Si je vous parle de Sleepy Hollow,
je parierai ma main gauche que la moitié de l'assemblée qui lira
ces quelques lignes, hurlera immédiatement le nom de Tim
Burton... Pour ma part, je ne m'attarderais pas sur cette
référence cinématographique mais, me pencherais plus volontiers
sur l'origine de Sleepy Hollow ainsi que son pendant Irlandais
le Dullahan.
Le cavalier sans tête et le
Vallon endormi :
Pour commencer, parlons de la légende
du cavalier sans tête. A l'origine, ce dernier était un spectre qui
prenait l'apparence d'un cavalier décapité et errait dans la nuit.
L'un de ces spectres, nommé : Hessian au Galop, originaire de
la Hesse, aurait eu la tête emportée par un boulet lors de
la guerre d'indépendance. Chaque nuit le cadavre décapité du
soldat quittait sa tombe, montait sur son cheval et retournait sur le
champ de bataille pour retrouver sa tête.
Ensuite, La Légende du Val dormant.
Sleepy Hollow donc (le cavalier porte aussi ce même nom donc
n'allez pas vous triturer le cerveau pour tenter de dénouer le
tout), est une nouvelle écrite par l'américain Washington Irving
(1819) contant les exploits dudit cavalier sans tête,
tenant son chef dans les bras et se manifestant près d'un ruisseau
situé dans le Vallon endormi, sur l'Hudson.
Pour vous en faire le résumé, Ichabod
Crane, jeune maître d'école, vient s'installer (et enseigner) dans
le "Val dormant". Logé, nourri et blanchi
par les fermiers des environs, Crane, sans doute motivé par l'ennui,
ne tarde pas à se prendre de passion pour les récits fantastiques
de fantômes, sorcières et revenants qui peuplent la région (selon
les dires d'Irving, un docteur allemand ou encore un chef amérindien
aurait jeté un sort sur Sleepy Hollow, conduisant ses habitants à
avoir toutes sortes d'hallucinations).
Par la suite, Ichabod tombé amoureux
de la fille (Katrina van Tassel) d'un riche fermier, entreprendra de
faire la cour à cette dernière afin de l'épouser. Cependant, notre
jeune maître d'école devra faire face à un adversaire de taille :
Brom van Brunt, surnommé "Brom Bones". A la suite d'une
réception donnée par le baron van Tassel (le père de Katrina)
Ichabod repartira sur les routes l'air affligé (probablement après
avoir essuyé un refus de la part du paternel de Katrina) et c'est là
que le cavalier sans tête fera sa sinistre apparition.
Poursuivi par cette sinistre entité, le petit maître d'école la peur au ventre, s'enfuira au triple
galop jusqu'à ce qu'il atteigne une église non loin de là.
Le cavalier spectral, lui lancera au visage sa tête en guise de projectile (dans d'autres versions plus
édulcorées, il brandit une lanterne de citrouille embrasée et la
projette à la manière d'un feu-grégeois) et le lendemain, les habitants de Sleepy Hollow découvriront sur les lieux du crime : la selle du cheval d'Ichabod, son chapeau et plus loin, une citrouille, mais, aucune trace de l'infortuné maître d'école...
Si vous désirez connaître la fin et les détails de cette histoire, je vous conseille vivement de dénicher la nouvelle de Washington Irving afin de vous faire votre propre idée sur le sujet...
Le Dullahan de nos jours :
Représentation classique du Dullahan pour les rôlistes (illustré par Matthew McKeow).
Lorsque je parle de Dullahan, un
gamer ou rôliste me citera de suite quelques exemples comme la série
Castlevania, Golden-Sun voire encore Shining Force
(pour les vieux de la vieille), un cinéphile chevronné pourra
également me mentionner le long-métrage d'animation : "Legend
of Sleepy Hollow", produit par les studios Disney et
sorti en 1949 (cherchez un peu et vous finirez par tomber
dessus). Mais, à travers ce charmant personnage qui prend toujours
la peine de se découvrir le chef à votre approche, se cache une
origine légèrement plus complexe. Toutefois, avant d'entrer dans le
vif du sujet, je me dois de vous faire faire un "bref"
détour, afin que vous preniez connaissance d'un ancien conte
irlandais (dont je n'ai malheureusement pas pu trouver la date ou la
source), au titre peu flatteur pour la gent féminine...
La bonne femme :
Par un soir d'été, sur une route
d'Irlande, tranquille et déserte, un maquignon nommé Larry
s'en revenait de la foire de Cashel (il existe en Irlande cinq
endroits qui portent ce nom, donc je ne saurai pas vraiment vous dire
la provenance exacte de cette légende) où il avait acheté un
mauvais cheval qu'il montait. Il n'était pas fâché de son
acquisition, car il espérait bien le refiler à plus naïf que lui.
