article.
Durant
votre périple, vous devrez enquêter sur une mystérieuse créature qui
répand un virus provoquant une rage incontrôlable chez les monstres, les
poussant à s'entretuer.
La créature se révèlera être un "Dragon Ancien"
juvénile aux larges ailes, au corps noir caparaçonné et dont les yeux
sont cachés (les "spores" qui suintent de son corps lui permettent de se
repérer dans son environnement).
Une fois le Dragon vaincu, ce dernier s'extraira de son enveloppe abîmée et renaîtra sous une forme nouvelle, celle d'un "Shagaru Magala" - surnommé la "Roue du Destin", ce "Dragon Ancien" est doté d'écailles dorées, ses yeux rouges lui permettent désormais de voir et les deux antennes cachées du "Gore-Magala" (qui ressemblent à des cornes) sont également apparentes. Vous devrez bien entendu affronter à nouveau ce Dragon pour que cesse la propagation du virus.
Artwork du Gore-Magala en plein combat.
Monster Hunter est un Action-RPG où vous incarnez un chasseur dans un monde peuplé de créatures étranges et dangereuses (des créatures hybrides et inspirées parfois des Dragons et dinosaures).
Durant vos parties de chasse, vous apprendrez à prévoir les différents coups des créatures, leurs faiblesses et les parties qui peuvent être tranchées ou brisées (cornes, queue, pattes, ...). Grâce aux composants que vous ramènerez, vous pourrez forger de nouvelles armes et armures qui se révèleront fort utiles pour affronter de nouveaux monstres de plus en plus puissants.
Artwork du Gore-Magala en plein combat.
Monster Hunter est un Action-RPG où vous incarnez un chasseur dans un monde peuplé de créatures étranges et dangereuses (des créatures hybrides et inspirées parfois des Dragons et dinosaures).
Durant vos parties de chasse, vous apprendrez à prévoir les différents coups des créatures, leurs faiblesses et les parties qui peuvent être tranchées ou brisées (cornes, queue, pattes, ...). Grâce aux composants que vous ramènerez, vous pourrez forger de nouvelles armes et armures qui se révèleront fort utiles pour affronter de nouveaux monstres de plus en plus puissants.
Films :
- Sorti en 2007, "La Légende de Beowulf" ("Beowulf" pour son titre original), un film réalisé par Robert Zemeckis, nous raconte, à sa façon, l'épopée du seigneur des Wèdres.
La grande particularité du film est que ce dernier est réalisé grâce à la "motion capture". Pour faire bref, la capture de mouvement est plus ou moins un processus qui permet d'enregistrer les mouvements et positions d'objets ou personnes afin d'en créer une version 3D gérée par ordinateur.
Pour ce qui est de l'histoire, elle débute sur le roi Hrothgar qui fête avec ses gens l'inauguration de sa grande salle. Accablé par le vacarme des festivités, Grendel se joint à la sauterie et massacre "joyeusement" tout ce petit monde.
Beowulf débarque un beau jour avec ses guerriers pour vaincre la bête. Sur place, il demande à ses hommes de chanter le plus fort possible afin d'attirer la créature. Grendel mord à l'hameçon mais Beowulf l'attend de pied ferme. Il lutte avec la créature et parvient à lui arracher le bras. Estropié, Grendel s'enfuit piteusement rejoindre sa mère et expire en susurrant le nom de son meurtrier.
Le lendemain, le roi se croyant débarrassé de la bête, félicite Beowulf et lui offre une corne à boire en or qu'il aurait - soi-disant - dérobé au Dragon Fafnir.
Après avoir fêté sa victoire, Beowulf se réveille et constate avec effroi que tous ses compagnons ont été massacrés (hormis Wiglaf, son lieutenant qui était parti préparer les navires pour leur retour).
Ivre de vengeance, Beowulf traque son ennemi jusqu'à son antre. Sur place, il découvre le cadavre de Grendel entouré d'ossements humains et la mère de Grendel se révèle à lui sous la forme d'une femme à la peau dorée. Cette dernière lui propose un pacte : s'il consent à lui donner un fils, elle fera de lui un roi puissant et respecté. Pour sceller leur accord, elle réclame la corne d'or et lui assure que son règne sera glorieux tant que l'objet sera en sa possession. Face à la puissance de la créature (elle vaporise son épée simplement en posant la main dessus), Beowulf accepte le marché.
