Lorsque je lance le mot Troll,
vous pensez directement au Seigneur des anneaux et vous faites
bien... Tolkien s'est grandement basé sur l'origine même de
ces derniers (entre-autres) lors de la rédaction du livre cité plus
haut, sans oublier l'incontournable : Bilbo le hobbit. Mais
plus sérieusement, qu'est ce qu'un Troll, et qu'elle est sa
véritable origine ?
Illustration de Vikingmyke.
Le Troll à la loupe :
Le Troll ou Trold,
provient de la mythologie Nordique. Descendants probables de
la lignée de Jotün (Géants des origines, en
opposition aux Dieux nordiques et incarnant les forces du Chaos). Élémentaires des rochers ou des bois,
ces derniers se distinguent par leur force colossale, leur apparence
grossière (que certains pourrait qualifier de repoussante) et leur intellect des plus limité (ce dernier point est discutable par-contre).
Vaincus par les dieux aux jeunes temps du monde, ils se terrent dans
une forteresse en attendant le Ragnarök afin de prendre leur
revanche.
La mythologie populaire leur a fait
traverser les âges sous des formes parfois "amusantes" (notamment la mythologie scandinave qui en fait de grands êtres poilus et lents à réagir),
pendant que le rôlisme en a fait une véritable caricature dénaturée... Dans les sagas de fantasy, le Troll typique sera souvent de grande taille, verdâtre avec des cheveux sales, un long nez
crochu, des dents recourbées qui se frayent un chemin hors de son énorme gueule, un air stupide, voir
parfois un nombre de têtes qui dépasse de loin la simple unité (il semble que certains Trolls mythiques possèdent cette caractéristique au point parfois d'avoir plus de neuf têtes)... bref, de quoi faire des cauchemars. Habitants des forêts et
montagnes, les Trolls se doivent de rejoindre leur royaume
souterrain lorsque le jour se lève, sous peine de se voir changés
en statues de pierre (design mais un peu trop encombrant pour
remplacer le nain de jardin aux joues rebondies).
Troll des forêts.
Incarnation des forces de la nature
(logique vu que liés au chaos), vus tardivement comme des
petits êtres malfaisants voire des Géants coiffés de sapins
(très esthétique et à la mode cette année). Il est bon de savoir
distinguer les Skovtrolds (Trolls des bois), et les
Bjerg-Trolds (Trolls des montagnes). Ces derniers
vivent en communauté dans des palais souterrains d'une beauté
fascinante (ils sont souvent très riches vu qu'ils amassent des monticules d'or et d'argent qu'ils extraient de la montagne), et loin de tout bruit (qu'ils abhorrent, même si je me demande si ce dernier point n'est pas lié au poème "Beowulf"). A l'occasion,
il leur arrive d'enlever les bébés humains pour les remplacer par
un des leurs (appelé Changelin bien que ce terme soit assez
vaste au niveau des peuples de Faerie). Le terme Troll
a de nombreuses significations mais fait fortement référence à la
magie, l'enchantement,... bien qu'en Danois le mot "Trolsk" puisse se traduire par effrayant (au sens littéral de hanté), sans oublier le mot Trold qui pourrait signifier : nuire à quelqu'un ou blesser quelqu'un.
Dans un cadre plus récent, certaines
variétés de Trolls ont pu être découvertes : Le Bergrisar
: Troll Scandinave si grand, qu'il se confond avec les
montagnes mais, si lent que des pins poussent sur sa peau. Sans
oublier les Havtrolds Danois, variété aquatique vivant au
fond de l'eau et siégeant sur des trônes de nacre. Les plus dangereux Trolls vivent en solitaires dans des huttes cachées au sein de la forêt. Dotés aussi
d'un puissant odorat, ces derniers sont sans doute à l'origine des récits qui décrivent le Troll comme un grand amateur de chair humaine (suivant encore une fois des sources plus jeunes qui
coïncident avec l'avènement du christianisme, qui a eu tendance à
diaboliser les anciennes traditions).