Soudain, il se prit à remarquer une femme qui marchait à pas
rapides à côté de son cheval, ayant l'air de se hâter... Sans
doute voulait-elle éviter de se laisser surprendre par la nuit toute
proche. Elle portait le large manteau à capuchon des paysannes
irlandaises, qui ne laisse rien deviner du visage qu'il abrite.
Larry, la voyant s'efforcer de
suivre la marche du cheval, se tourna vers elle et lui offrit
courtoisement de monter en croupe derrière-lui, tant qu'ils auraient
à suivre la même route. Elle ne répondit pas. Larry, la
croyant timide, répéta l'invitation. Alors, sans plus attendre,
elle sauta légèrement sur le dos du cheval, derrière le jeune
homme, et se tint à sa ceinture de ses deux mains.
"- Etes-vous bien installée, ma
chère ?" demanda Larry, avec bonne humeur.
Mais, cette fois encore, l'inconnue ne
répondit pas. Ils continuèrent à trotter, à trotter. La nuit
était parfaitement calme. On n'entendait que le bruit des sabots du
cheval sur les cailloux de la route. Aussi Larry s'aperçut-il
vite qu'un sabot de son cheval était déferré. Ils passaient alors
devant une mare ombragée de grands arbres. Le paysage était dans
les tons noirâtres qui saisissaient le coeur. L'eau de la mare était
noire. Les arbres, très touffus, étaient tous revêtus d'un lierre
au vert tristement noirâtre. Larry arrêta son cheval et mit
pied à terre. Aussitôt, la jeune femme sauta à côté de lui et,
sans dire un mot, d'un pas rapide et, aurait-on dit, glissant,
s'élança à travers champs dans la direction des vieux murs qui
entouraient le cimetière de la vieille église de Kilnaslattery.
"- Hé la ! Pas si vite, jeune
femme, pas si vite, s'il vous plaît !" s'écria Larry,
et, quittant son cheval, il s'élança vers l'inconnue.
Comme il courait derrière-elle, il lui
criait :
"- Et le prix du voyage ? J'ai
droit à un baiser de vos jolies lèvres, et je l'aurai !..."
Mais l'inconnue marchait de plus en
plus vite sans se soucier des déclarations de Larry. Enfin,
elle atteignit le mur du cimetière, qu'elle franchit sans
difficulté.
"- Par exemple ! s'écria Larry,
en voilà une qui se moque de vous... Mais elle ne m'aura pas, elle a
beau avoir de la tête, j'ai aussi la mienne !"
Et, sautant à son tour le mur du
cimetière, il dégringola brusquement de l'autre côté.
Qu'elle poursuite dans le cimetière...
Larry se cognait aux pierres des tombeaux, heurtait des débris
de cercueil, se cognait à l'ossuaire, se déchirait aux ronces et
aux branchages dont les épines l'accrochaient et le retenaient au
passage (son obstination et sa bêtise sont dignes d'éloges).
Cependant, l'inconnue au manteau
s'avançait à travers le cimetière et ses obstacles, d'une marche
légère et rapide, comme si elle eût gaiement tournoyé dans une
salle de bal. Elle tournait et retournait autour de la vieille
église.
Larry se sentit soudain le
maître de la situation. Il se planta sur le chemin auprès de
l'église et, ouvrant les bras, il attendit :
"- Je t'atteindrai, dit Larry,
et, quand tu repasseras, je te donnerai un baiser. Eh ! Te voilà !"
Et Larry s'élança vers elle et
referma ses bras sur une femme, mais une femme qu'il ne put
embrasser... car elle n'avait pas de tête !...
"- Au secours ! s'écria Larry.
Voilà pourquoi elle ne parlait pas !"
Mais il se sentit soudain muet de
crainte et de surprise. Son sang se glaça dans ses veines.
Chancelant comme un homme ivre, il roula contre le vieux mur en
ruines, pétrifié d'horreur à l'idée qu'il avait tenu dans ses
bras un monstre sans tête, une Dullahan.
Version assez sanglante du Dullahan (par Alberto Cortes).
Quand il revint à lui, un spectacle
étrange s'offrit à ses yeux. Au milieu des ruines de l'église
s'élevait une vieille roue de torture ornée de têtes. Quant à
lui, ses membres étaient comme paralysés, sa langue incapable
d'articuler un mot. Appuyé au mur, il avait la tête penchée vers
le cimetière, tandis que les pieds pendaient le long du mur en
ruines sans toucher le sol. Il était en proie à la plus vive
terreur.