Beowulf tenant à bout de bras la tête de l'infortuné Grendel (une création de Francesco Graziani qui semble avoir été inspiré par le film de Zemeckis).
Le retour du guerrier est triomphal, tout le monde croit que Beowulf a vaincu la mère de Grendel (sauf Hrothgar qui sait parfaitement ce qu'il en est) et il est acclamé pour l'exploit accompli. Plus tard, Hrothgar déclare que, se faisant vieux et n'ayant aucun héritier, il fera de Beowulf son successeur, lui octroyant ainsi le droit de se marier avec sa jeune épouse, Wealtheow.
Les années passent et l'on retrouve un Beowulf grisonnant qui gouverne un vaste royaume. Malgré sa gloire et sa fortune, le vieux roi est las de sa situation, sa femme s'est petit à petit détournée de lui et en tant que souverain d'un royaume, il n'est plus autorisé à se jeter dans la bataille comme il le faisait dans sa prime jeunesse.
Le jour de l'anniversaire de la mort de Grendel, arrive le serviteur d'Unferth arrive en trombe et dépose aux pieds du roi la fameuse corne d'or. Beowulf comprend que l'accord scellé entre lui et la mère de Grendel est rompu.
Peu de temps après apparaît un Dragon doré (son fils) apparaît et ravage de son souffle destructeur le village voisin.
Le lendemain, Beowulf fourbit ses armes et accompagné de Wiglaf, il fait route vers la caverne de la mère de Grendel afin de tenter de lui rendre la corne d'or. La génitrice du Dragon refuse l'offrande et presque aussitôt le Lindorm se jette sur son père toutes flammes dehors. S'ensuit une brève bataille que la créature rompra en s'élançant vers le château de Beowulf. Sentant son épouse et ses gens en danger, le guerrier parvient à s'agripper à la bête qui s'élance dans les airs. S'ensuit une bataille épique entre le héros et le Dragon où Beowulf se résoudra à se trancher un bras (retenu par une chaîne qui le relie au Lindorm) pour parvenir à arracher de son poing le cœur de la bête.
Beowulf affrontant le Dragon (Création de WretchedSpawn2012).
Vaincu, le Dragon chute vers la mer entraînant avec lui son géniteur. En touchant les flots, la créature se métamorphose peu à peu en un homme à la peau dorée dont le corps se dissout peu à peu dans l'élément liquide. Wiglaf retrouve Beowulf mourant et le vieux roi lui confie dans un dernier souffle l'avenir du royaume.
Je vous laisse découvrir la fin du film. En lisant ces lignes, vous aurez compris que le réalisateur de ce film a pris quelques libertés par rapport au poème "Beowulf". Toutefois, si on compare ce film avec les autres oeuvres cinématographiques sur le même sujet, le résultat n'est pas trop mal.
- Dans la série "Vikings" (diffusée pour la première fois en 2013), l'un des personnages principaux n'est nul autre que le roi Ragnar Lothbrog (qui semble ici s'appeler Ragnar Lothbrok).
- En sus de la version de Robert Zemeckis, il existe d'autres adaptations du poème anglo-saxon "Beowulf".
L'une d'elles, sortie en 1999 et sobrement appelée "Beowulf", nous raconte l'épopée d'un héros nommé Beowulf qui se rend dans un château maudit afin de vaincre une bête (Grendel) qui trucide chaque soir ses habitants.
Je précise que ce film est - à juste titre - considéré comme nanardesque au possible. L'histoire n'a qu'un rapport très vague avec le poème anglo-saxon, les costumes sont à se tordre de rire (mention spéciale pour le casque à cornes de bélier), les scènes d'actions sont ridicules au possible (essayez de deviner combien d'armes le héros a sur lui), sans parler de la musique techno qui vous liquéfie le cerveau. La cerise sur le gâteau sera bien entendu la prestation "épique" de Christophe Lambert (acteur reconnu dans les années 80, il ne cessera de sombrer à partir des années 90 ce qui le condamnera à jouer dans des films miteux) dans le rôle de Beowulf.