Les Trolls sont par contre de manière plus générale, dotés de pouvoirs magiques
afin d'adopter n'importe quelle forme (animaux, objets voire
éléments naturels) dans le but de tromper les humains afin qu'ils fassent leurs quatre volontés (ils sont également capables de se rendre invisibles). Cette capacité est assez paradoxale d'ailleurs avec la réputation de bêtise que certains mythes ou récits semblent leur prêter...
Illustration de Kerem Beyit.
Le massacre de Grendel :
Le monstre le plus reconnu en matière de folklore, est certainement Grendel (pour ceux qui ne voient pas, allez voir le film d'animation : "La légende de Beowulf", qui est sorti en 2007, il est loin d'être totalement fidèle au poème, mais il vous éclairera déjà un peu plus sur la question). Il s'agit donc d'un Troll aquatique (probablement un membre de l'espèce des Havtrolds) vivant dans les marais, qui chaque nuit, venait dévorer un guerrier du roi du Danemark Hrothgar, jusqu'au jour où le jeune Beowulf arrive et se propose de tuer le monstre ou de perdre la vie en s'y essayant.
Le soir venu, caché parmi les ombres,
notre héros se jete sur Grendel et, voyant que ses armes sont
sans effet sur sa peau, bien trop dure, il poursuit le combat à
mains nues pour finalement arracher un bras à la bête qui s'enfuit
en hurlant... Beowulf découvrira le lendemain qu'un guerrier
s'est fait à nouveau emporter (cette fois par la mère de Grendel
afin de venger son fils) et décidera de traquer l'auteur de ces méfaits
afin d'en finir une bonne fois pour toutes...
Superbe Troll illustré par Devon
Cady-Lee.
Les haut-faits de Béowulf :
L'extrait qui va suivre est tiré du
poème épique : "Beowulf", tout droit sorti de la
littérature anglo-saxonne. Il est probable que le texte a été
composé entre le VIIème et le IXème siècle (une
large fourchette j'en conviens). Deux théories semblent s'opposer
sur l'origine de ce poème. La première est qu'il a été composé à
la base par des scaldes (poètes nordiques) scandinaves, pour
être ensuite modifié plus tard par les scribes chrétiens. La
seconde, plus simple, serait qu'il a été créé par un scribe
chrétien, fort inspiré par les mythes nordiques.
Je penche pour ma part pour la première
solution. Le texte en lui-même semble avoir un style assez disjoint,
conséquence probable d'une traduction successive au fil des
générations et où chaque traducteur l'a altéré à sa manière...
Donc sans plus tarder, passons à l'extrait de ce fameux poème, qui
se déroule peu après la victoire de Beowulf sur le Troll
Grendel et la mort d'Aeschere (le guerrier le plus
fidèle du roi).
Strophe XXI :
Le repaire des monstres :
Hrothgar, casque et panache des
Scyldiens, prit la parole :
"Ne parle pas de Bonheur ! Le
chagrin a repris
chez le peuple danois. Aeschere est
mort,
frère aîné d'Yrmenlaf.
Il était mon confident et mon
conseiller,
à mon côté en première ligne
quand dans la mêlée nous
défendions nos crânes,
que les sangliers des casques
volaient en éclats. Preux exemplaire,
très noble prince, tel fut
Aeschere.
Dans mon Palais-du-Cerf il a été
tué
par une créature à la main
meurtrière. Je ne sais où
la bête hideuse, folle d'orgueil,
est repartie,
révélée par ce crime. Elle
s'était ainsi vengée
de ce que la nuit dernière tu as
tué Grendel,
l'empoignant farouchement de ta main
infaillible,
car il décimait, détruisait depuis
trop longtemps
les gens de mon clan. Il s'est
écroulé vaincu,
force du mal décidée à venger son
proche,
poussant loin la vindicte,
comme s'en convaincra plus d'un
vassal
au terme d'une longue traque,
sacrifiera sa vie,
son corps sur la rive, plutôt que
de se résigner
à y plonger et cacher sa tête. Ce
n'est point là endroit plaisant !
Un tournoiement de vagues jaillit de
la surface, soulève
d'effroyables tempêtes jusqu'à
faire s'enténébrer le ciel
et pleurer le firmament. Voici que
la solution dépend
une fois de plus de toi seul. Tu ne
connais pas encore le lieu,
l'endroit périlleux où tu pourras
débusquer
l'être aux mille crimes, va si tu
l'oses !