D'étranges bruits parvenaient à ses
oreilles. Il finit par distinguer des petits tintements de clochettes
qui, sans arrêt, sonnaient : Ding ! Ding ! Ding !... et il entendait
aussi un cliquettement qu'il identifia non sans terreur au bruit d'os
de squelettes s'entrechoquant. Enfin, parmi le vent de la nuit, une
cloche sonna lentement.
Un spectre sonnait la cloche... la
chaîne grinçait, la poulie craquait. Et, à chaque son de cloche,
la voûte de l'église retentissait lugubrement.
Etrange musique de danse... Mais, à
ces sons affreux, voilà que se dressèrent autour de la roue
d'innombrables silhouettes : hommes, femmes, soldats, marins, prêtres
et moines... mais, tous, ils étaient sans tête !... Dans les coins
obscurs, des squelettes moins reluisants, non admis sans doute parmi
le monde élégant... se lançaient l'un à l'autre leurs têtes...
sans cervelle !
Celle de Larry avait beau être
encore sur ses épaules... il ne savait plus où il était. Il se
débattait contre ce cauchemar ; soudain, il perdit l'équilibre et
tomba brusquement au beau milieu des Dullahans. Et chaque tête
alors de s'exclamer :
"- Salut, Larry, salut !
tandis qu'il sautait de l'un à l'autre. Vive Larry ! Qu'on
lui verse à boire !"
Alors, un des joueurs interrompant son
jeu se leva et, mettant sa tête sous son bras (sans doute de
craindre de la perdre), tendit de la main droite une coupe pleine à
Larry qui, toujours bon garçon, la vida d'un trait. Il voulut
s'exclamer : "Ah ! Le bon vin !" mais ne put articuler la
première syllabe, car voilà qu'il n'était plus à son tour qu'un
décapité... Sa tête dansait sur ses épaules, comme celle des
autres... Alors il perdit toute conscience et tomba dans le plus
total engourdissement.
Quand il revint à lui, son premier
geste fut de porter la main à son cou. Dieu merci ! Sa tête était
encore là, bien fixée sur ses épaules. Larry regarda autour
de lui. Il faisait grand jour. Il était couché auprès de la
vieille église de Kilnaslattery, sa tête (cause de tant
d'angoisse) appuyée contre le sol même du cimetière. - Jamais il
n'oublia et l'inconnue terrifiante et l'affreux cauchemar.
Katrina van Tassel sur
le point d'être attaquée par le cavalier sans tête (par Darren
Tan).
Le Dullahan :
Le Dullahan, ou cavalier sans
tête (donc lié au charmant bipède amateur d'équitation cité plus
haut), est un des spectre les plus connus d'Europe. Il hante
les terres d'Irlande les nuits d'orage, monté sur un cheval
noir au regard fou et au naseaux embrasés. Il cingle les flancs de
sa monture avec une cravache faite de vertèbres humaines (la mort
est parfois annoncée en Irlande par le claquement d'un fouet,
cette cravache en serait donc probablement une variante macabre) et
tient dans sa main sa propre tête dont il se sert comme d'une
lanterne (parfois elle est simplement attachée à sa selle,
grimaçant aux malheureux qui croisent sa route). En effet, il est
pourvu d'yeux flamboyants qui lui permettent de voir à une très
grande distance quels que soient les obstacles. Il semble également
que dans certaines provinces d'Irlande, le Dullahan
tire un attelage (voire un vaste carrosse noir contenant un cercueil)
de six chevaux noirs (qui parfois sont dénués de têtes) et porte
le doux nom de : Dead Coaches (aussi appelé coach-a-Bower).
Ce dernier semble à certaines occasions accompagner la Banshee
lorsque cet esprit psychopompe (littéralement : guide des
âmes pour les néophytes) s'en vient annoncer le décès d'un membre
de la maisonnée par ses lamentations.
Représentation possible d'un Dead Coaches (par Damien M.).
Dans tous les cas, le croiser n'est pas
une bonne nouvelle. De plus, s'il s'arrête devant une demeure et
nomme un de ses habitants, celui-ci sera mort avant l'aube. Il arrive
également qu'il frappe à une porte, L'insensé qui commettra
l'erreur d'entrebâiller l'huis pour le voir, recevra aussitôt une
gerbe de sang (ou un baquet de sang si le Dullahan est en
veine de générosité), ou aura son œil crevé. Enfin, son cheval
(ou son attelage) court à une vitesse telle que lorsqu'il traverse
un village, il y laisse une trainé de flammes. Ces créatures
spectrales qui semblent être une spécialité locale irlandaise vont
parfois hanter d'autres lieux... en 1807, à Saint James
Park (le plus ancien des huit parcs royaux de Londres),
deux sentinelles sont mortes d'effroi pour en avoir vu un...