Si vous souhaitez rire un coup, ce film est fait pour vous, par contre, si vous n'appréciez pas de voir l'œuvre littéraire "Beowulf" massacrée, passez votre chemin.
Divers :
- L'alchimiste anglais Sir George Ripley (1415 - 1490) est connu pour ses poèmes - "The Compound of Alchemy" ("L'Édifice de l'Alchimie") et "The Twelve Gates" ("Les Douze Portes") pour ne citer que ceux-là - et ouvrages liés à l'alchimie.
L'un de ses travaux les plus illustres, les "Ripley Scrolls" (les "Parchemins de Ripley"), se présente sous la forme de rouleaux de parchemins abondamment illustrés et traite de la recherche de la Pierre Philosophale. On peut voir figurer sur une partie du document un Dragon Classique, mais également une créature ressemblant fortement au Lindorm (dénué d'ailes et de membres antérieurs).
La partie où figure le "Lindorm" des "Parchemins de Ripley".
La Pierre Philosophale est une substance alchimique légendaire qui aurait la capacité de changer les métaux vils en métaux précieux (le plomb en or par exemple), de guérir les maladies et de permettre à son détenteur de prolonger grandement son espérance de vie.
- Selon Karl Shuker, l'un des portails du "Jardin botanique de Chelsea" (situé dans la partie Ouest de Londres) serait orné d'une plaque montrant un dieu solaire - il brandit un arc dans sa main gauche et une flèche dans la droite, est vêtu d'une armure de type romain et de bottes - chevauchant un Lindorm argenté (peut-être une représentation de la Lune) dénué d'ailes (mais doté de pattes postérieures).
Ce type de dualisme pourrait aussi montrer la lutte du héros solaire contre les forces chtoniennes.
Le dieu qui chevauche le Lindorm est de toute évidence associé au Soleil. Il pourrait s'agir d'Apollon (dieu gréco-romain de la médecine et de la poésie) puisque cette divinité est souvent représentée avec un arc et des flèches et que l'un de ses rôles principaux est de conduire le char solaire.
- Le marchand vénitien Marco Polo (1254 - 1324) décrit, dans son ouvrage intitulé : le "Devisement du Monde" (appelé aussi : le "Livre des Merveilles"), de bien étranges créatures rencontrées dans la province de Caraian (dans les steppes d'Asie Centrale).
Baptisées par certains les "Dragons de Yunnan" (province du Sud-Ouest de la Chine) Marco Polo décrit ces "monstres" de la manière suivante :
"Il y a dans cette province des couleuvres et de gros serpents si effrayants et tellement immenses qu'ils terrifient quiconque les approche et devraient impressionner même ceux qui en entendent parler. Je vais vous raconter leur taille et leur grosseur. Ils ont généralement bien dix pas de long, certains plus, certains moins, et sont larges comme un gros tonneau de six paumes ; ils ont près de la tête deux pattes sans pied, mais avec une griffe comme la serre d'un faucon ou la patte d'un lion. Leur tête est immense, leurs yeux sont démesurés, et leur gueule est si vaste qu'ils pourraient bien engloutir un homme tout entier. Il n'y a homme ni bête qui ne les craigne ni ne les redoute, tant ils sont effrayants, laids et féroces.
Représentation assez fantasmagorique des "Dragons de Yunnan" (tirée du "Livre des Merveilles").