Pour prix de ta campagne je te
donnerai richesses,
antiques trésors, comme je l'ai
déjà fait,
de l'or travaillé - si tu en
reviens."
Troll dans sa demeure souterraine.
Strophe XXII :
Nouvelle expédition de Béowulf
:
Beowulf, fils d'Ecgtheow, prit la
parole :
"Ne t'afflige pas, toi qui es
sensé ! Il est plus noble
de venger qui l'on aime que de
multiplier les lamentations.
Chacun d'entre nous connaîtra
fatalement la fin
de sa vie en ce monde : travaille
qui le peut
à sa gloire avant de mourir, voilà
pour le guerrier
une fois mort la survie la plus
noble.
Debout, gardien du royaume ! Sortons
vite
repérer la trace de cette créature
de la race de Grendel.
Je te le promet : elle n'échappera
pas où qu'elle se cache,
au fond de l'océan, où qu'elle
aille.
Pour l'heure endure avec patience
tous tes malheurs, tu sauras le
faire, j'en suis sûr."
Expédition à l'étang des monstres
:
- Pour une meilleure
compréhension, j'ai scindé l'extrait en plusieurs parties. Ne vous
étonnez pas également si certains morceaux semblent manquer, ils
ont été retirés à dessein, car ils n'étaient pas spécialement à
leur place dans cet article.
D'un bon se dressa le vieillard.
Puis Hrothgar fit harnacher son
cheval,
destrier au crin tressé. Le sage
roi
ouvrit la route avec majesté suivi
de guerriers à pied
portant boucliers. Les traces,
après les sentes forestières,
s'étendaient à perte de vue,
la piste sur le sol se dirigeait
droit
au-delà de la lande brumeuse,
emportant
le corps sans vie du plus noble des
vassaux
qui aux côtés de Hrothgar veillait
sur le domaine.
Le fils de princes affronta alors
rocs escarpés, étroits lacets,
passages resserrés, chemins
inconnus,
roides corniches, maints repaires de
monstres.
Magic fait dans l'original avec ce Troll des tréteaux de Peter Mohrbacher.
Il alla de l'avant avec un petit
groupe
d'hommes expérimentés explorer les
lieux.
Il découvrit soudain à flanc de
montagne
un fouillis d'arbres dominant la
roche grise,
un hallier désolé. Dessous
s'agitait de l'eau,
trouble et ensanglantée. Tous les
Danois,
et les amis des Scyldiens eurent un
choc
dur à supporter, une peine qui
toucha
chacun des compagnons quand ils
trouvèrent
sur le rebord du gouffre la tête
d'Aeschere.
Ils voyaient l'eau bouillonner sous
l'action
du sang brûlant. La corne chanta à
plusieurs reprises
la poignante note du combat. Les
hommes s'arrêtèrent.
Ils aperçurent près de l'eau comme
de nombreux serpents,
d'étranges dragons fouillant
l'étang,
tandis que sur les corniches
s'étalaient de ces monstres
qui, vers la troisième heure,
lancent
leur raid cruel sur la route des
voiles -
reptiles et bêtes sauvages. Ils
plongèrent,
amers et courroucés, en entendant
le bref
chant de la corne de combat. L'un
d'eux reçut
du chef des Gauts une flèche
mortelle,
Invalidante. En plein centre vital
s'était fiché
le dard implacable, et l'animal
flottait,
s'alanguissait à mesure que la mort
l'emportait.
Le terme Dragon employé dans le
paragraphe ci-dessus, doit faire référence aux serpents (pour en
savoir plus, lisez le texte sur Nidhogg).
Illustration de John Wigley.
Beowulf s'apprête :
Il fut vite harponné à la surface
des flots
par des épieux à sangliers aux
crocs tels des glaives,
pressé de coups halé sur le rebord
:
extraordinaire monstre marin. Les
hommes contemplèrent
l'effroyable inconnu. - Beowulf se
revêtit
de son armure de preux sans montrer
la moindre peur.