Pour en revenir à ses origines, il
semble que notre fier cavalier soit issu de deux sources principales.
La plus récente, vient des écrits de Washington Irving qui
le voit comme un soldat à la tête arrachée pendant la guerre.
L'autre (bien plus ancienne et probablement la plus légitime des
deux, sans oublier qu'elle constituerait probablement la principale source d'inspiration d'Irving pour sa nouvelle) proviendrait du dieu celte : Crom Dubh, auquel on
offrait des sacrifices humains par décapitation. Privé de ses
adorateurs, le dieu serait obligé d'arpenter les chemins pour
chercher le sang dont il est si friand. Je tiens toutefois à
rajouter qu'à l'origine, Crom Dubh (Le mot dubh
signifierait noir tandis que Crom pourrait-être rattaché aux
cromlech) était un dieu de la fertilité celte. Mais, le
temps passant et le christianisme prenant de l'ampleur, il fût
considéré comme déité maléfique par le clergé afin de supprimer
les croyances paganistes (le paganisme fait référence à
toute personne croyant en plusieurs dieux).
L'hypothèse de la diabolisation de ce dieu semble tenir la route vu que le site qui lui était dédié à été assigné à saint Patrick... Croagh Patrick ("Cône de Patrick") est un impressionnant pic de quartz qui ressemble étrangement à une pyramide bleutée. Haut de 770 mètres au-dessus de la mer occidentale, cette montagne irlandaise est vue comme l'un des sites les plus sacré. Selon la légende, saint Patrick aurait jeûné sur ce site durant quarante jours et quarante nuits (ça me rappelle quelque chose tiens...) en 441 après JC, afin de chasser tous les serpents et autres "forces démoniaques"... L'un des "Démons" était une entité féminine, qui était probablement la déesse locale de l'eau, tandis que l'autre était le pauvre Crom Dubh. Son culte réduit à néant et diabolisé par le christianisme, le site qui lui était dédié confisqué, je puis facilement comprendre qu'une divinité de la fertilité se soit tourné vers une route plus sanglante et sinistre... et vous ?
Idraemir
Idraemir
"Si je vous parle de Sleepy Hollow, je parierai ma main gauche que la moitié de l'assemblée qui lira ces quelques lignes, hurlera immédiatement le nom de Tim Burton"
RépondreSupprimer*Lève tristement la main*
En tout cas je te remercie pour cet article, je ne connaissais que vaguement cette légende et pourtant je la trouvais (/trouve) intéressante.
J'ai beaucoup aimé lire l'évolution de la perception de ce personnage également, et encore une fois on se laisse porter par les illustrations qui sont bien choisies et définissent toutes un trait intéressant de Sleepy Hollow.
Je te remercie de l'avoir lu, nous sommes quittes ainsi.
Supprimer"je ne connaissais que vaguement cette légende et pourtant je la trouvais (/trouve) intéressante."
C'est toujours en creusant que l'on trouve des mythes et légendes plus méconnus mais plus intéressant par leur aspect unique.
"J'ai beaucoup aimé lire l'évolution de la perception de ce personnage également, et encore une fois on se laisse porter par les illustrations qui sont bien choisies et définissent toutes un trait intéressant de Sleepy Hollow."
Il m'aura fallu m'y reprendre à 2 fois pour toutes les trouver en vérité (l'article de base a été 2 fois remanié depuis sa création). Vu que je m'oblige à trouver un panel d'illustrations variées et de qualité pour chaque article, la recherche en image prend parfois (souvent) un temps infini avant que je ne sois satisfait (et j'en rajoute souvent en cours de route).
hello ! encore moi! c'est la première fois que je fais un tour sur un autre forum que ceux de Dark souls hehe, je voulais donc savoir si tu connaissais l’étymologie de Dullahan, bien souvent elle permet de faire des rapprochements entre plusieurs mythes.
RépondreSupprimerJour-bon (et bonne et nouvelle année en passant !).
SupprimerRavi de voir que mes écrits t'intéressent (en sus de la "mythologie Darksoulienne").
Hummm, il me semble que son nom signifie "Sans Tête". Vu qu'il est considéré dans les mythes Celtiques que la tête était le siège de l'Âme, on peut éventuellement voir le Dullahan comme un être pouvant se séparer de cette dernière.
À quels mythes précis fais-tu référence ?
Un article très intéressant, en ce moment je m'intéresse aux contes et légendes, je te remercie donc grandement pour ce que tu m'as appris!
RépondreSupprimerRavi que l'article ait plu. N'hésite pas à farfouiller dans les autres textes disponibles (souvent plus complets) ou dans les contes et légendes qu'il m'arrive de remanier et publier ici pour les périodes de fête.
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