Voici comment on les capture. La chaleur du jour les fait rester sous terre ; ils sortent la nuit pour se repaître, et dévorent toutes les bêtes qu'ils peuvent prendre, puis vont se désaltérer aux fleuves, aux lacs et aux sources. Si grand est leur poids que, lorsqu'ils sortent la nuit pour se nourrir, leur queue laisse derrière eux dans le sable l'empreinte d'un grand trou, comme si on en avait enlevé un plein tonneau. Et voici comment les chasseurs les prennent. Ils placent un piège par les chemins par où ils sont venus, car ils le savent, ils y repasseront. Ils y plantent bien profondément dans le sable un pieu de bois auquel ils ont fixé un morceau de fer tranchant comme un rasoir, et le recouvrent pour que les serpents ne le voient pas ; ainsi font-ils tout au long du chemin que les bêtes empruntent. En passant, le serpent se blesse si violemment à ces fers tranchants qu'ils lui transpercent le poitrail jusqu'au nombril, et il en meurt. Alors, les chasseurs lui tranchent le ventre et en retirent le fiel qu'ils vont vendre fort cher. Car, il faut le savoir, on en fait de très précieux remèdes. La mesure d'un petit denier suffit à guérir un homme mordu par un chien enragé, et facilite l'accouchement des femmes. Il guérit l'ulcère ou toute autre plaie sur laquelle on l'applique même en petite quantité. C'est pourquoi on le vend si cher. Ils vendent également la chair de ces serpents, car elle est savoureuse ; ils en font leurs délices.
Lorsque ces bêtes sont affamées, elles attaquent les repaires des lions, des ours et des autres bêtes sauvages, dévorant les petits que leurs parents ne peuvent secourir, et les adultes qui ne peuvent se défendre."
- Marco Polo, "Livre des Merveilles".
Ces créatures font forcément penser à des Lindorms (ou au moins à des semi-Dragons), d'autant que l'enlumineur de l'ouvrage ne s'est pas fait prier pour les représenter d'une manière fort pittoresque (on peut y voir un Dragon bipède et un autre quadrupède).
Il s'agit en vérité d'une espèce de crocodilien, l'alligator de Chine, une charmante créature (malheureusement voie d'extinction à l'heure actuelle), d'une longueur moyenne de 1,5 mètre (2 mètres chez les plus grands spécimens), pour un poids de 45 kilos.
- Lindorm Liljefors (1909 - 1985) était un peintre suédois qui a réalisé principalement des toiles montrant des paysages et animaux (probablement de sa région).
Peinture de Lindorm Liljefors intitulée "Älgtjur och gråhundar" (je traduis mal le suédois mais d'après ma correctrice, le titre ferait référence à une espèce de chien norvégienne ).
- Lindorm, Inc. est une entreprise américaine écologique qui a choisi le Lindorm pour orner son logo, en théorie, puisque la créature ressemble à un semi-Dragon ailé à la queue en pointe et au front orné d'une couronne (ce qui rappelle la Wyverne et le Basilic).
Leur principal produit semble être un appareil capable de calculer la sédimentation (quand les sédiments se déposent en couches) et l'érosion (dégradation des roches provoquée par tout autre phénomène que celui de la tectonique des plaques - dérive des continents) dans les mers et autres points d'eau.
Remerciements :
Pour la rédaction de cette partie, je remercie :
- Les différents artistes (cités sur chaque illustration) dont les créations ont pu égayer cet article.
- L'aide précieuse de ma correctrice Aurore Guillemette.
- Léo, pour ses encouragements afin que je termine ce travail de longue haleine.
Idraemir
- Sorti en 2007, "La Légende de Beowulf" ("Beowulf" pour son titre original), un film réalisé par Robert Zemeckis, nous raconte, à sa façon, l'épopée du seigneur des Wèdres.
La grande particularité du film est que ce dernier est réalisé grâce à la "motion capture". Pour faire bref, la capture de mouvement est plus ou moins un processus qui permet d'enregistrer les mouvements et positions d'objets ou personnes afin d'en créer une version 3D gérée par ordinateur.
Pour ce qui est de l'histoire, elle débute sur le roi Hrothgar qui fête avec ses gens l'inauguration de sa grande salle. Accablé par le vacarme des festivités, Grendel se joint à la sauterie et massacre "joyeusement" tout ce petit monde.
Beowulf débarque un beau jour avec ses guerriers pour vaincre la bête. Sur place, il demande à ses hommes de chanter le plus fort possible afin d'attirer la créature. Grendel mord à l'hameçon mais Beowulf l'attend de pied ferme. Il lutte avec la créature et parvient à lui arracher le bras. Estropié, Grendel s'enfuit piteusement rejoindre sa mère et expire en susurrant le nom de son meurtrier.