Sa tunique de guerre, tissée par
des mains expertes,
ample et chatoyante, allait devoir
affronter l'eau
tout en protégeant le corps comme
elle savait le faire,
de sorte qu'elle éviterait qu'un
coup en pleine poitrine,
l'assaut d'une bête furieuse mette
la vie en danger,
tandis que le heaume étincelant
protégerait la tête
quand il irait agiter les
profondeurs de l'étang,
s'enfoncer dans le tourbillon -
heaume enrichi de joyaux,
entouré d'une forte résille, tel
qu'aux jours d'autrefois
l'armurier l'avait forgé, façonné
à merveille,
orné d'images de sangliers afin que
nulle épée,
nul coutelas ennemi ne puisse y
mordre.
Et nullement inférieure aux autres
pièces de renfort
fut celle que prêta pour la
périlleuse occasion le parleur de Hrothgar.
Cette épée à longue fusée avait
pour nom Hrunting,
c'était une pièce unique parmi les
antiques trésors,
sa lame était d'un fer où
luisaient des brins de venin,
trempé au sang des combats. Jamais
dans la mêlée n'avait-elle failli
à quiconque la brandissait bien en
main
qui osait se lancer en terribles
expéditions,
en plein champ de bataille. Ce
n'était pas la première fois
qu'elle eût à faire prouesse.
Le fils d'Ecglaf, expert en
exploits,
ne pensait certes plus à ce qu'il
avait dit,
échauffé par la boisson, en
prêtant cette arme
à un plus noble manieur d'épée.
Lui-même n'osa pas
risquer sa vie sous le tumulte des
vagues,
prouver sa valeur : il y perdit sa
gloire,
son renom de héros. Rien de tel
pour son partenaire
une fois achevés ses préparatifs
en vue du combat.
Illustration de Kari Kuukasjärvi.
Strophe XXIII :
Lutte de Béowulf et de l'Ogresse :
Il semble ici que le traducteur
ou l'une des personnes chargée de la copie se soit admirablement
planté... Au sens mythologique le Troll n'est pas à comparer
avec l'Ogre (d'autant qu'ils ne proviennent même pas des
mêmes régions) mais, nous aurons tout le temps d'en reparler une
autre fois.
Beowulf, fils d'Ecgtheow, prit la
parole :
"Rappelle-toi, illustre fils
d'Healfdene,
roi plein de sagesse, maintenant que
j'entame cette épreuve,
rappelle-toi, généreux seigneur,
ce dont nous sommes convenus :
si je devais en te portant secours
quitter cette vie, tu devrais
désormais,
moi parti, agir comme un père à
mon égard.
Protège de ton bras mes jeunes
compagnons,
mes proches camarades, si la mort au
combat m'emporte.
De même, vénérable Hrothgar,
envoie à Hygelac
les trésors que tu m'as donnés.
Le seigneur des Gauts, à la vue de
cet or,
lui le fils de Hrethel, en
contemplant ce trésor,
pourra se rendre compte que j'ai
trouvé
un noble seigneur dont la
munificence m'a comblé.
Et remets à Hunferth au vaste renom
son antique héritage, l'épée
ondoyante,
le fer inentamable. Avec Hrunting
j'acquerrai la gloire ou bien la
mort m'emportera. "
Sur ces mots le chef des
Gauts-Wèdres
s'élança héroïquement sans
attendre
de réponse. Le bouillonnement des
vagues se referma
sur le guerrier. Une bonne partie du
jour se passa
avant qu'il pût constaté qu'il
avait atteint le fond.
Aussitôt la bête qui sur l'espace
aquatique
régnait férocement depuis cent
saisons
en impitoyable rapace perçut qu'un
humain
était descendu explorer le domaine
des êtres étranges.
Alors elle l'agrippa, s'accrocha au
guerrier
par ses horribles griffes sans
néanmoins mettre à mal
son corps, demeuré sauf : son
enveloppe de mailles le protégeait
la tunique aux mailles entrelacées,
en y enfonçant ses doigts haineux.
Alors la louve des mers, une fois
touché le fond,
traîna dans son repaire le prince
et sa carapace,
ainsi empêché, malgré toute sa
bravoure,
de brandir ses armes, tandis qu'une
foule de monstres
le harcelait dans l'eau, que de
nombreux fauves aquatiques
voulaient de leurs crocs déchirer
son vêtement de combat,
qu'il était la cible de terribles
ennemis. Puis le héros
se retrouva dans une sorte de
grand-salle peu amène
où il échappa à l'élément
liquide,
le plafond le mettant hors
d'atteinte
de l'assaut des flots. il aperçut
un foyer :
la flamme claire brillait de tout
son éclat.
Représentation de Grendel par Alex Shatohin.
Le noble héros vit alors la
réprouvée des abîmes,
la puissante femelle de l'étang. Il
asséna un grand
coup d'épée, son bras ne retint
pas la course de l'arme
si bien que sur le crâne du monstre
le glaive ouvragé
fit retentir son chant vorace -
mais, à la surprise de l'intrus,
l'épée flamboyante refusa de
mordre,
de causer mortelle blessure : l'épée
faillit à son maître
au pire moment. Elle avait pourtant
enduré
plus d'un affrontement, brisé plus
d'un casque,
enfoncé la mort à travers les
mailles. Pour la première fois
le précieux joyau manquait à son
renom.
Il redoubla d'ardeur, sans perdre
courage,
ne songeant qu'à sa gloire, lui, le
neveu d'Hygelac.
Il jeta l'épée finement ouvragée
dans sa colère de guerrier : la
voilà gisant à terre,
roide et froide lame d'acier. Il
s'en remit à sa propre force,
à la puissance de sa poigne. Ainsi
doit faire
celui qui au combat veut obtenir
durable louange : il ne songe guère
à sauver sa vie.
Le chef des Gauts-Belliqueux, sans
état d'âme,
saisit la mère de Grendel par
l'épaule
et, implacable, plein de fureur, fit
basculer
sa mortelle ennemie et la plaqua au
sol.
Elle riposta aussitôt toutes
griffes dehors
en s'agrippant à lui. Alors
trébucha
sous le choc le plus solide des
guerriers,
les jambes se dérobèrent, il
tomba.
De sa masse elle pesa sur son
visiteur, tira son coutelas
à lame large et brillante, décidée
à venger son fils,
son unique progéniture, mais il
avait sur les épaules
le corselet aux mailles entrelacées,
qui lui sauva la vie
en interdisant d'entrer à la pointe
ou au fil du coutelas.
Selon l'auteur de cette version de
Beowulf, les "Ogres" (décidément c'est une
manie...) possèdent un cuir aussi résistant que celui des Dragons
(on appelle ça des écailles chez nous), qui résiste aux armes des
hommes. La seule manière de les pourfendre est d'employer contre
eux leurs propres armes gigantesques (je ne sais pas d'où l'auteur
tire cette information, mais une chose certaine : nous n'avons pas dû
lire les mêmes livres).
Le fils d'Ecgtheow, le chef des
Gauts
aurait péri au profond du vaste
monde
si son armure, les dures mailles du
corselet
ne l'avaient secouru,
une heureuse issue une fois que le
héros fut à nouveau debout.
Représentation d'un des fameux Trolls de glace de Skyrim.
Strophe XXIV :
Victoire grâce à l'épée des
Titans :
Bon là on passe de l'Ogre au
Titan... autant dire que le type chargé d'écrire les titres
des strophes, avait le respect du mythe dans ses dernières priorités
(les Titans sont originaires de la mythologie grecque
pour information, ils sont donc à des lieues des terres nordiques).
Il vit entre les autres armes un
glaive de vainqueur,
une antique épée de géant au dur
tranchant,
fierté de combattant. C'était la
plus belle des armes
encore que sa grande taille eût
empêché tout autre guerrier
de l'emporter au jeu du combat,
magnifique chef d'oeuvre des Titans.
Beowulf face à la mère de
Grendel (par Noel D. Hill).
Le champion des Scyldiens la saisit
par la garde,
brandit l'épée ouvragée avec fureur,et, au péril de sa vie, en frappa un coup plein de colère
qui atteignant violemment la bête au cou
lui brisa les vertèbres. Le glaive trancha de part en part
le corps, et la vie : la bête s'écroulant sur les dalles.