Le lendemain, le roi se croyant débarrassé de la bête, félicite Beowulf et lui offre une corne à boire en or qu'il aurait - soi-disant - dérobé au Dragon Fafnir.
Après avoir fêté sa victoire, Beowulf se réveille et constate avec effroi que tous ses compagnons ont été massacrés (hormis Wiglaf, son lieutenant qui était parti préparer les navires pour leur retour).
Ivre de vengeance, Beowulf traque son ennemi jusqu'à son antre. Sur place, il découvre le cadavre de Grendel entouré d'ossements humains et la mère de Grendel se révèle à lui sous la forme d'une femme à la peau dorée. Cette dernière lui propose un pacte : s'il consent à lui donner un fils, elle fera de lui un roi puissant et respecté. Pour sceller leur accord, elle réclame la corne d'or et lui assure que son règne sera glorieux tant que l'objet sera en sa possession. Face à la puissance de la créature (elle vaporise son épée simplement en posant la main dessus), Beowulf accepte le marché.
Beowulf tenant à bout de bras la tête de l'infortuné Grendel (une création de Francesco Graziani qui semble avoir été inspiré par le film de Zemeckis).
Le retour du guerrier est triomphal, tout le monde croit que Beowulf a vaincu la mère de Grendel (sauf Hrothgar qui sait parfaitement ce qu'il en est) et il est acclamé pour l'exploit accompli. Plus tard, Hrothgar déclare que, se faisant vieux et n'ayant aucun héritier, il fera de Beowulf son successeur, lui octroyant ainsi le droit de se marier avec sa jeune épouse, Wealtheow.
Les années passent et l'on retrouve un Beowulf grisonnant qui gouverne un vaste royaume. Malgré sa gloire et sa fortune, le vieux roi est las de sa situation, sa femme s'est petit à petit détournée de lui et en tant que souverain d'un royaume, il n'est plus autorisé à se jeter dans la bataille comme il le faisait dans sa prime jeunesse.
Le jour de l'anniversaire de la mort de Grendel, arrive le serviteur d'Unferth arrive en trombe et dépose aux pieds du roi la fameuse corne d'or. Beowulf comprend que l'accord scellé entre lui et la mère de Grendel est rompu.
Peu de temps après apparaît un Dragon doré (son fils) apparaît et ravage de son souffle destructeur le village voisin.
Le lendemain, Beowulf fourbit ses armes et accompagné de Wiglaf, il fait route vers la caverne de la mère de Grendel afin de tenter de lui rendre la corne d'or. La génitrice du Dragon refuse l'offrande et presque aussitôt le Lindorm se jette sur son père toutes flammes dehors. S'ensuit une brève bataille que la créature rompra en s'élançant vers le château de Beowulf. Sentant son épouse et ses gens en danger, le guerrier parvient à s'agripper à la bête qui s'élance dans les airs. S'ensuit une bataille épique entre le héros et le Dragon où Beowulf se résoudra à se trancher un bras (retenu par une chaîne qui le relie au Lindorm) pour parvenir à arracher de son poing le cœur de la bête.
Beowulf affrontant le Dragon (Création de WretchedSpawn2012).
Vaincu, le Dragon chute vers la mer entraînant avec lui son géniteur. En touchant les flots, la créature se métamorphose peu à peu en un homme à la peau dorée dont le corps se dissout peu à peu dans l'élément liquide. Wiglaf retrouve Beowulf mourant et le vieux roi lui confie dans un dernier souffle l'avenir du royaume.
Je vous laisse découvrir la fin du film. En lisant ces lignes, vous aurez compris que le réalisateur de ce film a pris quelques libertés par rapport au poème "Beowulf". Toutefois, si on compare ce film avec les autres oeuvres cinématographiques sur le même sujet, le résultat n'est pas trop mal.
- Dans la série "Vikings" (diffusée pour la première fois en 2013), l'un des personnages principaux n'est nul autre que le roi Ragnar Lothbrog (qui semble ici s'appeler Ragnar Lothbrok).
- En sus de la version de Robert Zemeckis, il existe d'autres adaptations du poème anglo-saxon "Beowulf".
L'une d'elles, sortie en 1999 et sobrement appelée "Beowulf", nous raconte l'épopée d'un héros nommé Beowulf qui se rend dans un château maudit afin de vaincre une bête (Grendel) qui trucide chaque soir ses habitants.
Je précise que ce film est - à juste titre - considéré comme nanardesque au possible. L'histoire n'a qu'un rapport très vague avec le poème anglo-saxon, les costumes sont à se tordre de rire (mention spéciale pour le casque à cornes de bélier), les scènes d'actions sont ridicules au possible (essayez de deviner combien d'armes le héros a sur lui), sans parler de la musique techno qui vous liquéfie le cerveau. La cerise sur le gâteau sera bien entendu la prestation "épique" de Christophe Lambert (acteur reconnu dans les années 80, il ne cessera de sombrer à partir des années 90 ce qui le condamnera à jouer dans des films miteux) dans le rôle de Beowulf.
Si vous souhaitez rire un coup, ce film est fait pour vous, par contre, si vous n'appréciez pas de voir l'œuvre littéraire "Beowulf" massacrée, passez votre chemin.
Divers :
- L'alchimiste anglais Sir George Ripley (1415 - 1490) est connu pour ses poèmes - "The Compound of Alchemy" ("L'Édifice de l'Alchimie") et "The Twelve Gates" ("Les Douze Portes") pour ne citer que ceux-là - et ouvrages liés à l'alchimie.
L'un de ses travaux les plus illustres, les "Ripley Scrolls" (les "Parchemins de Ripley"), se présente sous la forme de rouleaux de parchemins abondamment illustrés et traite de la recherche de la Pierre Philosophale. On peut voir figurer sur une partie du document un Dragon Classique, mais également une créature ressemblant fortement au Lindorm (dénué d'ailes et de membres antérieurs).
La partie où figure le "Lindorm" des "Parchemins de Ripley".
La Pierre Philosophale est une substance alchimique légendaire qui aurait la capacité de changer les métaux vils en métaux précieux (le plomb en or par exemple), de guérir les maladies et de permettre à son détenteur de prolonger grandement son espérance de vie.
- Selon Karl Shuker, l'un des portails du "Jardin botanique de Chelsea" (situé dans la partie Ouest de Londres) serait orné d'une plaque montrant un dieu solaire - il brandit un arc dans sa main gauche et une flèche dans la droite, est vêtu d'une armure de type romain et de bottes - chevauchant un Lindorm argenté (peut-être une représentation de la Lune) dénué d'ailes (mais doté de pattes postérieures).
Ce type de dualisme pourrait aussi montrer la lutte du héros solaire contre les forces chtoniennes.
Le dieu qui chevauche le Lindorm est de toute évidence associé au Soleil. Il pourrait s'agir d'Apollon (dieu gréco-romain de la médecine et de la poésie) puisque cette divinité est souvent représentée avec un arc et des flèches et que l'un de ses rôles principaux est de conduire le char solaire.
- Le marchand vénitien Marco Polo (1254 - 1324) décrit, dans son ouvrage intitulé : le "Devisement du Monde" (appelé aussi : le "Livre des Merveilles"), de bien étranges créatures rencontrées dans la province de Caraian (dans les steppes d'Asie Centrale).
Baptisées par certains les "Dragons de Yunnan" (province du Sud-Ouest de la Chine) Marco Polo décrit ces "monstres" de la manière suivante :
"Il y a dans cette province des couleuvres et de gros serpents si effrayants et tellement immenses qu'ils terrifient quiconque les approche et devraient impressionner même ceux qui en entendent parler. Je vais vous raconter leur taille et leur grosseur. Ils ont généralement bien dix pas de long, certains plus, certains moins, et sont larges comme un gros tonneau de six paumes ; ils ont près de la tête deux pattes sans pied, mais avec une griffe comme la serre d'un faucon ou la patte d'un lion. Leur tête est immense, leurs yeux sont démesurés, et leur gueule est si vaste qu'ils pourraient bien engloutir un homme tout entier. Il n'y a homme ni bête qui ne les craigne ni ne les redoute, tant ils sont effrayants, laids et féroces.