L'épée suait le sang, le guerrier exulta.
L'épée flamboyait, il faisait jour à l'intérieur
autant que brille sur la terre
le flambeau du firmament. Le héros inspecta la salle,
il en fit le tour ; le vassal d'Hygelac
tenait droite son arme, bien en main,
farouche et résolu. L'épée n'avait pas encore
fini de servir : il avait hâte
de faire payer à Grendel les nombreuses attaques
qu'il avait menées contre les Danois-du-Couchant
un nombre incalculable de fois :
il avait massacré les commensaux de Hrothgar
en plein sommeil, il avait dévoré quinze
victimes prises parmi les Danois
et emporté quinze autres
comme affreux butin. L'implacable champion
le lui fit payer si cher que sous ses yeux
gisait Grendel épuisé par la lutte,
sans vie, si funeste lui avait été
le combat au Palais-du-Cerf. Le corps fait un bond
quand Grendel mort reçut le coup
impitoyable de l'épée et fut décapité.
Retour victorieux de Beowulf :
Sitôt que les gens avisés
qui aux côtés de Hrothgar scrutaient l'étang
virent s'accentuer l'agitation des vagues
et les eaux se teinter de sang, ces vieillards chenus
qui entouraient le noble roi furent unanimes à dire
qu'ils perdaient tout espoir concernant le prince,
de le voir victorieux revenir
auprès de leur illustre chef. De l'avis général
la louve des eaux l'avait mis en pièces.
Lorsque arriva l'heure de none, les vaillants Scyldiens
quittèrent la corniche, et leur généreux seigneur
prit le chemin du retour. Les hôtes gauts restèrent,
l'âme abattue, le regard fixé sur l'étang.
Ils souhaitaient sans y croire qu'ils reverraient
leur aimable seigneur. - Puis l'épée se mit
sous l'effet du sang à se dissoudre en terribles stalactites,
le glaive à disparaître. C'était grande merveille
que l'arme fondît tout entière, pareille à la glace.
Le prince des Gauts-Wèdres ne prit de ces lieux
nul autre trésor, bien qu'il en aperçût beaucoup,
que la tête du monstre ainsi que la poignée du glaive
d'or chatoyant. L'épée avait fondu,
son damas avait disparu sous la chaleur du sang
et l'effet du venin du démon, mort dans ses murs.
L'auteur de cette version semble soutenir mordicus que le sang de ces créatures était aussi brûlant que celui des Dragons au point de faire fondre l'acier. Autre petite précision, "l'heure de none" désigne la neuvième heure du jour. Pour les Romains, le jour comme la nuit étaient divisés en douze heures égales. On peut donc situer "l'heure de none" aux environs de quinze heures.
Le héros se hâta de repartir à la nage, ayant survécu
aux assauts des fauves, il remonta en fendant les eaux.
Les vagues tourbillonnantes étaient entièrement purifiées
sur tout leur vaste domaine depuis que le démon
avait quitté la vie et ce monde éphémère.
Le héros, casque et panache de ceux qui traversent les flots,
nagea résolument jusqu'à toucher terre. Il se réjouit
du lourd butin qu'il avait rapporté avec lui.
Ses compagnons vinrent à sa rencontre,
groupe imposant de vassaux heureux de retrouver leur chef,
de le revoir sain et sauf.
Un Troll des jungles (illustration de Pierra Vianello).
On se hâta d'ôter au vigoureux guerrier
heaume et cotte de mailles. Le lac s'était apaisé,
ses eaux sous le ciel nuageux gardaient la couleur du sang.
Le groupe quitta l'endroit, reprit sa marche,
l'âme en liesse on suivit le chemin,
la route connue. Avec une royale hardiesse
les hommes tirèrent de la falaise la tête du monstre,
non sans effort malgré le courage de chacun
d'entre eux. Il fallut quatre hommes
pour porter avec difficulté, fixée à une pique sanglante,
la tête de Grendel jusqu'au riche palais.