Représentation assez fantasmagorique des "Dragons de Yunnan" (tirée du "Livre des Merveilles").
Voici comment on les capture. La chaleur du jour les fait rester sous terre ; ils sortent la nuit pour se repaître, et dévorent toutes les bêtes qu'ils peuvent prendre, puis vont se désaltérer aux fleuves, aux lacs et aux sources. Si grand est leur poids que, lorsqu'ils sortent la nuit pour se nourrir, leur queue laisse derrière eux dans le sable l'empreinte d'un grand trou, comme si on en avait enlevé un plein tonneau. Et voici comment les chasseurs les prennent. Ils placent un piège par les chemins par où ils sont venus, car ils le savent, ils y repasseront. Ils y plantent bien profondément dans le sable un pieu de bois auquel ils ont fixé un morceau de fer tranchant comme un rasoir, et le recouvrent pour que les serpents ne le voient pas ; ainsi font-ils tout au long du chemin que les bêtes empruntent. En passant, le serpent se blesse si violemment à ces fers tranchants qu'ils lui transpercent le poitrail jusqu'au nombril, et il en meurt. Alors, les chasseurs lui tranchent le ventre et en retirent le fiel qu'ils vont vendre fort cher. Car, il faut le savoir, on en fait de très précieux remèdes. La mesure d'un petit denier suffit à guérir un homme mordu par un chien enragé, et facilite l'accouchement des femmes. Il guérit l'ulcère ou toute autre plaie sur laquelle on l'applique même en petite quantité. C'est pourquoi on le vend si cher. Ils vendent également la chair de ces serpents, car elle est savoureuse ; ils en font leurs délices.
Lorsque ces bêtes sont affamées, elles attaquent les repaires des lions, des ours et des autres bêtes sauvages, dévorant les petits que leurs parents ne peuvent secourir, et les adultes qui ne peuvent se défendre."
- Marco Polo, "Livre des Merveilles".
Ces créatures font forcément penser à des Lindorms (ou au moins à des semi-Dragons), d'autant que l'enlumineur de l'ouvrage ne s'est pas fait prier pour les représenter d'une manière fort pittoresque (on peut y voir un Dragon bipède et un autre quadrupède).
Il s'agit en vérité d'une espèce de crocodilien, l'alligator de Chine, une charmante créature (malheureusement voie d'extinction à l'heure actuelle), d'une longueur moyenne de 1,5 mètre (2 mètres chez les plus grands spécimens), pour un poids de 45 kilos.
- Lindorm Liljefors (1909 - 1985) était un peintre suédois qui a réalisé principalement des toiles montrant des paysages et animaux (probablement de sa région).
Peinture de Lindorm Liljefors intitulée "Älgtjur och gråhundar" (je traduis mal le suédois mais d'après ma correctrice, le titre ferait référence à une espèce de chien norvégienne ).
- Lindorm, Inc. est une entreprise américaine écologique qui a choisi le Lindorm pour orner son logo, en théorie, puisque la créature ressemble à un semi-Dragon ailé à la queue en pointe et au front orné d'une couronne (ce qui rappelle la Wyverne et le Basilic).
Leur principal produit semble être un appareil capable de calculer la sédimentation (quand les sédiments se déposent en couches) et l'érosion (dégradation des roches provoquée par tout autre phénomène que celui de la tectonique des plaques - dérive des continents) dans les mers et autres points d'eau.
Remerciements :
Pour la rédaction de cette partie, je remercie :
- Les différents artistes (cités sur chaque illustration) dont les créations ont pu égayer cet article.
- L'aide précieuse de ma correctrice Aurore Guillemette.
- Léo, pour ses encouragements afin que je termine ce travail de longue haleine.
Idraemir
Si je peux avoir un semi dragon (je me contente de peu) comme fils je les mange sans problème ces oignons XDD très bon article ;)
RépondreSupprimerQuand je relis la légende je me dis que l'oignon que la reine a omis de peler se retrouve dans les couches de vêtements que la bergère doit enlever (à mon avis c'est ça le rapport)
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