Enfin arrivèrent à la grand-salle
les farouches guerriers, les quatorze
Gauts et, les accompagnant, leur seigneur
traversa le parvis, fier au milieu du groupe.
Puis le prince pénétra à l'intérieur,
couvert de gloire après tant d'exploits,
combattant héroïque, pour saluer Hrothgar.
Ensuite on apporta en pleine salle, tenu par la chevelure,
le chef de Grendel, effrayant spectacle
pour les guerriers assemblés, et pour la reine au milieu d'eux,
spectacle prodigieux pour qui le contemplait.
Ainsi se termine l'extrait de "Beowulf". Ce texte dépeint les Trolls d'une façon peu glorieuse (sans doute à cause des derniers copistes rangés sous la bannière du catholicisme) au point d'en faire l'incarnation du mal (le fait que l'étang redevienne "normal" au moment où la mère de Grendel pousse son dernier soupir, en est une parfaite illustration).
Thrun, le dernier Troll (par Jason Chan).
Si je me suis servi de cet exemple en premier, c'était bien entendu dans une but bien précis vous vous en doutez. Il existe d'autres Trolls "célèbres", mais ces derniers ne sont populaires que dans le folklore nordique. De plus, ils ne ressemblent pas toujours à ceux cités plus haut, tant par l'apparence que par le caractère. Le chapitre suivant vous montrera quelques illustres Trolls ainsi que des espèces beaucoup moins connues que celles citées au début de cet article, vous pourrez voir qu'il existe une extraordinaire variété de tailles, couleurs, genres, moeurs dans cette famille d'Élémentaires.
Ces Trolls renommés :
Comme le Troll est associé aux éléments, il est parfaitement capable de se fondre dans le décor. Il est souvent considéré comme associé à la terre mais il est possible de le croiser partout où la nature est restée sauvage (dans les terres nordiques du moins). Je vous offre donc une petite liste des Trolls les plus marquants mais également des espèces les plus curieuses.
Trunt Trunt : Malgré mes recherches, je n'ai pas pu rassembler grand-chose sur ce fier représentant de la race des Élémentaires, si ce n'est qu'il est considéré comme le père de tous les Trolls.
Dovre-Gubben (ou Dovregubben) : Il est le souverain des Trolls des alpages (certaines mauvaises langues disent qu'il doit son titre au fait qu'il arbore la queue et le nez les plus longs de l'histoire de l'espèce). Ce vénérable roi de la terre vît à l'intérieur de la montagne de Dovre avec sa cour. Il est possible de trouver des traces de Dovre-Gubben dans la littérature. En effet, ce dernier est maintes fois décrit dans "Peer Gynt" (un drame poétique devenu pièce de théâtre écrit en 1866 par Henrik Ibsen).
Représentation de l'auguste Dovre-Gubben.
Jotul (ou Jutul de la montagne bleue) : Vu comme un antique dieu Troll des glaciers, il semble que ce dernier ait découvert un nouveau passe-temps avec l'arrivée du christianisme. Il avait en effet pris pour habitude, afin de tuer le temps, de jouer aux quilles en prenant pour cible les églises que les paysans avaient le culot d'ériger sur ses domaines.
Sjotroll (aussi appelé Drang-Drangen) : La gueule toujours ouverte sur un gouffre hérissé de crocs acérés, Sjotroll est un gigantesque Troll des mers. Le corps couvert d'algues et d'herbes marines, il sort de l'onde les jours de tempêtes et crée des raz-de-marée en frappant les vagues de ses vastes mains palmées.
Sjotroll déchaînant sa fureur.
Fossgrimen (ou Fidler) : le terme "foss" signifie cascade ou rapide, "grim" laid, hideux et pourtant ce Troll des torrents n'a rien de repoussant, que du contraire ! Ses cheveux sont blonds, son corps harmonieux et soyeux et il joue merveilleusement du violon. Peut-être trop divinement en fait... car grâce à ses mélodies envoûtantes, il charme et attire les passants afin qu'ils plongent au fond des flots tumultueux de son repaire.
Les Brotrollet : Cette sous-espèce a donné naissance a bien des contes (rappelez-vous les fameuses histoires de ponts qui abritaient souvent un Troll en dessous). Ce charmant Élémentaire a pour habitude de s'approprier les ponts non pas pour dévorer les badauds, mais bien pour réclamer un droit de passage (même aux autres Trolls, c'est dire comme son avarice est proverbiale) et gare aux mauvais payeurs...
Un Brotrollet par Larry MacDougall.
Les Tuftefolk : Ces créatures semblent par alliance et mariages avec les Nisse et Tomte (sorte de Lutin nordique pour faire dans la caricature rapide) s'être rapprochés des maisons et des fermes des mortels, sans pour autant se laisser domestiquer (et c'est heureux).
Les Vesle Tomten : Il s'agit d'un Troll qui a perdu ses caractéristiques physiques au profit de celles du Tomte, mais a conservé ses instincts. Il influence les animaux à reprendre leur liberté, encourage les taureaux à encorner, les chèvres à tuer, les chiens à mordre, les taons à piquer...
Les Tusslader (ou les garnements du tunnel) : La caractéristique qui frappe le plus est qu'ils sont petits, si petits qu'on ne les remarque pas, mais leurs méfaits sont si terribles qu'il vaut mieux abandonner le logis qu'ils ont parasité. Aucune ruse, talisman, aucun exorcisme ne parvient à les déloger.
Illustration apaisante (de Larry MacDougall).
Les Trollkärringar (ou Trollpackor voire Trollkonor ainsi que Trollkoner) : Elles sont les épouses Trolls et possèdent certains pouvoirs magiques. Ces Trolls femelles sont fort semblables à leurs époux (au niveau des standards de beauté).
Les Huldres : Je réserve ces charmantes Élémentaires pour un jour prochain (donc en attendant faites preuve de patience).
Des Trolls et des chrétiens :
Après avoir vu ces nombreuses espèces de Trolls, nous pouvons facilement déduire que ces derniers incarnent le côté sauvage et indomptable de la nature elle-même. Nous assistons d'ailleurs à une métamorphose de leur part lorsque le culte des chrétiens a commencé à prendre de l'ampleur dans les terres du nord, une sorte d'adaptation en réaction au fanatisme que mettaient certains missionnaires chrétiens à convertir le peuple.
Superbe illustration de Larry MacDougall (à nouveau).
Le plus "illustre" d'entre-eux (de par sa sinistre réputation) n'est autre que : Thangbrandr. C'est vers le XIème siècle que cet infâme personnage, sous les ordres du roi Olafr Tryggvason, s'est mis en devoir, de convertir les habitants de l'Islande par des méthodes douteuses. En effet, ce missionnaire semble avoir pratiqué un prosélytisme fort discutable au point d'avoir laissé derrière-lui quelques cadavres... Dénué de scrupules, ce dernier, selon la légende, aurait tué deux poètes qui auraient eu "l'impudence" de le critiquer dans leurs vers, trucidé un sorcier (peut-être un Thulr) qui lui aurait jeté une malédiction et combattu un guerrier païen, en parant ses coups d'épées à l'aide d'une croix (j'ai un gros doute sur la véracité de ce passage là).
Chose "amusante", après l'intégration du christianisme au sein du folklore scandinave, les Trolls ont commencé à développer une haine pour les cloches d'églises et l'odeur des chrétiens.
De façon plus moderne, quand une personne est appelée : Troll, il s'agit alors de quelqu'un qui est capable de manger de la chair humaine ou qui commet d'autres actes socialement inacceptables (comme le viol par exemple)...
Conclusion :
Les Trolls sont pour moi une splendide incarnation de la nature sauvage, une sorte de rappel qu'aussi généreuse qu'elle soit, cette dernière peut se montrer cruelle, surtout lorsque nous abusons de ses dons. Si vous avez la chance un jour de partir dans le nord :
"Scrutez là où le torrent gronde, où la montagne est vertige, où l'eau devient regard et la racine visage."- Pierre Dubois.
Et peut-être aurez-vous la chance d'apercevoir l'un de ces paisible colosse, en train de scruter l'horizon afin d'admirer le flot du temps.
Idraemir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire